12. Le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1918.
(pp.258-293)
« Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples. Je savais qu'au
milieu de facteurs enchevêtrés une partie essentielle s'y jouait. Il fallait donc en
être. »
De Gaulle, 1954, Mémoires de guerre, t.1, à propos des événements de 1941.
1. Les enjeux de la région.
(cartes 2 p. 261 et 1et 2 p. 262-3)
a. Des enjeux humains qui fracturent la région de toute antiquité :
- des peuplements divers, véritable palimpseste des empires et des migrations :
° carrefour de civilisations, successions d'empires antiques qui ont laissé des traces
archéologiques (Babylone, Egypte, Perse ou Iran) ; naissances des villes et de
l'agriculture dans le Croissant fertile ;
° invasions arabes lors de l'Hégire (VIIème siècle) et empires des omeyades (Da-
mas) puis des abbassides (Bagdad) jusqu'au XIIIème ; invasion turques et empire
ottoman du XIVème au XXème siècle (califat d’Istanboul) ;
° substrats autochtones importants : Arméniens, Kurdes (60M dispersés sur 4
pays), Coptes, Druzes … ; souvent articulés avec des religions minoritaires ; per-
sécutions persistantes ;
- au cœur de l'invention des monothéismes et de leur concurrence :
° succession des 4 monothéismes, zoroastrisme (-, disparu de la région), ju-
daïsme (-VI°), christianisme et islam (+VI°)(liés entre eux) ;
° lieux saints et en particulier Jérusalem et son imbrication de 3 ; voir plan de Jé-
rusalem p. 22 et dossier pp.30-33 ; ne pas oublier Constantinople pour les or-
thodoxes, ou le Mt Ararat pour les Arméniens ;
° leur prosélytisme a fait de la région le cœur des tensions religieuses mondiales ;
situation actuelle : traces encore notables de christianisme originel (melkites, ma-
ronites, coptes, chaldéens, arméniens, syriaques, …) ;
° domination écrasante de l'Islam mais lui aussi profondément fracturé : sun-
nites (85%) et chiites (10%, mais 90% en Iran), mais aussi druzes, ismaïliens,
ibadites, alaouites, wahhabites, soufisme, … ; là aussi source de tensions et
traces de l'histoire musulmane (succession du prophète, statut du clergé, rôle de
la loi religieuse, …) ;
- des déserts et des nomades affrontés à la domination de grands centres urbains :
° fondamentalement, des déserts peu peuplés encadrés par des régions + peuplées
(Egypte, Turquie et Iran) ; milieu rude, montagnes refuges, importance des cours
d'eau et des oasis (voir Tigre et Euphrate, Jourdain, Nil) ;
° forte tradition nomade arabe, d'où tradition guerrière mais aussi commerçante et
maritime ;
° bousculé par l'intrusion d'Etats constitués aux instituions rigides, héritage en
particulier des Byzantins ;
b. Des enjeux géostratégiques qui mettent aux prises les plus grandes puissances euro-
péennes :
- décadence de l'Empire ottoman, homme malade de l'Europe, crée un vide politique
dans la région (p. 264) :
° décadence ottomane au XIXéme siècle, passe sous la coupe financière des Euro-
péens, forcé d'abandonner bien de ses provinces lointaines ;
° essais de réforme peu efficaces, humiliantes défaites militaires ; économie aux
mains des Européens, minorités chrétiennes "protégées" par la France, Détroits
menacés par les visées russes et britanniques ;
° d'où révolution 'Jeune Turc" de 1908 très inspirée par la France et sa Révolution,
jeunes officiers nationalistes qui prônent une occidentalisation autoritaire pour
restaurer l'Empire ; parmi eux, Mustapha Kemal ;
- la route des Indes rend les Anglais sourcilleux sur tous les événements moyen-
orientaux, le "Grand Jeu" s'élargit au Moyen-Orient après s'être focalisé sur l'Afgha-
nistan :
° présence française importante en Egypte (canal de Suez) et dans toute la région
au nom de la défense des chrétiens de l'Empire ; forte présence à Jérusalem pour
les "Lieux Saints" et la recherche archéologique ;
° RU s'impose en Egypte fin XIXème, à Chypre et joue Constantinople pour pro-
téger leurs intérêts contre les menées allemandes (le BBB) et la présence française ;
- les débuts de l'exploitation du pétrole aggravent les tensions entre grandes puissances
européennes mais aussi américaines :
° découverte 1erS gisements en 1855 sud-ouest de la Perse dans les monts Zagros,
concédé par le Shah début XXème siècle à un Canadien ;
° mais importance pour la Navy et intérêts allemands progressant avec le BBB ainsi
que prospections américaines, RU s'y inresse : envoi de troupes, établissement
du protectorat sur les émirs du Koweït et de Bahreïn ; 1er puits exploité à partir de
1908, fondation de l'APOC (BP aujourd'hui) dont 51% des parts au RU et cons-
truction de la raffinerie d'Abadan ; fondation de la Royal Dutch Shell puis de l'Aram-
co par la Standard oil en 33 ;
° au même moment, "Jeunes Turcs" fondent la Turkish Petroleum (gisements d'Irak)
; avoirs allemands confisqués lors de la IGM ;
1910 : prod 40MT, 1920 : 100MT ;
° problème du niveau des royalties ;
c. Le nouement des problèmes avec les années de la 1ère guerre mondiale et ses traités de
paix :
- participation de la région au conflit provoque de forts bouleversements stratégiques :
° Ottomans alliés des Allemands : leur armée formée par Allemands, lutte contre
l’Empire Russe vis-à-vis des Détroits et du pétrole perse, lutte aussi contre ingé-
rences des Anglais et des Français ; une des rasions du génocide arménien invo-
quées par les Turcs est leur alliance avec les Russes dans leur invasion du nord du
pays ;
° d’où choix des Alliés d’encourager les nationalistes arabes contre les Turcs,
aventures de Lawrence d’Arabie, soutien aux cheiks d’Irak et de Jordanie, armées
anglaises s’emparent de Bagdad et de Jérusalem, promesse à Ibn Saoud de La
Mecque d’un grand royaume arabe indépendant ;
° Fr et Angl s’entendent sur le futur partage de l’Empire et promettent aux
arabes des Etats indépendants mais en même temps accords secrets Syke-Picot
en mai 16 qui provoquent la colère des arabes ; autre sujet de colère : la déclara-
tion Balfour en novembre 17 qui promet la création d’un « foyer juif » à Jérusa-
lem ;
- 2 traités successifs de Sèvres et de Lausanne nécessaires pour faire plier les Turcs et
faire naître une Turquie moderne sur les ruines de l’Empire du Sultan :
° en 20, Empire O doit signer traité de Sèvres : Turquie réduite à l’Ouest de
l’Anatolie, perd Arménie, Kurdistan, Smyrne et toutes ses terres arabes données
en mandats aux Britanniques (Irak, Jordanie et Palestine) et aux Français (Syrie,
Liban) ; Turquie démilitarisée et occupée par les armées alliées, Détroits interna-
tionalisés ;
° refus par M Kemal qui lance une guerre d’indépendance, chasse les Grecs de la
côté anatolienne, écrase les Kurdes et les Arméniens afin que la Turquie possède
toute l’Anatolie ; d’où traite de Lausanne de 23 pour officialiser la nouvelle situa-
tion ; énormes transferts de population pour respecter les nouvelles frontières
dessinées ;
° et surtout chute du califat et reconnaissance du pouvoir de Kemal Atatürk et
d’Ankara ; création d’un pays laïc et moderne ;
- problématique coloniale s’installe dans la région qui provoque les débuts de l'Islam
politique :
° revendications d’indépendance des arabes contre mes mandats français et an-
glais ;(p. 265) seuls Egypte en 22 et Irak en 32 reçoivent leur indépendance ;
° fondation des Frères Musulmans 28 en Egypte : revivification de l’Islam poli-
tique, retour du wahhabisme ; 200.000 militants dès la IIGM ;
Grand Mufti de Jérusalem et roi Fayçal de Jordanie luttent contre les sionistes en
Palestine et pour l’instauration d’un grand royaume panarabe centré sur la Syrie ;
se pose déjà la question du lien entre nationalismes arabe (+ général) et palesti-
nien (+ particulier) ;
° tensions et émeutes à Jérusalem, violences entre arabes et colons juifs en 1920
et surtout en 1936-7 qui font plusieurs milliers de morts ; ce qui pousse les co-
lons juifs à organiser la Haganah, embryon de la future armée israélienne ;
2. Au cœur des rivalités internationales.
a. La montée du nationalisme arabe :
- la région dans la 2GM :
° canal de Suez stratégique ainsi que pétrole du MO ; tentatives d'abord italiennes
puis allemandes pour s'en emparer : depuis le Maghreb avec l'Afrikakorps et de-
puis la Crète prise aux Anglais ;
° d’où manœuvres allemandes pour soulever nationalistes arabes contre RU et
Fr ; grande complicité avec le Grand Mufti de Jérusalem qui collabore à fond
avec les nazis ;
° révoltes dans le mandat français de Syrie, problèmes de ses aéroports au service
de la Luftwaffe ; mais aussi colère des Iraniens contre leur participation forcée au
ravitaillement de l'URSS en pétrole sous les ordres britanniques ;
- nationalisme arabe anticolonial prend son envol après la guerre :
° dans ambiance anticoloniale de l’après-guerre, création de la Ligue arabe au
Caire (45) pour manifester l’unité de la Umma et la volonté d'indépendance de
tous les pays arabes (Liban, Syrie et Jordanie en 46, Palestine en 48, Koweït en
61, Yémen en 67 et enfin Emirats du Golfe en 71) ;
° avivé par la création d'Israël et la question palestinienne (pp. 276-7) : arrivée
massive de réfugiés d'Europe centrale à la fin de la guerre embarrasse les Britan-
niques ; tensions, attentats, RU charge l'ONU de régler la question : plan de par-
tage décidé (3 entités israélienne, arabe et Jérusalem internationalisé ; mai 48 :
proclamation de l'Etat d'Israël entraîne immédiate guerre contre Etats voisins et
exil des Palestiniens dans camps de réfugiés ; voir cartes p. 284-5) ;
- nationalisation des ressources pétrolières :
° intérêts américains pour pétrole de la région croît : rencontre entre roi
d'Arabie et Roosevelt en 45 : échange aide militaire contre pétrole ;
° aventures de Mossadegh en Iran : formé en France, démocrate en lutte
contre le pouvoir autoritaire du shah, devient en 51 1er ministre du jeune shah
Reza Pahlavi avec appui des religieux chiite ; nationalise alors l'AIOC et ex-
pulse les Britanniques ; entre alors en conflit avec le shah inféodé aux Britan-
niques, shah finit par s'enfuir devant soutien populaire de Mossadegh ; un
coup d'Etat militaire soutenu par la CIA le renverse en 53 et restaure le shah ;
° "mauvais" exemple donné aux autres pays pétroliers : royalties portées à 50%
et ce jusque dans les années 70 ; nationalisation des pétroles irakien et saou-
dien ;
° création de l'OPEP à Vienne en 1960 : Arabie, Iran, Irak, Koweït et Vene-
zuela ; échapper au pouvoir des majors et lutter contre la faiblesse du prix du
baril (-5$/baril) ;
b. L’emprise de la guerre froide sur la région :
- les clients des 2 camps :
° enjeux régionaux troublés un temps par menées des 2 Grands, mais très
grande difficulté pour eux à se placer dans ces enjeux contradictoires ;
° pour EU, Arabie et Turquie (OTAN) et Iran (pacte de Bagdad), plus les pays
féodaux, c'est-à-dire les monarchies pétrolières avant qu'elles soient déposées
par des révolutions nationalistes, mais aussi Israël (logique de guerre froide fait
que l'URSS qui avait commencé à le soutenir cesse devant le soutien incondi-
tionnel des EU) ;
° pour URSS, Egypte à la chute du roi Farouk (52), Syrie (pouvoir laïc du parti
Baas), Irak (même parti) et Yémen ; parti Baas est un parti laïc créé en 47, son
but est l'union de tous les pays arabes dans un Etat socialisant ; a toujours eu
des problèmes avec les militaires qui l'ont chassé du pouvoir dans les 2 pays ;
- nationalisme nassérien :
° révolution de 52 : roi renversé par de jeunes officiers nationalistes, dont le
colonel Nasser ; Egypte devient porte-parole du nationalisme arabe ;
° en représailles du refus par la Banque mondiale de financer le barrage
d'Assouan, nationalisation du canal en juillet 56 ; ce qui provoque expédition
franco-britannique (avec Israël) ; échec de l'expédition par vive opposition des
EU et de l'URSS, renforce aura de Nasser comme héros du monde arabe ;
° grand rôle à Bandung et dans la naissance des non-alignés ; mais en réalité
fortement soutenu par URSS qui finance et construit le barrage ;
° panarabisme (création de la République arabe unie avec Syrie et Yémen),
mais échec, clivages nationaux bien trop forts désormais pour toute tentative
de restaurer la umma ;
- cause palestinienne et émergence du terrorisme :
° création de l'OLP et de son armée dès 64 pour rétablir l'unité de la Palestine
sous pouvoir arabe ; mais en sommeil jusqu'à Yasser Arafat (Fatah) qui en de-
vient le chef en 68 après l'échec de la guerre des 6 jours ; prône alors la des-
truction totale d'Israël ;
° échecs des guerres des 6 jours en 67 et du Kippour en 73 ; nationalisme nas-
sérien incapable de battre Israël, mort de Nasser met déboussole nationalisme
arabe qui se lance alors dans le terrorisme international : détournements
d'avions, massacres des athlètes israéliens à Munich en 72 ; mais déstabilise les
pays riverains en s'en servant de base arrière, d'où leur expulsions successives ;
° OLP obtient une reconnaissance internationale à la Ligue arabe et surtout à
l'ONU (statut d'observateur), grâce à une modération de ses positions, ce qui
entraîne des scissions en son sein des éléments les + radicaux ;
° enfin, embargo pétrolier de 73 : pays arabe pétrolier par solidarité avec Pales-
tiniens, d’où un financement accru du terrorisme antioccidental avec la masse
des pétrodollars (rôle de Kadhafi) ; mais parallèlement, Sadate signe la paix
avec Israël, récupère le Sinaï perdu lors des 6 jours et quitte alliance soviétique
pour avoir soutien financier américain (accords de Camp David en 78) ;
c. Du nationalisme au terrorisme puis au terrorisme islamiste :
- révolution islamiste en Iran et moudjahidin en Afghanistan :
° hybris du shah, fêtes de Persépolis ; dictature policière ; armée du "gendarme du
golfe" ; révolution de 79 : le bazar el les religieux associés aux forces progres-
sistes, retour de l'imam Khomeiny et exil du shah ;
° dictature religieuse et création d'une République islamiste qui pourchasse tous
ses opposants (communiste, kurdes, bahaï, …) ; EU défini comme "grand Sa-
tan" et URSS comme le "petit" ; lance le djihad international contre l'Occident :
fatwa contre Salman Rushdie emblématique ;
° fin 79, invasion de l'Afghanistan par URSS provoque un autre abcès de fixa-
tion pour le djihad : moudjahidin affluent du monde arabe et combattent URSS
avec soutien des EU ;
- déstabilisation de la région et du monde :
° nouveau choc pétrolier de l'OPEP en 79 ;
° inquiétude des pays sunnites, en particulier de l'Arabie, lutte pour le leadership
musulman, enjeu du djihad ; assassinat de Sadate en 82 par frères musulmans
pour avoir signé la paix avec Israël ; diffusion des "Afghans" dans tout le monde
musulman où ils portent leur technique de guerre sainte ;
° guerre Iran-Irak entre 80 et 88 : Irak encouragé par autres pays musulmans et
par Occident (pouvoir laïc et société modernisée) ; mais résistance acharnée le
met en échec ; + 1 M de morts ; ainsi réactivation de l'hostilité entre sunnites et
chiites ;
° 1ère guerre du Golfe d'Irak après invasion du Koweït en 90 sous mandat ONU
et direction des EU et participation de nombre de pays arabes ; mais ne con-
cluent pas en laissant S. Hussein au pouvoir, mais sous contrôle étroit de la
communauté internationale ; où en est la umma ? où en sont les logiques de la
guerre froide ?
- pourrissement de la situation israélo-palestinienne :
° à partir de 87, 1ère intifada dans les territoires occupés, création du Hamas, isla-
miste qui concurrence la vielle OLP et Arafat par sa radicali ;
° pourtant B Clinton réussit à faire signer accords de Washington en 93 entre
Arafat et I. Rabin, suivi des Accords d'Oslo : reconnaissance mutuelle officielle,
création d'une Autorité palestinienne, embryon d'Etat, à laquelle seront transfé-
rés les territoires occupés par étapes sur 5ans ; mais points épineux non réglés :
retour des Palestiniens chez eux, statut de Jérusalem réclamée par Palestiniens
comme capitale, sort des colonies juives installées en Cisjordanie ;
° extrémistes des 2 camps s'enflamment : Rabin assassiné (95), Hamas déclenche
violences et attentats contre Israël ; d'où retour de la droite nationaliste au pou-
voir en Israël ; 2ème intifada en 2000 ;
° Israël continue la colonisation des territoires occupés, terres palestiniennes
complétement mitées surtout avec création du mur de séparation par Israël, re-
vendication d'Eretz Israël devient commune ; refus de toute concession, réaffir-
mation de la qualification de l'Etat comme juif ; et Palestine complétement écla-
tée entre Gaza aux mains du Hamas et Cisjordanie aux mains de l'OLP ; jamais
aussi loin d'un accord;
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