Maladie de Parkinson : contrôler les troubles du mouvement

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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Maladie de Parkinson : contrôler les troubles du mouvement
04/08/11
L'activité électrique spontanée des neurones dopaminergiques nous permet d'effectuer des mouvements
harmonieux. Alors qu'il a été démontré que l'entrée de calcium dans ces neurones les rend vulnérables,
plusieurs groupes de recherches se sont penchés sur le rôle des canaux calciques dans l'activité électrique
spontanée des neurones dopaminergiques. Peut-on imaginer de bloquer l'entrée de calcium pour préserver
ces cellules nerveuses sans altérer leur activité spontanée? Après des années de polémique, des chercheurs
de l'ULg apportent une contribution à cette question. Leur étude qui combine modélisation mathématique et
expérimentation est publiée dans PLoS Computational Biology (1).
Unités de base du système nerveux, les neurones nous permettent de ressentir, penser, parler et agir grâce
aux influx nerveux qu'ils véhiculent. Les quelques milliers de milliards de cellules nerveuses de notre corps
se connectent les unes avec les autres pour que nous puissions accomplir des tâches complexes et précises,
tant mentales que physiques.
Cependant, comme toute autre cellule de notre organisme, il arrive que les neurones montrent des
défaillances. Les conséquences d'un dysfonctionnement neuronal dépendront du type de neurone touché et
de l'ampleur de la défaillance.
La maladie de Parkinson est un exemple de maladie liée à un dysfonctionnement neuronal. Dans le cas
de cette affection, ce sont principalement les neurones dopaminergiques qui sont en cause. Ces neurones
se situent au niveau de la substance noire compacte et de l'aire tegmentale ventrale du cerveau. Selon leur
localisation, les neurones dopaminergiques sont impliqués dans divers mécanismes. « Dans l'aire tegmentale
ventrale, ils jouent un rôle dans le circuit de la récompense et dans les mécanismes d'addiction », explique
Guillaume Drion, doctorant en sciences biomédicales et pharmaceutiques au GIGA-Neurosciences. « Au
niveau de la substance noire, ils sont impliqués dans le contrôle des mouvements », poursuit le jeune
chercheur. Dans le cas de la maladie de Parkinson, ce sont donc ces derniers qui intéressent les scientifiques.
Comme leur nom l'indique, les neurones dopaminergiques produisent et libèrent de la dopamine. Ce
neurotransmetteur, selon qu'il est présent en petite ou en grande quantité au niveau de la synapse qui sépare
deux neurones, va avoir différents effets sur le neurone suivant. Si peu de dopamine est libérée, seuls les
récepteurs inhibiteurs de ce neurone seront activés. Si une grande quantité de dopamine se retrouve au niveau
de la synapse, ce neurotransmetteur va également aller se fixer sur les nombreux récepteurs excitateurs
du neurone suivant. L'effet de la dopamine sera alors globalement excitateur et entraînera l'initiation d'un
mouvement. (Lire : La dopamine au service du geste)
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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Les tremblements, sous le contrôle de l'activité électrique spontanée
Pour que la dopamine soit libérée par un neurone dopaminergique, il faut que celui-ci présente une activité
électrique. Suite à un stimulus, les ions qui se trouvent naturellement à l'extérieur et à l'intérieur des neurones
vont passer de part et d'autre de la membrane neuronale et provoquer l'apparition d'un potentiel d'action que
l'on appelle également « influx nerveux ». Celui-ci se propage le long de l'axone des neurones et, lorsqu'il
arrive au bout d'un neurone, aboutit à la libération d'un neurotransmetteur. C'est ce messager chimique qui
permet d'influencer l'excitabilité du neurone qui se situe en aval. L'information est ainsi transmise d'un neurone
à l'autre.
Alors que l'activité électrique de la plupart des neurones apparaît suite à un stimulus, les neurones
dopaminergiques, eux, présentent également une activité électrique spontanée. « Même en l'absence de
stimulus, on observe une production spontanée de potentiels d'action par ces neurones », indique Guillaume
Drion. « C'est cette activité électrique spontanée qui permet d'assurer des mouvements harmonieux »,
continue-t-il. Lorsqu'un pourcentage important de neurones dopaminergiques dégénère, la production de
dopamine devient insuffisante et il n'y a alors plus de contrôle fin des mouvements, d'où l'apparition de
tremblements et d'une lenteur du mouvement, voire d'une incapacité à l'initier. C'est le problème observé
chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Pourquoi les neurones dopaminergiques de certaines
personnes dégénèrent-ils ? Comment contrer cette défaillance ? Pour le savoir, il est nécessaire d'étudier
en profondeur l'activité électrique des neurones dopaminergiques et plus précisément leur activité électrique
spontanée.
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Le calcium, allié ou ennemi ?
Dans le cadre de son doctorat, et sous la supervision de ses promoteurs Rodolphe Sepulchre et Vincent
Seutin, Guillaume Drion s'est intéressé à l'effet de l'entrée des ions calcium au sein des neurones
dopaminergiques lors de leur activité électrique spontanée. « Des groupes de recherche se sont rendus
compte que l'entrée de calcium peut rendre les neurones dopaminergiques vulnérables », explique le
doctorant. Lorsque le calcium entre dans la cellule nerveuse, il y joue un rôle de signalisation, il y déclenche
d'autres réactions en cascade. « Mais la cellule ne peut garder de trop grandes quantités de calcium dans son
cytoplasme, sinon elle meurt », précise Guillaume Drion. « Chaque entrée de calcium demande donc aux
neurones de l'énergie pour faire diminuer la concentration cytoplasmique de Ca. Plus il y a de Ca qui entre, plus
le neurone dépense de l'énergie pour pomper ce calcium vers des réservoirs ou vers l'extérieur de la cellule ce
qui représente un stress pour cette dernière », poursuit le chercheur. Pour peu que le métabolisme du neurone
soit insuffisant pour assumer cette production d'énergie nécessaire à l'élimination du Ca, le neurone dégénère.
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Les scientifiques se sont donc penchés sur la question suivante : peut-on éviter la dégénérescence des
neurones dopaminergiques en bloquant les canaux calciques empruntés par le calcium pour entrer dans la
cellule ? « Cette question est étudiée depuis plus de 17 ans mais les observations expérimentales ont donné
des résultats tout à fait contradictoires », indique Guillaume Drion. Certaines études ont conclu que bloquer
les canaux calciques entraînait un arrêt de l'activité électrique spontanée des neurones dopaminergiques, ce
qui les empêche de produire une quantité constante de dopamine nécessaire au contrôle des mouvements.
D'autres études sont arrivées à la conclusion inverse : bloquer les canaux calciques n'a aucun effet sur l'activité
électrique spontanée de ces cellules nerveuses.
Modélisation mathématique et expériences, des approches complémentaires
Pour tenter de résoudre cette question, les chercheurs de l'ULg ont décidé de l'aborder avec une double
approche : la modélisation mathématique et l'expérimentation. « La modélisation mathématique permet de
comprendre les mécanismes qui régulent l'activité spontanée des neurones dopaminergiques car elle permet
de jouer avec des paramètres que l'on ne connaît pas ou que l'on ne sait pas modifier au cours des
expériences », précise Guillaume Drion. Le modèle mathématique utilisé pour cette étude a été développé à
l'ULg sur base du modèle Hodgkin-Huxley, largement utilisé en neurosciences. « C'est un modèle très simple
qui permet de reproduire l'activité électrique des neurones dopaminergiques », poursuit Guillaume Drion.
A côté de la modélisation mathématique, l'activité électrique de ces neurones a également été étudiée dans
une préparation de coupes de cerveau de rat. Les résultats obtenus grâce à l'utilisation combinée de ces deux
méthodes ont permis aux chercheurs de l'ULg de clarifier la question de l'importance des canaux calciques
pour l'activité électrique spontanée des neurones dopaminergiques. Ils sont publiés dans la revue PLoS
Computational Biology. « Nos recherches nous ont permis de conclure que les canaux calciques sont actifs
au cours de l'activité spontanée mais pas toujours indispensables », révèle Guillaume Drion.
Quand les canaux ioniques se relayent
En réalité, outre des canaux calciques, la membrane des neurones dopaminergiques est aussi équipée de
canaux sodiques pour le passage des ions sodium. Ces derniers sont également importants pour l'activité
électrique des neurones. « Ces deux types de canaux sont complémentaires. S'il y a une diminution de la
conductance calcique, les canaux sodiques permettent de maintenir l'activité électrique spontanée », explique
Guillaume Drion. Mais la capacité des canaux sodiques à prendre le relais en cas de « panne » des canaux
calciques dépend de leur nombre à la surface des neurones. « Ce nombre n'est pas constant, il varie
d'un neurone à l'autre et lorsque la quantité de canaux sodiques est faible, ils ne suffisent pas à maintenir
l'activité électrique spontanée », continue le scientifique. Difficile donc de prédire la quantité de neurones
dopaminergiques qui pourra garder une activité électrique spontanée si on bloque leurs canaux calciques…
De plus, outre son rôle dans l'activité électrique, le calcium qui entre dans les neurones y joue aussi un rôle de
signalisation afin que ceux-ci puissent réagir à d'autres stimulations. « L'empêcher d'entrer pourrait perturber
la biochimie de la cellule », souligne Guillaume Drion. A ce stade de la connaissance de l'activité électrique
des neurones dopaminergiques, on ne peut affirmer que le fait de bloquer les canaux calciques soit une bonne
piste pour lutter contre la maladie de Parkinson. Guillaume Drion et ses collègues sont d'ores et déjà en train
d'étudier l'importance du calcium intracellulaire pour la régulation de l'activité des neurones en conditions
physiologiques. « Beaucoup de choses doivent encore être analysées, tant au niveau de l'activité spontanée
que du comportement in vivo », conclut-il.
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(1) Guillaume Drion, Laurent Massotte, Rodolphe Sepulchre and Vincent Seutin. How Modeling Can
Reconcile Apparently Discrepant Experimental Results: The Case of Pacemaking in Dopaminergic Neurons.
PLoS Comput Biol, 2011, 7(5): e1002050. doi:10.1371/journal.pcbi.1002050
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