Douleurs neuropathiques = dr Minello

publicité
Douleurs neuropathiques
Docteur Christian MINELLO
Centre d’évaluation et de traitement de la douleur
Centre G.- F. Leclerc - Dijon
EPU Dijon
12 mars 2014
Introduction
• Appelées antérieurement douleur neurogène
ou de désafférentation
• Neuropathique: traduction directe de l’anglais
« neuropathic »
• Terminologie retenue par le comité de
taxonomie de l’IASP
• Douleurs neuropathiques souvent méconnues,
sous-estimées et sous-traitées
EPU Dijon
12 mars 2014
Définition (1)
• Physiopathologie
– Douleurs initiées ou causées par une lésion primitive
ou un dysfonctionnement du système nerveux
périphérique ou centrale
• Caractéristiques sémiologiques propres
– Composante continue (brûlures ou étau)
– Dysesthésies (fourmillements, picotements)
– Composante fulgurante, intermittente (élancements,
décharges électriques)
EPU Dijon
12 mars 2014
Définition (2)
• Topographie
– Territoire correspondant à la lésion neurologique
• Clinique
– Toujours associées à une perturbation des fonctions
sensitives dans le territoire douloureux (hypo ou
hypersensibilité), voire des fonctions motrices
– Douleurs retardées (intervalle libre variable)
• Peu sensibles aux antalgiques classiques
EPU Dijon
12 mars 2014
Douleur neuropathique /
douleur nociceptive
Douleur nociceptive
Douleur neuropathique
Physiopathologie
Stimulation des
nocicepteurs
Lésion nerveuse
Caractères
séméiologiques
Mécanique
Inflammatoire
Continue
Paroxystique
Évoquée
Topographie
Non systématisée
Systématisée
Examen neurologique
Normal
Déficit sensitif
EPU Dijon
12 mars 2014
Épidémiologie (1)
• Peu de données épidémiologiques sur incidence
et prévalence
• Informations parcellaires tirées d’études sur les
neuropathies douloureuses du diabète et la
douleur post-zostérienne
• Image peu fidèle car étiologies peu fréquentes
par apport aux neuropathies post-traumatiques
ou médicamenteuses
EPU Dijon
12 mars 2014
Épidémiologie (2)
• Ne sont pas rares
• Prévalence estimée : 7% de la population
générale (25% des patients douloureux
chroniques)
• Ne sont pas l’exclusivité du neurologue et
n’apparaissent pas toujours dans un contexte
neurologique
EPU Dijon
12 mars 2014
Épidémiologie (3)
• En médecine générale en France : 6 à 7
patients/mois
• En CETD : 25 à 30% des consultants
EPU Dijon
12 mars 2014
Épidémiologie (4)
•
•
•
•
•
•
Neuropathies périphériques : 5% des patients
Zona : 7% des patients à 6 mois
AVC : 10% des patients à 1 an
Sclérose en plaques : 48% des patients à 3 ans
Lésion médullaire : 65% des patients à 3 ans
Avulsion plexique : 90% des patients à 10 ans
EPU Dijon
12 mars 2014
Sémiologie (1)
Topographie systématisée de la douleur:
exemple d’une lésion médullaire
EPU Dijon
12 mars 2014
Sémiologie (2)
• Allodynie: réponse douloureuse à un
stimulus normalement non douloureux
• Hyperalgésie: réponse exagérée à une
stimulation normalement douloureuse
• Hyperpathie: réponse exagérée à une
stimulation prolongée et perçue au-delà
du champs de stimulation
EPU Dijon
12 mars 2014
Sémiologie (3)
Douleur provoquée
Douleur spontanée
Continue
Allodynie
Paroxystique
Dynamique
Superficielle
 Brûlure
Profonde
Hyperalgésie
(frottement cutané)
Décharges électriques
Coups de poignard
Mécanique
(pression)
Thermique
Élancements
(chaud, froid)
 Étau
Association très fréquente à des paresthésies et dysesthésies
EPU Dijon
12 mars 2014
Sémiologie (4)
• Troubles vasomoteurs et sudoraux parfois
associés
• Phénomènes non spécifiques d’une étiologie
mais plus volontiers observés dans les
lésions traumatiques
• SDRC type 2 ou causalgie
EPU Dijon
12 mars 2014
Diagnostic
• Recherche d’une symptomatologie
douloureuse correspondant aux
caractéristiques décrites précédemment
• Questionnaire d’aide au diagnostic de la
douleur neuropathique: DN4
– 4 questions et 10 items
– Répondre aux 4 questions par oui/non pour chaque
item
EPU Dijon
12 mars 2014
DN4
Interrogatoire
Question 1 : La douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes
1 - Brûlure
2 - Sensation de froid douloureux
3 - Décharges électriques
Question 2 : La douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs symptômes
4 - Fourmillements
5 - Picotements
6 - Engourdissement
7 - Démangeaisons
Examen
Question 3 : La douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence
8 - Hypoesthésie au tact
9 - Hypoesthésie à la piqûre
Question 4 : La douleur est-elle provoquée ou augmentée par
10 - Le frottement
EPU Dijon
12 mars 2014
Propriétés du DN4
• Test positif si score égal ou supérieur à 4
– Sensibilité 83%, spécificité 90%
• Richesse
– Items subjectifs douloureux et non douloureux + items d’examen
• Combinatoire
– Aucun item spécifique ou pathognomonique mais combinaison
très évocatrice
• Simplicité
– Items simples et peu nombreux
EPU Dijon
12 mars 2014
Examens complémentaires (1)
• Non indispensables au diagnostic de nature
neuropathique de la douleur
• Intérêt dans l’enquête lésionnelle et
étiologique
EPU Dijon
12 mars 2014
Examens complémentaires (2)
• Electrophysiologie conventionnelle
–
–
–
–
Confirmation du diagnostic de lésion nerveuse
Évaluation de la sévérité, du pronostic
Surveillance de l’évolution
Normalité possible (exploration uniquement des
fibres de gros diamètre)
EPU Dijon
12 mars 2014
Examens complémentaires (3)
• Autres examens encore limités en pratique
clinique
– Microneurographie
– Potentiels évoqués laser
– Neuro-imagerie fonctionnelle
• Plutôt réservés aux protocoles de recherche
EPU Dijon
12 mars 2014
Étiologies les plus fréquentes (1)
• Périphériques
– Radiculopathie (hernie discale, canal lombaire étroit,
post-chirurgie du rachis…)
– Mononeuropathies/plexopathies: mononeuropathies
post-traumatiques ou post-chirurgicales, syndromes
canalaires, douleurs post-zostériennes, douleurs
neuropathiques cancéreuses, plexopathie radique
EPU Dijon
12 mars 2014
Étiologies les plus fréquentes (2)
• Périphériques
– Polyneuropathies: diabètiques, idiopathiques, alcooliques,
toxiques et chimio-induites
– Plus rarement: VIH, maladies de système, neuropathies
carentielles ou métaboliques, neuropathies
médicamenteuses (amiodarone, antirétroviraux…),
neuropathies génétiques
EPU Dijon
12 mars 2014
Étiologies les plus fréquentes (3)
• Centrales
–
–
–
–
AVC
Traumatisme médullaire
SEP
Plus rarement: autres lésions cérébrales
(métastases, tumeurs cérébrales,…),
syringomyélie, autres lésions médullaires (tumeurs,
lésions vasculaires…)
EPU Dijon
12 mars 2014
Modalités de la prise en charge (1)
• Information du patient
– Mécanismes de la douleur
– Traitements (indication, durée, délai, effets
indésirables, essais itératifs)
• Objectifs réalistes
– Soulagement partiel (30 à 50%)
– Amélioration de la qualité de vie
– Limitation du handicap
EPU Dijon
12 mars 2014
Modalités de la prise en charge (2)
• Traitement symptomatique
– Instauration progressive par titration jusqu’à
apparition d’une efficacité ou d’effets indésirables
– Traitement pour plusieurs mois (>6 mois)
– Réévaluation de la tolérance et de l’efficacité à la
fin de la titration puis de façon régulière
EPU Dijon
12 mars 2014
Modalités de la prise en charge (3)
• Traitement symptomatique
– Tentative lente de sevrage au bout de 6 à 8
mois de traitement efficace à doses stables,
avec réintroduction à l’identique si besoin
– Utilisation d’associations médicamenteuses
d’emblée non justifiées (risque d’effets
indésirables cumulés), possible secondairement
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Antidépresseurs tricycliques
―Clomipramine (Anafranil), Imipramine
(Tofranil), Amitriptyline (Laroxyl): AMM douleur
neuropathique
―Posologie variable selon les études, sans effet
dose-réponse net
―Effet sur la douleur continue et paroxystique
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Antiépileptiques
―Gabapentine (Neurontin ): AMM douleurs
neuropathiques périphériques
―Prégabaline (Lyrica ): AMM douleurs
neuropathiques périphériques et centrales
―Effet dose-réponse établi surtout pour la
prégabaline
―Effet sur la douleur paroxystique et continue
EPU Dijon
12 mars 2014
En pratique
• En première intention prescription en
monothérapie d’un antidépresseur tricyclique
ou d’un antiépileptique gabapentinoïde
• Choix entre les deux classes fonction du
contexte, des comorbidités, de leur sécurité
d’emploi et de leur coût
EPU Dijon
12 mars 2014
Autres traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Opioïdes forts
– Grande controverse, mais efficaces
– Doses nécessaires souvent élevées
– Recommandés après échec des traitements de
première intention utilisés en monothérapie et le cas
échéant en association
– Précautions d’emploi usuelles des opioïdes forts au
long cours
EPU Dijon
12 mars 2014
Autres traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Tramadol
– Efficace du fait de ses mécanismes opioïdes et non
opioïdes de type monoaminergique
– Recommandé en deuxième intention ou en première
intention dans les douleurs neuropathiques
associées à une forte composante nociceptive
(douleurs mixtes)
EPU Dijon
12 mars 2014
Autres traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Antidépresseurs ISRNA
– Duloxétine (Yentreve, Cymbalta): AMM douleurs
neuropathiques du diabète
– Venlafaxine (Effexor): pas d’AMM, en deuxième
intention
EPU Dijon
12 mars 2014
Autres traitements d’efficacité
démontrée (grade A)
• Patch à la lidocaïne (Versatis)
– AMM douleurs post-zostériennes
– Efficacité modeste versus placebo
– Si allodynie au frottement et CI des traitements
systémiques
– Excellente tolérance avec absence d’effets indésirables
systémiques
– Pas d’utilisation sur peau lésée
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements avec présomption
d’efficacité (grade B)
• Maprotiline (Ludiomil): pas d’AMM
• Valproate de sodium (Dépakine): pas d’AMM
• Dronabinol (Marinol): cannabinoïde
disponible en ATU nominative dans les
douleurs de la SEP
• Sativex: AMM accordée dans les douleurs
de la SEP
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements d’efficacité
modeste ou négative
• Antidépresseurs sérotoninergiques
• Antiépileptiques bloqueurs des canaux
sodiques ou potassiques (lamotrigine,
topiramate, oxcarbazépine,…)
• Neuroleptiques
• Benzodiazépines
EPU Dijon
12 mars 2014
Quelques remarques sur
d’autres produits (1)
• Carbamazépine (Tégrétol)
– AMM douleurs neuropathiques
– Mais études anciennes, souvent mal toléré,
nombreuses interactions médicamenteuses
– Non recommandé sauf névralgie du trijumeau
• Clonazépam (Rivotril):
– pas d’AMM
– Risque potentiel de dépendance au long court
EPU Dijon
12 mars 2014
Quelques remarques sur
d’autres produits (2)
• Méxilétine
– Aucune preuve scientifique d’efficacité
– Abandon du fait de la toxicité
• Kétamine et antagonistes NMDA
– Aucune preuve scientifique d’efficacité
– Réservée en cas d’allodynie majeure ou de douleur
centrale (perfusions courtes)
EPU Dijon
12 mars 2014
Quelques remarques sur
d’autres produits (3)
• Baclofène
– Aucune preuve scientifique d’efficacité
– Réservé au cas de spasticité douloureuse rebelle (voie
intrathécale)
• Clonidine
– Aucune preuve scientifique d’efficacité
– Pas d’intérêt en pratique quotidienne
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements émergents
• Capsaïcine
– Patch de capsaïcine (Qutenza) à haute concentration
(8%)
• AMM: traitement des douleurs neuropathiques périphériques
non diabétiques
• Intérêt du fait du faible risque d’effets indésirables systémiques
et d’une durée d’efficacité prolongée (3 mois)
• Application initiale douloureuse
• Effets à très long terme d’applications répétées non clairement
établis
EPU Dijon
12 mars 2014
Autres traitements émergents
• Toxine botulinique A en application souscutanée
• Cannabinoïdes par voie sublinguale
• Nouvelles formulations de la gabapentine
(gabapentine ER) mieux tolérées, en cours
d’évaluation
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements médicaux non
pharmacologiques (1)
• Neurostimulation transcutanée
– Utilisée en mode à haute fréquence et basse intensité,
loco dolenti
– Contre-indication en cas d’allodynie
– Aucune preuve scientifique d’efficacité, mais du fait de
la facilité de mise en œuvre, possibilité d’effectuer une
tentative au cas par cas (grade B)
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements médicaux non
pharmacologiques (2)
• Stimulation magnétique transcrânienne
– Stimulation répétitive du cortex moteur
– Pas utilisable en routine
– Efficacité à court terme dans le traitement des
douleurs neuropathiques périphériques et centrales
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements médicaux non
pharmacologiques (3)
• Rééducation fonctionnelle
– Réhabiliter le membre exclu
• Autres techniques de stimulation
– Applications de chaud, de froid ou d’ultrasons
– Présomption d’efficacité de l’acupuncture dans la douleur
post-zostérienne (grade B)
• Techniques comportementales
– Relaxation, sophrologie, hypnose
– Thérapie cognitivo-comportementale (grade B)
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements invasifs (1)
• Blocs périphériques
–
–
–
–
Aucune démonstration scientifique de leur efficacité
Usage presque réservé aux anesthésistes
Variabilité des produits utilisés
Avec un anesthésique local
• Bloc de conduction transitoire, pour « passer un cap »
– Avec de l’éthanol
• Lésion lytique
EPU Dijon
12 mars 2014
Traitements invasifs (2)
• Analgésie inthrathécale
– Utilisant la morphine, la clonidine ou le ziconotide
– En cas de douleur neuropathique réfractaire
– Preuves d’efficacité faible (grade C)
• Neurochirurgie
– Lésionnelle
– Fonctionnelle
EPU Dijon
12 mars 2014
Chirurgie lésionnelle
4
1
1. Radicotomie postérieure
2. Radicellotomie sélective
2
3. Cordotomie antéro-latérale
4. DREZ otomie (dorsal root entry zone)
dans les douleurs d’avulsion plexique (grade C)
EPU Dijon
12 mars 2014
3
Chirurgie fonctionnelle
• Stimulation corticale
– A réserver à certaines situations rebelles, telles les
douleurs neuropathiques centrales et plexiques (grade B)
• Stimulation médullaire
– À réserver en dernière ligne aux douleurs
monotronculaires rebelles, en particulier
lomboradiculalgies postopératoires (grade B)
– Preuves insuffisantes dans les autres types de douleurs
neuropathiques (grade C)
EPU Dijon
12 mars 2014
Conclusion (1)
• Survenue de douleur loin d’être
exceptionnelle au cours de l’évolution des
neuropathies
• Douleurs souvent chroniques et rebelles aux
traitements
• Traitement encore fondé sur des bases
empiriques, d’efficacité partielle, obtenue au
prix d’effets indésirables souvent gênants
EPU Dijon
12 mars 2014
Conclusion (2)
• Sources d’espoir
– Mise sur le marché de molécules mieux
tolérées
– Progrès réalisés dans l’évaluation de ces
douleurs permettant d’affiner les indications
des traitements chirurgicaux pour les douleurs
réfractaires
EPU Dijon
12 mars 2014
Téléchargement