Que désirent les habitants des villes et que peut-on leur offrir ? Étude en prospective urbaine dans le cadre d’une démarche de planification participative Claire Poitras et Sandra Breux Que désirent les habitants des villes et que peut-on leur offrir ? Étude en prospective urbaine dans le cadre d’une démarche de planification participative Claire Poitras et Sandra Breux Rapport présenté à la Ville de Montréal Service de la mise en valeur du territoire Janvier 2013 Responsabilité scientifique : Claire Poitras [email protected] Institut national de la recherche scientifique Centre - Urbanisation Culture Société Comité de suivi à la Ville de Montréal : Nicolas Lavoie et Karim Charef Diffusion : Institut national de la recherche scientifique Centre - Urbanisation Culture Société 385, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H2X 1E3 Téléphone : (514) 499-4000 Télécopieur : (514) 499-4065 www.ucs.inrs.ca Projet de recherche financé par la Ville de Montréal TABLE DES MATIERES Rappel du mandat et présentation de la démarche .................................................... 1 Démarche méthodologique..................................................................................................... 4 Quelques constats préliminaires et préceptes ........................................................................ 5 Des tendances sociodémographiques lourdes dans la région de Montréal ........................... 9 Expériences et usages de l’espace urbain ................................................................ 11 Tendance 1 – Vers un urbanisme sensible, temporel et flexible? ........................................ 11 Des archipels fonctionnels à la ville «réenchantée» ............................................................. 11 Affirmer l’expérience sensible de l’espace urbain ................................................................ 13 La ville flexible ....................................................................................................................... 15 Regard critique: quelle ville pour demain ? .......................................................................... 17 Habiter la ville de demain ........................................................................................... 18 Tendance 2 – Individuation des modes de vie et nouvelles temporalités ............................ 18 Vers des «tiers-lieux» de travail? .......................................................................................... 18 Des espaces d’habitat écotonaux de transition au co-housing ............................................. 20 Regard critique : La rue, reflet de la ville ? ............................................................................ 21 Se déplacer dans la ville de demain .......................................................................... 23 Tendance 3 - Les déplacements et la mobilité. La multi-activité en mouvement et le rôle du transport collectif .................................................................................................................. 23 Un rôle renouvelé pour les nœuds de transport................................................................... 23 Le transport actif ................................................................................................................... 27 Les nouvelles contraintes énergétiques et environnementales .............................. 29 Tendance 4 - Une ville résiliente, saine, éco-efficace et favorable à la biodiversité ............ 29 Le changement climatique et ses effets. Mieux gérer les eaux de ruissellement................. 30 Réinventer la présence de la nature en ville ......................................................................... 31 La demande sociale de nature en ville .................................................................................. 32 Pour conclure .............................................................................................................. 35 Annexe 1 ......................................................................................................................36 Liste de mots clés en français et en anglais ayant servi à constituer la bibliographie .......... 36 iv RAPPEL DU MANDAT ET PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE Cet exercice de prospective urbaine s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur le réaménagement du site de l’ancien hippodrome se trouvant au cœur de l’île de Montréal. L’objectif de cette réflexion est d’explorer ce qui est souhaitable et possible, tout en tenant compte des aspirations exprimées par les ménages et les usagers de la ville. Soulignons aussi que, pour parvenir à anticiper les évolutions à venir, une démarche de prospective urbaine exige de tenir compte de la multiplicité des acteurs en présence : les instances fournissant les services publics et municipaux (transport, santé, éducation, loisir, etc.), les professionnels de l’aménagement, les citoyens/habitants, les représentants des mouvements associatifs, les entreprises qui fournissent des emplois et qui souhaitent une bonne accessibilité et des environnements urbains de qualité, les promoteurs immobiliers qui construisent des logements, les multiples entrepreneurs commerciaux qui fabriquent le tissu marchand de la villes, etc. Le site de l’ancien hippodrome est un vaste territoire de 43,5 hectares qui est accessible bien que relativement enclavé et qui se trouve à proximité d’importants axes de transport et de zones d’emplois. À titre de l’un des derniers grands sites vacants de Montréal, il dispose de plusieurs opportunités en termes de réaménagement : en plus d’être entouré de zones d’emplois de différents secteurs (santé et enseignement, services à la consommation, services à la production), une station de métro et de nombreux commerces s’y trouvent à proximité et les sols n’ont pas été contaminés par la présence d’activités industrielles. Mentionnons aussi que la Ville de Montréal en est actuellement l’unique propriétaire, ce qui lui procure une marge de manœuvre importante pour définir les orientations et les objectifs en matière de planification et de développement. Le tableau 1 résumé les opportunités et les défis auxquels les aménagistes et les planificateurs devront répondre pour faire du site de l’ancien hippodrome un nouveau milieu de vie pour les ménages. 1 Figure 1 - Vue aérienne du site de l'hippodrome et de son milieu environnant. Source : Ville de Montréal, Projet Hippodrome http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=8977,100295844&_dad=portal&_schema=PORTAL Bien que représentant des défis importants en termes de connectivité, d’aménagement d’infrastructures et de services collectifs, de même que de verdissement urbain, le site de l’ancien hippodrome bénéficie de conditions contextuelles favorables à l’élaboration d’un projet de redéveloppement qui serait à prédominance résidentielle. Qui plus est, les orientations auxquelles le réaménagement du site devra répondre visent à assurer un tissu social diversifié, à concevoir un milieu urbain encourageant les déplacements à pied et le transport collectif et à fournir un environnement sain notamment grâce à une stratégie de verdissement urbain (parcs, arbres de rue, jardins, toits verts, etc.). 2 Tableau 1: Synthèse des opportunités et des défis du site de l'hippodrome et de ses abords Opportunités Lieu possédant une histoire unique Propriété publique permettant de doter le site d’une vision d’ensemble Site immense inhabité et contenant peu de bâtiments Site offrant une vue sur le mont Royal Terrain situé au centre de l’île de Montréal et à proximité des grandes artères, du métro, de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau et de la ligne de trains de banlieue Situé à côté d’un pôle d’emplois industriel et scientifique et à proximité de quelques grands propriétaires, dont le Canadien Pacifique Site offrant une végétation arborescente en bordure du site et une végétation en prairie Défis Site quasi-enclavé par des voies ferrées très fréquentées, une autoroute et un secteur industriel Site bordé par d’autres municipalités Bruit et pollution importants causés par les voies ferrées et l’autoroute Faible desserte en infrastructures et en services publics et commerciaux Proximité d’îlots de chaleur Faible capacité résiduelle du réseau d’égout à proximité Source : Ville de Montréal, Mise en valeur du secteur de l’hippodrome de Montréal - Document préparatoire au forum d’experts - 9, 10 et 11 décembre 2012, Direction de l’urbanisme et du développement économique du Service de la mise en valeur du territoire de la Ville de Montréal. http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/hippo_fr/media/documents/document_prep_forum_exper.pdf; Ville de Montréal, Mise en valeur du secteur de l’hippodrome de Montréal - Document préparatoire au forum d’experts - 9, 10 et 11 décembre 2012, Direction de l’urbanisme et du développement économique du Service de la mise en valeur du territoire de la Ville de Montréal. http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/hippo_fr/media/documents/document_prep_forum_exper.pdf Les caractéristiques du quartier à construire Montréal planifie pour les générations futures en visant : ● un quartier inclusif, offrant tous les services de proximité, conçu pour répondre notamment aux besoins des familles avec enfants; ● un quartier imprégné d’une forte présence de la nature (parcs, jardins communautaires, toits verts, etc.); ● un quartier qui mise sur le transport actif et collectif Source : Ville de Montréal, 2012, p. 5. 3 Démarche méthodologique Pour alimenter la réflexion quant à la manière d’imaginer un nouveau quartier urbain et d’anticiper les aspirations socioculturelles et les besoins auxquels il devra répondre, nous avons réalisé une recension des écrits scientifiques publiés depuis 2005. Nous avons repéré et documenté les principales tendances sociales et culturelles qui seront importantes pour l’aménagement et la planification des villes. Il nous est aussi apparu pertinent de prendre un peu de recul pour réfléchir plus globalement à l’avenir des villes. Notre objectif n’est pas de proposer un concept d’aménagement. Il s’agit plutôt, d’une part, de fournir des pistes de réflexion sur la manière dont les ménages voudront et pourront vivre dans le futur et, d’autre part, de dégager les tendances émergentes quant à la ville en devenir. Après avoir réalisé un premier examen des orientations que prendront la vie en ville et les pratiques sociales des citadins, nous les avons regroupées en grandes tendances qui seront déterminantes pour la planification et l’aménagement des milieux urbains de demain. Elles sont liées : 1) à l’expérience et aux usages de l’espace 2) à l’individuation des modes de vie et aux nouvelles temporalités 3) aux déplacements et à la mobilité 4) aux nouvelles contraintes énergétiques et environnementales. L’exploration des futurs possibles d’un territoire urbain appelle une analyse à différentes échelles : logement, îlot, quartier, arrondissement, ville et région métropolitaine. À cet égard, l’articulation des dimensions sociales et environnementales du développement et de l’aménagement du territoire fait appel à la notion de justice environnementale. Cette dernière nous amène à réfléchir aux polarisations sociales non pas à l’échelle du quartier ou d’un secteur mais plutôt à l’échelle de la ville-centre, voire de la région métropolitaine. Les enjeux de durabilité urbaine et de justice environnementale doivent donc être traités à l’échelle de l’aire métropolitaine 1. Notre approche s’appuie à la fois sur les tendances observées par le passé mais surtout sur les éléments ou les facteurs de discontinuité ou de rupture. Par exemple, on peut faire l’hypothèse que la question environnementale – c’est-à-dire la nécessité de tenir 1 Haas, T. (2012). «Sustainable Urbanism and Beyond», in T. Haas (dir.), Sustainable Urbanism and Beyond. Rethinking Cities for the Future, New York, Rizzoli, p. 9. 4 compte de la nouvelle donne climatique, d’assurer un air de qualité en minimisant les émissions polluantes, de mieux gérer les eaux usées et de ruissellement ainsi que les matières résiduelles, etc. – deviendra capitale et forcera les différents acteurs de l’aménagement à revoir leurs pratiques. De plus, la montée en puissance des réseaux numériques offre la possibilité de créer de nouvelles sociabilités et contribue à redéfinir l’organisation de la vie quotidienne, y inclus les manières dont on travaille, accède aux services, communique, se divertit, etc. Il s’agit là d’une nouvelle réalité dont les effets sur les usages des espaces publics et privés dans la ville se feront de plus en plus ressentir. D’une manière générale, la prospective urbaine vise à fournir des balises pour réfléchir à l’avenir d’un territoire qui connaîtra une nouvelle vocation au cours des années à venir. Il apparaît donc impératif de concevoir d’une manière plus globale le futur des milieux urbains à partir des tendances sociales qui les façonneront. La prospective est un instrument permettant de guider l’élaboration d’un projet d’aménagement ou de réaménagement urbain. À cet égard, une tendance forte se dégage : elle concerne l’inclusion des habitants dans la démarche de planification et surtout la prise en considération de leurs besoins et de leurs pratiques. Autrement dit, il faut aménager la ville d’abord et avant tout pour les gens 2. Quelques constats préliminaires et préceptes Comment expérimentera-t-on la ville et l’espace urbain dans le futur? À quelle demande sociale en termes de services urbains et collectifs, de logement et de transport devra-ton répondre? De quelle manière les tendances sociales émergentes dans la ville à plusieurs temps ou poly chronique vont-elles changer la vie urbaine? Comme le rappelle François Ascher dans son ouvrage paru en 2005, la prospective «est en quelque sorte l’art du plausible» 3. Cette définition vise à distinguer ce type de réflexion de l’utopie ou de la prévision, cette dernière constituant une démarche scientifique. Ascher 4 soutient que le contexte de la modernité avancée ou de l’hyper modernité est caractérisée par un certain nombre de conditions qui influencent les pratiques sociales. Par exemple, 2 Gehl, J. (2010). Cities for People, Washington D.C., Inland Press. Ascher, F. (2005). La société hypermoderne. Ou les événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs, Paris, Éditions de L’Aube. 4 Ascher, F. (2005). La société hypermoderne. Ou les événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs, Paris, Éditions de L’Aube. 3 5 l’individu hypermoderne fait face à de nombreux choix, il est de plus en plus autonome et bénéficie de relations sociales choisies. La fluidité de la condition contemporaine – que le sociologue Zygmunt Bauman appelle la «modernité liquide» 5 – fait en sorte qu’un individu est désormais libre de se définir en toutes circonstances. Cet individu individualisé a aussi développé des nouveaux rapports à l’espace et au temps grâce à une mobilité accrue et une meilleure maîtrise du temps que peuvent fournir les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) 6. Ainsi, les avancées dans le domaine des technologies de l’information et de la communication contribuent à rendre la vie urbaine plus performante de différentes façons : accès en temps réel à des informations contextuelles (temps d’attente des transports collectifs, disponibilité des vélos en libre-service, cartes des voies de circulation saturées, restaurants ou services à proximité, cartes géocentrées, etc.). Les NTIC sont dès lors fortement utilisées pour résoudre des aléas de la vie quotidienne dans les régions urbaines. Mais en dépit de cet accès accru à l’information instantanée, nos sociétés contemporaines demeurent placées sous le signe de l’incertitude et du risque. En outre, cette incertitude se répercute sur l’aménagement et le développement urbain des territoires. Dès lors, «les doctrines ne sont pas définitivement fixées (…) et les stratégies sont durablement conduites à arbitrer entre des contradictions, des tensions et des conflits.» 7 Nonobstant l’incertitude qui caractérise notre société urbaine contemporaine, comme nous l’avons déjà souligné, d’après Jan Gehl 8, certains principes de base doivent être pris en considération dans toute démarche de planification urbaine ou d’aménagement. D’abord, il faut mettre l’accent sur la dimension humaine. Le rôle premier des professionnels de l’aménagement est d’accompagner les futurs habitants d’un nouveau secteur dans l’élaboration de leurs pratiques quotidiennes. Ensuite, un autre principe à rappeler est que l’aménagement des villes est un exercice complexe qui exige de la patience et du temps 9. Enfin, en aménagement et en planification urbaine, quatre objectifs interreliés doivent être poursuivis et ils visent à assurer une ville vivante, sûre, 5 Bauman, Z. (2000). Liquid Modernity, Londres, Polity Press. Maoti, P. (2012). «Modes et lieux de consommation», Territoires 2040, Des facteurs de changements, Revue d’études et de prospective no 6, Paris, DATAR, La Documentation française, p. 31. 7 Berthier, E. (2010). «Introduction», Territoires 2040. Des facteurs de changement, Revue d’études et de prospective no 2, Paris, DATAR, La Documentation française, p. 8. 8 Gehl, J. (2010). Cities for People, Washington D.C., Inland Press. 9 Greenberg, K. (2011). Walking Home. The Life and Lessons of a City Builder, Toronto, Random House, p. 347. 6 6 durable et en santé 10. Par conséquent, les acteurs de l’aménagement urbain accordent de l’importance d’abord à la vie urbaine, ensuite à l’espace et enfin aux bâtiments. Selon cette vision, le piéton est une figure particulièrement importante et la rue ne peut plus être perçue et conçue strictement comme un espace de circulation pour les véhicules. À partir de ces constats préliminaires sur la société urbaine contemporaine et les principes de base devant guider l’aménagement de son espace habité, nous pouvons avancer quelques hypothèses sur les changements à venir, ainsi que sur les contradictions qu’ils seront à même de générer : ● les technologies numériques (c’est-à-dire les applications et les services offerts notamment par les ordinateurs et les téléphones intelligents dont les livres numériques, les films, etc.) vont continuer de transformer notre condition urbaine contemporaine et future. En outre, grâce aux pratiques interactives qu’elles peuvent générer, les technologies numériques permettent de créer les territoires d’une nouvelle géographie électronique. Dans cette ville évanescente 11, les rapports sociaux seront de plus en plus intermédiés 12. De plus, les commerces et les équipements publics traditionnels (bibliothèques, cinémas, libraires, etc.) sont appelées à revoir leur vocation initiale et à modifier leur offre. Ces transformations auront aussi des répercussions sur «l’inscription spatio-temporelle du commerce, remettant en cause la suprématie du schéma des achats dans les pôles commerciaux de périphérie le samedi après-midi au profit d’une plus grande diversité des pratiques». 13 ● malgré le fort potentiel de déterritorialisation que permettent les TIC, les qualités matérielles des lieux et des espaces urbain (équipements collectifs, espaces publics et cadre bâti, paysages) demeureront plus que jamais essentielles 10 Gehl, J. (2010). Cities for People, Washington D.C., Inland Press. Altarelli, L. (2009). «Paysages de la ville électronique», Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques / Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 14, p. 82. 12 Robin, R. (2009). «La prolifération des signes. Tokyo : quelques propos introductifs à l’oeuvre d’Éric Sadin, artiste multimédia», Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques / Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 14, p. 41. 13 Maoti, P. (2012). «Modes et lieux de consommation», dans Des facteurs de changements. Territoires 2040, Revue d’études et de prospective no 6, DATAR, La Documentation française, p. 31. 11 7 ● dans nos sociétés contemporaines, le désir de nature et le désir d’urbanité ne sont pas antinomiques et des arbitrages seront nécessaires pour les réconcilier ● une démarche de planification et de réaménagement doit permettre de construire une ville à la fois «exemplaire et ordinaire» 14 ● la flexibilité en matière d’aménagement urbain et d’urbanisme – c’est-à-dire la capacité d’un espace et d’un environnement bâti de s’adapter à l’évolution des modes de vie des citadins, de favoriser l’ajout de nouvelles activités, de valoriser la diversité fonctionnelle et formelle, ou encore de permettre la spontanéité et le joyeux désordre – constitue dorénavant une caractéristique incontournable 15. Cette particularité permet d’éviter le sur-aménagement ou la sur-programmation des espaces urbains et d’assurer leur évolution. En d’autres mots, un projet d’urbanisme souple ou flexible rend réalisables des modifications qui tiennent compte des évolutions socioculturelles et économiques. ● pour construire une ville durable accessible à tous, il importe de mettre en œuvre une approche urbanistique principalement sociale visant à travailler avec les usagers de la ville. Cela signifie d’incorporer entre autres choses différents types d’initiatives que le courant de l’urbanisme tactique ou le Do it yourself (DIY) urbanism permet en expérimentant de nouveaux besoins et en adaptant l’espace public de la ville pour encourager des interventions temporaires proposées par les gens d’un quartier ou des groupes communautaires. Finalement, l’urbaniste torontois Ken Greenberg 16 soutient que la ville du futur ne sera pas radicalement différente de celle d’aujourd’hui car on ne fait pas table rase du passé. Dès lors, la ville à venir combinera des éléments anciens et nouveaux: «Much would be familiar, much would be recycled and hybridized, but this new, twenty-first-century city would not be a facsimile of any other time or place.» 17 14 Barthel, P. A. (2009). «Faire la preuve de l’urbanisme durable. Les enjeux de la régénération de l’Ile de Nantes», VertigO La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 9, no 2, p. 3. 15 Greenberg, K. (2011). Walking Home, Toronto, Random House. 16 Ibid., p. 345. 17 Ibid. 8 Des tendances sociodémographiques lourdes dans la région de Montréal Quant aux tendances sociodémographiques qui vont influencer la ville de demain et en particulier Montréal, on peut souligner la poursuite de l’immigration internationale, le vieillissement de la population, la diversification des modèles familiaux (familles recomposées, monoparentales, multi-générations), l’accroissement de ménages solos et les répercussions de la mobilité intra et interrégionale des ménages. Qui plus est, par rapport au secteur spécifique qui nous concerne – l’ancien site de l’hippodrome –, il faut noter l’importance de zones d’emploi (éducation, santé) s’y trouvant à proximité. Il s’agit là d’un potentiel à explorer et à valoriser. Finalement, deux tendances marquantes déjà à l’œuvre dans les régions métropolitaines nord-américaines vont sans doute se poursuivre et orienteront le développement urbain futur. La première a trait à un changement de comportements en termes de localisation résidentielle. Depuis les années 1980, la thèse du retour en ville notamment des classes moyennes 18 alimente les débats urbanistiques et urbains. Or, bien qu’après des années de décroissance les quartiers centraux des villes aient connu un regain démographique au cours des dernières décennies, le mouvement migratoire de la ville-centre vers les secteurs plus éloignés ne s’est pas essoufflé. Il reste que le réinvestissement symbolique et culturel dont la ville-centre a fait l’objet au cours des dernières décennies a donné lieu à des nouveaux comportements en termes de déplacements, de choix de consommation, ou encore d’habitudes et de pratiques quotidiennes. La deuxième tendance ayant fortement touché les régions métropolitaines concerne le développement de centres secondaires dans les zones suburbaines et périurbaines 19. À cet égard, des recherches ont clairement démontré comment, grâce au potentiel de proximité aux zones résidentielles dont ils disposent, les sous-centres ou les suburban nodes peuvent devenir des milieux de vie complets 20. L’importance accrue des centres 18 Ulusoy, Z. (2010). "Back-to-the-City-Movement", in R. Hutchison (dir.), Encyclopedia of Urban Studies, Londres, Sage. 19 Sur la région de Montréal voir : Sénécal, G. (dir.) (2011). L’espace-temps métropolitain, Québec, Presses de l’Université Laval, 348 p. 20 Searle, G. et P. Filion (2011). "Planning Context and Urban Intensification Outcomes: Sydney versus Toronto", Urban Studies, vol. 48, mai, p. 1419-1438; Filion, P. (2010). "Intensification and Sprawl. 9 secondaires n’est pas sans effet sur le dynamisme de la ville-centre et sur le caractère distinctif d’activités qu’elle accueillait jusqu’à tout récemment (enseignement supérieur, sièges sociaux d’entreprises, lieux de diffusion culturelle, etc.). Bref, des secteurs suburbains disposent désormais de certains atouts de la vie urbaine. Residential Density Trajectories in Canada’s Largest Metropolitan Regions", Urban Geography, vol. 31, no 4, p. 541-569. 10 EXPÉRIENCES ET USAGES DE L’ESPACE URBAIN Tendance 1 – Vers un urbanisme sensible, temporel et flexible? Dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement, plusieurs tendances invitent aujourd’hui à repenser la façon dont l’espace urbain est conçu. Pour certains, l’étalement urbain, la densification et la fonctionnalisation de l’espace, l’utilisation des technologies de l’information, etc. sont autant d’éléments qui agissent négativement tant sur l’espace urbain que sur la définition de la citadinité et sur la façon dont celle-ci est vécue. Des archipels fonctionnels à la ville «réenchantée» Les critiques de l’urbanisme contemporain reprochent aux pratiques actuelles de nier le pouvoir créateur de la ville 21. L’étalement urbain transformerait la ville en une série «d’archipels» de zones fonctionnelles entre lesquelles le citadin naviguerait 22. Le citadin serait donc un consommateur d’espaces, consommation qui varierait au gré de ses besoins. Pour d’autres, la densification des espaces urbains va à l’encontre de la capacité d’innovation et de création intrinsèque à la ville : «l’option qui consiste à rassembler de nombreuses réalités sur une faible étendue se traduit néanmoins par une compacité qui nuit non seulement à la visibilité de ses potentialités mais aussi à sa fluidité» 23. Nombreux sont en effet ceux qui conçoivent la ville comme l’espace qui «ouvre plus de possibles que les autres formes d’établissements humains» 24 ou «la ville, par l’intensité des échanges qui peuvent s’y déployer, est un remarquable catalyseur de l’innovation» 25 ou bien encore : «[la ville] est indissociablement un être vivant, se 21 Hammett, J. et K. Hammett (dir.) (2007). The Suburbanization of New York: Is the World’s Greatest City Becoming Just Another Town?, Princeton, NJ, Architectural Press. 22 Gwiazdzinski, L. (2007). «Redistribution des cartes dans la ville malléable». Espace populations sociétés, 2-3, p. 398. 23 Beaude, B. (2010). «Espace de la carte, espace de la ville. Des analogies à la coexistence », dans Hyperurbain 2, K. Zreik (dir.), Paris, p.1. 24 Ascher, F. (2010). «La ville, c’est les autres. Le grand nombre entre nécessité et hasard», dans A. Masboungi et François Ascher. Grand Prix de l’urbanisme 2009, Paris, Parenthèses, p. 121. 25 B. Beaude. (2010). Ibid., p.1. 11 bâtissant, se transformant, évoluant au gré des initiatives de tous ceux – citoyens, services publics, entreprises, etc. – qui en sont les habitants, les usagers, les promoteurs et les acteurs» 26. Le morcellement de l’espace urbain en zones fonctionnelles nuirait donc à cette capacité d’innovation de l’espace urbain en créant de la ségrégation – notamment en ce qui a trait à la voirie – 27 et en ouvrant la porte à la stigmatisation. Plus encore, les pratiques aménagistes actuelles seraient créatrices de «non-lieux» 28, une forme d’homogénéisation des territoires qui empêcherait de «faire société» 29. Un tel espace urbain ne permettrait plus l’inattendu et empêcherait toute forme de sérendipité de s’exprimer. Sérendipité Pour certains, la sérendipité se définit comme la «capacité de la ville à produire des rencontres et des découvertes inattendues et vertueuses» 30 pour d’autres, c’est «la capacité de trouver ce que l’on ne cherche pas.»31 L’expression de cette sérendipité peut se réaliser de différentes manières. Il peut s’agir d’une part d’affirmer l’expérience sensible du citadin ou d’associer l’évènement et l’éphémère au quotidien de l’espace urbain d’autre part. Figure 232. Park (ing) 33 26 Sueur, J.-P. (2011). Rapport d’information : Villes du futur, futur des villes : quel avenir pour les villes du monde ? (Enjeux), En ligne http://www.senat.fr/rap/r10-594-1/r10-594-10.html#toc3 27 Un exemple de cette ségrégation concerne la voierie : «trottoir pour piéton, rue pour véhicule automobile, site propre pour tramway, voie pour bus et taxis, pistes cyclables et bientôt peut-être : voies pour rollers, voies pour planches à roulettes». Gwiazdzinski, L. (2007). Ibid., p. 400. 28 Bédard M. et Breux S. (2011). «Grand projets urbains et non-lieux : une inéluctable équation ? Perspectives théoriques et propositions analytiques», Annales de géographie 2011/2, no 678, pp. 135-156. Notons que d’autres comme Ascher (non-daté, non paginé) considère que cette notion de «non-lieux» est une vision pessimiste de la réalité et la conteste : «Il nous semble à l’inverse que les lieux ne se dissolvent pas dans des non-lieux mais que de nouveaux lieux urbains se constituent et que précisément, les espaces de la mobilité, du transit, du passage, sont particulièrement propices à la constitution de ces nouveaux lieux». 29 Bourdin, A. (2010). L’urbanisme d’après crise. Paris, Éditions de l’Aube. 30 Beaude, B. (2010). Ibid., p. 13. 31 Ascher, F. (2010). «La ville hypermoderne» dans A. Masboungi (dir.), Organiser la ville hypermoderne, Paris, Parenthèses, p. 123. 32 Pour respecter les droits d’auteur, les images ont été retirées de cette version du rapport. 33 Explications données sur le site web de Park(ing) : “One of the more critical issues facing outdoor urban human habitat is the dearth of space for humans to rest, relax, or just do nothing. For example, more than 70% of San Francisco’s downtown outdoor space is dedicated to the private vehicle, while only a fraction of that space is allocated to the public realm. Paying the meter of a parking space enables one to rent precious downtown real estate. What is the range of possible occupancy activities for this short-term lease? PARK(ing) is an investigation into reprogramming a typical unit of private vehicular space by leasing a metered parking spot for public recreational activity. On November 16, 2005 we identified a site in an area of downtown San Francisco that is underserved by public outdoor space and is in an ideal, sunny location between the hours of noon and 2 p.m. There we installed a small, temporary public park that provided 12 Affirmer l’expérience sensible de l’espace urbain Concevoir l’espace urbain comme le lieu d’expériences sensibles permettant de créer l’imprévisible, c’est indirectement redéfinir les espaces publics en «lieux de sociabilité et de créativité, accélérateurs de sérendipité» 34. Cette redéfinition peut se réaliser de différentes façons. Pour certains, il s’agit d’aller à l’encontre des pratiques de planification et de régulation contemporaines : «à la ville dense et étalée, nous opposons les friches, les ‘tiers paysages’, espaces d’aventure non aménagés, capables d’ancrer les imaginaires fertiles» 35. Plus encore, il s’agit par l’aménagement de créer volontairement la désorientation et l’errance : «la désorientation peut devenir un état créatif, l’errance un protocole d’innovation ouverte et la ville un formidable plateau de créativité avec la sérendipité comme principe de base» (voir la figure 3). Plus concrètement, certaines pratiques tendent aujourd’hui à aller dans ce sens. Il s’agit par exemple de transformer le regard que le citadin ou le touriste porte sur la ville à travers la réalisation de visites guidées à pied, où le guide, tout en rappelant les mythes et légendes de la ville incorpore l’inattendu dans sa visite 36. Il est également possible de développer un «urbanisme sensible», créateur de chronotopie : l’hospitalité des espaces publics, des moyens de transport et du mobilier urbain ; l’information face à un territoire mal appréhendé ; la qualité face à un environnement difficile ; l’égalité face aux trop grandes disparités entre centre et périphérie, individus ou groupes sociaux ; la sensibilité, la variété face aux risques de banalisation, l’inattendu par l’invention ; l’alternance ombre et lumière face aux risques d’homogénéisation ; la sécurité par nature, seating, and shade. Our goal was to transform a parking spot into a PARK(ing) space, thereby temporarily expanding the public realm and improving the quality of urban human habitat, at least until the meter ran out. By our calculations, we provided an additional 24,000 square-foot-minutes of public open space that afternoon. This simple two hours intervention has blossomed into an international event called Park(ing) Day where people around the globe reclaim the streets for people, for fun, and for play. Date: November 16, 2005, Location: 1st and Mission Streets, San Francisco, CA”. Source : http://rebargroup.org/parking/, consulté le 11 janvier 2013. 34 Moriset, B. (2011). Tiers lieux de travail et nouvelles territorialités de l’économie numérique : les espaces de coworking. En ligne : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/45/40/PDF/B-MORISET_ColloqueSET_Coworking-Version3.pdf 35 Gwiazdzinski, L. (2012). « Un possible manifeste. Éloge de l’errance et de la désorientation ». Proposition catalogue de l’exposition « ERRE ». http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/69/77/23/PDF/proposition_de_texte_L_espace-le_temps_29_avril_2011.pdf 36 Wynn, J. R. (2010). "City Tour Guides: Urban Alchemists at Work", City & Community, 9-2, p. 145-163. 13 l’accroissement du spectacle urbain et de la présence humaine plutôt que par les technologies sécuritaires et l’enchantement par l’invention. 37 Chronotopie Selon Thierry Paquot 38, la chronotopie c’est «l’articulation entre des temps et du lieu», c’est le «savant dosage entre le temps, pas si flexible que cela, et l’espace, pas si modelable non plus » Articuler le temps et les lieux, c’est indirectement repenser notre façon de faire de l’urbanisme. Cette chronotopie urbaine peut s’exprimer ainsi, il s’agit non pas de faire du «planning» mais davantage du «place-making». 39 Figure 3 : Showplace Triangle 40 Source : http://rebargroup.org/showplace-triangle/,consulté le 11 janvier 2013 Figure 4 : Une illustration de la chronotopie Source : Bishop & Williams, 2012, p. 189. 37 Gwiazdzinski, L. (2009). « Chronotopies. L’évènementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures ». BAGF, Géographies, 2009-3, p. 353. 38 Paquot, T. (2009). « Pour un urbanisme chronotopique ». Urbanisme, mars-avril 2009, no 365. 39 Barrie cité par P. Bishop et L. Williams. (2012). The Temporary City. London and New York, Routledge, p. 188. 40 Explications données sur le site web de Showplace Triangle : “San Francisco’s streets and public rightsof-way make up fully 25% of the city’s land area, more space even than is found in all of the city’s parks. Many of our streets are excessively wide and contain large zones of wasted space, especially at intersections. San Francisco’s new Pavement to Parks program seeks to temporarily reclaim these unused swathes and quickly and inexpensively turn them into new public plazas and parks. Rebar designed Showplace Triangle to be a neighborhood gathering space. Built entirely of reused or repurposed materials – Recology debris boxes as tree planters, PUC sewer pipe as bollards, DPW granite curb as planting beds, and Italian black granite once used on Market street for public seating – the project demonstrates that ingenuous reuse can also be high style! Showplace Triangle was created in collaboration with the SF Planning Department, SF PUC, Recology, Flora Grubb Nursery, California College of Arts, Wolfe’s Lunch and Axis Cafe, Artist Ramad, and the skilled and talented workers at the San Francisco Department of Public works. Date: Fall, 2009 ; Location: Potrero Hill neighborhood, San Francisco, CA ;Related: New York Times coverage Babelgum video, New Urbanism ep 12: Pavement to Parks”. Source : http://rebargroup.org/showplace-triangle/, consulté le 11 janvier 2013. 14 La ville flexible La ville sensible c’est aussi la ville éphémère et évènementielle, c’est-à-dire l’ensemble des éléments qui font de la ville un univers transformé : L’évènement transforme la ville et la rue, enchante le quotidien, transfigure le réel et humanise l’espace public : c’est la même ville et pourtant une autre grâce à de sublimes artifices. Cette capacité d’enchantements et de mise en désir donne des idées à l’élu et des envies à l’artiste citoyen associé. 41 L’évènement, intégré à la ville, engendre une redéfinition de l’espace public (figure 5). La définition de l’espace public, support de ces transformations doit évoluer pour passer à la notion d’espaces collectifs, espaces publics ou espaces extérieurs, constitués par l’ensemble des lieux ouverts à tous. Ils sont généralement sous la responsabilité de collectivités publiques ou parfois de droit privé. Ils sont le plus souvent en plein air, mais peuvent être partiellement ou totalement couverts. Ce sont à la fois des espaces formels, espaces en creux, définis par les bâtiments qui les bordent et des espaces de vie et de socialisation où se déroulent les activités propres à la vie collective d’une ville. L’espace collectif est le lieu organique essentiel de la cité, son âme. Il comporte aussi bien des espaces minéraux (rues, places, boulevards, passages couverts) que des espaces verts (parcs, jardins publics, squares, cimetières…). Il s’agit de lieux de circulation et de stationnement, équipements collectifs, transports publics, abords d’équipements, espaces verts, espaces culturels, espaces commerciaux, espaces résiduels, espaces semi-publics, espaces électroniques, espaces verticaux. 42 41 Gwiazdzinski, L. (2009). «Chronotopies. L’évènementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures». BAGF, Géographies, 2009-3, p. 353. 42 Ibid. 15 Figure 5 : Bubbleway43 Source : http://rebargroup.org/bubbleway/,consulté le 11 janvier 2013 Cette redéfinition de l’espace public sous-entend également la possibilité de redéfinir les espaces au fil du temps. La ville flexible peut ainsi également se traduire par un «ménagement urbain», c’est-à-dire par la capacité de prévoir en amont de tout processus de construction, la reconversion éventuelle du bâtiment ou des fonctions associées à un espace donné. C’est également une des idées que véhicule l’ouvrage de Bishop et Williams : A temporary land use is an intentional phase. The phase itself may be short of long-lasting, but the time element is merely a unit of measurement. When most buildings are planned or constructed, there may be an implicit understanding that their life will be finite, but there is little or no discussion of their longevity or any subsequent uses at the time. 44 Les écrits, mais également quelques expériences contemporaines, illustrent ces idées (figure 6). Figure 6. Tony’s Pizza Napoletana Parklet 45 Source : http://rebargroup.org/tonys-pizza-napoletana-parklet/, consulté le 11 janvier 2013 43 Explications données sur le site web : “Bubbleway is a modular, inflatable social furniture system conceived and designed by Rebar and curated by Justine Topfer and Amanda Sharad for Laneways 2011. Utilizing an inflatable system enclosed in a brightly colored ripstop nylon skin, Bubbleway create a fun and inviting place to relax and play. Bubbleway are made in San Francisco in by messenger bag company Timbuk2 and come in 5 different shapes and sizes. Modules can be reconfigured and adapted to support a variety of uses from chill lounge spaces to festival furniture. Bubbleway was created to enhance public space, and to support new forms of informal social interactions and play. Client: Sydney Laneways Art. Location: Sydney, Australia”. Source : http://rebargroup.org/bubbleway/,consulté le 11 janvier 2013. 44 P. Bishop et L. Williams. (2012). The Temporary City. London and New York: Routledge, p. 5. Explications fournies sur le site web : «A small pizzeria in Naples, Italy is the inspiration behind Tony Gemignani’s story for Tony’s Pizza Napoletana. A fulfillment in his ever growing passion for pizza drew him to self-content when he first tried an authentic Neapolitan pizza. Since then he was determined to learn this art of pizza making and one day open a restaurant like no other. Tony has now extended this inspiration towards the creation of a new public space in the street, adding seating for his patrons, as well as neighborhood residents and visitors who pause to relax and chat on the parklet. The lively streets of Naples served as inspiration for this parklet which creates a vibrant new social space in the street. Fabricated from galvanized steel clad with bamboo decking, the parket is a model of sustainable construction. Rebar customized this parklet to fit Tony’s unique aesthetic. Great food and great urban space go well together on the streets of San Francisco. Want a parklet in your neighborhood? » Source : http://rebargroup.org/tonyspizza-napoletana-parklet/, consulté le 11 janvier 2013. 45 16 Regard critique: quelle ville pour demain ? Selon Ascher, «la sérendipité est aujourd’hui particulièrement utile précisément parce que dans une société hypermoderne l’innovation et la création sont plus nécessaires que jamais» 46, il n’en demeure pas moins qu’il peut exister un certain nombre de limites à la mise en place de la «ville malléable» 47. Il convient toutefois de préciser que l’urbanisme temporaire ou tactique n’est pas en soi nouveau. Son importance s’accroit en raison de nos modes de vie. Afin de créer l’imprévisible, d’éviter la «folklorisation» et la thématisation de l’espace urbain 48 et de promouvoir l’urbanisme temporaire, il convient de ne pas oublier que : «The promotion of temporary use is still evolving as an approach to urban development in which government initiates instead of regulating, pays more consideration to what is on the land, takes smaller steps, gives more serious consideration to the input of all players and focuses on process rather product.» 49 46 Ascher, F. (2010). «La ville, c’est les autres. Le grand nombre entre nécessité et hasard», dans A. Masboungi et François Ascher, Grand Prix de l’urbanisme 2009, Paris, Parenthèses, p. 123. 47 Gwiazdzinski, L. (2007). «Redistribution des cartes dans la ville malléable», Espace populations sociétés, 2-3, p. 398. 48 L. Gwiazdzinski (2007). Ibid. 49 Bishop P. et L. Williams (2012), The Temporary City. London and New York: Routledge, p. 187. 17 HABITER LA VILLE DE DEMAIN Tendance 2 – Individuation des modes de vie et nouvelles temporalités Si l’organisation de la ville influence les pratiques citadines, celles-ci ont également grandement changé. Les rythmes de la vie quotidienne ne sont plus ceux d’avant, un ensemble d’activités sont synchrones en fonction des professions, des âges, de la situation familiale, des loisirs, etc. Comme le soulignent Jemelin et al. : «dans la ville ouverte 24h/24h, travailler, se divertir et dormir sont des activités désormais synchrones, ce qui nécessite de nouveaux organes de gestion et pose la question de la spécialisation versus la mixité des espaces urbains». 50 Pour certains il convient désormais de penser des espaces urbains aux usages flexibles prenant en considération rythmes et besoins des citadins. Vers des «tiers-lieux» de travail? Dans le cadre de ses réflexions sur la société hypertexte, François Ascher souligne que les technologies de l’information en raison de la banalisation et de la généralisation de leur usage, donnent une valeur à ce qui : «ne se télécommunique pas. Elles valorisent ce qui se médiatise peu, le goût, le toucher, l’odorat, le multi-sensoriel, le face-à-face, le ‘en direct’, l’expérience collective, l’être ensemble. Les télécommunications, loin de prendre la place des transports, suscitent ainsi plus de mobilité physique qu’elles n’en remplacent.» 51 Pour l’auteur, les télécommunications sont également un levier de sérendipité, pouvant avoir des répercussions sur la vie urbaine. L’utilisation des télécommunications permettrait à différentes sphères de nos activités quotidiennes de se déplacer au sein de l’espace urbain. C’est notamment le cas des 50 Jemelin, C., Pfister-Giauque, B. et Vodoz, L. (2004). Les territoires de la mobilité : l’aire du temps. Lausanne, Les Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 381. 51 Masboungi, A., dir. (2009). « Organiser la ville hypermoderne » dans François Ascher et A. Masboungi (dir.), Grand Prix de l’urbanisme 2009, Paris, Éditions Parenthèses, p. 124. 18 activités reliées à l’emploi. Ainsi, «un nombre croissant d’individus [sont] en mesure de travailler partout et à tout moment, en se connectant par les dispositifs évoqués cidessus à ce méta-réseau informationnel qu’est Internet» 52. La figure 7 illustre une telle idée. Figure 7: «The flexible office, multi-tasking in St James’Park» Source: Bishop et Williams, 2012, p. 17. Ces tendances dans le monde du travail donnent lieu à de nouveaux espaces que certains nomment «co-working spaces» ou «tiers-lieux» de travail. Les espaces de Co-working «comme certains télécentres, l’espace de coworking ‘type’ se compose d’un openspace et de quelques bureaux séparés, et d’un espace de convivialité (coin cuisine par exemple), propres à accueillir à la journée, à la semaine, au mois, voire plus, des télétravailleurs salariés ou indépendants (freelances) et des travailleurs nomades. La structure de création et de gestion est souvent associative, les adhérents sont invités à payer un loyer variable suivant les lieux et la fréquence d’occupation, mais en général modéré, ce qui est un des avantages de cette sorte de co-location professionnelle.» 53 Pour certains, ces espaces sont en eux-mêmes des lieux de sérendipité. Ils permettent de contourner l’isolement lié au travail à domicile, de rompre avec la sphère privée 54 tout en rencontrant de nouvelles personnes : «la recherche d’une convivialité durable, l’engagement dans un projet associatif, semblent bien des moyens d’échapper à l’atomisation et à la frénésie qui caractérisent la production, la consommation et les relations humaines dans une société hypermoderne. La sérendipité que recherchent 52 Moriset, B. (2011). «Tiers-lieux de travail et nouvelles territorialités de l’économie numérique : les espaces de co-working », Communication présentée au colloque Spatialités et modernité : lieux, milieux et territoires, Pau, 13-14 octobre 2011, p. 1. 53 Ibid. 54 Bishop. P. et L. Williams. (2012). The Temporary City. London and New York: Routledge. 19 les coworkers n’est pas que du zapping pour créer des relations fructueuses (et donc durables) socialement et économiquement.» 55 Il convient cependant de préciser que ces espaces de co-working ne concernent qu’une partie des travailleurs, ceux qui généralement entrent dans la catégorie de la «classe créative» telle que définie par Richard Florida 56 et que l’accès à la société hypertexte, comme le souligne François Ascher demeure somme toute encore inégal. Cette flexibilité des espaces et des usages peut-elle se répercuter sur l’habitat ? Des espaces d’habitat écotonaux de transition au co-housing Si la ville contemporaine révèle différentes formes d’habitat, un type d’habitat, celui des communautés fermées, tend à faire débat. Longtemps décriées, certains portent cependant un regard différent – dans certains pays du moins 57 – sur ces formes d’habitat. Si ces communautés relèvent d’un désir d’être entre «mêmes», «entre-soi», pour certains, la clôture est cependant plus symbolique qu’autre chose. Pour Mager et Matthey 58, les communautés fermées sont des espaces polysémiques et polymorphiques, notamment en raison de la diversité du degré de leur caractère clos. Par ailleurs, la création de telles communautés révèle la flexibilité des pouvoirs publics qui ont permis leur aménagement et la privatisation des espaces qui les accompagne généralement. Un autre regard sur les communautés fermées «des organisations intermédiaires sensibles aux espaces encadrants, mais aptes à en contrôler les flux (passages, circulations, etc.) […] Ce ne sont donc pas la forme de la clôture ou la morphologie des communautés fermées qui importent, mais les modalités 55 Moriset, B. (2011). «Tiers-lieux de travail et nouvelles territorialités de l’économie numérique : les espaces de co-working», Communication présentée au colloque Spatialités et modernité : lieux, milieux et territoires, Pau, 13-14 octobre 2011. 56 Florida, R. (2002). The Rise of the Creative Class and How It’s Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life, New York, Basic Books. 57 La nuance est ici de taille. Le degré de fermeture des communautés fermées ainsi que la signification qu’elle revête est bien sûr différent selon le contexte. 58 Mager C. et Matthey L. (2012). «Pour une géographie des espaces poreux. Polymorphie et polysémie des communautés fermées», Articulo, Journal of Urban Research. 8/2012. En ligne : http://articulo.revues.org/2088 20 de leur fabrication en tant qu’espaces écotonaux, c’est-à-dire des espaces, qui posés ‘à la limite’ sont aussi ‘en contact»59. Pour d’autres, la ville dense passe par la mise sur pied d’expériences de co-housing : «The ideals of collaborative living are today re-emerging in a number of collective housing experiments. Defining features typically include the clustering of smaller-thanaverage private residences to maximise shared open spaces for social interaction; common facilities for shared daily use; and non-hierarchical consensus-based resident management.» 60 Si ces formes d’habitation font souvent l’objet de considérations négatives, pour d’autres c’est une des pistes de réalisation de la ville durable de demain. Dans tous les cas, il s’agit de rendre perméable la frontière entre l’espace public et l’espace privé. C’est d’ailleurs ce que souligne Vuaillat 61 au sujet des rues privées : «les pouvoirs publics, avec un discours ambigu laissent des marges de manœuvre à une négociation. À la fois garant du domaine public, parties prenant dans la gestion des voies privées et fermées ou compatissant aux désirs d’appropriation de l’espace par les résidents, ils initient une gouvernance urbaine où s’entremêlent les intérêts publics et privés». D’autres expériences, alliant les idées exposées précédemment, invitent à repenser cette frontière entre l’espace public et privé, au sein des «espaces communs» 62 (figure 8). Regard critique : La rue, reflet de la ville ? Cette porosité des espaces invite à interroger la définition de l’espace public (ou de l’espace commun) et de s’attarder également sur le devenir de la rue et de reposer les questions déjà avancées par Ascher 63 : «Que devient la rue dans une société hypertexte ? Comment organiser la coexistence des différentes fonctions de la rue ? 59 Ibid. Jarvis. H. (2011). «Sharing space, sharing time: integrated infrastructures of daily life in co-housing», Environment and Planning A., vol. 43, p. 560. 61 Vuaillat, F. (2012). «Les rues fermées : du collectif à la collectivité. Regards croisés Nantes/Recife», Articulo, Journal of Urban Research. 8/2012. En ligne : http://articulo.revues.org/1925 60 62 Gwazdzinski, L. (2007). « Redistribution des cartes dans la ville malléable », Espace populations sociétés, 2-3, p. 398. 63 F. Ascher (2010). «La ville, c’est les autres. Le grand nombre entre nécessité et hasard», dans Masboungi, A., et François Ascher. Grand Prix de l’urbanisme 2009. Paris, Parenthèses, p. 127-130. 21 Comment créer une gouvernance des rues qui prenne en compte tant les intérêts des riverains que les intérêts des passants ?» Outre les initiatives qui permettent de faire de la rue un lieu d’urbanité (figure 9), il est également nécessaire de laisser place à «des zones de tolérance» (figure 10) : «Twenty-first century cities need small and responsive ‘zones of tolerance’, scattered throughout their neighbourhooods. These may be very small indeed, perhaps covering just an individual building […] The could catalyse and nurture temporary activities and new enterprise, and offer stimulation and delight.» 64 Figure 8 : Commonspace 65 Source : http://rebargroup.org/commonspace/ Figure 9 : Colonising the street Source: Bishop et Williams, 2012, p. 196. Figure : 10 Please Keep on the Grass Installation réalisée dans le cadre du London Festival of Architecture en 2010 Source : Bishop et Williams, 2012, p. 212. 64 P. Bishop et L. Williams. (2012). The Temporary City. London and New York: Routledge, p. 218. Explications fournies sur le site web : «San Francisco’s privately-owned public open spaces (“POPOS”) have multiplied in the last twenty years, and as major new development is poised to begin downtown, they promise to become even more common. Taking the form of courtyards, plazas, rooftop gardens, and corporate atriums, fourteen POPOS have been created since 1985. San Francisco’s Downtown Plan enabled developers to build high density commercial development in return for providing spaces that were to be “open to the public” during certain hours and provide amenities such as restrooms, shade, and protection from the sun and wind. However, what appears to be win-win for developers, citizens, and open space advocates masks a deeper question: just how “public” are these spaces? All are under heavy surveillance; some indicate this with signage, but many do not. Unlike traditional public spaces, where surveillance efforts routinely spark a lively debate regarding the security concerns of the state, constitutional rights, and civil liberty interests, surveillance in these sites goes without question. In San Francisco’s POPOS, the debate appears to be wholly lacking. To what extent, then, should a public space under the unblinking eye of private ownership be called “public” at all? To explore these questions, REBAR initiated the Commonspace project. Starting in May 2006, REBAR set out to map, document and probe the explicit and unspoken rules of San Francisco’s POPOS. First, REBAR gathered vital data on the fourteen sites and created a web-based forum for publishing field reports from anyone visiting the sites. Next, in partnership with performance arts group Snap Out of It, REBAR will activate the fourteen POPOS with a series of “paraformances”: performance actions inspired by the field reports and designed to probe the spaces’ implicit social codes. The paraformance–an intentional reframing of reality–often begins subtly, as a playful, “plausibly deniable” action by a single individual, and can culminate in full scale, “flash mob”-style occupations that engage the participation of their accidental audiences. The particular legal status of POPOS is, as yet, apparently undetermined. What rights are protected there and how behaviors may be regulated, is not elucidated by the any of the city’s municipal codes. Although they are legally required to be labeled “open to the public”, it is not certain whether POPOS have the similar protection of rights as traditional public space. To what extent, then, can these spaces be considered legally “public”? Further Reading SPUR (San Francisco Planning and Urban Research) Report on POPOS Inspired by Rebar’s Commonspace project! SPUR (San Francisco Planning and Urban Research) “Agenda for Change” Includes a discussion of POPOS as part of the fabric of San Francisco’s public spaces. Kayden, Jerold. Privately owned public open space: The New York City Experience. Author's web site, An exhaustive inventory of NYC’s POPOS, which preceded San Francisco’s by about 20 years ». Source : http://rebargroup.org/commonspace/, consulté le 11 janvier 2013. 65 22 SE DÉPLACER DANS LA VILLE DE DEMAIN Tendance 3 - Les déplacements et la mobilité. La multi-activité en mouvement et le rôle du transport collectif Dans la ville contemporaine, les motifs de déplacement sont nombreux : le travail, la formation, les loisirs, l’accompagnement, les achats. De plus, ils varient selon les journées de la semaine. En dépit d’un usage accru des technologies de communication à distance, le nombre et l’intensité des déplacements n’ont pas diminué, au contraire. En fait, les technologies comme les téléphones intelligents fournissent l’information en temps réel et permettent de modifier au dernier instant son horaire. Ainsi, le citadin peut changer la planification de ses activités initialement prévues. C’est dire que, lorsqu’il quitte son domicile le matin, le citadin ne sait pas nécessairement comment se déroulera sa journée. Quel type d’expérience le citadin en déplacement vivra-t-il et comment l’aménagement des villes peut-il répondre aux exigences de l’accroissement et la diversification des déplacements et favoriser une expérience multimodale performante ? Au cours des dernières années, des chercheurs ont observé que les lieux de travail, de consommation, de restauration, ou encore de loisirs ne cessent de se déplacer dans la vie quotidienne des citadins 66. Or, cette instabilité sera porteuse d’un potentiel nouveau pour les nœuds de transport dans la ville. Un rôle renouvelé pour les nœuds de transport L’importance des déplacements dans la vie quotidienne des ménages amènera à repenser le rôle que peuvent jouer les nœuds de transports et les lieux où convergent les flux de passagers. Ainsi, une tendance se dessine clairement quant à l’expérience qu’on souhaite fournir aux gens en déplacement : la conception de lieux de qualité où différents services sont offerts et où les usagers peuvent, par exemple, attendre le prochain train ou bus tout en faisant leurs courses. Pour garantir des services de transport adaptés aux déplacements programmés ou impromptus des citadins, les agences responsables de leur gestion assureront plus d’inter-modalité (bus, co- 66 Masboungi, A., «La mobilité est plus que le transport», dans L. Théry, La ville est une figure libre, Grand prix de l’urbanisme 2010, Parenthèses, Paris, 2010. 23 voiturage, auto-partage, vélo, métro, train de banlieue, navette fluviale, etc.) et les lieux d’interconnexion sont appelés à jouer un véritable rôle de plaque-tournante. Figure 11 : Projet de gare intermodale de Burnaby Transit, Simon Fraser University, Victoria, Colombie-Britannique Source: HCMA (http://hcma.ca/burnaby-mountain-transit-hub-planning-study/) Une grande partie des déplacements sert à faire des achats. Que nous réserve le proche avenir en termes d’offre commerciale pour répondre aux besoins et aux attentes de l’individu individualisé et de la segmentation accrue des consommateurs? Le consommateur qui cherche une expérience particulière va contribuer à la diversification de l’offre de service. Quant au commerçant, il devra développer une relation privilégiée avec le client pour assurer la fidélité de ce dernier. À moyen terme, on assistera au déploiement du commerce de précision, c’est-à-dire qui tienne compte de la diversité des attentes du client. En parallèle, pour répondre à la demande de masse, les magasins à grande surface offrant des produits à bas prix resteront prédominants dans le paysage commercial des régions urbaines. Cela dit, avec l’accroissement du commerce en ligne, les consommateurs forceront les commerçants à développer de «nouveaux concepts commerciaux en dur (les commerces sur les lieux de transit, les distributeurs automatiques, les drives… le ‘commerce d’itinéraire’).» 67 Les nœuds de transport auront donc une importance accrue et pourront offrir une diversité de services et d’expériences en termes de socialisation. Le temps de transport sera donc utilisé pour faire diverses activités. Cette idée doit être mise en lien avec la notion de hub de vie proposée par Sonia Lavadinho. Le hub de vie Le hub de vie est «un sas de mobilité offrant des espaces ainsi que des temporalités de transition permettant la médiation de la ville et la ponctuation de la vie quotidienne.» 68 Espace de transit, le hub de vie est aussi propice aux achats, aux rencontres, aux loisirs, à la sociabilité, etc. 67 Maoti, P. (2012). «Modes et lieux de consommation», in, Des facteurs de changements 2. Territoires 2040, Revue d’études et de prospective no 6, DATAR, La Documentation française, p. 31. 68 Lavadinho, S. (2011). «Les hubs de vie. Quelle opportunité pour faire la ville au-delà de la mobilité», e communication présentée au colloque « Interfaces et métropoles », Lausanne, 8 Rencontre franco-suisse des urbanistes, UNIL, Lausanne, 8 juillet, p. 3. 24 Figure 12 : City Lounge, St-Gall, Suisse Source: http://01liveproject2010.blogspot.ca/2010/10/altering-perceptions.html Les transports représentent la première source de consommation d’énergie. Pour encourager les gens à délaisser l’automobile individuelle, la fiabilité et la ponctualité des services de transport collectif doivent aussi être assurées. Dans un proche avenir, la diversification de l’offre et l’amélioration constante de la qualité et de la performance des services de transport collectif et de leurs installations d’appoint (ascenseurs dans le métro, abribus, etc.) pourront contribuer à inciter les gens à délaisser l’automobile individuelle. Il est également établi qu’une offre extensive de services de transport collectif dans les secteurs bénéficiant d’une bonne densité résidentielle justifiant cette offre contribue à l’augmentation des valeurs foncières 69; ce qui est à considérer lorsque les autorités publiques planifient le développement d’un nouveau secteur urbain. En outre, les quartiers ou les secteurs qui sont bien desservis en transport collectif seront toujours attrayants. Il s’agit là d’un atout indispensable dans un contexte où les coûts de l’énergie vont en s’accroissant. Aussi, en offrant à tous les groupes et types de ménages (familles, personnes âgées, enfants, adolescents, travailleurs, touristes, élèves/étudiants) des équipements diversifiés comme les supports à vélo et des installations de qualité (escaliers mobiles, ascenseurs), les agences de transport collectif seront au premier plan de l’aménagement de la ville durable et d’un accès plus équitable aux services publics. À cet égard, les innovations ayant été conçues pour faciliter les déplacements des personnes souffrant d’un handicap ou à mobilité réduite s’avèrent aussi bénéfiques pour d’autres types de personnes. En plus d’être attractifs, conviviaux, efficaces et agréables, les services de transport collectif sont appelés à renforcer leur fonction d’espace public et en particulier dans une ville nord-américaine comme Montréal où, en 2006, la part modale pour les déplacements domicile-travail arrivait au troisième rang derrière New York et Toronto 70. On assiste de plus en plus à la réaffirmation de la vocation civique des lieux où se croisent les gens en déplacement dans les villes. C’est le cas notamment à Paris où le 69 Cervero, R. et E. Guerra (2011). Urban Densities and Transit: A Multi-dimensional Perspective, Working Paper, UCB-ITS-VWP-2011-6, UC Berkeley Centre for Future Urban Transport, 15 p. http://www.its.berkeley.edu/publications/UCB/2011/VWP/UCB-ITS-VWP-2011-6.pdf 70 Agence métropolitaine de transport de Montréal (2011). Vision 20/20. Plan stratégique de développement du transport collectif, Montréal, AMT. À noter, les villes du Mexique ne sont pas incluses dans l’échantillon. http://plan2020.amt.qc.ca/Evolution+de+la+mobilite+dans+la+region 25 concept de métro ouvert a été récemment mis en avant. Ainsi, une station de métro peut devenir la porte d’entrée d’un quartier utilisée et fréquentée par des milliers de citadins ; d’où l’intérêt d’en faire un espace qui, tout en étant parfaitement fonctionnel, remplit aussi un rôle civique et symbolique. À Paris, l’agence responsable du transport collectif a invité des firmes d’architectes à proposer un nouveau concept de station de métro qui est pensé comme un théâtre à ciel ouvert où se déroule la vie quotidienne des citadins. 71 Certes, ce concept n’est pas adapté aux villes d’hiver comme Montréal mais l’idée selon laquelle ce type d’équipement collectif puisse jouer un rôle civique est à retenir. Figure 13 : Nouveau concept du métro ouvert élaboré par la RATP à Paris. Foreign Office Architects (FOA). Source : RATP, Bulletin Osmose, http://www.ratp.fr/fr/ratp/c_12236/osmose-quelles-stations-de-metro-pourdemain-/. Le métro ouvert «L'équipe a cherché à placer le métro au coeur de la ville. Le "métro ouvert" est pensé comme un théâtre à ciel ouvert. Il met l’accent sur la culture et le vivre-ensemble. Il réunit le transport et l’urbain en intégrant le transport dans l’espace public créant ainsi une continuité du quai à la ville. Cette ouverture est génératrice de nouveaux usages : le sol devient une place publique et les façades abritent des équipements et des commerces. Ce lieu accueille également des espaces verts, créateurs de paysage.» 72 Aux États-Unis, une vision similaire du rôle des nœuds de transport dans la ville est en cours d’élaboration. Elle reprend notamment certaines composantes qui ont caractérisé les grandes gares au début du XXe siècle. L’Open Transit 73 est composée des cinq éléments clés suivants : 71 RATP, Bulletin Osmose, http://www.ratp.fr/fr/ratp/c_12236/osmose-quelles-stations-de-metro-pourdemain-/ Consulté en décembre 2012. 72 RATP, Bulletin Osmose, Quelles stations de métro pour demain ? http://www.ratp.fr/de/ratp/c_12236/osmose-quelles-stations-de-metro-pour-demain-/print/ 73 ‘What we're calling "Open Transit Design" is a new way to explain the concepts underlying some fairly long-established principles in station design that are re-emerging in an era of unprecedented interest in city living. Just as the name suggests Open Transit is an inclusive design point of view that incorporates a wider array of spaces and modes to create an iconic place. Great cities across the world are defined by great places. If we are to make cities more sustainable we need to create transit 26 1) l’intégration de tous les modes de transports en usage 2) une stratégie visant le développement immobilier 3) une architecture qui contribue à créer des espaces remarquables, voire emblématiques 4) l’intégration de la culture dans la conception des transports 5) la volonté d’attirer des non-utilisateurs des services de transport collectif D’après Kenneth Greenberg 74, l’un des défis les plus difficiles à surmonter dans les nouveaux secteurs urbains est celui que pose la mixité des fonctions urbaines. Ainsi, une station ou une gare de transport collectif bien localisée et offrant des services d’appoint peut devenir un espace public concentrant plusieurs types d’activités à différents groupes (étudiants, habitants, travailleurs, touristes). Le transport actif Plusieurs recherches démontrent que le transport actif (marche, vélo) est favorable au maintien d’une bonne santé, sans compter qu’il contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. De plus, on retrouve plus d’usagers des services de transport collectif dans les secteurs urbains denses et à fort potentiel piétonnier. La valorisation de la marche comme moyen de transport La marche à pied peut largement contribuer aux grands programmes publics de développement durable et doit donc occuper une place centrale dans les politiques de transport urbain. Faire de la marche une solution attrayante et complémentaire au transport motorisé constitue une réponse essentielle aux défis soulevés par le changement climatique, la dépendance aux énergies fossiles, la pollution, la mobilité d’une population vieillissante, la santé, ainsi que la gestion de l’explosion de la motorisation dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Parce que les tendances qui places that will also sustain and enhance urban life. For the first time in more than two decades, growth in town and city centers is outpacing suburban growth according to the U.S. Census (figures reported in July 2011). Cities are re-marketing themselves around different amenities as the suburbs lose popularity. Transit is an essential component to defining the difference between world-class cities with vibrant 24-hour occupancy and the type of commuter city that empties out when work is over.’ Peter David Cavaluzzi, Open Transit Design: Why Stations Designed for Non-Transit Users Are Most Successful, Planetzen, septembre 2012. http://www.planetizen.com/node/58529. Consulté le 15 janvier 2013. 74 Greenberg, K. (2011). Walking Home. The Life and Lessons of a City Builder, Toronto, Random House, p. 332. 27 sont définies aujourd’hui déterminent l’avenir des villes sur plusieurs décennies, il est indispensable de prendre dès maintenant des mesures pour les villes durables de demain. 75 Quelques défis… Tenir compte des besoins et du confort des piétons – en particulier les plus vulnérables – dans une démarche d’aménagement Faire de la marche un mode de déplacement ludique, utile, sûr et intéressant Assurer que l’architecture et l’aménagement des lieux d’interconnexion dont les gares et les stations de transport collectif soient particulièrement soignés et remarquables pour donner du prestige au service Gérer la coexistence de deux formes urbaines dense et diffuse (i.e. Vienne par opposition à Phoenix) typique des régions métropolitaines nord-américaines et la forte différenciation des modes de transport (transport collectif et automobile) qui les caractérise Raccourcir les déplacements résidence-travail dans une région métropolitaine qui prend de l’expansion spatiale et assurer une offre de transport collectif 75 OCDE. (2011). Piétons : sécurité espace urbain et santé, Rapport de recherche, document de synthèse. Forum international des transports. http://www.internationaltransportforum.org/Pub/pdf/11PedestrianSumF.pdf 28 LES NOUVELLES CONTRAINTES ÉNERGÉTIQUES ET ENVIRONNEMENTALES Tendance 4 - Une ville résiliente, saine, éco-efficace et favorable à la biodiversité À l’échelle locale et métropolitaine, l’objectif général de la réduction de la consommation de l’énergie touche aux pratiques de mobilité et au fonctionnement des bâtiments résidentiels, publics ou privés (entreprises, commerces, etc.). Dans l’avenir, les autorités municipales seront au premier plan de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques énergétiques localisées 76, le but étant entre autres choses de rapprocher les ressources des gens. Ainsi, les autorités locales et régionales sont appelées à soutenir un «tournant urbanistique» visant à assurer «la nécessaire maîtrise de la croissance spatiale par un urbanisme réinventé, la préservation des ressources essentielles (eau, air, espaces naturels), la réinvention d’un espace de vie à la fois sain, sûr et propice au développement personnel et social» 77. Ce vaste programme implique notamment la gestion des eaux (de ruissellement et usées), la réduction de la pollution atmosphérique et l’accroissement de la biodiversité. Le principe de l’hybridation des pratiques existantes et nouvelles s’avère approprié pour élaborer des mesures permettant de réduire la consommation d’énergies nonrenouvelable. Par exemple, on peut prévoir une plus grande combinaison de la marche et de l’usage de l’automobile (pas nécessairement individuelle). Quant aux habitations, elles pourront être plus petites, à condition que des espaces publics, des services et des équipements collectifs de qualité soient accessibles et ce, à la fois en termes de proximité et d’horaire 78. Toujours par rapport aux habitations urbaines, certaines surfaces comme les toits remplissent une vocation relativement limitée (protéger contre les intempéries). Grâce à leur verdissement et leur aménagement, la fonction des toits pourra être revue et contribuer à la réduction des îlots de chaleur urbains. Ce qui nous renvoie à nouveau à l’idée de lieu flexible ou hydride. 76 Chevalier, J. (2006). «Défi énergétique et “tournant urbanistique”», Les Annales de la recherche urbaine, no 103, pp.189-197. 77 Ibid. 78 Greenberg, K. (2011). Walking Home. The Life and Lessons of a City Builder, Toronto, Random, p. 345. 29 Le changement climatique et ses effets. Mieux gérer les eaux de ruissellement Dans son ouvrage sur la gestion des eaux de ruissellement, A. Karronen 79 signale à juste titre la complexité des problèmes environnementaux et des solutions techniques à mettre en place pour les résoudre. Les villes sont constituées d’importantes surfaces imperméables : sol, toits, rues, bassins de rétentions. Dans l’avenir, l’eau en milieu urbain doit être gérée comme une ressource de valeur et non plus comme un problème à résoudre et à évacuer 80. Qui plus est, les solutions ne sont pas seulement techniques. Elles impliquent des nouvelles formes de collaboration entre les pratiques sociales et la culture technique du génie civil. La gestion décentralisée des eaux de ruissellement vise à assurer une plus grande cohésion entre l’environnement bâti et le cycle de l’eau 81. En outre, elle peut rendre les villes plus résilientes vis-à-vis les aléas du climat. D’un point de vue socioculturel, cette manière de réintégrer l’eau à l’environnement urbain nous amènera à développer des nouveaux imaginaires écologiques urbains (civic imaginaries) 82 et à défaire les dichotomies modernes qui opposent l’urbain au rural, le naturel à l’artificiel, l’humain au non humain et le factuel au normatif. Une telle approche permettra de créer un paysage inédit où se rencontrent la ville et la nature. Il importe aussi de valoriser une vision de la ville et de l’aménagement qui mette l’accent sur l’hybridité, l’incomplet, le partiel et les connexions. En d’autres mots, les démarches de planification urbaine de demain doivent être en mesure de prendre en compte les aspects désordonnés de la société urbaine et de la nature. Une telle perspective suppose l’établissement d’une nouvelle culture de l’aménagement qui brise le monopole des experts techniques et qui exige une plus grande flexibilité quant aux normes techniques. Le but est de tenir compte des situations et des conditions particulières des milieux et de trouver des solutions qui leur soient adaptées. Par conséquent, ce type d’approche implique que les acteurs acceptent de gérer l’incertitude dans le processus de prise de décision et de remettre en question les procédures et les structures 79 Karvonen, A. (2011). Politics of Runoff Water. Nature, Technology and the Sustainable City, Cambridge, MIT Press. 80 Karvonen, A. (2011). Ibid., p. 15. 81 Hoyer. J. et al. (2011). Water Sensitive Urban Design. Principles and Inspiration for Sustainable Stormwater Management in the City of the Future, Berlin, Jovis. 82 Karvonen, A. (2011). Ibid., p. 188. 30 bureaucratiques 83. Pour revoir en profondeur la manière dont les eaux de surface sont gérées dans les milieux urbains, il faut ainsi être ouvert à l’expérimentation et s’attendre à des retombées et des résultats imprévus 84. On peut penser notamment à la réhabilitation des anciens cours d’eau qui sont disparus des paysages urbanisés. Figure 14 : Rue à Portland, Oregon Source: http://biophiliccities.org/ Réinventer la présence de la nature en ville Dans la ville contemporaine, désir de nature et désir d’urbanité ne sont pas antinomiques. Comme en témoigne le fort attrait en Amérique du Nord pour la vie en banlieue ou en milieu périurbain caractérisée par l’habitat pavillonnaire et la présence de jardin individuel, il prévaut un désir de nature ou de proximité à la nature. Comment pourrons-nous satisfaire à cette demande sociale pour une nature de proximité? Par ailleurs, il faut habituer les citadins à concevoir autrement la nature en ville, cette dernière étant largement domestiquée. Apprendre à «laisser faire la nature» 85 signifie d’expliquer aux habitants et aux gestionnaires comment ils doivent repenser les normes sociales et urbanistiques quant à l’apparence des espaces verts et des aménagements paysagers. Certes, dans les régions urbaines, la conservation des restants de bois et la protection des ruisseaux ou des milieux humides sont importantes. Mais plusieurs éléments comme les jardinets, les haies, les arbres de rue ou les cours jouent aussi un rôle important en contribuant notamment à assurer une stratification écologique plus extensive (muscinale, herbacée, arbustive, arborée). Une représentation de la nature en ville à redéfinir «L’image de la nature en ville reste aujourd’hui encore très liée aux yeux des habitants des villes à l’idée d’ordre et de propreté, une vision qui fait écho à la tradition horticole d’entretien des jardins. L’image d’une végétation plus libre et diversifiée, plus naturelle et moins normée, doit être expliquée afin d’être comprise puis admise. Une nécessité car l’implication plus généralisée des habitants dans la conception mais aussi la 83 Karvonen, A. (2011). Ibid., p. 195. Karvonen, A. (2011). Ibid. 85 Ségur, F. (2012). « Laisser faire la nature », revue M3, no 2, mars. 84 31 maintenance active de ces espaces de nature est une des conditions de réussite de ce modèle.» 86 Dans la ville de demain, la présence de la nature ne se résumera pas aux espaces verts ou encore aux coulées vertes. C’est que la ville est aussi «le théâtre d’une vie animale et végétale qui colonise les berges des cours d’eau, les annexes d’une voie urbaine, les interstices des sols et des murs, les anfractuosités des murs.» 87 Plusieurs chercheurs soulignent qu’un changement de regard est en cours mais que les pratiques n’ont pas encore pris le tournant 88. Avec la montée en puissance des préoccupations environnementales, l’urbanisme végétal va occuper une place accrue dans le développement urbain et il contribuera à «constituer l’espace public continu, accessible, varié et partagé.» 89 La fonction première de l’urbanisme végétal est de changer nos représentations de la nature. De plus, la présence d’une végétation intra-urbaine contribue à réduire la pollution de l’air et à diminuer la chaleur urbaine. Selon cette perspective, la densité du bâti, l’espace public et l’urbanisme végétal s’avèrent intimement liés. La demande sociale de nature en ville Il est dorénavant démontré que l’importance du végétal en ville améliore la qualité de vie et le bien-être des citadins. On parle ici d’une «ville-nature vécue dans sa quotidienneté, sa sensibilité et ce, grâce à tous les sens. Il ne s’agit plus d’une «pelouse interdite», mais bien d’une nature que l’on peut sentir, voire ressentir.» 90 À l’instar des pratiques de gestion des eaux de ruissellement, la manière dont les spécialistes de l’aménagement urbain conçoivent la place et la forme de la nature en ville pourra faire l’objet d’un nouveau modèle d’intervention au sein duquel ce qui a priori apparaît ordinaire et banal soit reconsidéré. Figure 15 : Le Champ des Possibles, Mile-End, Montréal, été 2011 86 Ségur, F. (2012). «Laisser faire la nature», revue M3, no 2, mars. Marry, S. et M. Delabarre (2011). «Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics», VertigO La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 11, n° 1, p. 4. 88 Younes, C. (2010). «La Nature et la ville, écologie et milieux urbains», Conférence Émission, Diffuseur AURH, source Crévilles, En ligne. 89 Marry, S. et M. Delabarre (2011). «Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics», VertigO La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 11, n° 1. 90 Marry, S. et M. Delabarre (2011). «Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics», VertigO La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 11, n° 1. Les auteurs citent ici Yves Chalat (1997). La ville émergente, Paris, Édition de l’Aube. 87 32 Source : Daphné Angiolini, Portes ouvertes au Champ des Possibles, Le Plateau, 13 juillet 2011. http://www.leplateau.com/Actualites/Vos-nouvelles/2011-07-13/article-2650674/Portesouvertes-au-Champ-des-Possibles/1 Comme le rappellent Antoine Bailly et Lise Bourdeau-Lepage au sujet de l’attrait du périurbain chez les ménages français et les manières de concilier et la protection de l’environnement : Le choix n’est pas entre ville dense et ville moins dense. La question est de parvenir à une bonne articulation des hautes et faibles densités, de façon à la fois à préserver l’environnement et à satisfaire ces deux besoins essentiels et incontournables pour l’homme et la société : celui d’urbanité et celui de nature. 91 Selon cette perspective, le défi est de créer des pratiques interterritoriales. Les auteurs parlent de «ville accueillante», de «ville douce» ou encore de «ville aimable». Cette dernière permet à ses habitants de prendre part à différentes activités qui, tout en étant respectueuses de l’environnement, rendent la ville plus conviviale et ouverte à tous. À cet égard, il s’agit d’aménager «des espaces de vie plus «aimants» où le végétal et le vivant (humains et animaux) vivraient en plus grande harmonie». Selon les scientifiques qui travaillent sur la ville durable, il faudra «articuler des échelles d’aménagement, des densités, des rapports d’intensité entre le minéral et le végétal, favorables à la qualité des lieux et des liens sociaux» 92. Des mesures relativement simples comme la désimperméabilisation, la limitation de l’imperméabilisation des sols de certains espaces urbains et de nouvelles formes de gestion de l’espace urbain public peuvent également aller dans ce sens. En ville, les espaces verts remplissent de multiples fonctions : des lieux d’échanges sociaux, de convivialité, de détente, de promenade, de satisfaction du besoin de verdure et de calme des urbains. Ils sont aussi des refuges temporaires de certains animaux. Selon leur localisation, les espaces verts jouent des rôles différents en termes de biodiversité et de préservation du monde animal. C’est pourquoi une gestion différenciée de ces espaces apparaît nécessaire pour tisser les liens entre la nature et la ville. 91 Bailly, A. et L. Bourdeau-Lepage. (2011). «Concilier désir de nature et préservation de l’environnement : vers une urbanisation durable en France», Géographie, économie, société, vol. 13, p. 39. 92 da Cunha, Antonio. (2009). «La ville entre artifice et nature», Urbia. Les cahiers du développement urbain durable, no 8, juin, p. 2. 33 Réfléchir à la ville de demain implique de réhabiliter la nature, de prendre en compte la biodiversité urbaine – ou le potentiel de biodiversité – et d’établir les conditions et d’élaborer les moyens pour l’intégrer 93. À l’instar de l’enjeu de la gestion des eaux de ruissellement, la gestion de la biodiversité urbaine soulève des problèmes complexes impliquant des dimensions écologiques, politiques, techniques, économiques, sociales et psychologiques. 94 C’est la prise en compte de l’interaction et de la hiérarchisation de tous ces systèmes fonctionnant à des pas de temps différents et concernant des échelles territoriales différenciées qui peut permettre de repenser les façons de gérer la nature dans la ville. 95 Pour terminer, l’articulation de la question environnementale à celle de l’avenir des sociétés urbaines suppose également que les mesures visant à préserver les ressources soient pensées à une échelle plus large comme le soulignent Bonard et Thomann : «Si le concept de mixité n’a en effet de sens qu’à l’échelle du quartier, celui de justice environnementale invite à penser les polarisations sociales au minimum à l’échelle de la ville-centre, encore mieux, à celle de l’agglomération.» 96 La mise en pratique de la durabilité urbaine passe donc par une compréhension régionale des enjeux et des pistes de solution. Quelques défis Comment développer de nouveaux imaginaires écologiques urbains? Comment encourager la reformulation de certaines normes techniques pour mieux gérer les ressources naturelles en milieu urbain ? Comment intégrer des aspects désordonnés de la nature dans une démarche de planification ? Comment gérer la question environnementale à l’échelle régionale ? 93 Arnould P. et al. (2011). «La nature en ville. L’improbable biodiversité», Géographie, économie, Société, vol. 13, no 1, p. 45-68. 94 Ibid., p. 64. 95 Ibid. 96 Bonard, Y. et M. Thomann (2009). «Requalification urbaine et justice environnementale : quelle compatibilité ? Débats autour de la métamorphose de Lausanne», VertigO. La revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 9, n° 2. 34 POUR CONCLURE Au cours des années à venir, les avancées technologiques, les nouveaux modes de vie, les rythmes urbains des citadins, les évolutions sociodémographiques et les impératifs environnementaux auront des répercussions sur la manière de concevoir et d’aménager les villes. Des enjeux sociaux spécifiques découleront des tendances présentées dans ce rapport. D’abord, la mixité sociale demeure un objectif essentiel pour éviter la polarisation sociale qui touche de nombreuses régions urbaines. Les pouvoirs publics disposent de différents moyens pour assurer le maintien des populations traditionnelles dans les quartiers en redéfinition, notamment l’appui au développement de types de logements diversifiés, y inclus des logements abordables et sociaux pour des ménages variés (nouveaux immigrants, personnes âgées, jeunes familles, personnes seules, etc.) et une offre performante de services publics comme le transport collectif. La question du maintien ou de l’attrait des familles dans les parties centrales de la région de Montréal est particulièrement déterminante. À cet égard, l’offre de services sociaux et d’éducation de qualité s’avère aussi primordiale pour attirer une diversité de ménages. Ensuite, en plus de contribuer à la croissance économique, la présence de zones d’emploi et d’un noyau commercial dans un secteur peut réduire les distances que les gens parcourent pour se rendre au travail ou faire leurs courses. Enfin, pour relever le défi de la protection de l’environnement et celui de la lutte aux changements climatiques, la flexibilité et la capacité d’adaptation des espaces urbains seront des caractéristiques incontournables. 35 ANNEXE 1 Liste de mots clés en français et en anglais ayant servi à constituer la bibliographie Thématique 1 - Expérience et usages de l’espace Serendipité (i.e. la ville doit permettre les rencontres et le hasard, l’aléatoire, l’éphémère) Urban serendipity / serendipity and cities Tactical Urbanism, DIY Urbanism, interventions spontanées Hubs de vie (ambiances), aseptisation, ville sensible ou interprétation sensible de la ville Sensitive city, urban cleansing Urban Ambiances, emergent urban atmospheres, architectural ambiances Porosité des espaces (ex. le lieu de travail se déplace : à la maison, dans les cafés, dans les transports) Porous urban space, Heterotopia Digital practices on the move, telecommuting, digital technologies in cafés, digital technologies in transit systems Revaloriser la nature en ville (nature de proximité) Green city, small public urban green space Valoriser les lieux des flux (rôle des nœuds de transport) Space of flows Urban Hubs / Urban Transit Hubs Géocyberespace (mort de la distance), ville numérique, ville virtuelle, hyperville Electronic city, digital city, death of space, real time lifestyles, virtual city Thématique 2 - Individuation des modes de vie et nouvelles temporalités Nouveaux espaces de vie où cohabitent les activités (habitation, travail, loisir) Ville 24 heures (ville en continu, chronotopie, rythmes urbains, ville hypermoderne) 24 hour city/cities, city beat, hypermodern cities, urban beat/urban rhythms New urban lifestyles Tout pour la famille /intégration des générations, cohabitations, mobilités et partages Cohousing, affordable housing, social mix, predicting housing needs, future housing needs, intergenerational housing Social solidarity and social inclusion; social equity 36 Espace privé/public (usage des toits) prolongement de l’intérieur vers l’extérieur Private outdoor space (use of rooftops), extending living space outdoors Thématique 3 - Les déplacements et la mobilité La revanche du piéton (le retour de la ville piétonne) (trottoirs accessibles, chemins pensés pour le piéton en premier lieu, i.e. diagonale), aménager des itinéraires agréables Services de transport collectif futurs Partager l’espace Shared urban space, shared space Promouvoir l’accessibilité (aux services collectifs, travail, loisirs, achats, études, aux aliments sains) et développer une culture de la proximité Future transit cities Physical accessibility and mobility Future individual accessibility and mobility Thématique 4 - Les nouvelles contraintes énergétiques et environnementales Ville durable accessible à tous (contraire de Mazdar City) Gérer les eaux de ruissellement Réduire la consommation d’énergie et des ressources Favoriser la compacité urbaine Sustainable city/urban sustainability for all, urban storm water management, low energy city, compact urban form Nature en ville Cities and nature 37