HIGHLIGHTS 2006 Forum Med Suisse 2007;7:21–22 21 Médecine nucléaire: traitement systémique du carcinome médullaire thyroidien au stade métastatique par radionucléides Fabienne Itena, b, Beat Müllerb, Jan Müller-Branda, Martin A. Waltera, b Universitätsspital Basel a Institut für Nuklearmedizin, b Abteilung für Endokrinologie Introduction Le traitement du carcinome médullaire métastatique de la thyroïde métastatique constitue un défi. Lorsque toutes les possibilités chirurgicales ont été épuisées, le médecin traitant n’a d’autre choix que d’assister à l’évolution terminale en instaurant des mesures palliatives. En effet, dans le carcinome médullaire métastatique de la thyroïde métastatique, contrairement aux autres tumeurs solides, on ne dispose d’aucun traitement systémique offrant un rapport bénéfice/ risque adéquat. En ce qui concerne le carcinome différencié de la thyroïde, la médecine nucléaire offre depuis longtemps une option thérapeutique éprouvée avec l’iode-131. Les tumeurs métastatiques sont traitées par cette méthode thérapeutique à visée curative depuis des décennies déjà. Cette méthode a amélioré le pronostic du carcinome thyroïdien différencié, et elle a démontré en outre que le transport spécifique de nucléides radioactifs dans les cellules tumorales peut aboutir à la guérison, également dans des situations polymétastatiques. L’application de ce traitement systémique prometteur par radio-isotopes du cancer thyroïdien différencié à d’autres tumeurs, notamment le carcinome médullaire de la thyroïde, représente l’un des défis majeurs auxquels la médecine nucléaire sera confrontée ces prochaines années. Radio-immunothérapie anti-CEA L’an passé justement, un pas dans cette direction a été franchi par le groupe de travail français de Chatal et al. [1]. Ces chercheurs ont utilisé un anticorps dont un bras se lie à l’antigène carcinoembryonnaire (CEA) présent en très grande quantité à la surface des cellules du carcinome médullaire de la thyroïde. Avec son second bras, cet anticorps se lie à un haptène chargé d’iode131 radioactif, appliqué quatre jours plus tard et qui a irradié les cellules tumorales. Les auteurs ont constaté une réponse biochimique chez 18 sur 29 patients traités. Par ailleurs, il est remarquable de noter que les patients du groupe du carcinome thyroïdien médullaire à progression rapide ont présenté une meilleure survie par rapport au collectif de contrôle non traité. Dans ce groupe, les patients ayant répondu au traitement ont survécu plus longtemps que les patients n’ayant pas répondu. Il faut toutefois mentionner que ces résultats ont été obtenus par un groupe de travail isolé et auprès d’un collectif limité. De même, le concept de l’étude n’est pas dépourvu de toute critique, le groupe de contrôle étant un collectif historique non traité. Cependant, cet article souligne le potentiel spécifique du traitement aux radionucléides, et il a fait partie des points forts de la médecine nucléaire l’an dernier. L’inconvénient majeur de la radio-immunothérape anti-CEA est sa forte toxicité sur le système hématopoïétique. Sur 29 patients, quatre ont développé une neutropénie de degré IV, cinq patients une thrombopénie de degré IV et un patient a développé une myélodysplasie. Traitement par radionucléides contre les récepteurs à la somatostatine La plupart des carcinomes médullaires de la thyroïde expriment à leur surface, en plus du CEA – à l’instar de nombreuses autres tumeurs neuro-endocriniennes – le sous-type 2 de récepteurs à la somatostatine. Cette protéine de surface sert de cible dans le traitement par radiopeptides, ayant pour cible les récepteurs à la somatostatine. On utilise pour ce faire l’analogue de la somatostatine DOTA-TOC. Après administration intraveineuse, le DOTA-TOC chargé d’Yttrium-90 radioactif se lie au récepteur à la somatostatine à la surface de la cellule, puis il est internalisé dans la cellule et irradie celle-ci. Un effet secondaire avantageux de ce traitement est l’effet «feux croisés» lors duquel une cellule tumorale voisine ayant déjà perdu son récepteur correspondant par dédifférenciation se voit également irradiée. Un autre avantage du médicament radioactif réside dans le traçage de sa distribution dans l’organisme et dans son accumulation dans la tumeur visible à la scintigraphie (fig. 1 x). Le traitement DOTA-TOC a été développé à Bâle, et il est appliqué depuis 1997. Depuis lors, il a été appliqué chez des patients avec carcinomes thyroïdiens dédifférenciés et médullaires métas- HIGHLIGHTS 2006 Forum Med Suisse 2007;7:21–22 22 tatiques. Une réponse biochimique favorable a été obtenue chez 10 patients sur 29 avec carcinome médullaire de la thyroïde métastatique. Si les résultats finaux concernant la survie de ces patients sont encore attendus, les résultats intermédiaires indiquent toutefois que ce traitement offre des résultats favorables en cas d’accumulation tumorale. DOTA-TOC réside dans sa bonne tolérance. Cependant le rein est l’organe non cible qui reçoit la dose la plus élevée. Ceci constitue un effet non souhaité de cette thérapie. Aucun des 29 patients n’a développé d’hématotoxicité de degré IV, de myélodysplasie ou d’insuffisance rénale. Conclusions Figure 1 Scintigraphie per-thérapeutique: Un scan du corps entier montre l’accumulation normale du DOTA-TOC dans le foie, les reins, la rate et la vessie. En outre, on observe une bonne accumulation dans les métastases du carcinome thyroïdien médullaire au niveau cervical et sus-claviculaire gauche, ainsi que dans les poumons, la région hilaire bilatérale et le médiastin. Correspondance: Dr Martin A. Walter Institut für Nuklearmedizin Abteilung für Endokrinologie Universitätsspital Petersgraben 4 CH-4031 Basel [email protected] Référence 1 Chatal JF, Campion L, Kraeber-Bodere F, Bardet S, Vuillez JP, Charbonnel B, et al; French Endocrine Tumor Group. Survival improvement in patients with medullary thyroid carcinoma who undergo pretargeted anti-carcinoembryonicantigen radioimmunotherapy: a collaborative study with the French Endocrine Tumor Group. J Clin Oncol. 2006;24(11): 1705–11. – Depuis longtemps, grâce au traitement ciblé par radionucléides, les carcinomes thyroïdiens différenciés métastatiques captant l’iode peuvent être guéris. Ce principe est actuellement appliqué à d’autres tumeurs désormais traitées par radio-immunothérapie et par radionucléides dirigés contre les récepteurs. – La radio-immunothérapie est le premier traitement systémique qui ait pu montrer, lors de carcinome thyroïdien médullaire métastatique, un éventuel avantage sur la survie, même en cas d’hématotoxicité importante. – La thérapie par radionuclides visant les récepteurs par DOTA-TOC est un traitement bien toléré en cas de carcinome thyroïdien médullaire métastatique. Reste à savoir si, dans un proche avenir, la réponse biochimique favorable équivaudra à un avantage en matière de survie.