Le droit comparé et l`économie au secours de l`amiable

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Le droit comparé et l’économie au secours de l’amiable dir. C. Tirvaudey (CRJFC) et M. Deschamps (CRESE)
Date de déroulement : Jeudi 16 mars et vendredi 17 mars 2017
OBJET DE LA MANIFESTATION :
Une enquête, réalisée en 2014 par l’institut BVA et commandée par le Secrétariat pour la modernisation de l’action publique sur « la complexité administrative vue par les Français » met en évidence que pour 42% des personnes interrogées, avoir un litige avec un tiers génère une complexité particulièrement importante. Le traitement d’une situation litigieuse est ainsi un événement ressenti comme compliqué à gérer, ce qui ne va pas sans poser de problème en termes d’accès au droit. Cette enquête met également en évidence que, même si la majorité des contacts propres à remédier à la difficulté, a lieu en présentiel ; après le téléphone et le courrier, Internet progresse de 4 points par rapport à la même étude de 2010. Une autre enquête relative à « l’accès au droit et les besoins en matière d’information juridique en France » diligentée par l’Association pour la Vulgarisation de l’Information Juridique et l’Education au Droit (AVIJED) en 2014 fait apparaître que 48% des répondants ont un besoin régulier d’information juridique. Pour plus de 80 % d’entre eux la recherche s’effectue sur Internet, seuls 7,5% s’informent directement auprès de professionnels du droit et 4% auprès d’associations ou permanences publiques d’aides juridiques. Le medium numérique est donc un outil dont l’utilisation est en progrès et qui peut être utilement sollicité afin de faciliter l’accès des usagers au règlement de leur litige. Alors qu’une grande majorité des Français considère qu’il n’est pas nécessaire d’aller directement devant le juge pour certaines des affaires civiles -­‐cela est en lien avec l’opinion relative à la complexité de la justice-­‐, le recours effectif aux solutions alternatives au juge est toujours proportionnellement beaucoup plus faible. Dans le cadre des travaux sur la justice du XXIe siècle, différents rapports abordent la question des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) et soulignent la nécessité de les développer. Fort de ce constat, un rapport sur le développement des modes amiables de règlement des différends a été réalisé en 2015 par l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ). Ce rapport met en évidence le fait qu’il est peu recouru à la médiation judiciaire malgré les expérimentations menées et les politiques volontaristes mises en place. Il établit en revanche le succès relatif de la médiation conventionnelle et de la conciliation. Le rapport est peu disert sur le droit collaboratif et la convention de procédure participative, pour des raisons liées à la lettre de mission qui imposait un focus sur la médiation et la conciliation mais ne remet pas en cause la place de ces deux mécanismes au sein des MARD comme vecteur de leur développement. Ce rapport souligne enfin qu’il existe dans le domaine des MARD trois acteurs majeurs : les justiciables, les avocats et les juges. Le projet NUMARD (NUmérique et Modes Alternatifs de Règlement des Différends), dont le présent workshop est une étape, aura pour objet de prolonger les travaux du rapport de l’inspection générale des services judiciaires d’avril 2015 consacrés au développement des modes amiables de règlement des différends et de rendre opérationnel certaines des conclusions. Cette recherche sera donc plus particulièrement axée sur la prescription des MARD et sur les influences qui peuvent amener les prescripteurs à modifier leur comportement. Elle s’effectuera en trois phases : 1) Une journée d’études, le 7 octobre 2016, était destinée à sensibiliser les avocats sur le rôle essentiels qu’ils doivent jouer en matière de MARD, tant comme prescripteur, lorsqu’ils sont en contact avec un justiciable venu les consulter, que comme acteur potentiel. 2) Un workshop international « Le droit comparé et l’économie au secours de l’amiable », objet de la présente demande de subvention, visera à éclairer et valider par les prismes de l’économie comportementale et du droit comparé notre analyse des contraintes et limites cognitives rencontrées par les justiciables : Cette deuxième phase du projet mobilise l’économie comportementale et le droit comparé. Le but de la réflexion de notre équipe de recherche pluridisciplinaire en droit (CRJFC) et économie (CRESE) est de confronter les éléments et conclusions du rapport de l’IGSJ ainsi que ceux de notre questionnaire à la fois aux théories de l’économie comportementale et aux expériences étrangères afin de mettre en évidence les freins nationaux au développement des MARD et de rechercher si les facteurs de succès identifiés à l’étranger peuvent être transposés et utilisé en France. La problématique à laquelle le worshop doit permettre de répondre est la suivante : les facteurs que nous aurons identifiés font-­‐ils consensus auprès des experts de droit comparé et d’économie comportementale ? Il est aujourd’hui de plus en plus accepté au sein de l’analyse économique que les agents (ici les justiciables) font des erreurs systématiques tant du fait de l’existence de biais froids (cognitifs) que de biais chauds (affects), et qu’ils utilisent des heuristiques pour effectuer leurs choix. Ce programme est en particulier porté et synthétisé par Daniel Kahneman avec la dyade Système 1/ Système 2. Dès lors, outre le fait de palier les asymétries d’information par la diffusion d’informations brutes concernant les MARD (comme pour les avocats), il reviendrait à l’Etat ainsi qu’aux avocats de prendre en compte la rationalité limitée des justiciables. A ce stade de notre recherche, une première partie de notre analyse sera consacrée à une réflexion sur les biais et heuristiques principaux des justiciables. Après avoir effectué une synthèse actualisée de la littérature en la matière, nous identifierons les éléments pertinents dans le domaine des MARD. A titre d’illustration, nous chercherons à déterminer, notamment grâce au rapport de l’IGSJ et à notre questionnaire auprès des avocats, si en la matière les justiciables souffrent d’un biais d’excès de confiance ou d’optimisme. Il est en effet possible de considérer que les justiciables ne recourt pas aux MARD car ils estiment que leur affaire à toutes les chances de triompher rapidement en justice, ce qui peut être plus ou moins erroné du point de vue temporelle et/ou jurisprudentiel. Notre objectif étant tout à la fois de repérer les principales erreurs systématiques et de proposer une classification des justiciables en profils types plus ou moins distanciés de la rationalité classiquement postulée. La seconde partie de notre analyse portera sur la pertinence soit du débiaisage des justiciables (pour leur enlever leurs erreurs d’appréciation et leur permettre de retrouver leur rationalité), soit du recours à la théorie du paternalisme libéral (c’est-­‐à-­‐
dire la mise en œuvre par l’Etat d’une architecture de choix qui conduise les justiciables, du fait de leurs biais et heuristiques, à choisir la voie des MARD lorsque cela est leur intérêt). Il s’agira en particulier d’arriver à voir si notre analyse conduit à un consensus auprès des intervenants à la fois sur les biais et heuristiques des justiciables et sur les questions préliminaires à leurs poser pour déterminer à quel profil type ils appartiennent. Cela permettra de fournir une information dont la formulation (effet de cadrage ou framing) et la présentation (biais et heuristiques) seront spécifiquement adaptées aux difficultés de chacun des profils types de justiciable, tout en restant identiques sur le fond. La réalisation de ce workshop s’appuie sur la proximité scientifique et géographique des deux laboratoires concernés, le CRJFC (C. Tirvaudey, L. Mordefroy et F. Osman) et le CRESE (Centre de Recherche sur les Stratégies Economiques) (M. Deschamps, N. Chappe, F. Cochard). Ces laboratoires de l’Université de Franche-­‐Comté travaillent tous deux sur des problématiques liées à la justice et l’économie du droit et des travaux communs ont déjà été réalisés. La dimension de droit comparé conduit quant à elle à rechercher dans les pays où les MARD sont développés les raisons de ce succès. Dans cette perspective le workshop verra intervenir, outre les intervenants invités, deux professeurs invités de l’UFC pour ce projet, à savoir les professeurs Louis Marquis (secrétaire général de l’Ecole de Technologie supérieur de Québec) et Tadaki Matsukawa (Université d’Osaka). Le workshop bénéficiera également de l’expertise et du réseau du professeur Filali Osman, spécialiste des MARD dans l’espace méditerranéen. L’expertise de l’antenne française du centre européen des consommateurs, avec lequel nous avons commencé à établir une relation, sera également sollicitée. 3) Les éléments validés lors du workshop serviront à construire une application Smartphone et une interface web d’information et d’aide au choix des justiciables. La recherche en informatique sera sollicitée pour réaliser ces outils offrant à chaque justiciable une information personnalisée et s’actualisant avec leur utilisation par les justiciables grâce à une base de données dynamiques. Ce projet est construit sur une collaboration pluridisciplinaire utilisant les ressources du droit, de l’économie et de l’informatique pour construire un outil efficace au service de la promotion d’une forme justice dont tous les outils juridiques existent déjà. Cette manifestation scientifique sur les modes alternatifs de règlement des différends, s’inscrit dans la continuité de travaux menés au CRJFC dans l’axe thématique « Nouveaux juges, nouvelle justice ». Elle sera proposée à la formation continue des professionnels de justice (magistrats et avocats). 
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