Fiche d`actualité scientifique n°275 ( PDF , 99 Ko)

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Fiche n°275 - Septembre 2007
Des satellites pour la surveillance volcanologique dans la cordillère des Andes
a partie centrale de la cordillère des Andes est une
zone montagneuse regroupant
plusieurs dizaines de volcans
actifs ou susceptibles de le
devenir. L’altitude très élevée de
ces édifices volcaniques, des
conditions d’accès difficiles et
parfois dangereuses en période
d’activité, rendent très contraignantes leur surveillance et
les études de terrain. Afin de
contourner cette difficulté, des
chercheurs de l’IRD ont entrepris depuis plusieurs années
de mesurer l’activité volcanique depuis l’espace grâce
à des images prises par un
satellite de l’Agence spatiale
européenne. Récemment, ils se
sont intéressés à l’étude d’un
complexe volcanique regroupant deux volcans situés sur la
frontière entre l’Argentine et le
Chili : Lastarria, qui atteint 5706
mètres d’altitude et Cordon
del Azufre culminant à 5480
mètres. Les informations acquises montrent que deux types de
déformations semblent affecter
la croûte terrestre sur la zone
d’étude. Le premier mode de
déformation mesuré à l’échelle
de l’ensemble du massif volcanique pourrait correspondre
à une vaste accumulation de
magma en profondeur. Quand
au deuxième mode localisé au
niveau du volcan Lastarria, il
pourrait être lié à un flux hydrothermal superficiel.
© IRD/ Sylvain Bonvalot
L
Fumerolles actives sur le volcan Lastarria
La zone centrale des Andes localisée entre le
sud du Pérou et le Chili comporte 50 volcans
actifs ou potentiellement actifs distribués le
long d’un arc de 1500 km de long. L’activité de
ces édifices volcaniques très isolés qui culminent généralement entre 4000 et 7000 mètres
d’altitude et dont les pentes abruptes et souvent
recouvertes de neige rendent les mesures de terrains très difficiles, est encore peu étudiée. Une
équipe de chercheurs de l’IRD en collaboration
avec l’Université du Chili (Santiago) et l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand
(1) s’est plus particulièrement intéressée au massif de Lastarria-Cordon del Azufre. Il s’agit d’un
complexe volcanique d’une surface de 1600 km²,
situé dans la Cordillère des Andes centrale à la
frontière entre l'Argentine et le Chili près d’Antofagasta.
Des recherches sur les déformations de la croûte
terrestre menées entre 1992 et 2000 dans cette
région, par une équipe nord-américaine avaient
permis de détecter un signal de grande longueur
d’onde sur la topographie à partir de l’analyse
de données recueillies par le satellite ERS-1 de
l’Agence spatiale européenne. Cette déformation
correspondrait à une dilatation de la croûte affectant l’ensemble du massif de Lastarria-Cordon
del Azufre. Bien que ce volcan dont la dernière
éruption remonte à plus de 9000 ans, ne soit
pas considéré comme actif, cette déformation
pourrait refléter une activité sous-jacente liée à
la dynamique de fonctionnement d’une chambre
magmatique.
Depuis 2003, les géophysiciens de l’IRD ont
poursuivi ces investigations sur les déformations pour le massif de Lastarria-Cordon del
Azufre en employant la technique d’interférométrie radar. Cette méthode de mesure est basée
>>
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
CONTACTS :
SYLVAIN BONVALOT, DOMINIQUE
RÉMY, GERMINAL GABALDA
Institut de recherche pour le
développement (IRD)
Laboratoire des Mécanismes
de Transfert en Géologie
Observatoire Midi-Pyrénées,
14 avenue Edouard Belin,
31400 Toulouse cedex
TEL : (33) 05.61.33.26.69
[email protected]
[email protected]
JEAN-LUC FROGER
Institut de recherche pour le
développement (IRD)
Laboratoire Magma et
Volcans
Observatoire de Physique du
Globe
5 rue Kessler
63038 Clermont-Ferrand
[email protected]
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS
+33 (0)1 48 03 75 19
[email protected]
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD
+33 (0)1 48 03 78 99
[email protected]
www.ird.fr/indigo
IRD AUDIOVISUEL
+33 (0)1 48 02 56 24
[email protected]
www.audiovisuel.ird.fr/
REFERENCES :
Jean-Luc Froger, Dominique
Remy, Sylvain Bonvalot et
al, Two scales of inflation at
Lastarria-Cordon del Azufre
volcanic complex, central
Andes, revealed from ASARENVISAT interferometric
data, Earth and Planetary
Science Letters, 2007
DOI: 10.1016/j.epsl.2006.12.012
MOTS CLEFS :
ACTIVITÉ VOLCANIQUE, INTERFÉROMÉTRIE RADAR, DÉFORMATION
DE LA CROÛTE TERRESTRE
sur la superposition de deux images satellitaires
radar d’une même zone géographique acquises
à des moments différents. Ce signal différentiel
entre les images, qui porte le nom d’interférogramme, permet de détecter une éventuelle
déformation de la croûte terrestre. La valeur de
la longueur d’onde qui lui est associée est par
ailleurs proportionnelle à la profondeur, au sein
de la lithosphère, de la source de déformation.
Pour cette étude, les scientifiques ont exploité
les données acquises par ENVISAT, un satellite
lancé en 2002 par l’Agence spatiale européenne.
Grâce à son capteur ASAR (Advanced Synthetic
Aperture Radar) ce satellite a, comme ses prédécesseurs ERS-l, ERS-2, la capacité de réaliser de
l’imagerie radar par tout temps. Une fonctionnalité
qui s’avère particulièrement intéressante dans les
régions montagneuses d’Amérique latine.
Entre mars 2003 et juin 2005, le satellite ENVISAT
a ainsi enregistré huit images du complexe volcanique Lastarria-Cordon del Azufre. En traitant
ces images à l’aide d’un logiciel spécialisé, les
scientifiques de l’IRD ont finalement obtenu 28
interférogrammes. A partir de ce jeux de données,
ils ont pu mesurer les déformations de l’ordre du
centimètre affectant l’écorce terrestre sur l’ensemble de la région étudiée. En accord avec l’étude
nord-américaine, un signal de grande longueur
d’onde a pu être mis en évidence à l’échelle régionale, soit une zone d’environ 45 km de long sur 35
km de large correspondant à l’ensemble du complexe volcanique. Un signal de courte longueur
d’onde non identifié précédemment a également
été mis en évidence sur la zone d’étude. Mais à
la différence du premier, celui-ci est uniquement
centré sur le volcan Lastarria.
Pour expliquer ce double phénomène les
scientifiques envisagent deux hypothèses
distinctes. Comme la déformation mesurée à
l’échelle régionale correspond à un signal de
grande longueur d’onde, elle a donc une origine
profonde estimée par les géophysiciens entre
-7 et -15 kilomètres. Une déformation localisée
à une telle profondeur a de fortes chances d’être
induite par une activité magmatique. L’origine
du signal de courte longueur d’onde localisé à
environ 1000 mètres sous le sommet du volcan
Lastarria, est quant à elle plus incertaine. Elle
pourrait néanmoins être liée à la circulation d’un
flux hydrothermal.
Afin d’en savoir plus sur les probabilités d’évolution du massif volcanique Lastarria-Cordon del
Azufre, les chercheurs doivent désormais compléter ces données satellites par des études
de terrain. A l’aide de mesures GPS, ils vont
notamment pouvoir vérifier si les déformations
mesurées grâces aux données satellites correspondent effectivement à des déplacements de
la croûte terrestre. Avec la gravimétrie, méthode
géophysique utilisée pour détecter les variations
spatiales et temporelles du champ de pesanteur
, ils espèrent par ailleurs obtenir des informations
sur des changements de masse ou de densité en
profondeur. Ainsi, une modification de la gravité
couplée à un déplacement de la croûte terrestre
pourrait indiquer un remplissage ou un vidage
d’une chambre magmatique et donc confirmer
l’activité volcanique sous-jacente. Si cette hypothèse devait se vérifier, le complexe volcanique
Lastatria-Cordon del Azufre représenterait un cas
unique de mise en évidence de la formation de
grands réservoirs magmatiques sous les Andes.
A l’avenir, de telles méthodes d’observation par
satellites pourraient alors permettre d’étudier l’activité volcanique dans des régions difficiles d’accès
comme la cordillère des Andes et ainsi optimiser
la surveillance des édifices volcaniques.
Rédaction - IRD : Grégory Fléchet
(1) Ces recherches sont menées en partenariat
avec plusieurs laboratoires en France (Institut
de Physique du Globe de Paris, Université
de Clermont-Ferrand, Université de Toulouse,
Université de Savoie), au Chili (Universidad
de Chili, Sernageomin), en Equateur (Escuela
Politecnica Nacional) et au Pérou (Instituto
Geofisico del Perú, Conida).
© IRD/ Jean-Luc Froger
Fiche n°275 - Septembre 2007
Pour en savoir plus
Image en 3 dimensions de la déformation volcanique détectée par interférométrie radar sur le volcan
Lastarria-Azufre
Grégory Fléchet, coordinateur
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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