Les papillons de jour de Martinique Guide rapide d’identification Gwénael DAVID Ce guide rapide d’identification, inédit pour les papillons de jour de la Martinique, est un outil pour appréhender les différentes espèces sur le terrain et vous aider lors d’éventuelles sorties. Il permet de se rapprocher de l’identification des espèces et en rappelle certains critères de reconnaissances, visibles à l’œil nu, ainsi que les comportements caractéristiques observables dans la nature. Les papillons de jour de la Martinique sont assez distincts les uns des autres mais il existe parfois le risque de confondre deux espèces, elles peuvent alors être distinguées par la prise en compte de leurs milieux naturels. Ce guide permet de se familiariser avec les diverses espèces et leurs familles, avant d’aller plus loin. Pour ceux qui maîtrisent globalement les différentes espèces de la Martinique, nous vous proposons un guide complet sur le site de la SHNLH, guide plus précis sous forme de fiches qui prend en compte les premiers états (œufs, chenilles, chrysalides et imagos) des espèces locales. Pour ce guide rapide d’identification, nous avons choisi de traiter les papillons par couleur. La couleur est le premier élément qui se perçoit, surtout lorsque le papillon est en vol. Une difficulté réside dans le fait que les ailes des papillons ne sont pas uniformes et bien des espèces possèdent des nuances de couleurs variées, avec parfois des différences notables entre les mâles et les femelles. Aussi, nous avons choisi de mentionner la couleur fondamentale, celle qui ressort en vol ou qui retient l’attention, en précisant lorsqu’il s’agit de reflets. La couleur fondamentale n’est pas toujours la couleur exacte du spécimen, mais la couleur qui se perçoit en vol. Les papillons sont classés par couleurs puis ensuite par familles. Les familles des papillons de jour en Martinique sont assez faciles à distinguer, les reconnaître aide à l’identification des espèces. Chaque espèce est illustrée par une photo prise dans la nature en Martinique, le plus souvent dans une position caractéristique. Deux exceptions cependant : Astraptes talus n’est pas illustrée car l’espèce est rare et nous ne possédons pas de photo, Vanessa cardui est illustrée par une photo prise en Métropole, l’espèce est migratrice en Martinique et ne se rencontre que sporadiquement. Hypolimnas misippus, nymphale migratrice occasionnelle, n’est pas évoquée non plus. 2 Couleur fondamentale blanche ou crème Nymphalidae Pieridae Appias drusilla Ascia monuste Eurema daira palmira Appias drusilla est le seul papillon tout blanc. Quelques reflets soyeux verdâtres peuvent parfois iriser les papillons en bon état. Le vol est rapide, parfois à deux ou trois mètres du sol, et le papillon se pose assez peu. Ascia monuste est plus crème que blanc, de la même taille qu’Appias drusilla, avec des zones sombres parfois marquées et des variations entre mâle et femelle, et même selon les individus. Le vol est généralement à ras de terre et le papillon se rencontre souvent en bon nombre dans les zones dégradées. Eurema daira palmira est bien plus petit et offre parfois des teintes jaunes. La transparence permet de distinguer un épais trait noir au dessus des ailes, marque caractéristique des mâles de l’espèce. Le papillon vole au ras des herbes et occupe sans trop s’en éloigner des périmètres parfois restreints. Anartia jatrophae Anartia jatrophae est la seule nymphale à couleur fondamentale blanche. Certains spécimens peuvent tendre vers le gris. La bordure orange, le damier gris et les points noirs au dessus des ailes, ainsi que les teintes roses au dessous permettent sans problème d’identifier l’espèce. Le papillon reste généralement très près du sol dans des milieux à végétation basse, voletant d’une fleur à l’autre. 3 Couleur fondamentale jaune Pieridae Ligne caractéristique sur le dessous des ailes de Phoebis agarithe antillia, à gauche, comparée à un exemple de dessous de Phoebis sennae. Phoebis agarithe antillia Phoebis sennae Taille comparée des grandes piérides, à gauche, et de Eurema venusta emanona. Aphrissa statira statira Eurema venusta emanona Un papillon diurne jaune est à coup sûr une piéride. Certaines de ces piérides, comme Phoebis sennae par exemple, présentent des variations de taille et de ton qui rendent parfois difficile l’identification. Phoebis sennae est très variable : jaune verdâtre sans tache, jaune vif avec des taches, jaune et rose chez la femelle notamment, autant de variations auxquelles il faut encore ajouter les fluctuations de taille ! Le papillon vole souvent au ras du sol mais se rencontre aussi en vol énergique et rapide à un mètre du sol. Phoebis agarithe antillia offre une teinte jaune bien plus intense pouvant aller jusqu’à l’orange chez le mâle. L’apex des antérieures des femelles marqué d’une petite zone blanchâtre et une ligne presque continue de taches foncées permettent de distinguer le papillon de Phoebis Sennae. Phoebis agarithe antillia s’observe plutôt en vol rapide à deux mètres du sol. Aphrissa statira statira est d’un jaune pâle uni au dessous des ailes et de deux nuances, bien séparées, de jaune au dessus. Il occupe presque essentiellement les zones forestières humides du centre et du Nord de l’île, à proximité des rivières. Il se rencontre parfois en groupes importants près du sol mais vole aussi très haut, à la cime des arbres et le long des routes forestières. Eurema venusta emanona est bien plus petit que les trois autres piérides. Le dessous des ailes est variable, jaune affirmé à très pâle, constellé de fines taches brunes ou uni. Le surlignage noir de l’apex du dessus des ailes antérieures se voit par transparence. Le papillon vole souvent dans les chemins ou en bord de route mais n’hésite pas à quitter le sol. 4 Couleur fondamentale orange Hesperiidae Castnidae Nymphalidae Wallengrenia ophites Wallengrenia ophites présente un dessous des ailes orange uni, sans tache ni point. Le dessus est porteur de taches et de zones noires. L’espèce se rencontre sur les mornes du Sud comme sur les routes forestières du centre de l’île, souvent posée sur le chemin ou les feuilles mortes. Castnia pinchoni Dryas iulia martinica Agraulis vanillae Castnia pinchoni possède les antérieures brunes mais les postérieures orange. Ce papillon endémique et encore méconnu n’est pas un papillon de jour mais possède les antennes terminées en massues ! Tout témoignage quant à l’observation de cette espèce est important. Danaus plexippus est assez grand, très Ces papillons ne posent pas de problème d’identification : Danaus plexippus Dryas iulia martinica a les ailes élancées avec le contour plus ou moins surligné de noir, notamment à l’apex. Agraulis vanillae est moins élancé et offre un dessous des ailes caractéristique et remarquable car pourvu de taches argentées. Le dessus est marqué de nombreux points noirs qui le distinguent de Dryas iulia martinica. Vanessa cardui reconnaissable à sa grande voilure, son maillage nervuré noir et orange tel un vitrail, ses points blancs et sa maladresse lorsqu’il lui faut se poser. Vanessa cardui est une espèce migratrice occasionnelle, elle aussi reconnaissable aux dessins de ses ailes. Enfin, Dione juno n’a plus été revu depuis des années : il présente un dessus des ailes proche de celui de Dryas iulia martinica et un dessous proche de celui de Agraulis vanillae. Sa redécouverte constituerait un évènement… 5 Couleur fondamentale brune ou fauve Hesperiidae Calpodes ethlius Nymphalidae Hylephila phyleus L’identification des Hespéries nécessite un peu d’attention. brunes Memphis dominicana luciana Panoquina panoquinoides ou fauves Calpodes ethlius est une Hespérie de taille moyenne, très rapide et trapue. Les petites taches blanches du dessous des ailes permettent de la reconnaître. Le vol est puissant et le papillon disparaît rapidement à l’envol. Hylephila phyleus est plus petite et ressemble à Wallengrenia ophites (voir Orange), si ce n’est la couleur plus fauve qu’orange et de petites taches foncées sur le dessous des ailes. Elle est assez courante en plaine et dans les mornes, au ras des plantes. Panoquina panoquinoides ressemble à Panoquina lucas (voir Marron) mais on ne la rencontre qu’en bord de mer, sur de petites zones herbacées. En effet, elle s’éloigne peu de sa plante nourricière qui pousse en milieu littoral, souvent assez près de la mer. Verso de Junonia evarete et de Junonia genoveva Junonia evarete Memphis dominicana Junonia genoveva luciana occupe surtout les mornes et les zones littorales où pousse le croton, plante nourricière de l’espèce. Sa silhouette est caractéristique, très découpée avec deux queues orangées. Junonia evarete et Junonia genoveva sont très difficiles à distinguer. Tous deux possèdent de beaux ocelles et des taches pâles ou brique sur le fond rouille du dessus des ailes. Ils se ressemblent beaucoup si ce n’est le dessous des massues des antennes respectivement orange ou noires, et le dessous des ailes postérieures moins coloré chez le second. L’observation du milieu occupé par l’espèce est importante : Junonia genoveva se rencontre en arrière mangrove, à proximité des palétuviers noirs, Junonia evarete se rencontre plutôt à l’intérieur des terres, dans les mornes et parfois sur 6 les routes forestières. Couleur fondamentale marron Hesperiidae Epargyreus zestos Urbanus obscurus Astraptes anaphus anausis Panoquina lucas Nymphalidae Proteides mercurius angasi Nyctelius nyctelius agari Historis odius calaoucera Aucun doute n’est possible concernant l’identification de cette espèce : c’est le plus gros papillon de jour de Martinique, et de loin. Sa forme particulière, ses teintes orange, brunes ou encore cendrées le rendent très reconnaissable. On le rencontre souvent posé sur les troncs, tête en bas, où il passe inaperçu. Les grandes Hespéries nécessitent une attention particulière : Epargyreus zestos est reconnaissable à ses fenêtres orange, taches lumineuses bien visibles sur les ailes antérieures. Astraptes anaphus anausis est sombre et de belle taille, avec pour seules variations quelques traits foncés au dessus des ailes. Elle a pour particularité de se poser souvent à plat, ailes ouvertes sur les feuilles. Proteides mercurius angasi étonne par sa morphologie puissante : ailes carénées et corps trapu. Le dessous des ailes est un patchwork de nuances et reflets, bruns à rouille. Urbanus obscurus est la plus répandue de ces Hespéries et se reconnaît aux longues queues des ailes postérieures et aux taches blanches à l’apex des antérieures. On pourrait la confondre avec Urbanus proteus domingo (voir Vert) mais elle n’en possède ni les poils ni les écailles vertes. Toutes se rencontrent aussi bien dans les mornes, forêts sèches ou routes forestières d’altitude. À l’exception d’Astraptes anaphus anausis, toutes se rencontrent souvent accrochées à l’envers sous les feuilles, ailes fermées. Bien plus petite, Panoquina lucas se reconnaît à ses ailes longues et très étroites, ses bandes de taches blanches au dessous des ailes et à la fulgurance de ses envols. De moyenne taille également, Nyctelius nyctelius agari offre un dessous nuancé de rouille. L’abdomen est légèrement strié de jaune et ses ailes sont plus larges que chez les autres Hespéries de son gabarit. 7 Couleur fondamentale grise Lycaenidae Electrostrymon angerona Allosmaitia piplea Hesperiidae Leptotes cassius Pyrgus orcus (Photo Régis Delannoye) Ces trois lycènes ne sont pas gris mais en donnent l’impression lorsqu’ils volent. Electrostrymon angerona offre un dessous des ailes brun qui perd rapidement en intensité pour glisser vers le brun gris. Il possède quatre queues et une tache rouge et noire. La ligne blanche verticale caractéristique du dessous des ailes permet de le distinguer de Allosmaitia piplea. Allosmaitia piplea est très proche de Electrostrymon angerona mais bien plus rare. Il s’en distingue par la forme de la ligne blanche, de la tache rouge au dessous des ailes et de ses queues. Leptotes cassius est une très jolie lycène qui se reconnaît à son dessous des ailes marbré brun gris en arcs de cercles et surtout à ses deux lunules éclatantes, orange et bleues, au dessous des ailes antérieures. Tous trois se rencontrent tant dans les mornes que les traces forestières, Electrostrymon angerona volant souvent assez haut à la cime des arbres. Cette Hespérie diffère des autres membres de la famille. Assez frêle, Pyrgus orcus se distingue par le quadrillage de ses ailes ainsi que par les longs poils qui couvrent le thorax et mordent sur les ailes. Mâle et femelle sont assez différents, cette dernière offre un maillage bien plus foncé. L’espèce se rencontre occasionnellement en zone sèche mais préfère largement les routes forestières et autres milieux plus humides. Femelle et mâle de Pyrgus orcus. 8 Couleur fondamentale noire Battus polydamas xenodamas Papilionidae Battus polydamas xenodamas Battus polydamas xenodamas ne peut être confondu avec aucune autre espèce. C’est un grand papillon noir et blanc au dessus des ailes, avec des nuances bleues à rose au dessous. Ses ailes sont larges et découpées. On le rencontre en plaine, dans les traces et les jardins, comme le long des routes forestières, butinant les fleurs en vols plus ou moins stationnaires. C’est en outre l’unique représentant de sa famille, celle des papilionacés. 9 Couleur fondamentale ou reflets bleus Lycaenidae Strymon bubastus Hemiargus hanno Ces deux petites lycènes bleues sont très courantes et difficiles à distinguer en vol. Strymon bubastus est la plus grande des deux même si de petits individus peuvent se rencontrer. Le dessous des ailes tire parfois sur le gris et les postérieures sont constellées de points noirs entourés de blanc, surtout sur la seconde partie de l’aile. Une lunule orange et noire est bien visible sur le dessous de l’antérieure. Hemiargus hanno est un très petit papillon de jour, le plus petit de la Martinique. Le dessous de ses ailes antérieures est lui aussi constellé de points mais sur toute la surface de l’aile. La lunule orangée est plus discrète. Ces deux espèces se posent presque toujours ailes repliées, occupent les mêmes milieux et volent au ras du sol en de petits déplacements. Les individus défraîchis sont particulièrement difficiles à distinguer. Hesperiidae Polygonus savigny La teinte de cette espèce est brune mais le dessus des ailes antérieures est parcouru de larges reflets bleus. Quelques taches blanches sur ces mêmes antérieures et un point au dessous achèvent de caractériser l’espèce. Polygonus savigny se pose à plat sur le dessus des feuilles ou se suspend ailes fermées sous les feuilles. Variations de dessins chez Strymon bubastus A noter que Chlorostrymon simaethis, lycène présentée sous la couleur verte, a une teinte bleue violette en vol. 10 Couleur fondamentale ou reflets verts Lycaenidae Chlorostrymon simaethis (Photo Régis Delannoye) Cette splendide lycène verte ne peut être confondue avec aucune autre espèce. Le dessous des ailes vert parcouru d’une ligne blanche la rend difficile à repérer dans son milieu. L’espèce semble préférer la bordure littorale de l’île et n’est pas si courante. Clorostrymon simaethis est bleu en vol, couleur du dessus de ses ailes. Nous avons cependant préféré le classer en couleur verte, pour son dessous vert caractéristique et parce que l’identification est plus aisée au repos. Hesperiidae Urbanus proteus domingo Ici encore, les teintes sont brunes mais poils et reflets verts caractérisent ces deux espèces. Astrapes talus est très rare et se distingue de Urbanus proteus domingo par son absence de queues. Du fait de sa rareté, nous ne possédons pas de photographie. Urbanus proteus domingo est par contre une espèce très courante, facilement identifiable à ses reflets et poils verts, et à ses longues queues aux postérieures. Il faut cependant se méfier, certains individus défraîchis ont perdu leurs queues et peuvent être confondus avec Astraptes talus. Si Astraptes talus semble préférer les zones sèches, Urbanus proteus domingo se rencontre sur les mornes comme le long des routes forestières. Note : nous remercions Jacques PIERRE pour nous avoir autorisé à utiliser sa nomenclature. 11