Par Ronan
Darchen
SocialCE n°59 Juillet-Août 2012 35
Consultation, gociation, concertation
sociale, personne n’emploie le même voca-
bulaire, mais tout le monde demande un
dialogue respectueux des corps intermé-
diaires. « Plus question d’être invités à la fin
du spectacle. On veut être associés à tout »
a résumé la CFTC. « Un dialogue social
normal, c’est déjà pas mal », a commenté
Jean-Claude Mailly pour Force Ouvrière.
Les partenaires sociaux seraient remis au
cœur des débats, telle est en tout cas la
méthode mise en avant par le nouveau gou-
vernement, le président Hollande promet-
tant une refondation de la démocratie
sociale. Ainsi, y compris pour les actions
immédiates qui demandent des crets
début juillet, comme le coup du pouce au
Smic et le droit à la retraite à 60 ans pour
une partie des assurés, des rencontres avec
les organisations syndicales de salariés et
d’employeurs ont eu lieu. La relance du
dialogue social, qui a été malmené, est
effectivement un enjeu majeur : quel avenir
pour la négociation compétitivité/emploi, la « TVA sociale »
proposées par le président sortant ? Quelle réponse à
l’avalanche promise de plans sociaux ? La conférence
sociale prévue avant le 14 juillet sur l’emploi et la crois-
sance devra donner, au-delà d’un agenda social, des
perspectives concrètes pour éviter la confusion dès la
rentrée de septembre. Le ministre du Travail, Michel
Sapin, n’excluait pas qu’elle dure plusieurs jours, pour
traiter au fond les sujets, et ce sont deux pleines journées
qui ont été fixées. La question des interlocuteurs est aussi
posée par les organisations non représentatives : FSU,
UNSA, Solidaires, mais aussi l’USGERES côté patronal
pour l’économie sociale et solidaire n’entendent pas rester
à la porte du dialogue social. Quelle place leur sera faite ?
Lorsque nous avions interrogé Alain Vidalies, Monsieur
Social du PS pendant la campagne présidentielle et
aujourd’hui ministre délégué en charge des relations
avec le Parlement, ce dernier rappelait à notre mémoire
la loi de modernisation sociale de 2002 du gouverne-
ment Jospin. Cette loi entendait imposer une médiation
avant la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’em-
ploi ou la fermeture d’une entreprise, quand le comi
d’entreprise formulait un projet alternatif, appuyé bien
souvent par un expert qu’il pouvait désigner dès la
consultation sur le projet de réorganisation et non juste
pour apprécier la motivation économique du PSE. Las, le
décret du médiateur n’était pas sorti que le Premier
ministre François Fillon, en 2003, suspen-
dait ces dispositions relatives à la consulta-
tion, en réponse aux cris du Medef qui
dénonçait des délais insoutenables aggra-
vant la situation économique d’entreprises
malmenées. Le pragmatisme demande
peut-être dinventer une autre formule,
mais si le droit de veto du CE n’est pas à
l’ordre du jour, quel renforcement effectif
des moyens des représentants du personnel
sera proposé pour que la consultation ne
soit pas formelle ?
Le coup de pouce était promis, mais il est modéré.
L’augmentation du salaire minimum était la priorité
exprimée par les Français pour le pouvoir d’achat, avec le
blocage du prix de l’essence. La baisse du prix du baril
permet de reporter cette dernière mesure pour le
moment, et sur le Smic plusieurs philosophies s’affron-
tent. Celle qui prône une forte revalorisation, à l’instar de
la CGT ou de FO (Smic à 1 700 brut) est convaincue de
la force d’entraînement d’une augmentation des bas
salaires sur la consommation, au-delà du débat de justice
sociale et de resserrement de l’échelle des salaires. Le
tassement des grilles et l’augmentation mécanique du
nombre de smicards est en effet un risque lorsque la
négociation de branche n’aboutit à aucune évolution en
parallèle. Aux antipodes, le Medef stigmatise le coût du
travail, et plus particulièrement celui de la main-d’œuvre
moins qualifiée et délocalisable, pour rejeter toute évolu-
tion du Smic. Le coup de pouce intervenu au 1er juillet est
«Le président
promet une
refondation
de la démocratie
sociale.
Les partenaires
sociaux seront-ils
au coeur
des débats ? »
EN COUVERTURE
DOSSIER
REVALORISER LE SMIC :
CONSOMMATION CONTRE
COÛT DU TRAVAIL
VISER LA THODE
AVEC LES SYNDICATS
ENFIN DU SOCIAL
POUR REDRESSER
LÉCONOMIE ?
Après les engagements de campagne, il est déjà temps
de porter un regard sur l’agenda et l’autre dialogue
social promis par le nouveau président.
La question de l’emploi est la première
préoccupation affichée par les Français avec
le pouvoir d’achat, dans une année 2012
chômage et plans sociaux augmentent.
Comment inverser la tendance ?
34 Juillet-Août 2012 SocialCE n°59
tout de même le premier depuis
2007, soit la durée du précédent
quinquennat : le gouvernement
veut donner un signal dans un
contexte économique compliqué,
malg le surcoût pour l’État,
qui compense les allégements de
cotisations de la Sécurité sociale,
car augmenter le Smic relève les
seuils d’exonération. Pour l’ave-
nir, un projet de réforme du mode
de revalorisation est envisagé. Il
s’agirait d’indexer en partie le
Smic sur l’évolution de la crois-
sance. Aujourd’hui, le mode de
calcul s’appuie sur un indice des
prix à la consommation qui prend
mal en compte les dépenses
contraintes (logement, produits de première nécessité,
alimentation, etc.) des salariés aux plus faibles revenus.
Le nouveau calcul évacuerait sans doute demain la
question récurrente des coups de pouce. Plus large-
ment, la relance des négociations salariales dans les
branches professionnelles devrait être à l’ordre du jour
de la conférence sociale.
Retraite
Pour bénéficier d’un départ à 60 ans, il faudra avoir
commencé à travailler jeune et cotisé 41 annuités (il est
question de trimestres cotisés, donc travaillés, ou réputés
cotisés, tels le service national ou les congés maternité
et maladie, et non de trimestres validés sur les périodes
de chômage) pour la généra-
tion née en 1952. L’attente
des syndicats est évidemment
surieure, à commencer
par l’extension aux périodes
validées et une attention par-
ticulière aux demandeurs
d’emploi les plus âgés. Le can-
didat Hollande avait calcu
150 000 bénéficiaires par an
d’ici 2017, pour un coût de
5 milliards d’euros financé par
une augmentation des cotisa-
tions vieillesse. Les dernières
estimations font état de
100 000 personnes concer-
nées par an. Les marges de
manœuvre pour cette forme
d’extension du dispositif carrières longues se situent
donc dans l’atteinte de ce chiffre de départs possibles,
mais la concertation est également un premier round
d’observations et d’échanges en vue d’une négociation
fin 2012 début 2013, qui doit aménager ou modifier la
réforme de 2010, car le décret n’intervient pas sur l’âge
de départ légal à 62 ans ni sur celui du taux plein à 67 ans.
Le Medef soulève le coût de cette décision sur l’Arcco
(salariés) et l’Agirc (cadres), car les régimes complé-
mentaires vont devoir verser les droits à pension des
nouveaux bénéficiaires, sachant que les réserves de ces
deux régimes sont faibles et diminuent. La part complé-
mentaire représente 31 % de la pension d’un non cadre,
57 % de celle d’un cadre. Le patronat veut résister à
toute augmentation de cotisations, devant déjà faire
face à la hausse de 0,1 point de la cotisation vieillesse
(CNAV) envisagée par le gouvernement. Le rendement
des régimes complémentaires ou le rythme de reva-
lorisation risque d’être prochainement au cœur des
débats.
Les dégâts de la loi TEPA ont été largement commentés
pendant la campagne et l’inefficacité de l’exonération
des heures supplémentaires confirmée, tant pour ne
pas avoir dopé le pouvoir d’achat d’une part que freiné
les embauches d’autre part. La crise économique a, il est
vrai, contrarié l’objectif du gouvernement précédent,
mais le volume d’heures supplémentaires est identique
aujourd’hui à celui de 2008 et il représente l’équivalent
de 400 000 emplois à temps plein. Autrement dit, car il
est évident qu’il n’est guère réaliste de penser réduire à
néant les heures supplémentaires, dont
une partie est réellement liée à des
commandes ou des circonstances
exceptionnelles, chercher à créer 100 à
200 000 emplois en réduisant de 25 à
50 % ce volume d’heures mériterait
une réflexion. Quoi qu’il en soit, retrou -
ver une fiscalité « normale » pour les
heures supplémentaires n’est pas ano-
din pour le financement de la protec-
tion sociale.
L’intention serait toutefois de mainte-
nir les exonérations de charges salaria-
les et patronales pour les très petites
entreprises (TPE de moins de 20 salariés) et d’augmen-
ter la majoration versée au salarié (réduite bien sou-
vent à 10 % aujourd’hui) pour compenser l’arrêt de la
défiscalisation.
Mesure phare du programme socialiste pour l’emploi,
visant à maintenir les seniors dans l’emploi tout en per-
mettant aux plus jeunes d’y accéder. Il s’agit dans le
même temps d’encourager le tutorat et la transmission
des savoirs entre générations. Des allègements de charges
iraient aux deux emplois, évitant ainsi que l’un se
réalise au détriment de l’autre. Manque de flexibilité
craint par le patronat contre effet d’aubaine redouté
par les syndicats, la négociation doit aboutir à un dispo-
sitif qui limitera ces deux effets pervers tout en abor-
dant des questions aussi fondamentales que le
public visé (âge, qualification), les entreprises
concernées (seuil d’assujettissement), la force
contraignante (sanctions éventuelles) du
dispositif et les marges de manœuvre laissées à
des accords de branche ou d’entreprise. Le
Medef souhaite une discussion large sur ce
qu’il appelle « l’employabilité compétitiv
pour inclure ses demandes pour plus de flexi-
bilité du marché du travail et retrouver les
baisses de charges que la TVA sociale lui avait
laissé entrevoir. La CFDT ne refuse pas le prin-
cipe d’une négociation sur les questions de
flexibilité, dès lors qu’elles sont abordées sous
l’angle de la sécurisation des parcours professionnels
et de la gestion des compétences. D’autres syndicats
craignent que cela revienne à mettre le doigt dans un
engrenage dangereux.
SocialCE n°59 Juillet-Août 2012 3736 Juillet-Août 2012 SocialCE n°59
«Le contrat
de génération :
pour maintenir
les seniors dans
l'emploi et
permettre
aux plus jeunes
d'y accéder. »
EN COUVERTURE
DOSSIER Enfin du social ?
Salaires des patrons
Le privé va-t-il devoir emboîter le pas du public
et trouver son ratio en écho à l’encadrement
des salaires de 1 à 20 qui est imposé aux patrons
des grandes entreprises publiques ? Promesse de
campagne immédiatement mise en œuvre, avec
l’exemplarité symbolique de la réduction des
salaires des ministres et du président, l’idée fait
son chemin, comme en témoignent les réactions
dans plusieurs assemblées d’actionnaires.
RETRAITE À 60 ANS :
À NOUVEAU D’ACTUALITÉ
FISCALITÉ DES HEURES
SUPPLÉMENTAIRES
CONTRATS
DE GÉNÉRATION
Les PSE ont été retardés pendant la campagne prési-
dentielle : la rumeur a enflé et les statistiques le confir-
meraient, puisque le nombre de plans sociaux déposés
sur les premiers mois de l’année étaient en retrait de
22% (217 PSE) comparé à 2011 (278 PSE), alors que
l’économie ne s’était pas redressée. Certes la rupture
conventionnelle a le vent en poupe, mais tout de
même… Depuis fin avril le nombre d’offres d’emploi
collecté par Pôle Emploi est en baisse, de même que le
nombre de contrats de travail CDD et CDI signés (-7,2%
sur un an) et le nombre d’inscriptions pour licenciement
économique a augmenté de 13,8 %. Les procédures
collectives (redressements judiciaires et liquidations)
sont aussi en hausse. Les syndicats avaient prévenu et
le nouveau ministère du Redressement productif a mis
en place une cellule de crise. Plusieurs dizaines de
milliers d’emplois sont menacés et les annonces de
fermetures de sites s’additionnent, alors que le Premier
ministre veut que le Parlement adopte des mesures
contre les licenciements boursiers et prévoit l’obliga-
tion pour un groupe de céder à un repreneur un site
industriel rentable quand ce groupe envisage de le fermer.
Une compétence spéciale pourrait ainsi être donnée au
tribunal de commerce pour décider d’un repreneur.
Quant aux licenciements dits boursiers, le coût pour
l’entreprise pourrait être réévalué et les possibilités
d’action en justice des salariés améliorées, mais rien de
précis n’est présenté à ce jour, même si des députés
socialistes avaient dépoun projet de loi sous l’ancienne
législature. « Il est indispensable que les
salariés puissent par la loi contrarier la
décision des gestionnaires quand le bien-
fondé économique aux licenciements
n’existe pas », martèle la CGT. Laurence
Parisot pour le Medef tient une position
inverse, affirmant que refuser de revoir
la définition du licenciement économique
alors que l’organisation patronale veut y
inscrire l’amélioration de la compétitivité
(nuance importante avec la sauvegarde
qui induit la notion de survie) revient à « prescrire le
remède lorsqu’il est déjà trop tard. » Chacun appréciera,
mais donner au juge le pouvoir d’apprécier si
les licenciements ne visent que l’accroisse-
ment des profits semble compliqué, quand
on se réfère à la décision de la Cour de cassa-
tion dans l’affaire Vivéo, le 3 mai dernier.
Va-t-on continuer longtemps à cantonner le
juge à n’intervenir que sur des questions de
produre, quand l’emploi est en jeu ?
Proposition ou projet de loi, le gouverne-
ment hésitait sans doute dans l’attente des
élections législatives pour prendre ou laisser
l’initiative, mais une nouvelle impulsion apparaît
indispensable.
Sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi a bondi
de 7,5 % et les 3 millions de personnes sans aucune
activité inscrites à Pôle Emploi seront bientôt atteints.
Au total, avec les demandeurs d’emploi qui ont eu une
activité réduite, le nombre de demandeurs d’emploi
dépasse les 4,3 millions en métropole. La CFDT alerte
sur la nécessité d’un traitement social du chômage, en
insistant sur les jeunes, et des mesures de soutien au
chômage partiel, tandis que FO et la CGT demandent le
rétablissement de l’AER, allocation équivalent retraite.
Alors que la crise contribuait à augmenter le nombre de
chômeurs de plus de 50 ans, le gouvernement Fillon a
supprimé la dispense de recherche d’emploi des plus de
57 ans sans parvenir, en dépit des accords seniors, à
leur permettre un retour ou le maintien dans l’emploi.
SocialCE n°59 Juillet-Août 2012 3938 Juillet-Août 2012 SocialCE n°59
EN COUVERTURE
DOSSIER Enfin du social ?
Nouveauté
ministé-
rielle du
gouverne-
ment de Jean-Marc
Ayrault, le ministère
du Redressement
productif. Un intitulé
inédit qui nous inter-
roge… Dans une
conférence de presse,
Arnaud Montebourg,
premier ministre du
Redressement productif, donc, en a
esquissé les contours : 22 délégués
au redressement productif sur le
territoire, soit un par région, chargé
« d’animer une cellule régionale de
veille et d’alerte précoce, et de soute-
nir les entreprises dans la résolution
de leurs difficultés » pour éviter
qu’elles ne finissent par
passer par la case tribunal.
En somme, un ministère
chargé de prévenir et
d’éviter les plans sociaux
dans les entreprises.
Plus précisément, les com-
pétences et attributions de
ce nouveau ministère sont
exposées dans le Journal
Officiel du 24 mai 2012 :
préparer et mettre en
œuvre « la politique du gou-
vernement en matière d’industrie,
des petites et moyennes entreprises,
d’artisanat, de commerce, de postes
et communications électroniques,
de services, de tourisme et d’innova-
tion.» À cet égard, le ministère du
Redressement productif est censé
participer à la défense et à la promo-
tion de l’emploi dans le secteur
industriel et les services. Il exerce la
tutelle des établissements des
réseaux des chambres de métiers et
de l’artisanat et des chambres de
commerce et d’industrie, ainsi que
les attributions relatives à la création
d’entreprises et à la simplification
des formalités leur incombant. Enfin,
ce nouveau ministère s’attachera à
préparer et à mettre en œuvre la
politique en matière de compétitivité
de l’économie française, d’attractivité
du territoire et de participation,
en prenant part notamment à la défi-
nition de la fiscalité des entreprises
et de la politique de leur finance-
ment… Un projet ambitieux (trop ?),
dont on attend de voir les réalisa-
tions pour y croire.
Par Ciruela Barreto
Ministère du Redressement productif,
un ministère contre les plans sociaux ?
Politique familiale
L’allocation de rentrée scolaire revalorisée de 25%
à la rentrée scolaire 2012 fait partie des promesses
de campagne réalisées immédiatement par décret.
Son financement intervient non pas par la suppres-
sion du quotient familial, comme certains ont
cherché à le faire croire, mais par l’abaissement
du plafond du quotient de 2 300 à 2 000 €, l’objectif
étant de concentrer les effets sur les revenus plus
modestes. Le coup de rabot n’est pas radical,
puisqu’il consiste par exemple à diminuer l’avantage
de 273 € pour une famille de 3 enfants dont le revenu
est de 9 fois le Smic. Ce sont toutefois un million
de foyers qui seront concernés par cet abaissement,
tandis que l’allocation de rentrée scolaire bénéficiera
à 2,8 millions de foyers les plus pauvres.
«Le coût pour
l'entreprise des
licenciements dits
boursiers pourrait
être réévalué et
les possibilités
d'action en justice
améliorées. »
DÉLOCALISATIONS ET
RÉINDUSTRIALISATION
ASSURANCE
CHÔMAGE
Arnaud Montebourg, ministre
du Redressement productif.
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