ENFIN DU SOCIAL

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DOSSIER
Par Ronan
Darchen
ENFIN DU SOCIAL
POUR REDRESSER
L’ÉCONOMIE ?
EN COUVERTURE
Après les engagements de campagne, il est déjà temps
de porter un regard sur l’agenda et l’autre dialogue
social promis par le nouveau président.
La question de l’emploi est la première
préoccupation affichée par les Français avec
le pouvoir d’achat, dans une année 2012
où chômage et plans sociaux augmentent.
Comment inverser la tendance ?
DE
RÉVISER LA MÉTHO
TS
AVEC LES SYNDICA
Consultation, négociation, concertation
sociale, personne n’emploie le même vocabulaire, mais tout le monde demande un
dialogue respectueux des corps intermédiaires. « Plus question d’être invités à la fin
du spectacle. On veut être associés à tout »
a résumé la CFTC. « Un dialogue social
normal, c’est déjà pas mal », a commenté
Jean-Claude Mailly pour Force Ouvrière.
Les partenaires sociaux seraient remis au
ministre François Fillon, en 2003, suspencœur des débats, telle est en tout cas la
Le président
dait ces dispositions relatives à la consultaméthode mise en avant par le nouveau goupromet une
tion, en réponse aux cris du Medef qui
vernement, le président Hollande prometrefondation
dénonçait des délais insoutenables aggratant une refondation de la démocratie
vant la situation économique d’entreprises
sociale. Ainsi, y compris pour les actions
de la démocratie
malmenées. Le pragmatisme demande
immédiates qui demandent des décrets
sociale.
peut-être d’inventer une autre formule,
début juillet, comme le coup du pouce au
Les
partenaires
mais si le droit de veto du CE n’est pas à
Smic et le droit à la retraite à 60 ans pour
sociaux seront-ils
l’ordre du jour, quel renforcement effectif
une partie des assurés, des rencontres avec
au coeur
des moyens des représentants du personnel
les organisations syndicales de salariés et
sera proposé pour que la consultation ne
d’employeurs ont eu lieu. La relance du
des débats ?
soit pas formelle ?
dialogue social, qui a été malmené, est
effectivement un enjeu majeur : quel avenir
pour la négociation compétitivité/emploi, la « TVA sociale »
proposées par le président sortant ? Quelle réponse à
l’avalanche promise de plans sociaux ? La conférence
sociale prévue avant le 14 juillet sur l’emploi et la croissance devra donner, au-delà d’un agenda social, des
perspectives concrètes pour éviter la confusion dès la
rentrée de septembre. Le ministre du Travail, Michel
Sapin, n’excluait pas qu’elle dure plusieurs jours, pour
traiter au fond les sujets, et ce sont deux pleines journées
qui ont été fixées. La question des interlocuteurs est aussi
Le coup de pouce était promis, mais il est modéré.
posée par les organisations non représentatives : FSU,
L’augmentation du salaire minimum était la priorité
UNSA, Solidaires, mais aussi l’USGERES côté patronal
exprimée par les Français pour le pouvoir d’achat, avec le
pour l’économie sociale et solidaire n’entendent pas rester
blocage du prix de l’essence. La baisse du prix du baril
à la porte du dialogue social. Quelle place leur sera faite ?
permet de reporter cette dernière mesure pour le
moment, et sur le Smic plusieurs philosophies s’affronLorsque nous avions interrogé Alain Vidalies, Monsieur
tent. Celle qui prône une forte revalorisation, à l’instar de
Social du PS pendant la campagne présidentielle et
la CGT ou de FO (Smic à 1 700 € brut) est convaincue de
aujourd’hui ministre délégué en charge des relations
la force d’entraînement d’une augmentation des bas
avec le Parlement, ce dernier rappelait à notre mémoire
salaires sur la consommation, au-delà du débat de justice
la loi de modernisation sociale de 2002 du gouvernesociale et de resserrement de l’échelle des salaires. Le
ment Jospin. Cette loi entendait imposer une médiation
tassement des grilles et l’augmentation mécanique du
avant la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emnombre de smicards est en effet un risque lorsque la
ploi ou la fermeture d’une entreprise, quand le comité
négociation de branche n’aboutit à aucune évolution en
d’entreprise formulait un projet alternatif, appuyé bien
parallèle. Aux antipodes, le Medef stigmatise le coût du
souvent par un expert qu’il pouvait désigner dès la
travail, et plus particulièrement celui de la main-d’œuvre
consultation sur le projet de réorganisation et non juste
moins qualifiée et délocalisable, pour rejeter toute évolupour apprécier la motivation économique du PSE. Las, le
tion du Smic. Le coup de pouce intervenu au 1er juillet est
décret du médiateur n’était pas sorti que le Premier
«
»
MIC :
REVALORISER LE S
NTRE
CONSOMMATION CO
COÛT DU TRAVAIL
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Juillet-Août 2012 SocialCE n°59
SocialCE n°59 Juillet-Août 2012
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DOSSIER Enfin du social ?
de chômage) pour la génératout de même le premier depuis
tion née en 1952. L’attente
2007, soit la durée du précédent
des syndicats est évidemment
quinquennat : le gouvernement
supérieure, à commencer
veut donner un signal dans un
par l’extension aux périodes
contexte économique compliqué,
validées et une attention parmalgré le surcoût pour l’État,
Le privé va-t-il devoir emboîter le pas du public
ticulière aux demandeurs
qui compense les allégements de
et trouver son ratio en écho à l’encadrement
d’emploi les plus âgés. Le cancotisations de la Sécurité sociale,
des salaires de 1 à 20 qui est imposé aux patrons
didat Hollande avait calculé
car augmenter le Smic relève les
des grandes entreprises publiques ? Promesse de
150 000 bénéficiaires par an
seuils d’exonération. Pour l’avecampagne immédiatement mise en œuvre, avec
d’ici 2017, pour un coût de
nir, un projet de réforme du mode
l’exemplarité symbolique de la réduction des
5 milliards d’euros financé par
de revalorisation est envisagé. Il
salaires des ministres et du président, l’idée fait
une augmentation des cotisas’agirait d’indexer en partie le
son chemin, comme en témoignent les réactions
tions vieillesse. Les dernières
Smic sur l’évolution de la croisdans plusieurs assemblées d’actionnaires.
estimations font état de
sance. Aujourd’hui, le mode de
100 000 personnes concercalcul s’appuie sur un indice des
nées par an. Les marges de
prix à la consommation qui prend
manœuvre pour cette forme
mal en compte les dépenses
d’extension du dispositif carrières longues se situent
contraintes (logement, produits de première nécessité,
donc dans l’atteinte de ce chiffre de départs possibles,
alimentation, etc.) des salariés aux plus faibles revenus.
mais la concertation est également un premier round
Le nouveau calcul évacuerait sans doute demain la
d’observations et d’échanges en vue d’une négociation
question récurrente des coups de pouce. Plus largefin 2012 début 2013, qui doit aménager ou modifier la
ment, la relance des négociations salariales dans les
réforme de 2010, car le décret n’intervient pas sur l’âge
branches professionnelles devrait être à l’ordre du jour
de départ légal à 62 ans ni sur celui du taux plein à 67 ans.
de la conférence sociale.
Salaires des patrons
EN COUVERTURE
Retraite
S:
RETRAITE À 60 AN
UALITÉ
À NOUVEAU D’ACT
Pour bénéficier d’un départ à 60 ans, il faudra avoir
commencé à travailler jeune et cotisé 41 annuités (il est
question de trimestres cotisés, donc travaillés, ou réputés
cotisés, tels le service national ou les congés maternité
et maladie, et non de trimestres validés sur les périodes
Le Medef soulève le coût de cette décision sur l’Arcco
(salariés) et l’Agirc (cadres), car les régimes complémentaires vont devoir verser les droits à pension des
nouveaux bénéficiaires, sachant que les réserves de ces
deux régimes sont faibles et diminuent. La part complémentaire représente 31 % de la pension d’un non cadre,
57 % de celle d’un cadre. Le patronat veut résister à
toute augmentation de cotisations, devant déjà faire
face à la hausse de 0,1 point de la cotisation vieillesse
(CNAV) envisagée par le gouvernement. Le rendement
des régimes complémentaires ou le rythme de revalorisation risque d’être prochainement au cœur des
débats.
RES
FISCALITÉ DES HEU
SUPPLÉMENTAIRES
CONTRATS
DE GÉNÉRATION
Mesure phare du programme socialiste pour l’emploi,
Les dégâts de la loi TEPA ont été largement commentés
visant à maintenir les seniors dans l’emploi tout en perpendant la campagne et l’inefficacité de l’exonération
mettant aux plus jeunes d’y accéder. Il s’agit dans le
des heures supplémentaires confirmée, tant pour ne
même temps d’encourager le tutorat et la transmission
pas avoir dopé le pouvoir d’achat d’une part que freiné
des savoirs entre générations. Des allègements de charges
les embauches d’autre part. La crise économique a, il est
iraient aux deux emplois, évitant ainsi que l’un se
vrai, contrarié l’objectif du gouvernement précédent,
réalise au détriment de l’autre. Manque de flexibilité
mais le volume d’heures supplémentaires est identique
craint par le patronat contre effet d’aubaine redouté
aujourd’hui à celui de 2008 et il représente l’équivalent
par les syndicats, la négociation doit aboutir à un dispode 400 000 emplois à temps plein. Autrement dit, car il
sitif qui limitera ces deux effets pervers tout en aborest évident qu’il n’est guère réaliste de penser réduire à
dant des questions aussi fondamentales que le
néant les heures supplémentaires, dont
public visé (âge, qualification), les entreprises
une partie est réellement liée à des
concernées (seuil d’assujettissement), la force
commandes ou des circonstances
Le contrat
contraignante (sanctions éventuelles) du
exceptionnelles, chercher à créer 100 à
de génération :
dispositif et les marges de manœuvre laissées à
200 000 emplois en réduisant de 25 à
pour maintenir
des accords de branche ou d’entreprise. Le
50 % ce volume d’heures mériterait
les seniors dans
Medef souhaite une discussion large sur ce
une réflexion. Quoi qu’il en soit, retroul'emploi et
qu’il appelle « l’employabilité compétitive »
ver une fiscalité « normale » pour les
pour inclure ses demandes pour plus de flexiheures supplémentaires n’est pas anopermettre
bilité du marché du travail et retrouver les
din pour le financement de la protecaux plus jeunes
baisses de charges que la TVA sociale lui avait
tion sociale.
d'y accéder.
laissé entrevoir. La CFDT ne refuse pas le prinL’intention serait toutefois de maintecipe d’une négociation sur les questions de
nir les exonérations de charges salariaflexibilité, dès lors qu’elles sont abordées sous
les et patronales pour les très petites
l’angle de la sécurisation des parcours professionnels
entreprises (TPE de moins de 20 salariés) et d’augmenet de la gestion des compétences. D’autres syndicats
ter la majoration versée au salarié (réduite bien soucraignent que cela revienne à mettre le doigt dans un
vent à 10 % aujourd’hui) pour compenser l’arrêt de la
engrenage dangereux.
défiscalisation.
«
»
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DOSSIER Enfin du social ?
«
mais donner au juge le pouvoir d’apprécier si
législature. « Il est indispensable que les
Le coût pour
les licenciements ne visent que l’accroissesalariés puissent par la loi contrarier la
l'entreprise des
ment des profits semble compliqué, quand
décision des gestionnaires quand le bienlicenciements dits
on se réfère à la décision de la Cour de cassafondé économique aux licenciements
boursiers pourrait tion dans l’affaire Vivéo, le 3 mai dernier.
n’existe pas », martèle la CGT. Laurence
Va-t-on continuer longtemps à cantonner le
Parisot pour le Medef tient une position
être réévalué et
juge à n’intervenir que sur des questions de
inverse, affirmant que refuser de revoir
les possibilités
procédure, quand l’emploi est en jeu ?
la définition du licenciement économique
d'action en justice
Proposition ou projet de loi, le gouvernealors que l’organisation patronale veut y
améliorées.
ment hésitait sans doute dans l’attente des
inscrire l’amélioration de la compétitivité
élections législatives pour prendre ou laisser
(nuance importante avec la sauvegarde
l’initiative, mais une nouvelle impulsion apparaît
qui induit la notion de survie) revient à « prescrire le
indispensable.
remède lorsqu’il est déjà trop tard. » Chacun appréciera,
»
EN COUVERTURE
ASSURANCE
CHÔMAGE
Sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi a bondi
de 7,5 % et les 3 millions de personnes sans aucune
activité inscrites à Pôle Emploi seront bientôt atteints.
Au total, avec les demandeurs d’emploi qui ont eu une
activité réduite, le nombre de demandeurs d’emploi
dépasse les 4,3 millions en métropole. La CFDT alerte
sur la nécessité d’un traitement social du chômage, en
insistant sur les jeunes, et des mesures de soutien au
chômage partiel, tandis que FO et la CGT demandent le
rétablissement de l’AER, allocation équivalent retraite.
Alors que la crise contribuait à augmenter le nombre de
chômeurs de plus de 50 ans, le gouvernement Fillon a
supprimé la dispense de recherche d’emploi des plus de
57 ans sans parvenir, en dépit des accords seniors, à
leur permettre un retour ou le maintien dans l’emploi.
ET
DÉLOCALISATIONS
ON
RÉINDUSTRIALISATI
Les PSE ont été retardés pendant la campagne présidentielle : la rumeur a enflé et les statistiques le confirmeraient, puisque le nombre de plans sociaux déposés
sur les premiers mois de l’année étaient en retrait de
22 % (217 PSE) comparé à 2011 (278 PSE), alors que
l’économie ne s’était pas redressée. Certes la rupture
conventionnelle a le vent en poupe, mais tout de
même… Depuis fin avril le nombre d’offres d’emploi
collecté par Pôle Emploi est en baisse, de même que le
nombre de contrats de travail CDD et CDI signés (-7,2 %
sur un an) et le nombre d’inscriptions pour licenciement
économique a augmenté de 13,8 %. Les procédures
collectives (redressements judiciaires et liquidations)
sont aussi en hausse. Les syndicats avaient prévenu et
le nouveau ministère du Redressement productif a mis
en place une cellule de crise. Plusieurs dizaines de
milliers d’emplois sont menacés et les annonces de
fermetures de sites s’additionnent, alors que le Premier
ministre veut que le Parlement adopte des mesures
contre les licenciements boursiers et prévoit l’obligation pour un groupe de céder à un repreneur un site
industriel rentable quand ce groupe envisage de le fermer.
Une compétence spéciale pourrait ainsi être donnée au
tribunal de commerce pour décider d’un repreneur.
Quant aux licenciements dits boursiers, le coût pour
l’entreprise pourrait être réévalué et les possibilités
d’action en justice des salariés améliorées, mais rien de
précis n’est présenté à ce jour, même si des députés
socialistes avaient déposé un projet de loi sous l’ancienne
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Juillet-Août 2012 SocialCE n°59
Ministère du Redressement productif,
un ministère contre les plans sociaux ?
Politique familiale
L’allocation de rentrée scolaire revalorisée de 25 %
à la rentrée scolaire 2012 fait partie des promesses
de campagne réalisées immédiatement par décret.
Son financement intervient non pas par la suppression du quotient familial, comme certains ont
cherché à le faire croire, mais par l’abaissement
du plafond du quotient de 2 300 à 2 000 €, l’objectif
étant de concentrer les effets sur les revenus plus
modestes. Le coup de rabot n’est pas radical,
puisqu’il consiste par exemple à diminuer l’avantage
de 273 € pour une famille de 3 enfants dont le revenu
est de 9 fois le Smic. Ce sont toutefois un million
de foyers qui seront concernés par cet abaissement,
tandis que l’allocation de rentrée scolaire bénéficiera
à 2,8 millions de foyers les plus pauvres.
qu’elles ne finissent par
ouveauté
passer par la case tribunal.
ministéEn somme, un ministère
rielle du
chargé de prévenir et
gouverned’éviter les plans sociaux
ment de Jean-Marc
dans les entreprises.
Ayrault, le ministère
Plus précisément, les comdu Redressement
pétences et attributions de
productif. Un intitulé
ce nouveau ministère sont
inédit qui nous interexposées dans le Journal
roge… Dans une
Officiel du 24 mai 2012 :
conférence de presse,
Arnaud Montebourg, ministre
préparer et mettre en
Arnaud Montebourg,
du Redressement productif.
œuvre « la politique du goupremier ministre du
vernement en matière d’industrie,
Redressement productif, donc, en a
des petites et moyennes entreprises,
esquissé les contours : 22 délégués
d’artisanat, de commerce, de postes
au redressement productif sur le
et communications électroniques,
territoire, soit un par région, chargé
de services, de tourisme et d’innova« d’animer une cellule régionale de
tion.» À cet égard, le ministère du
veille et d’alerte précoce, et de souteRedressement productif est censé
nir les entreprises dans la résolution
participer à la défense et à la promode leurs difficultés » pour éviter
N
tion de l’emploi dans le secteur
industriel et les services. Il exerce la
tutelle des établissements des
réseaux des chambres de métiers et
de l’artisanat et des chambres de
commerce et d’industrie, ainsi que
les attributions relatives à la création
d’entreprises et à la simplification
des formalités leur incombant. Enfin,
ce nouveau ministère s’attachera à
préparer et à mettre en œuvre la
politique en matière de compétitivité
de l’économie française, d’attractivité
du territoire et de participation,
en prenant part notamment à la définition de la fiscalité des entreprises
et de la politique de leur financement… Un projet ambitieux (trop ?),
dont on attend de voir les réalisations pour y croire.
Par Ciruela Barreto
SocialCE n°59 Juillet-Août 2012
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