conseil aux patients qui demandent un profil génétique

REFLEXION
136Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147
Dans cet exemple publ
dans Neurology Clinical
Practice, l’épouse soure
de céphalées chroniques, tandis
que le mari présente une histoire
familiale avec des AVC précoces.
Ils souhaiteraient ingrer un pro-
gramme de recherche durant le
quel les profils génétiques de cha-
cun seront établis, avec en toile de
fond l’espoir d’obtenir une expli-
cation aux céphalées de Madame,
et, d’autre part, estimer le risque
de Monsieur de sourir dun AVC.
Néanmoins, ayant consulté les
ores des compagnies privées qui
proposent ces analyses sur inter-
net, ils consultent le neurologue
de Madame pour avis.
Ce type d’article soulève plusieurs
problèmes :
d’une part la potentialité que de
plus en plus de demandes pour
avis génétiques puissent arriver
auprès de médecins non spéciali-
*Conseillère génétique, Unité d’oncogénétique médicale, Centre
Antoine Lacassagne, Nice
sés en génétiques, comme les neu-
rologues ;
d’autre part la distinction qui
doit être faite entre l’étude du pro-
fil génétique dans le contexte dun
programme de recherche sur une
anomalie identifiée ou pas, et dans
le cadre d’une entreprise privée via
internet.
DES PROFILS
TIQUES RÉALIS
AVEC UN ENCADREMENT
DICAL
Dans l’exemple donné, c’est un
neurologue qui est sollicité par un
couple de patients pour un avis
qui concerne la sphère génétique.
D’autres praticiens pourraient
être amenés à entendre ce type de
requête.
Si un avis d’un généticien ou d’un
médecin for en génétique
semble demblée souhaitable, il est
dit ici que l’éloignement peut jus-
tifier de se référer à un autre spé-
cialiste. Il existe également, dans
certains CHU, des conseillers gé-
tiques qui peuvent recevoir les
patients et leur famille en consul-
tation, recueillir les informations
et orienter la prise en charge.
Les compagnies privées qui propo-
sent l’analyse du profil génétique
sur internet suggèrent d’impliquer
un decin pour l’interprétation
des résultats afin que le patient ne
soit pas seul devant des informa-
tions dont il ne pourrait pas com-
prendre la portée, mais cela n’est
pas obligatoire et les résultats sont
adressés au patient.
La Food and Drug Administration
qui régit aux Etats-Unis la com-
mercialisation des denrées et des
médicaments pourrait demander
prochainement à ce quun méde-
cin soit impliqué dans la commu-
nication des résultats aux patients.
La HAS n’a pas encore a priori en-
tamé de réflexion sur le sujet.
De la même façon, les chercheurs
en génétique et les éthiciens qui se
penchent sur ce problème propo-
sent l’implication de généticiens
et/ou de conseillers en génétique.
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Conseil aux patients qui
demandent un profil génétique
Un nouvel aspect de la relation médecin-patient
n
Les neurologues risquent d’avoir à faire face à une nouvelle demande de la part des patients
et de leur famille : comment aborder les problèmes de conseils vis-à-vis de la littérature gran-
dissante sur les susceptibilités génétiques aux maladies neurologiques et aux traitements. Ce
problème devient particulièrement aigu aux Etats-Unis et commence à arriver en Europe. Un
article récent publié dans Neurology Clinical Practice explicite la problématique rencontrée à
partir d’un cas clinique.
Marie Met-Domestici*
138Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147
REFLEXION
D’une manière générale, l’évolu-
tion des pratiques qui ont trait à
la génétique laisse présager que de
plus en plus de médecins non gé-
ticiens - dont des neurologues
- soient amenés à donner leur avis
quand à des résultats d’analyses
génétiques que les patients pour-
raient leur présenter et qu’ils au-
raient sollicités eux-mêmes.
Ainsi, il semblerait logique que les
praticiens soient amener à devoir
développer leurs connaissances
en la matière.
Le neurologue mis à contribution
ici va devoir rationaliser les es-
poirs et les croyances des patients,
leur exposer les risques de bénéfi-
cier d’informations non attendues
et non souhaitées et, enfin, leur
expliquer les implications d’une
inclusion dans un programme de
recherche en génétique qui sont
toutes particulières.
Ainsi, sont mises à contributions
les notions que le neurologue peut
avoir de tique et déthique en
relation avec la génétique. Il est bon
de rappeler que me si le neuro-
logue est interpellé, il nest norma-
lement pas habilité à demander ou
à rendre un testtique.
LES LIMITES ET LES
PROMESSES D’UN
PROFIL GÉNÉTIQUE
La balance risque/bénéfice est
d’une importance capitale dans
tout acte médical, et d’intérêt ma-
jeur ici puisque lon parle d’étudier
les caractéristiques génétiques
d’un individu.
En toile de fond, ce sont les prin-
cipes de bienfaisance et de non-
malfaisance de la bioéthique qui
doivent être en ligne de mire
lorsque l’on mène ces réflexions.
Les patients qui s’orientent ici vers
une analyse du profil génétique es-
pèrent que l’on puisse utiliser les
informations obtenues afin d’amé-
liorer leur santé, que ce soit au
moment même ou bien dans leur
avenir médical.
Puisque les données de génétique
peuvent s’apparenter à la méde-
cine prédictive dans certains cas
de figure, c’est le champ de la pré-
vention qui est intéressé, et cest
par ce biais là que lon peut espérer
agir positivement pour sa santé.
Sur un plan plus global et com-
munautaire, si les études de pro-
fil génétique étaient amenées à
s’étendre, cela pourrait fournir un
grand nombre de données qui per-
mettraient de résoudre nombre
de dilemmes diagnostiques. Le
séquençage de nouveaux variants
alléliques par le biais de ces exa-
mens pourrait conduire à aner
certains diagnostics pour lesquels
des études de gènes candidats
avaient échoué. Létude plus ap-
profondie des nomes pourrait
également guider lutilisation des
médicaments et des dosages de ces
derniers.
La génétique apporte également
des informations dans l‘ajuste-
ment de certains traitements d’in-
térêt en neurologie.
Par exemple, certains individus
d’origine asiatique partagent un
allèle HLA-B ancestral nommé
HLA-B*1502. Ces individus pré-
sentent des eets secondaires im-
portants aux traitements par car-
bamazépine. La connaissance du
statut allélique pour ce locus peut
permettre dorienter le traitement
vers une autre molécule antiépi-
leptique afin d’éviter ces eets se-
condaires.
Si tous ces points positifs sont
encourageants, le neurologue in-
terrogé par ses patients doit être
en mesure de leur expliquer que,
parfois, il peut être dicile d’as-
socier des conditions de santé aux
variants génétiques découverts.
La relation patient/médecin de-
vient tout autre. Le neurologue
est habit à suivre son patient
pour céphalées chroniques et il se
retrouve avec la gestion de la re-
lation avec le couple ou les appa-
rentés. Il s’agit donc de sortir du
colloque singulier habituellement
rencontré en médecine. C’est en
eet le propre de la génétique qui
élargit les données et sort du cadre
du patient seul face à son médecin,
mais s’intéresse à des couples ou
bien à des familles.
En même temps, puisque il s’agit
d’analyser le profil génétique pour
chacun des individus du couple,
il en va de l’extrême personnali-
sation et de l’information la plus
complète concernant chacun des
individus.
Cette dualité : mine d’informa-
tion sur chaque individu et col-
lecte d’informations intimistes
pour diérents individus en même
temps est aussi le propre de la gé-
tique.
LES RISQUES À TOUT
VOULOIR SAVOIR
Comme les auteurs le soulignent,
les individus présentés ici s’expo-
sent aux aléas d’une recherche gé-
tique sans conseil génétique. S’il
n’y a pas de conseil génétique au
préalable, les patients s’exposent
à bon nombre d’évènements inat-
tendus.
Chercher à obtenir un profil géné-
tique, c’est d’abord s’exposer à ob-
tenir pour résultats des faux-po-
sitifs et des faux négatifs, avec les
inconvénients que cela procure :
une ré-assurance alors quune pré-
vention aurait pu être aménagée
ou bien alors une inquiétude, voire
CONSEIL AUX PATIENTS QUI DEMANDENT UN PROFIL GÉNÉTIQUE
Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 139
une détresse psychologique qui
aurait pu être évitée.
Le patient s’expose aussi à obtenir
des informations qu’il ne cher-
chait pas. Il peut ainsi se découvrir
UNE susceptibilité pour telle ou
telle aection, plus grave que l’ex-
plication qu’il attendait.
Dans le registre de la bienfai-
sance/non malfaisance toujours,
que penser de découvrir lors d’un
profil génétique une susceptibi-
lité à développer une pathologie
grave sans que lon puisse mettre
en place un dispositif de préven-
tion? Dans le champ de la neuro-
logie, que penser de la découverte
fortuite d’une mutation condui-
sant à la chorée de Huntington ou
bien à la maladie d’Alzheimer alors
que l’on ne peut rien faire en terme
de prévention ? Beaucoup de pa-
tients expriment leur volonté de
ne pas savoir lorsqu’ils sont cor-
rectement informés de toutes ces
éventualités. Les généticiens sont
régulièrement confrontés au pro-
blème.
Les patients peuvent aussi, à l’issu
de l’examen, devenir tenteur
d’informations qu’ils doivent mo-
ralement et éthiquement trans-
mettre à leurs apparentés afin de
leur permettre de se protéger.
Enfin, les analyses globales des
caractéristiques génétiques peu-
vent poser un problème majeur
lorsque leurs résultat est inscrit
dans le dossier médical d’un pa-
tient. me si, aux Etats-Unis
comme en France, des lois visent
à protéger les données génétiques,
comme par exemple, l’interdiction
de les faire figurer dans les dos-
siers informatiques pour cause
d’absence de rification des accès,
il peut toujours y avoir des risques
à ce que ces données soient réper-
toriées (allusion dans un courrier
de consultation par exemple…).
PARTICIPER À UNE
ÉTUDE POUR AVOIR SON
PROFIL GÉNÉTIQUE
Les neurologues qui participent
actuellement en France à des
études cliniques thérapeutiques
de phase II ou III sont amenés à
proposer aux patients de partici-
per à des études de pharmacogé-
tique ou pharmacogénomique.
Lorsque les patients viennent de-
mander un avis avant de participer
à l’étude pour laquelle il doit signer
le consentement avant le prélè-
vement sanguin, il est important
de rappeler les particularités des
études à visée génétique.
Tous les résultats obtenus seront-
ils communiqués aux patients? Il
s’agit là de confronter les principes
éthiques d’autonomie du patient :
qui doit savoir ? satisfaire? aux
principes de bienfaisance/non
malfaisance ? Le patient doit-il
avoir connaissance de faits qui ne
lui servent pas à améliorer sa santé
mais qui peuvent l’inquiéter?
Le patient va-t-il être au courant
de toutes les recherches qui seront
eectuées à partir de son prélève-
ment ? Quelle est la quantité de
données qui va être disponible à
partir de ces examens ? Des va-
riants de significations inconnus
peuvent être mis à jour. Comment
expliquer ces informations?
Il est entendu que les patients si-
gnent un consentement éclairé
avant d’engager une telle dé-
marche, mais les notions abordées
sont si spécifiques que l’interlocu-
teur qui fait face doit être for
spécialement à cela.
Lavantage majeur de bénéficier
d’un profil nétique dans le cadre
d’un projet de recherche side
surtout dans le partage des don-
nées des sociétés savantes. Plus
on a de données à analyser, plus
l’échange et le croisement des don-
nées est aisé et instructif.
Le pendant de risque à ce bénéfice
collégial est le risque d’identifi-
cation des personnes, puisque du
matériel génétique est utilisé.
Il en va donc de bon nombre de ré-
flexions importantes et de nombre
d’éclaircissements à donner aux
patients pour qu’il puisse choisir
entre confier son ADN à un pro-
gramme de recherche ou bien en-
gager unemarche prie.
ET POUR L’AVENIR ?
Il est probable que les profils gé-
tiques se feront en routine dans
l’avenir et qu’ils feront partie des
examens médicaux de base.
Il est important de mettre en garde
les praticiens des dérives possibles
de l’inclusion systématiques des
données au dossier médical du
patient et de la nécessité d’un en-
cadrement légal afin de protéger
la vie privée et de lutter contre les
discriminations possibles. n
Correspondance
Marie Met-Domestici
Unité d’Oncogénétique médicale
Centre Antoine Lacassagne
30 avenue Valombrose
06000 Nice
Cet article est une réflexion à par-
tir du manuscript Advising patients
about obtaining genomic profiles,
de Donna T. Chen, MD, MPH, et Lois
L. Shepherd, JD, paru dans la revue
Neurology Clinical Practice de dé-
cembre 2011.
Mots-clés : 
Conseil génétique, Ethique, Patient
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