138Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147
REFLEXION
D’une manière générale, l’évolu-
tion des pratiques qui ont trait à
la génétique laisse présager que de
plus en plus de médecins non gé-
néticiens - dont des neurologues
- soient amenés à donner leur avis
quand à des résultats d’analyses
génétiques que les patients pour-
raient leur présenter et qu’ils au-
raient sollicités eux-mêmes.
Ainsi, il semblerait logique que les
praticiens soient amener à devoir
développer leurs connaissances
en la matière.
Le neurologue mis à contribution
ici va devoir rationaliser les es-
poirs et les croyances des patients,
leur exposer les risques de bénéfi-
cier d’informations non attendues
et non souhaitées et, enfin, leur
expliquer les implications d’une
inclusion dans un programme de
recherche en génétique qui sont
toutes particulières.
Ainsi, sont mises à contributions
les notions que le neurologue peut
avoir de génétique et d’éthique en
relation avec la génétique. Il est bon
de rappeler que même si le neuro-
logue est interpellé, il n’est norma-
lement pas habilité à demander ou
à rendre un test génétique.
LES LIMITES ET LES
PROMESSES D’UN
PROFIL GÉNÉTIQUE
La balance risque/bénéfice est
d’une importance capitale dans
tout acte médical, et d’intérêt ma-
jeur ici puisque l’on parle d’étudier
les caractéristiques génétiques
d’un individu.
En toile de fond, ce sont les prin-
cipes de bienfaisance et de non-
malfaisance de la bioéthique qui
doivent être en ligne de mire
lorsque l’on mène ces réflexions.
Les patients qui s’orientent ici vers
une analyse du profil génétique es-
pèrent que l’on puisse utiliser les
informations obtenues afin d’amé-
liorer leur santé, que ce soit au
moment même ou bien dans leur
avenir médical.
Puisque les données de génétique
peuvent s’apparenter à la méde-
cine prédictive dans certains cas
de figure, c’est le champ de la pré-
vention qui est intéressé, et c’est
par ce biais là que l’on peut espérer
agir positivement pour sa santé.
Sur un plan plus global et com-
munautaire, si les études de pro-
fil génétique étaient amenées à
s’étendre, cela pourrait fournir un
grand nombre de données qui per-
mettraient de résoudre nombre
de dilemmes diagnostiques. Le
séquençage de nouveaux variants
alléliques par le biais de ces exa-
mens pourrait conduire à aner
certains diagnostics pour lesquels
des études de gènes candidats
avaient échoué. L’étude plus ap-
profondie des génomes pourrait
également guider l’utilisation des
médicaments et des dosages de ces
derniers.
La génétique apporte également
des informations dans l‘ajuste-
ment de certains traitements d’in-
térêt en neurologie.
Par exemple, certains individus
d’origine asiatique partagent un
allèle HLA-B ancestral nommé
HLA-B*1502. Ces individus pré-
sentent des eets secondaires im-
portants aux traitements par car-
bamazépine. La connaissance du
statut allélique pour ce locus peut
permettre d’orienter le traitement
vers une autre molécule antiépi-
leptique afin d’éviter ces eets se-
condaires.
Si tous ces points positifs sont
encourageants, le neurologue in-
terrogé par ses patients doit être
en mesure de leur expliquer que,
parfois, il peut être dicile d’as-
socier des conditions de santé aux
variants génétiques découverts.
La relation patient/médecin de-
vient tout autre. Le neurologue
est habitué à suivre son patient
pour céphalées chroniques et il se
retrouve avec la gestion de la re-
lation avec le couple ou les appa-
rentés. Il s’agit donc de sortir du
colloque singulier habituellement
rencontré en médecine. C’est en
eet le propre de la génétique qui
élargit les données et sort du cadre
du patient seul face à son médecin,
mais s’intéresse à des couples ou
bien à des familles.
En même temps, puisque il s’agit
d’analyser le profil génétique pour
chacun des individus du couple,
il en va de l’extrême personnali-
sation et de l’information la plus
complète concernant chacun des
individus.
Cette dualité : mine d’informa-
tion sur chaque individu et col-
lecte d’informations intimistes
pour diérents individus en même
temps est aussi le propre de la gé-
nétique.
LES RISQUES À TOUT
VOULOIR SAVOIR
Comme les auteurs le soulignent,
les individus présentés ici s’expo-
sent aux aléas d’une recherche gé-
nétique sans conseil génétique. S’il
n’y a pas de conseil génétique au
préalable, les patients s’exposent
à bon nombre d’évènements inat-
tendus.
Chercher à obtenir un profil géné-
tique, c’est d’abord s’exposer à ob-
tenir pour résultats des faux-po-
sitifs et des faux négatifs, avec les
inconvénients que cela procure :
une ré-assurance alors qu’une pré-
vention aurait pu être aménagée
ou bien alors une inquiétude, voire