et des triglycérides au niveau chimique. Si l’on va un peu plus
loin, on va déterminer quelles sont les particules, les lipopro-
téines concernées LDL, VLDL..., et voir quels sont les défauts
enzymatiques impliqués. Ces défauts enzymatiques vont servir
de base à l’étude de gènes potentiellement impliqués dans ces
maladies pour définir les mutations génétiques qui peuvent favo-
riser l’apparition de ces dyslipidémies. Enfin, au niveau de la
génétique des populations, il faut essayer d’aller plus loin et voir
quelle est l’interaction entre les différents gènes et les interac-
tions entre les gènes et l’environnement.
Qu’en est-il de la force de l’environnement et des gènes pour
l’apparition des dyslipidémies? Actuellement, on pense que l’en-
vironnement explique 50% des dyslipidémies et les gènes 50%;
la balance semble tout à fait équilibrée.
Comment étudier la génétique des dyslipidémies? Il existe
plusieurs abords possibles: l’étude du métabolisme des lipopro-
téines, le cholestérol alimentaire, les différentes enzymes, la lipo-
protéine lipase, la lipase intestinale, les récepteurs au niveau
hépatique. Il faut alors étudier si des variations au niveau du
code génétique qui se traduisent au niveau des enzymes vont
être responsables d’un taux de lipides significativement diffé-
rent, par exemple l'étude des récepteurs aux LDL qui peut se
faire directement au niveau du foie, l’hydroxyméthyl CoA réduc-
tase, l’enzyme-clé qui a permis le développement des statines,
l'analyse d’autres récepteurs... Ces différentes molécules ont été
la cible des premières analyses génétiques pour étudier leurs
relations avec les dyslipidémies.
■Dyslipidémies génétiques
individualisées
Il existe quelques exemples où l’on a déjà pu identifier des
gènes responsables de maladies génétiques responsables de dys-
lipidémies. L’exemple simple d’une maladie monogénique est
celui de la fameuse hypercholestérolémie familiale identifiée déjà
depuis de nombreuses décennies. Cette anomalie s'observe avec
une fréquence de l’ordre de 1/500 à 1/1000 individus. Elle est
due à un déficit absolu ou relatif en récepteurs aux LDL et
entraîne une augmentation drastique du LDL-cholestérol respon-
sable d’une athérosclérose coronarienne sévère et précoce. Nous
avons donc affaire au cas de figure où un gène augmente un
facteur de risque qui va être responsable de la maladie. Dans le
cas de l'hypercholestérolémie familiale, l’apport exogène de cho-
lestérol associé à des mutations au niveau des récepteurs hépa-
tiques des LDL va induire une augmentation globale des lipides
sanguins responsable de maladies coronariennes.
Cette approche menée par l’étude du gène-candidat consiste
à étudier le gène du récepteur qui est un gène assez grand, situé
sous le chromosome 19, possédant 18 exons qui sont les parties
codantes sur lesquelles différentes mutations ont été identifiées,
mutations ponctuelles ou délétions. En fait, un même tableau cli-
nique lié au niveau mesuré du cholestérol provient de mutations
différentes qui ont lieu au niveau du ligand du marqueur de
risque, c'est-à-dire sur l’apoprotéine B. Ces différentes mutations
introduisent une élévation similaire des taux de cholestérol, et ce
type d’hypercholestérolémie est appelé hypercholestérolémie
familiale défective. Dans ce type de mutations, on retrouve le plus
souvent des mutations ponctuelles de la séquence du gène qui
sont le remplacement d’un nucléotide par un autre, l’adénine par
la guanine. Ceci peut avoir comme conséquence une mutation
silencieuse, il n’y a aucune conséquence en terme de structure de
la protéine, donc pas de maladie. En cas de mutation «faux-sens»
(«missense mutation»), c'est-à-dire de changement d’un acide
aminé, cela aussi peut n’avoir aucune conséquence, ou à l'inverse
changer drastiquement les propriétés biochimiques de la protéine
exprimée, ou au pire, en cas de mutation non-sens, entraîner l'ar-
rêt prématuré de la translation de l’ADN qui va être stoppée.
De plus, existent les possibilités d’insertion dans le code géné-
tique d'une protéine, c'est-à-dire qu’au sein d’un exon va être
ajouté un ensemble de nucléotides. A l'inverse, c'est la délétion
où une partie du code génétique d'un exon qui va disparaître.
Parmi les 300 mutations identifiées dans l’hypercholestérolé-
mie familiale, les taux de cholestérol moyens correspondant aux
différentes hypercholestérolémies défectives répertoriées sont
très proches et ne permettent pas de distinguer les sujets por-
teurs de mutations différentes sur les récepteurs des LDL alors
que, sur le plan génique, on retrouve des mutations de tous
types, mis-sens, non-sens et délétion.
En dehors des maladies monogéniques, il existe le plus sou-
vent une interaction avec l’environnement ou avec d’autres
gènes, c'est notamment le cas de l’apoprotéine E que nous
allons maintenant étudier comme modèle de maladie où l’envi-
ronnement peut jouer un rôle important. On sait que l’apopro-
téine E joue un rôle central dans le métabolisme du cholestérol et
des triglycérides, elle est l’une des composantes majeures des
différentes lipoprotéines, LDL, VLDL, remnant et HDL. Elle va ser-
vir de ligand pour la liaison aux différents récepteurs de ces lipo-
protéines et, chez l'humain, il existe un polymorphisme de l'apoE
avec trois isoformes majeures qui vont différer par leur point iso-
électrique, l’apo-EIV étant la plus basique et l’apo-EII la plus acide.
Ces trois isoformes sont portées par un seul locus au niveau du
chromosome 19 et les trois allèles, l’apo-EII, l'apo-EIII et l'apo-EIV
ont un effet codominant. L’apo-EII diffère de l’apo-EIII par la sub-
stitution en position 58 d’une arginine par une cystéine, et
l’apo-EIV par la substitution en position 112 d'une arginine par
une cystéine. Il existe par ailleurs trente autres isoformes diffé-
rentes de cette apoprotéine E qui explique environ 5 à 15% de la
variation interindividuelle des taux de cholestérol liée à ce poly-
morphisme. Chez l’individu apo-EII, le taux d’apo-E est en géné-
ral élevé et le taux de cholestérol est plutôt bas alors que chez
l’individu apo-EIV, les taux d’apo-E sont bas et les taux de choles-
térol sont élevés. Mais il existe aussi une interaction avec l’envi-
ronnement puisqu’une alimentation riche en cholestérol et en
acides gras saturés va surtout favoriser l’augmentation du taux
de cholestérol chez les sujets porteurs de l’allèle EIV, et que l’effet
du polymorphisme sur les taux de cholestérol peut être différent
selon le sexe et selon le groupe ethnique; l’effet est plus marqué
pour l’isoforme EIV chez la femme notamment dans l’étude de
Framingham et dans une étude au Colorado. Il existe d’autres
effets modulateurs, par exemple dans une population très parti-
culière, les Huttérites, la présence de l’apo-EIV entraîne des taux
plus bas de HDL et d’apo-AIet ceci uniquement chez les femmes.
Alors, on s’est rapidement posé la question du lien entre le poly-
morphisme de l’apoprotéine E et le risque de maladie corona-
rienne. Les différentes études apportent des éclairages diffé-
rents, les études cas-témoins comme la ECTIM study montrent
que l’apo-EIV est associée à des taux plus élevés de cholestérol, la
RAS study démontre un risque accru de maladies coronariennes
et l’étude AUTOPSIC montre que les sujets porteurs de l’allèle EIV
session I
Néphrologie Vol. 21 n° 7 2000
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