L’ÉDITORIAL DE RICHARD BRION Coronaires et sport S’ il est un sujet complexe, c’est bien celui-là ! Quel cardiologue n’a pas dans son souvenir un patient qui a présenté un syndrome coronaire aigu au cours d’un exercice physique ? Mais quel cardiologue n’a pas conseillé à ses patients en post-infarctus de reprendre une activité physique ? Si l’on veut avancer dans ce débat il faut admettre d’emblée un certain nombre de constatations : – l’exercice physique pratiqué régulièrement améliore globalement le pronostic des coronariens ; – l’exercice physique régulier diminue le risque d’accident coronarien grave en particulier au cours de l’effort mais ne l’élimine pas. – un certain nombre de facteurs sont associés à un risque accru d’accident coronaire grave au cours de l’effort, – mais la survenue d’un accident coronarien au cours d’un exercice est pratiquement toujours imprévisible ! Nous avons donc à concilier tout cela et je vous propose de le faire en 4 chapitres : • pourquoi la plaque d’athérome peut-elle se rompre au cours d’un exercice et que se passe-t-il ensuite ? Gérard FINET nous fait part de sa grande expérience de l’exploration et de la physiopathologie des plaques ; • peut-on calculer le risque qu’a un coronarien à pratiquer un sport ? Jacques MACHECOURT nous propose une stratégie et son évaluation ; • la réadaptation des coronariens est souvent la première étape de la « remise en forme » réalisée dans des conditions de sécurité optimale. Est-elle indispensable ? Comment la réaliser ? Jean-François AUPETIT nous en trace les grandes lignes ; • enfin, quel sport chez quel coronarien ? C’est à cette question que j’ai pour ma part tenté de répondre. Chaque coronarien est différent. Il y a celui qu’il faut absolument convaincre de marcher chaque jour et à l’inverse celui qui garde en ligne de mire de vraies performances sportives à réaliser, véritable défi face à la maladie. Certes un praticien se doit d’être prudent. Mais il doit aussi bien évaluer le risque qu’il y aurait, par maladresse ou excès de prudence, à rendre sédentaires d’anciens sportifs motivés. Un sujet difficile... Mais un sujet dans la vie. ■ LE CARDIOLOGUE N° 290 2 FMC - MARS 2006 ÉDITEUR CARDIOLOGUE PRESSE 13, rue Niepce, 75014 Paris Tél. : 04 45 43 70 76 Fax : 01 45 43 08 10 [email protected] SOMMAIRE ÉDITEUR DÉLÉGUÉ Régifax 45-47, rue d’Hauteville, 75010 Paris Tél. : 01.47.70.00.96 Fax : 01.48.24.15.05 Directeur Renaud SAMAKH Publicité François BONDU Coordination de la rédaction Karine AUGIS Maquette Flavio BONOMO CORONAIRES ET SPORT : LA CORONAROPATHIE DU SPORTIF, DÉTECTION ET PRÉVENTION Coordinateurs : Jacques MACHECOURT et Richard BRION • Éditorial .................................................................................................... 02 Richard BRION • Sport et plaque d’athérosclérose coronaire.............................................. 06 RÉDACTION Président et directeur de la publication Dr Serge RABENOU Rédacteur en chef : Dr Gérard JULLIEN Rédacteur en chef adjoint : Dr Christian BRETON Comité de rédaction : Pr Jean-Paul BOUNHOURE Dr Thierry DENOLLE Dr François DIÉVART Pr Daniel HERPIN Pr Jacques MACHECOURT Dr Marie-Christine MALERGUE Dr François PHILIPPE Dr Bernard SWYNGHEDAUW Gérard FINET et Gilles RIOUFOL • Quelle activité physique chez le coronarien, après la phase de réadaptation ?....................................................................................... 09 Richard BRION • Quand et comment rechercher une coronaropathie chez le sportif ? ..... 14 Jacques MACHECOURT • Pourquoi et comment réadapter à l’effort les coronariens ? .................. 20 Jean-François AUPETIT, Sylvie LASSERRE-RÉMY, Christiane MAGNIER • QCM d’évaluation de FMC .................................................................... 23 TARIFS 2006 Abonnement annuel (10 numéros) – CEE, dont France ........................................ 80 € – Tous autres pays .......................................... 275 € Prix « spécial adhérents » au syndicat, à jour des cotisations ...................................... 40 € Prix du numéro............................................... 15 € Les articles publiés dans la revue « Le Cardiologue » le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. Adhérent au CESSIM et au SNPM Mensuel réservé au corps médical Impression : Imprimerie Lamazière, 69153 Décines Commission paritaire n° 0104 G 81182 Dépôt légal : à parution Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. En application de la loi du 11 mars 1993, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente publication sans autorisation de l’éditeur ou droits de reproduction versés à celui-ci. LE CARDIOLOGUE N° 290 4 FMC - MARS 2006 Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention Sport et plaque d’athérosclérose coronaire Gérard FINET et Gilles RIOUFOL Service de Cardiologie Interventionnelle, Hôpital Cardiologique L. PRADEL, Lyon ■ Résumé ne plaque d’athérosclérose coronaire peut être déstabilisée au cours d’un exercice physique intense alors que dans le même temps la pratique régulière du sport est à l’origine d’une réduction du risque coronarien. Cet apparent paradoxe peut trouver raisonnablement des explications physiopathologiques. Une plaque coronaire vulnérable propre à subir une rupture déclenchée par l’activité cathécolaminergique de l’effort peut provoquer une thrombose coronaire aiguë. Sa détection semble donc importante. Cependant, cette plaque vulnérable n’est qu’exceptionnellement obstructive. Elle ne peut donc pas entraîner de manifestations ischémiques détectées par des tests non invasifs. La coronarographie ne pourra pas, elle non plus, la détecter puisque le luminogramme n’est que peu modifié grâce à l’effet compensateur du remodelage positif qui lui est associé. Ces éléments soulignent l’imprévisibilité du risque coronaire aigu au cours d’une activité physique intense. U ■ Introduction L’expression clinique de l’évolution d’une plaque d’athérosclérose coronaire est fonction de deux facettes : une facette obstructive et une facette vulnérable [1]. La première facette est la plus connue, elle Mots clés : sport, athérosclérose, plaque vulnérable, rupture de plaque. est induite par une obstruction progressive de la lumière coronaire, responsable lorsque celle-ci devient critique d’une ischémie myocardique silencieuse ou clinique avant angor d’effort. L’autre facette s’exprime brutalement, elle est responsable de manifestations cliniques beaucoup plus graves : l’angor instable, l’infarctus du myocarde et la mort subite. La brutalité des événements cliniques dans le cadre d’une plaque vulnérable provient de l’apparition d’un thrombus au niveau même de cette plaque. Deux mécanismes engendrent l’apparition d’un thrombus : la rupture de plaque de loin la plus fréquente, aux environs de 70 % des cas et l’érosion de plaque pour les 30 % restants. Si l’on conçoit aisément que l’activité sportive peut être responsable d’une déstabilisation coronarienne [2], apparaît alors un paradoxe puisque de nombreux travaux ont montré l’intérêt de la pratique régulière de l’activité sportive sur la réduction des événements coronariens aigus [3]. ■ La plaque coronaire vulnerable Les événements cliniques des syndromes coronariens aigus sont induits par des événements athérothrombotiques. L’apparition du thrombus est sous la dépendance directe d’une modification structurale d’une plaque d’athérosclérose dite vulnérable parce qu’elle avait toutes les particularités morphologiques, biologiques et fonctionnelles propices, à cette modification de structure. Les modifications morphologiques sont par ordre de fréquence : la rupture de plaque (70 %), l’érosion (30 %) et à titre exceptionnel le nodule calcifié superficiel [4]. La rupture de plaque se définit comme une dislocation brutale de la partie juxtaluminale d’une chape fibreuse « encapsulant » une importante zone complexe appelée cœur nécrotique ou lipidique (figures 1). Le contenu de cette zone parFigures 1 Un paradoxe La pratique régulière de l’activité sportive réduit la survenue d’événements coronariens aigus. Cette activité physique est donc un facteur puissant de prévention. Dans le même temps, une activité physique intense et/ou soutenue dans le cadre d’une compétition ou pratiquée avec un esprit de compétition expose à la survenue d’événement coronarien grave. Le sport joue ici un rôle « gâchette » sur la déstabilisation d’une plaque coronaire jusqu’alors quiescente mais vulnérable. LE CARDIOLOGUE N° 290 6 FMC - MARS 2006 Démonstration échographique endocoronaire d’une plaque vulnérable avant et après rupture. A) Plaque non obstructive car il existe un remodelage positif, hétérogène avec éléments fibro-calcifiés à 9 heures A B et hétérogénéité importante à 1 heure. B) Rupture de plaque : centrale avec création d’une véritable cavité intraplaque après embolisation spontanée du matériel lipidonécrotique central. Cette rupture de plaque n’a pas été à l’origine d’un mécanisme thrombotique. Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention ticulièrement hétérogène peut être cellulaire, lipidique et/ou nécrotique. Elle possède des propriétés mécaniques particulières puisqu’il n’existe aucune architecture collagène. Son contenu souvent lipidique, liquide à la température de 37 °C, possède des propriétés mécaniques qui conféreront à cette plaque une vulnérabilité particulière. La rupture soudaine d’une capsule est responsable de deux événements caractéristiques : premièrement la vidange du contenu du corps nécrotique et/ou lipidique dans le sang et l’exposition de celui-ci à de nombreux composants particulièrement thrombogènes (facteur tissulaire, collagène, etc.). Moins de 20 % de ces ruptures de plaque conduiront à un phénomène thrombotique [1]. Les critères morphologiques d’une plaque vulnérable propice à la rupture sont : une importante plaque dont la surface est supérieure à 60 % de la surface totale de l’artère un caractère géométrique excentré, une capsule englobant un important corps nécrotique ou lipidique occupant plus de 20 % de la surface totale de l’artère et surtout une épaisseur de capsule au contact de la lumière inférieure à 65 microns. La composition d’une plaque vulnérable, sa géométrie et enfin les contraintes mécaniques qui lui sont appliquées seront autant de critères qui participeront aux mécanismes de rupture [5-7]. La géométrie excentrée d’une plaque participe à la concentration focale des contraintes circonférencielles en des zones particulières. L’évolution inflammatoire d’une plaque d’athérosclérose va favoriser les discontinuités entre les matériaux et appauvrir la capsule fibreuse proche de la lumière en collagène, structure de soutien de la paroi. Associées à la géométrie excentrée de la plaque, ces caractéristiques concentrent les contraintes circonférencielles sur cette chape fibreuse en contact avec la lumière. ■ Impact de l’exercice physique sur la plaque vulnérable Figures 2 Fréquence cardiaque, pressions artérielles et pression pulsée seront autant de facteurs mécaniques périodiques qui augmenteront ces contraintes et aggraveront la fatigue des matériaux. Il est à noter que fréquence cardiaque, tension artérielle et pression pulsée sont toutes trois des facteurs épidémiologiques indépendants du risque coronarien [8] (figures 2 ci-contre). Chez l’homme avec coronaropathie, la mort subite déclenchée à l’exercice est associée avec une rupture de plaque coronaire [9]. Le mécanisme de rupture de plaque est complexe avec des mécanismes de nécrose apoptotique, associés à des facteurs biomécaniques affectant la plaque et dont la géométrie excentrée est responsable de concentration de ces contraintes circonférencielles sur des zones très particulières de la capsule fibreuse juxta-endoluminale. L’exercice physique est à lui seul un facteur de risque indépendant additif pour une rupture de plaque à un événement coronarien aigu [8]. Certains éléments suggèrent que les catécholamines circulantes et les fluctuations vasomotrices associées à l’exercice physique peuvent déclencher de nombreux cas de rupture de plaque. La vasomotricité artérielle, perturbée dans l’athérosclérose coronaire, est régulée par de nombreux paramètres dans l’endothélium et le système nerveux autonome. Plusieurs mécanismes peuvent potentiellement intervenir sur l’artère coronaire au cours de l’effort. La tachycardie hyperadrénergique est responsable d’une vasoconstriction par stimulation post-synaptique. L’existence d’une hypertonie vagale en période de récupération de l’effort est responsable d’une numération d’acétylcholine, vasodilatatrice sur artère saine, mais vasospastique en cas de dysfonction endothéliale. De plus, la formation de radicaux libres au cours de l’effort peut avoir un effet pro-apopto- LE CARDIOLOGUE N° 290 7 FMC - MARS 2006 A B E C F D G Exemple d’un patient de 50 ans, coureur de fond, sans facteur de risque cardiovasculaire patent, victime d’une fibrillation ventriculaire primaire sur infarctus antérieur étendu à la deuxième heure d’une course d’endurance de 40 km. Une épreuve d’effort maximale et négative avait été réalisée en routine un mois auparavant. Après réanimation cardio-respiratoire, le patient a été conduit en salle de cathétérisme cardiaque. A) Angiogramme initial avec lésion serrée, para-ostiale, TIMI 3, sur l’artère interventriculaire antérieure. B) Mise en place en aval d’un filtre de protection distale contre les embolies puis exploration par échographie endocoronaire. B’) Coupe échographique endocoronaire de la plaque : volumineuse plaque hétérogène et hypodense obstruant toute la lumière autour de la sonde d’échographie. C) Angiogramme après 3 ou 4 inflations par ballonnet. Restitution d’une sténose résiduelle à 30 %. C’) Coupe échographique après ces inflations : restauration d’une lumière satisfaisante par mobilisation du thrombus mural indétectable sur la coupe précédente. D) Angiogramme final après implantation d’un stent. D’) Récupération de très nombreux fragments thrombotiques frais dans le panier de récupération. Au total : démonstration interventionnelle du mécanisme obstructif d’une lésion athéro-thrombotique aiguë. Le thrombus occupe plus de 70 % de la lumière endoluminale. La plaque résiduelle sans thrombus responsable de cet événement après rupture ou érosion n’était pas obstructive avec un degré de sténose d’environ 30 %. Le développement d’une importante masse athéroscléreuse n’est possible que parce qu’il existe concomitamment un remodelage positif important de l’artère caractéristique de l’évolution des plaques vulnérables. Une coronarographie avant l’accident n’aurait montré au pire qu’une petite irrégularité avec plaque à 20 % de sténose en diamètre. tique et cet effet peut être cumulatif avec le tabagisme ou l’inflammation, générant ainsi une apoptose rapide des cellules endothéliales [10, 11]. Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention ■ Références Figure 3 1[1] DAVIES M.-J. Stability and instability : two faces of coronary atherosclerosis. Circulation 196 ; 94 (8) : 2013-20. 1[2] SISCOVIK D.-S., WEISS N.-S., FLETCHER R.-H., LASKY T. The incidence of primary cardiac arrest during vigourous exercice. N Eng J Med 1984 ; 311 : 874-877. 1[3] EKELUND L.-G., HASKELL W.-L., JOHNSON J.L., WHALEY F.-S., CRIQUI M.-H., SHEPS D.-S. Physical fitness as a predictor of cardiovascular mortality in asymptomatic north american men. N Engl J Med 1988 : 319 : 1379-1384. 1[4] VIRMANI R., KOLODGIE F.-D., BURKE A.-P., FARB A., SCHWARTZ S.-M. Lessons from sudden coronary death : a comprehensive morphological classification scheme for atherosclerotic lesions. Arterioscler Thromb Vasc Biol. 2000 ; 20 (5) : 1262-75. 1[5] OHAYON J., TEPPAZ P., FINET G., RIOUFOL G. In vivo prediction of human coronary plaque rupture location using intravascular ultrasound and finite element method. Coron. Artery Dis. 2001 ; 12 : 655-663. Schéma explicitant une partie de la grande complexité du mécanisme de vulnérabilité d’une plaque d’athérosclérose coronaire. Le grand nombre de paramètres en jeu traduit la complexité des phénomènes et son caractère quasi imprédictible, de nature chaotique. FC : fréquence cardiaque, PP : pression pulsée, PAS : pression artérielle systolique. ■ Détection ou prédiction de la vulnérabilite d’une plaque La prédiction d’une rupture semble quasiimpossible tant les mécanismes en jeu sont nombreux et complexes. D’autre part, la connaissance très précise de ces mécanismes montre très clairement que les plaques responsables des accidents les plus importants sont des plaques vulnérables mais ne sont pas obstructives [12]. Il en découle deux corollaires : l’absence de détection possible de ces plaques à l’épreuve d’effort puisque non responsables d’événements hémodynamiques ischémiques reproductibles, et d’autre part l’absence de détection angiographique même si une coronarographie était indiquée. Les angiogrammes sont insuffisants pour détecter de telles plaques dont le remodelage positif est compensateur, c’est-à-dire qu’il conserve la lumière artérielle inchangée même pour des plaques occupant 40 % de la surface artérielle totale [13]. 1[6] RICHARDSON P.-D., DAVIES M.-J., BORN G.V. Influence of plaque configuration and stress distribution on fissuring of coronary atherosclerotic plaques. Lancet 1989 Oct 21 ; 2 (8669) : 941-4. 1[7] FINET G., OHAYON J., RIOUFOL G. Biomechanical Interaction Between Cap Thickness, Lipid Core Composition, and Blood Pressure in Vulnerable Coronary Plaque : Impact on Stability or Instability. Coron. Artery Dis. 2004 ; 15 : 13-20. 1[8] BURKE A.-P., FARB A., MALCOM G.-T. et al. Coronary risk factors and plaque morphology in men with coronary disease who died suddenly. N. Engl. J. Med. 1997 ; 336 (18) : 1276-82. 1[9] BURKE A.-P., FARB A., MALCOM G.-T., LIANG Y., SMIALEK J.-E., VIRMANI R. Plaque rupture and sudden death related to exertion in men with coronary artery disease. JAMA 1999 ; 281 : 921-926. [10] ELBAZ M., CARRIE D., BAUDEUX J.-L., ARNAL J.-F., MAUPAS E., LATTERIE J.-A. High frequency of endothelial vasomotor dysfunction after acute coronary syndromes in non-culprit and angiographically normal coronary arteries. Atherosclerosis 2005 : 181 : 311-319. [11] KUNIHISHA M., MASATOSHI F., SHIGETAKE S. Recent insights into the mechanisms, predisposing factors, and racial differences of coronary vasospasm. Heart Vessels 2005 ; 20 : 1-7. [12] NAGHAVI M., LIBBY P., FALK E. et al. From vulnerable plaque to vulnerable patient : a call for new definitions and risk assessment strategies : Part I. Circulation. 2003 ; 108 : 1664-72. [13] GLACOV S., WEISENBERG E., ZARINS C.-K., STANKUNAVICIUS R., KOLETTIS G.-J. Compensatory enlargement of human atherosclerotic coronary arteries. N Eng J Med 1987 ; 316 : 1371-1375. ■ LE CARDIOLOGUE N° 290 8 FMC - MARS 2006 Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention Quelle activité physique chez le coronarien, après la phase de réadaptation ? Richard BRION HIA Desgenettes, Lyon ordonnance d’exercice physique chez le coronarien repose sur deux constatations en apparence contradictoires : • l’entraînement physique est bénéfique au coronarien et ceci a été mis en évidence dans de nombreuses études ; • un coronarien a d’autant plus de risque de présenter un accident aigu à l’effort qu’il est peu entraîné. L’ ■ Les grandes données 1) De nombreuses études témoignent de l’effet positif cardiaque et vasculaire de l’entraînement physique chez les coronariens. Les méta-analyses publiées en 1988 et 1989 [1, 2] ont montré clairement l’effet bénéfique d’un entraînement physique régulier dans les années qui suivent un infarctus du myocarde (mortalité cardiovasculaire – 22 %, nouvel infarctus fatal – 25 %, mort subite – 37 %, alors que le taux de nouvel infarctus non mortel n’était pas sensiblement modifié). On pouvait penser que, 17 ans plus tard, les progrès liés aux traitements préventifs et curatifs de la maladie coronaire atténueraient notablement l’impact positif de l’entraînement physique. Il n’en est rien ! L’ étude d’Hambrecht [3] montre qu’en 2004, dans une population de sujets bien traités selon les recommandations, la pratique régulière de l’exercice physique a un effet supérieur à l’angioplastie percutanée sur l’évolution de coronaropathies stables à FE ≥ 40 %. La survenue d’événement est notée chez 30 % des patients du groupe angioplastie et chez seulement 12 % des patients du groupe entraînement physique (p = 0,023). laire. Plus le sujet est entraîné plus le bénéfice d’une augmentation de l’entraînement est atténué. Ceci dit, c’est bien chez les sujets les plus entraînés que le bénéfice cardiovasculaire est maximal. [5, 6]. A quels mécanismes attribuer ce bénéfice ? 2) Risques de l’effort physique chez les coronariens Le bénéfice de l’exercice physique dans le cadre de la maladie coronarienne est en partie lié à ses effets positifs sur les facteurs de risque que sont l’HTA, les dyslipidémies, l’obésité, l’insulino-résistance, le diabète 2, le tabagisme. Mais il existe d’autres effets positifs de l’exercice notamment sur la dysfonction endothéliale coronaire, constatés dès la quatrième semaine d’entraînement [4], sur la réduction de la progression des lésions coronaires, sur la réduction du risque thrombotique et probablement sur l’amélioration de la circulation collatérale coronaire. Qui peut en bénéficier ? Quel niveau d’entraînement est nécessaire? L’effet protecteur de l’activité physique est observé quel que soit l’âge, le sexe et en particulier chez des sujets qui débutent une activité physique modérée dans la deuxième partie de la vie. Toutefois le bénéfice de l’exercice n’est pas linéaire avec l’intensité et il est d’autant plus important que le sujet est déconditionné. Les sujets sédentaires sont donc ceux chez qui le bénéfice de l’exercice est le plus spectaculaire. Une augmentation modérée du niveau d’activité physique chez un sédentaire est à l’origine d’un bénéfice spectacu- LE CARDIOLOGUE N° 290 9 FMC - MARS 2006 Le risque de mort subite à l’effort chez le coronarien avéré a été évalué de 10 à 16,9 fois supérieur à celui d’un sujet non connu pour être coronarien [7, 8]. Le risque de survenue d’un infarctus du myocarde chez le coronarien est également 2 à 6 fois plus élevé à l’effort qu’au repos [9, 10] L’entraînement physique diminue le risque à l’effort du coronarien (tableau 1 page suivante). L’encadré ci-contre reprend différentes séries qui illustrent ce paradoxe. L’entraînement physique régulier chez le coronarien diminue le risque accru de survenue d’un accident aigu à l’effort mais sans jamais l’écarter totalement. 3) Mécanismes des syndromes coronaires aigus (SCA) survenant à l’effort. Le mécanisme principal (mais non exclusif ) des SCA et des morts subites survenant à l’effort est la rupture de plaque instable coronaire [12]. Ces plaques vulnérables sont souvent des plaques jeunes, peu occlusives. L’exercice physique favorise par un Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention Tableau 1 RR sédentaire RR entraîné Siscovick [11] Mort subite 56 5 Albert [8] Mort subite 74 10,9 Willich [9] IDM 6,3 1,3 Mittleman [10] IDM 107 2,5 effet mécanique leur rupture, déclenchant les processus thrombotiques qui contribuent à l’occlusion partielle ou complète du vaisseau. Dans la période d’effort et de post-effort, le niveau important de catécholamines circulantes peut favoriser la survenue d’arythmies sévères parfois mortelles. La plaque vulnérable qui est à l’origine de ces complications reste aujourd’hui indétectable par une méthode de dépistage simple. Les autres mécanismes (abrasion de plaque, calcifications, spasme) sont plus rarement en cause. Il a été montré que les infarctus en rapport avec l’effort physique survenaient souvent dans des contextes particuliers [13]. • Exercice matinal • Rupture d’entraînement • Conditions climatiques extrêmes • Nécessité de performance • Conditions psychologiques défavorables (insomnie...) • Evénements favorisant une réaction vasomotrice après l’effort (douche, cigarette)... Principes à prendre en compte avant de conseiller à un coronarien la pratique d’une activité physique • Un entraînement physique régulier a un effet très favorable sur le cours de la maladie coronaire avec une diminution d’événements vasculaires au repos comme à l’effort. • Le risque individuel d’accident coronaire est plus élevé à l’effort, toutefois un entraînement régulier atténue ce phénomène. • Il est admis que le risque de complications à l’effort augmente avec le degré d’atteinte coronaire, la dysfonction VG, l’instabilité électrique, l’intensité de l’exercice rapportée aux capacités du sujet. • Un coronarien qui souhaite pratiquer des exercices physiques intenses doit s’entraîner en conséquence, connaître ses limites et appliquer des règles de précaution. • Malgré toutes les précautions, la survenue d’un accident coronaire à l’effort reste imprévisible même si les règles de prudence peuvent en diminuer le risque. Les patients doivent en être prévenus. ■ Le conseil : conduite pratique • Un coronarien non entraîné a tout intérêt à ne pas faire d’efforts inhabituels. 1) Avant tout : évaluer • Il n’est jamais anodin de permettre à un coronarien de pratiquer un sport de forte intensité ! L’évaluation cardiovasculaire La prescription d’exercice doit tenir compte du retentissement de la maladie coronaire : importance de l’ischémie, fonction ventriculaire gauche, existence de troubles du rythme au repos et à l’effort, lésions vasculaires associées... L’épreuve d’effort est en effet le préalable indispensable à la prescription d’exercice physique chez le coronarien. Elle permet d’évaluer l’ischémie et de façon objective la capacité fonctionnelle. Il ne faut toutefois pas oublier que : • l’absence d’ischémie d’effort n’écarte pas la possibilité d’un événement coronaire : les plaques vulnérables sont souvent peu occlusives ; LE CARDIOLOGUE N° 290 10 FMC - MARS 2006 • l’effort triangulaire réalisé en laboratoire n’est qu’un reflet imparfait de ce qui se passe en réalité sur le terrain. Les autres éléments décisionnels sont • l’âge, le poids, l’équilibre des facteurs de risque, les capacités fonctionnelles de l’individu ; • l’état de l’appareil locomoteur, les limitations sensorielles (vue, ouïe, etc.) ; • le psychisme : c’est un point très important. Il faut encourager un timoré, se méfier d’un ancien sportif aux projets disproportionnés, etc. L’évaluation permet de préciser des limitations Limitations cardiovasculaires Le niveau d’effort auquel apparait une ischémie ou une arythmie ne doit pas être franchi en dehors d’une évaluation médicale contrôlée. Autres limitations médicales L’existence de problèmes mécaniques ou sensoriels aura bien entendu une influence prépondérante sur le choix des exercices à préconiser ou à déconseiller. La pratique de sports en décharge (vélo, piscine...) sera préférée en cas de surpoids ou d’arthrose des membres inférieurs, le vélo sur route sera déconseillé en cas de surdité, etc. Le contexte La profession, l’habitat (ville ou campagne), la proximité d’un club de sport, les contraintes de la vie du sujet (horaires), son mode de locomotion (transports en commun, véhicule personnel), sa motivation, son passé sportif... sont des élé- Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention ments primordiaux à prendre en compte, l’exercice doit s’intégrer sans contrainte excessive dans la vie et les goûts du sujet. L’entraînement doit être progressif et adapté. La motivation peut être renforcée par un objectif sportif qu’il s’agira d’atteindre sans esprit de compétition (grande randonnée...) 2) Quels objectifs ? Quelles limites indiquer ? a) Exercices aérobies : il ne paraît pas indispensable d’assujettir les patients au quadrant de leur cardio-fréquencemètre. Il suffit en général de leur conseiller de rester dans la zone d’entraînement où ils se sentent bien c’est-à-dire celle où ils ont l’impression de pouvoir réaliser longtemps l’exercice en cours. Pour les fanatiques du cardio-fréquencemètre cette zone de confort se situe au niveau du premier seuil ventilatoire avec des incursions entre le premier et le deuxième seuil ventilatoire. Il peut être dans ce cas intéressant de déterminer ces seuils au cours d’une épreuve d’effort métabolique ; b) les exercices anaérobies sont possibles et même souhaitables pour entretenir la force musculaire, il faut toutefois proscrire les exercices violents à glotte fermée qui sont associés à des montées tensionnelles importantes ; c) les sports à déconseiller sont : - tous les sports exigeant un niveau énergétique incompatible avec l’état cardiologique ou général du patient, - tous les sports qui ne permettent pas un autocontrôle permanent du niveau d’exercice c’est-à-dire tous les sports d’équipe où l’intensité de l’exercice dépend des phases de jeu, - les sports pratiqués dans un environnement hostile qui peuvent mettre le patient en péril en cas de malaise (plongée, escalade...), - les sports à risque traumatique chez les sujets sous anti-thrombotiques (sports de combat...). On peut isoler trois grands cas de figure qui nécessitent des abords radicalement différents. Cas du sujet sédentaire sans passé sportif Il s’agit souvent d’une personne réfractaire à l’exercice qu’il faut convaincre de réaliser un niveau minimal quotidien d’activité physique. Toutes les recommandations sont concordantes. Il faut tout simplement ne pas être sédentaire. Un peu d’exercice chaque jour apporte déjà beaucoup ! La marche à raison de 30 minutes par jour est dans la plupart des cas la prescription de base. Elle peut être agrémentée par des promenades en vélo, de la gymnastique douce, du jardinage, des sports d’adresse à faible niveau énergétique comme le golf... Hélas, les conseils prodigués aux sujets sédentaires sont peu suivis d’effets dans le temps. Le taux d’échec à l’issue de la période de réadaptation est élevé. Il ne faut pas baisser les bras pour autant, des expériences ont pu montrer l’intérêt d’un « coaching » chez ces coronariens à l’issue de la réadaptation permettant d’améliorer l’adhésion de façon significative. Des organisations locales de soutien devraient être mises en place. Cas du patient chez qui l’accident a réveillé un désir de vie active Cas du patient qui veut faire de la compétition ! C’est le cas idéal. Il s’agit souvent de sujets qui ont été actifs dans le passé et il suffira de les conseiller. Ce désir de compétition pose des problèmes complexes. LE CARDIOLOGUE N° 290 11 FMC - MARS 2006 Il peut s’agir de jeunes sportifs, parfois de très bon niveau, qui ont présenté un accident coronaire aigu et qui n’admettent pas de devoir diminuer leur niveau de pratique sportive et leurs objectifs en compétition. Parfois il s’agit de sportifs plus âgés qui étaient des pratiquants réguliers et qui souhaitent poursuivre leur pratique et participer à des épreuves collectives comme des cyclosportives ou des courses de fond. Parfois enfin, il s’agit de rêveurs qui ont arrêté depuis longtemps tout activité physique et qui face à la blessure narcissique que représente la maladie se lancent un défi. Les recommandations concernant la pratique de la compétition par des patients cardiaques viennent d’être actualisées (ESC, Conférence de Bethesda). L’attitude préconisée pour la compétition chez les coronariens a peu évolué par rapport aux recommandations précédentes qui dataient d’une dizaine d’années et elles restent très restrictives. La conférence de Bethesda classe comme « sportif à risque modéré » les coronariens avec FE supérieure à 50 %, une épreuve d’effort d’intensité normale, sans ischémie ou arythmie ventriculaire significatives induites par l’effort, sans sténose supérieure à 50 % sur une coronaire principale, revascularisés de façon efficace si cela était nécessaire. Ces coronariens ainsi définis ne sont autorisés à pratiquer la compétition que dans des sports de niveau IA (billard, bowling, golf...) et IIA (tir à l’arc, plongeon, équitation...). Ils doivent donc éviter les situations de compétition dans des sports de haut niveau énergétique. Les sportifs coronariens classés comme « présentant un risque notable » (FE inférieure à 50 %, ischémie d’effort ou aryth- Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention mies ventriculaires significatives, sténose d’une artère coronaire principale supérieure à 50 %) sont confinés à la compétition dans des sports de niveau IA. Il est évident que désir de compétition et coronaropathie ne font pas bon ménage. Pourtant, il faut se garder de rendre un sportif sédentaire en le décourageant de façon excessive. La compétition est par définition la recherche du dépassement de soi et d’une performance supérieure à celle des autres. Il est donc logique d’écarter de la compétition un sportif coronarien, en dehors des sports à faible niveau énergétique. Il est parfois possible d’autoriser une participation à des manifestations sportives de masse (course à pied, vélo, natation...) où l’enjeu est différent et où le sujet peut rester maître de sa performance. Mais une telle autorisation doit répondre à des conditions très strictes et ne peut être envisagée que pour un sujet très entraîné, présentant un bilan cardiovasculaire et général parfaitement équilibré, présentant une bonne maturité psychologique et à condition que l’épreuve sportive soit abordée sans vrai esprit de compétition (par exemple sur la base d’un temps préétabli). Une telle autorisation doit être accompagnée d’une information objective sur l’imprévisibilité des complications (même si le risque parait très faible) et de l’utilité du contrat moral qui le lie à une performance à ne pas dépasser. Mais attention, le sportif de compétition oublie souvent ses promesses quand il se retrouve dans l’ambiance d’une course... ■ Bibliographie 1[1] OLDRIDGE N.-B. et al. Cardiac rehabilitation after myocardial infarction : combined experience of randomized clinical trials. JAMA, 1988, 260 (7) : 945-50. 1[2] O’CONNOR G.-T. et al. 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Characteristics of conditioned and sedentary men with acute coronary syndromes. Am J Cardiol, 1994, 73 (4) : 219-22. [13] DRONIOU J., BRION R., QUATRE J.-M. L’infarctus du myocarde aigu au cours de la pratique sportive : approche préventive à partir de 40 observations d’évolution non mortelle en milieu militaire. Ann Med Interne, 1987, 138 : 506-11. ■ Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention Quand et comment rechercher une coronaropathie chez le sportif ? Jacques MACHECOURT Service de Cardiologie et Urgences Cardiologiques, Grenoble a survenue d’un accident coronarien chez un patient sportif apparaît d’autant plus dramatique qu’elle est souvent inaugurale chez un sujet en pleine santé jusque-là. Ainsi la première mort subite à l’effort rapportée dans la littérature est celle du soldat grec PHEIDIPPIDES mort, selon la légende, après sa course à pied entre Marathon et Athènes en 490 AC pour délivrer le message de la victoire sur les Perses. Il est largement démontré, par exemple à travers les résultats de la Physician Health Study [1], que globalement le sport diminue de 35 à 50 % la fréquence de survenue des accidents coronariens, mais que le risque de survenue d’un accident cardiaque augmente transitoirement au cours ou au décours immédiat de l’effort sportif, et ceci d’autant plus que le sportif est peu entraîné ; même chez les sportifs entraînés le sport augmente transitoirement le risque relatif d’accident coronarien (figure 1 ci-contre). L Ces accidents coronariens se manifestent parfois par une mort subite inaugurale (et entraînerait le décès chaque année en France de 1.200 à 1.500 sujets pendant une activité sportive). La physiopathologie de cet accident coronarien du sportif est relativement bien connue : après 35 ans il s’agit dans la très grande majorité des cas d’une rupture d’une plaque coronaire. Il existe cependant quelques différences avec Figure 1 Représentation de la balance bénéfice/risque de la pratique du sport : la mortalité cardiovasculaire est réduite de 39 % en moyenne par la pratique du sport, mais le risque de survenue d’un accident cardiaque est multiplié par 16.9 en moyenne pendant le sport, et ceci d’autant plus que le sujet est moins entraîné (RR 74 chez le sportif occasionnel, RR 9 chez le sportif entraîné). Tiré de la Physician Health Study [1]. Figure 2 BE... Jean 54 ans ; sportif de haut niveau, FRCV néant Au cours d’un jogging d’altitude survenue d’une douleur infarctoïde. Fibrillation ventriculaire à l’arrivée de l’hélicoptère du SAMU (ECG joint). La coronarographie immédiate révèle une thrombose IVA sur réseau peu pathologique. Angioplastie première. Douze ans plus tard le patient continue une activité sportive significative. LE CARDIOLOGUE N° 290 14 FMC - MARS 2006 Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention la population générale des coronariens : plus souvent encore il s’agit de plaques « jeunes », n’entraînant qu’une sténose non serrée ; du fait de l’hypercathécholaminisme lié au sport, la thrombose coronaire entraîne plus souvent une fibrillation ventriculaire inaugurale (figure 2 page précédent). Dans un nombre non négligeable de cas selon CORRADO [2], une anomalie de naissance du tronc coronaire est en cause chez les plus jeunes, comme dans l’exemple de la figure 2. Le spasme coronaire au décours de l’effort, parfois à partir d’un pont myocardique, a été décrit [3]. Figure 3 A ■ Peut-on détecter une maladie coronaire occulte et le risque de survenue d’un accident coronarien chez un sportif ? Figure 3 B I. Chez quels sportifs réaliser un bilan cardiaque ? Quel que soit l’âge et le terrain cette détection est aléatoire : 1. chez le jeune athlète l’étude de CORRADO a bien montré que les morts subites surviennent chez des patients ayant une cardiopathie sousjacente. Chez de tels jeunes patients, les causes d’accident sont plus souvent en rapport avec l’existence d’une cardiomyopathie hypertrophique, ou encore d’une dysplasie arythmogène du ventricule droit, voire d’une anomalie de naissance de l’artère coronaire. Le diagnostic de la cardiomyopathie ou de la dysplasie est accessible à l’échographie cardiaque, et c’est la raison pour laquelle dans le programme italien un examen cardiologique avec ECG de repos et échographie systématique est réalisé systématiquement chez de tels athlètes. Ce programme a diminué notablement la fréquence de survenue de la mort subite et les dernières recommandations européennes incluent cette recherche [4]. La maladie coronaire occulte avant Figure 3 C Guillaume… 13 ans. A l’occasion d’une course de 1.000 mètres au lycée présente à la cinquième minute un malaise lipothymique avec vomissement. Il exprime une douleur thoracique, puis s’écroule. Son professeur de gymnastique réalise un massage cardiaque jusqu’à l’arrivée du SAMU qui réalise une défibrillation (fig. 3A, tracé joint). A son admission l’échographie transthoracique révèle une anomalie congénitale de naissance du tronc commun gauche qui chemine entre l’aorte et l’artère pulmonaire (et est comprimé lors de l’effort par la dilatation de l’artère pulmonaire). Cette anomalie sera corrigée chirurgicalement avec implantation d’un patch (figure 3 B). Deux ans plus tard Guillaume a repris une activité physique « normale », mais avec contre-indication à la compétition, alors que l’électrocardiogramme (figure 3 C) et l’échocardiogramme révèlent une cicatrice limitée de l’infarctus antérieur. A noter qu’a posteriori on retrouve deux épisodes de malaises lipothymiques à l’effort l’année précédant la mort subite récupérée. LE CARDIOLOGUE N° 290 15 FMC - MARS 2006 Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention 35 ans est une cause relativement rare de mort subite durant le sport en l’absence de circonstances très exceptionnelles comme la présence d’une hypercholestérolémie de type familial, ou d’une anomalie de naissance coronaire. L’épreuve d’effort standard chez de tels jeunes patients ne possède malheureusement que des performances limitées (« Frustratingly inadéquate » 5) et ne peut être recommandée systématiquenment. En effet le test expose à la fois à un risque élevé de faux négatif et de faux positif : diagnostic par défaut car les lésions coronaires de ces jeunes patients, quoique à risque du fait de la présence d’une plaque vulnérable, ne sont le plus souvent que des sténoses non serrées; taux important de faux positif du fait de la probabilité a priori très basse de présence de la maladie dans la population générale des jeunes sportifs : une épreuve d’effort positive correspond alors dans la majorité des cas à un faux positif. L’anomalie de naissance du tronc coronaire gauche du sinus antéro-droit peut être détectée en théorie par l’échographie cardiaque notamment sur la vue para-sternale petit axe [6]. Cependant en pratique le diagnostic à l’échographie se fait généralement a posteriori chez un patient survivant de l’accident coronarien, comme dans le cas personnel présenté figures 3 page précédente ; 2. chez des patients sportifs un peu plus âgés (> 40 ans) la recherche systématique de la maladie coronaire occulte par l’épreuve d’effort se heurte aussi aux mêmes limitations importantes car, là encore, la valeur prédictive positive du test reste basse ; 3. c’est dans le sous-groupe des vétérans sportifs de plus de 40 ou 45 ans, qui présentent un risque plus élevé de présence de la maladie coronarienne occulte, que la pratique de l’épreuve d’effort est recommandée. Ces patients à plus haut risque peuvent être séparés en plusieurs groupes : Figure 4 Exemple de détection d’une cardiopathie coronarienne menaçante : KOP Yves 34 ans n’a pas d’antécédents cardiovasculaires. Le seul FRCV est un tabagisme modéré. Grand sportif, lors d’un entraînement pour le marathon, il ressent un malaise avec oppression, « impression de ne pas digérer ». Il consulte et bénéficie d’une épreuve d’effort litigieuse ( sous-décalage de ST de 2 mm légèrement ascendant à 320 Watt). Son cardiologue alerté demande une scintigraphie myocardique de perfusion : ischémie apicale et inférieure. La coronarographie révèle des lésions tri-tronculaires moyennement serrées qui seront pontées. a. ceux présentant des facteurs de risque cardiovasculaire multiples. Parmi ceux-ci l’existence d’un antécédent familial coronarien dans la fratrie jeune constitue un risque particulièrement significatif ; de manière générale la présence de deux ou plus des facteurs de risque habituels impose la réalisation du test, b. les patients non entraînés qui reprennent une forte activité physique après 40 ou 45 ans, c. les patients ayant déjà présenté une alerte vasculaire (exemple AIT), ou encore ceux décrivant l’apparition de symptômes prémonitoires le plus souvent très litigieux mais qui doivent attirer l’attention : ces symptômes sont souvent décrits comme une impression de gêne, de mauvaise digestion, d’un essoufflement au démarrage de l’effort sportif puis disparaissent à la poursuite de l’effort. II. Méthodologie des épreuves fonctionnelles d’effort a. Il s’agit d’une épreuve d’effort conventionnelle sur bicyclette ergométrique LE CARDIOLOGUE N° 290 16 FMC - MARS 2006 ou sur tapis roulant, avec analyse à la fois des paramètres cliniques et hémodynamiques d’effort (profil tensionnel) et électrocardiographiques (apparition d’un sous-décalage de ST critique supérieur à 1 mm au sommet de l’effort disparaissant à la récupération). Les paliers d’effort seront plus abrupts que chez le patient non entraîné. La mesure de la Vo2 n’est pas utile ici. A noter que chez de tels sportifs l’épreuve d’effort doit parfois être refaite d’une manière « abrupte » pour permettre une accélération cardiaque suffisante. Lorsque cette épreuve d’effort est maximale négative, on peut autoriser la reprise ou la réalisation de l’activité sportive. Le test est parfois douteux car il n’est pas rare que ces patients présentent des troubles de repolarisation, ou un sous décalage plus ou moins ascendant à l’effort parfois rapporté à la présence d’une hypertrophie myocardique. Devant un tel aspect suspect, on peut réaliser un deuxième test après une bouffée de trinitrine : si le sous-décalage d’effort disparaît sous trinitrine, cela est suspect d’ischémie myocardique. De la même façon la persistance du sous-décalage Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention au-delà de 6 minutes après la fin de l’effort est suspecte d’ischémie, alors que sa disparition rapide oriente vers un faux positif. b. Dans beaucoup de ces situations difficiles il faut réaliser un deuxième test fonctionnel d’effort (figure 4 page précédente). Selon l’habitude du Centre, une scintigraphie myocardique de perfusion ou une échographie de stress peuvent être proposées. La constatation alors d’une ischémie myocardique, d’une part bien sûr contre-indique la réalisation du sport, d’autre part justifie une coronarographie à visée diagnostique et d’adaptation thérapeutique éventuellement. Certains ont rapporté une baisse de spécificité de la scintigraphie chez le sportif notamment en présence d’une hypertrophie myocardique ; nous n’avons pas retrouvé cette baisse de spécificité de la scintigraphie dans notre expérience, à condition d’exiger pour réaliser la coronarographie la présence d’une hypoperfusion myocardique significative (> 10 % du myocarde). La découverte de cette ischémie, dont on connaît la valeur pronostique péjorative, traduit l’extension plus ou moins importante de la maladie coronarienne mais n’identifie pas la plaque vulnérable. III. Limites de cette stratégie à l’échelle de la population des sportifs La stratégie décrite dans la figure 4 peut être efficace à l’échelon du patient considéré, comme dans l’exemple de la figure 5 ci-contre. Cette stratégie diagnostique présente toutefois au niveau de la population générale des sportifs une rentabilité basse : on estime que la probabilité de mort subite durant le sport après 45 ans est en moyenne de 5/10 000 (0,05 %) patients. Lorsqu’un patient de 45 ans ou plus présente deux facteurs de risque cardiovasculaires puis des épreuves fonctionnelles d’effort pathologiques ce risque Figure 5 Stratégie de détection de la maladie coronaire occulte chez le sportif (voir texte et figure 6). relatif est multiplié par 20 (5/10.000 x 20 = 1 %). Donc une centaine de patients sur les 10.000 patients de la population de départ sont dans cette situation, et parmi ces 100 patients détectés comme ischémiques grâce à cette stratégie une mort subite potentielle est susceptible d’être évitée (1% de 100 patients). Mais chez les 9.900 autres patients, qui n’ont pas de tels facteurs de risque ou qui, associée aux facteurs de risque, ont une épreuve d’effort normale, surviendront 5 décès potentiels (0,05 % x 9.900 patients) non détectés par cette stratégie. Cette stratégie, malgré son coût, n’est donc susceptible de détecter qu’une mort subite potentielle sur 6. La figure 6 page suivante traduit en nombre de patients ces probabilités à partir des 3 millions de sportifs en France. La problématique ressemble à la problématique de la détection et de la prévention de la mort subite en général : la généralisation des défibrillateurs implantables permet de réduire de manière importante le risque de mort subite chez les indi- LE CARDIOLOGUE N° 290 18 FMC - MARS 2006 vidus sélectionnés à risque (exemple présentant les critères de l’étude MADIT 2), mais ne permet pas de réduire au niveau national de manière significative le nombre de morts subites, car ces morts subites surviennent dans la majorité des cas de manière imprévisible dans l’immense population à bas risque. Il existe toutefois une différence considérable entre la problématique du défibrillateur et celle de la mort subite du sportif : on sait reconnaître facilement le patient, type MADIT2 à haut risque individuel de fibrillation ventriculaire, alors que l’on ne sait pas détecter de manière fiable le sportif à haut risque de rupture de plaque. Récemment certains auteurs ont proposé d’utiliser le score calcique au scanner pour détecter le risque de présence d’une maladie coronaire occulte chez des patients d’âge intermédiaire [7] : dans une cohorte de 2.000 patients suivis 3 ans, la survenue d’un accident coronarien parfois létal était 12 fois plus fréquente chez les Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention hommes présentant des calcifications coronaires. Les conséquences d’une telle donnée restent à évaluer : que faut-il alors proposer au patient ? Lui contrindiquer la pratique du sport ? Lui proposer une stratégie interventionnelle alors que la probabilité de sténose coronaire reste basse ? Figure 6 IV. Une stratégie plus efficace, la prévention de l’accident coronarien chez le sportif La prévision d’un tel accident chez des patients strictement asymptomatiques par l’utilisation des tests fonctionnels d’effort est donc d’un intérêt limité et doit être réservée à une sous-population de vétérans à risque coronaire a priori élevé. Si cette prévision est difficile, la prévention de tels accidents dramatiques est certainement plus rentable. Trois axes de prévention peuvent être mis en exergue : 1) l’éradication des facteurs de risque cardiovasculaire. Le sport ne protège pas des conséquences des autres facteurs de risque cardiovasculaire. Dans une métaanalyse personnelle des études de la littérature [8], nous avions retrouvé la présence d’une dyslipidémie chez 47 % des coronariens sportifs ayant présenté un accident grave à l’occasion du sport, chiffre proche de la population générale. De la même façon 72 % des sportifs ayant présenté un accident coronarien étaient fumeurs. Il faut combattre l’idée de certains de nos patients sportifs qui pensent que, réalisant un sport parfois même de manière intensive, ils sont protégés des conséquences néfastes des autres facteurs de risque ; 2) être extrêmement vigilants lors de l’apparition de symptômes fonctionnels souvent très atypiques mais retrouvés dans 50 % des cas dans notre expérience avant un accident coronarien du sportif. Il s’agit souvent au début de l’effort d’une impression de mal digestion, de malaise, oppression, dans les jours précédant l’accident coronarien. Efficience limitée de la stratégie de détection de la maladie coronaire occulte chez le sportif. A noter de plus que la valeur prédictive positive basse des épreuves d’effort dans la population sélectionnée de la figure 5 conduit à un nombre significatif de coronarographies normales pour détecter les 30.000 coronariens. La valeur prédictive des tests serait encore plus basse si on étendait cette recherche à la masse des sportifs. Cela traduit probablement une déstabilisation de la plaque athéromateuse précédant la fissuration et la thrombose complète ; 3) conseiller une activité physique régulière, d’au moins 20 minutes/jour (9), associée à la pratique d’un sport ; 4) éviter que ces vétérans s’exposent à des efforts physiques inappropriés souvent en milieux hostiles, sans préparation préalable. Chez nos 55 patients ayant présenté un infarctus ou une mort subite récupérée après un effort sportif, très souvent ces accidents étaient survenus lors d’exposition au froid ou en haute altitude, ou à l’occasion d’un effort tout à fait inconsidéré chez un patient non préparé. La moyenne d’âge était de 52 ans, 85 % des cas survenant après 40 ans. Chez de tels vétérans, il faut conseiller la réalisation du sport, mais avec une reprise d’activité sportive progressive, adaptée, notamment s’il s’agit d’un sujet peu entraîné et présentant des facteurs de risque cardiovasculaire. LE CARDIOLOGUE N° 290 ■ Bibliographie [1] ALBERT C.-M., MITTLEMAN M.-A., Chae CU et al. Triggering of sudden death from cardiac causes by vigorous exertion. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1355-61. [2] CORRADO D., BASSO C., RIZZOLI G. et al. Does Sports Activity Enhance the Risk of Sudden Death in Adolescents and Young Adults ? J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 19599-63. [3] GRIFFET V., FINET G., R. BRION J et al. Pont myocardique et spasme coronaire à l’effort. Arch Mal Coeur 2006 ; 99 : 65-7. [4] CORRADO D., PELLICCIA A., BJØRNSTAD H.H. et al. Cardiovascular pre-participation screening of young competitive athletes for prevention of sudden death : proposal for a common European protocol. European Heart Journal 2005 ; 26 : 516–24 [5] WILLIAMS R.-G., CHEN A.-Y. Identifying athletes at risk for sudden death. J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 1964-6. [6] ANGELINI P., ANTONIO J., FLAMM S. Coronary Anomalies, Incidence, Pathophysiology, and Clinical Relevance. Circulation. 2002 ; 105 : 2449-54. 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Jean-François AUPETIT, Sylvie LASSERRE-RÉMY, Christiane MAGNIER Centre Hospitalier Saint-Joseph et Saint-Luc, Lyon L a réadaptation cardiovasculaire a été définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « l’ensemble des activités nécessaires pour influer favorablement sur le processus évolutif de la maladie, ainsi que pour assurer aux patients la meilleure condition physique, mentale et sociale possible afin qu’ils puissent, par leurs propres efforts, préserver ou reprendre une place aussi normale que possible dans la vie de la communauté ». La réadaptation du coronarien ne se limite pas au réentraînement musculaire à l’effort mais s’inscrit dans une démarche globale pour motiver et aider les patients à modifier leur mode de vie en supprimant les facteurs de risque de la maladie coronarienne dans le but d’améliorer leur bien-être quotidien mais également leur pronostic vital. A. Pourquoi réadapter ? 1. Mécanismes d’action du réentraînement à l’exercice Aucune thérapeutique n’a d’effets plus ubiquitaires que l’entraînement physique : – amélioration du rendement de la fibre musculaire et de la capacité oxydative des mitochondries du muscle squelettique ; Mots clés : réadaptation, coronaropathie, infarctus du myocarde, qualité de vie, pronostic. – effets neurohormonaux : baisse de l’activité sympathique, augmentation de l’activité parasympathique, baisse de l’activité rénine-angiostensine-aldostérone ; – effets sur la circulation périphérique : amélioration de la capacité de vasodilatation endothéliale par stimulation de l’oxyde nitrique entraînant une baisse des résistances vasculaires périphériques ; – effets sur la fonction cardiaque : action anti-remodelage par amélioration des conditions de charge et de la perfusion myocardique (augmentation de la capacité de vasodilatation des gros troncs et de la microcirculation, stimulation de la néogénèse vasculaire et développement du préconditionnement ischémique) ; – effets ventilatoires : diminution de l’hyperventilation, amélioration de la fonction diaphragmatique et du rendement ventilatoire ; – effets métaboliques : amélioration du profil lipidique et diminution de l’insulinorésistance ; – effets psychologiques : augmentation de la sécrétion d’endorphines, amélioration de la résistance au stress et à la dépression. 2. Prise en charge globale de la maladie coronaire La réalisation d’un réentraînement mus- LE CARDIOLOGUE N° 290 20 FMC - MARS 2006 culaire à l’exercice augmente le temps de contact entre les équipes médicales ou paramédicales et les patients coronariens dont la durée de séjour soit après infarctus soit après revascularisation par angioplastie ou chirurgie est de plus en plus courte. Une prise en charge globale de la maladie athéromateuse pourra ainsi être réalisée : – aide au sevrage tabagique ; – prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire que sont la dyslipidémie, l’hypertension artérielle, le diabète et la surcharge pondérale ; – aide à la gestion du stress ; – adaptation des thérapeutiques ; – éducation du patient et de son entourage ; apprentissage de l’auto-observation ; – dépistage des complications lointaines après infarctus du myocarde et/ou revascularisation coronarienne ; – aide à la reprise d’un travail adapté. B. Résultats de la réadaptation du coronarien 1. Valeur pronostique de la capacité d’exercice MYERS [1] en suivant plus de 6 ans 6.213 hommes adressés pour épreuve d’ef- Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention fort a montré que la capacité d’effort, qu’elle soit évaluée en équivalents métaboliques ou en pourcentage de la théorique, était le paramètre prédictif le plus puissant de la mortalité cardiovasculaire aussi bien dans une population de patients coronariens que dans une population de sujets sains et ceci indépendamment de l’âge, du poids, de l’existence ou non d’une hypertension artérielle, d’une bronchite chronique, d’un tabagisme, d’un diabète, d’une dyslipidémie ainsi que de la prise ou non d’un bêtabloquant. L’étude APSIS [2] avait déjà montré que les coronariens dont le test d’effort dure plus de 13 minutes ont une survie sans infarctus à 40 mois significativement supérieure à ceux dont le test d’effort dure moins de 9 minutes. 2. Effets de la réadaptation sur la capacité d’exercice leure capacité d’exercice et une diminution de l’ischémie à la scintigraphie comparable à celle du groupe traité par angioplastie. 3. Effets de la réadaptation sur la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire Les méta-analyses d’OLDRIDGE [5] et d’O’CONNORS [6] ont montré, à la fin des années 1980, qu’après un infarctus un programme de réadaptation bien conduit permettait une baisse de mortalité totale et cardiovasculaire d’environ 20 % à 3 et 5 ans. rassemblant 9 essais randomisés regroupant 801 patients insuffisants cardiaques, dont 395 entraînés et 406 contrôlés, a montré une diminution significative de la mortalité totale dans le groupe entraîné (p = 0,015) et une diminution significative de la morbi-mortalité (hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès) (p = 0,018). Dans cette méta-analyse, ni la classe NYHA, ni l’étiologie ischémique ou non ischémique, ni la valeur du pic de VO2, ni la fraction d’éjection, ni le sexe, ni l’âge du patient n’influencent les effets bénéfiques du réentraînement. 4. Risques de la réadaptation WANNAMETHEE [7] a suivi pendant cinq ans 772 hommes coronariens stables et a montré que la réalisation régulière d’exercices physiques d’intensité légère à modérée diminuait la mortalité totale de façon significative après ajustement sur tous les facteurs de risque. Le réentraînement chez des patients à fonction ventriculaire gauche altérée induit [3] : – une amélioration de la capacité d’exercice appréciée par le pic de VO2 (+ 13 % en moyenne) ou par la durée de l’effort (+ 17 % en moyenne) ; – une amélioration du seuil d’endurance et des performances sous-maximales ; – une amélioration de la qualité de vie, se traduisant par une diminution de la dyspnée et de la fatigabilité et objectivée par une amélioration de la classe de la NYHA. En post-infarctus, le travail de STEFFENBATEY [8] a montré que parmi les 406 patients suivis pendant 7 ans, ceux qui sont restés actifs ou qui ont accru leur activité physique, présentaient une mortalité et un risque de récidive d’infarctus significativement inférieurs à ceux qui sont restés sédentaires. L’étude d’HAMBRECHT [4] a comparé, chez 101 patients porteurs d’une maladie coronaire stable avec une sténose coronaire techniquement dilatable, le bénéfice d’un programme de reconditionnement à l’effort associé à un traitement médical avec celui d’une angioplastie coronaire associée à un traitement médical. Au bout d’un an les patients réentraînés ont présenté significativement moins d’événements cardiovasculaires graves que les patients dilatés, tout en ayant une meil- La méta-analyse de TAYLOR [10] a étudié les bénéfices de la réadaptation dans une population de coronariens ayant bénéficié des techniques de revascularisation moderne (angioplasties et pontages). Dans les 48 études randomisées analysées, regroupant 8.940 patients, la réduction de la mortalité totale et cardiaque est respectivement de 20 et 26 % chez les patients réadaptés. WITT [9] a montré qu’en post-infarctus la participation à un programme de réentraînement diminuait significativement la mortalité et la récidive d’infarctus. Enfin la méta-analyse EXTRAMATCH [11], LE CARDIOLOGUE N° 290 21 FMC - MARS 2006 En respectant les rares contre-indications que sont la classe IV de la NYHA, l’hypertension artérielle pulmonaire, les arythmies complexes et les obstacles à l’éjection du ventricule gauche, une méta-analyse regroupant 2.387 patients réentraînés inclus dans 81 essais n’a relevé aucun décès lié à l’exercice au cours de 60.000 heures d’entraînement chez des insuffisants cardiaques [12]. C. Comment réadapter ? 1. La réadaptation de la maladie coronaire se décline classiquement en trois phases – La phase 1 ou phase hospitalière faisant suite à un infarctus, à une revascularisation par angioplastie ou chirurgie, vise à limiter les complications du décubitus dont la durée s’est considérablement raccourcie en raison de l’amélioration des techniques. – La phase 2 ou phase post-hospitalière immédiate se déroule le plus souvent en centre spécialisé. Elle est réalisée en ambulatoire ou en hospitalisation complète selon la gravité de la maladie et le degré de dépendance. C’est au cours de cette phase que prend place le recondi- Coronaires et sport : la coronaropathie du sportif, détection et prévention tionnement musculaire, l’éducation du patient et sa préparation à la réinsertion sur le plan professionnel. – La phase 3 a pour but de pérenniser les acquis de la phase 2 et de favoriser l’adhésion au nouveau mode de vie ; elle peut faire appel à des activités de groupe par l’intermédiaire d’associations de type « cœur et santé ». 2. Contenu d’un programme de réadaptation a. Tout programme de réadaptation commence par : • un examen général clinique, • un examen cardiovasculaire clinique, électrocardiographique et échographique, • une épreuve d’effort couplée ou non à la mesure des échanges gazeux respiratoires permettant une programmation du niveau de réentraînement physique. b. Déroulement du reconditionnement à l’exercice Le reconditionnement à l’exercice est basé sur des séances de gymnastique et de réentraînement sur des appareils variés (bicyclette, tapis roulant, rameur) associées à des activités de plein air, de sport collectif ou de balnéothérapie. Les séances de réentraînement s’effectuent à un niveau d’exercice proche de celui correspondant au seuil ventilatoire ou seuil d’endurance. On s’aidera donc de la fréquence cardiaque correspondant à ce seuil d’endurance déterminé lors d’une épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux respiratoires. Si la mesure des échanges gazeux respiratoires n’est pas réalisée on s’aidera de la formule de Karvonen, déterminable au cours d’une épreuve d’effort simple au cours de laquelle la fréquence cardiaque d’entraînement (FCE) est calculée à partir de la fréquence cardiaque de repos (FCR) et la fréquence cardiaque maximale (FCM) selon l’équation suivante : FCE = FCR + 0,6 à 0,8 (FCM – FCR) Après détermination de cette fréquence cardiaque d’entraînement, les séances de réentraînement se déroulent 3 à 5 fois par semaine associant : – des séances d’assouplissement et d’étirement musculaire d’une durée de 20 à 30 minutes ; – des séances d’entraînement en endurance classique sur bicyclette ergométrique, tapis roulant ou rameur d’une durée de 30 à 40 minutes précédées d’un échauffement ; – une récupération active pour prévenir les malaises vagaux favorisés par les traitements bêtabloqueurs. c. Le programme englobe ensuite de façon personnalisée : • une aide au sevrage tabagique, • une prise en charge des facteurs de risque, • des séances d’éducation centrées sur la diététique et la compréhension de la maladie coronaire, • une prise en charge psychologique. ■ Conclusions La réadaptation cardiovasculaire du coronarien est basée sur le réentraînement musculaire à l’exercice s’intégrant dans une prise en charge globale et pluri-disciplinaire de l’ensemble des facteurs de risque de la maladie coronaire. Elle est une thérapeutique à part entière qui, associée aux techniques de revascularisation, permet d’améliorer la compliance au traitement médicamenteux et favorise la prise en charge des facteurs de risque de la maladie. La réadaptation cardiovasculaire améliore la symptomatologie, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie du patient coronarien ; par l’ensemble de ses effets directs sur le système cardiovasculaire et par l’amé- LE CARDIOLOGUE N° 290 22 FMC - MARS 2006 lioration des facteurs de risque elle permet de diminuer la mortalité totale et cardiovasculaire d’environ 20 à 30 %. Sa place est devenue fondamentale dans la prise en charge des patients coronariens, qu’ils soient stables, en post-infarctus immédiat ou insuffisants cardiaques. ■ Bibliographie 1[1] MYERS J., PRAKASH M., FROELICHER V., et al. Exercise capacity and mortality among men refered for exercise testing. N Engl J Med. 2002 ; 346 : 793-801. 1[2] FORSLUND L., JEMDAHL P., HEDL C., et al. Pronostic implications of results from exercise testing in patients with chronic stable angina pectoris treated with metoprolol or verapamil. A report from the angina prognosis study in Stockholm (APSIS). Eur Heart J 2000 ; 21 : 901-10. 1[3] European Heart Failure Training Group. Experience from controlled trials of physical training in chronic heart failure. Eur Heart J 1998 ; 19 : 466-75. 1[4] HAMBRECHT R., WALTHER C., MOBIUSWINKLER S., et al. Percutaneous coronary angioplasty compared with exercise training in patients with stable coronary artery disease : a randomised trial. Circulation. 2004 ; 109 : 1371-8. 1[5] OLRIDGE N.-B., GUYATT G.-H., FISCHER M.-E., RIMM A.-A. Cardiac rehabilitation after myocardial infarction. Combined experience of randomised clinical trials. JAMA. 1988 ; 260 : 945-50. 1[6] O’CONNOR G.-T., BURING J.-E., YUSUF S., et al. An overview of randomized trials of rehabilitation with exercise after myocardial infarction. Circulation. 1989 ; 80 : 234-44. 1[7] WANNAMETHEE S.-G., SHAPER A.-G., WALKER M.-A. Physical activity and mortality in older men with diagnosed coronary heart disease. Circulation. 2000 ; 102 : 1358-63. 1[8] STEFFEN-BATEY L., NICHAMAN M., GOFF D., et al. Change level of physical activity and risk of all-cause mortality on reinfarction. The Corpus Christi Heart Project. Circulation. 2000 ; 102 (18) : 2204-9. 1[9] WITT B.-J., JACOBSEN S.-J., WESTON S.-A. et al. Cardiac rehabilitation after myocardial infarction in the community. J Am Coll Cardiol 2004 ; 44 : 988-96. [10] TAYLOR R.-S., BROWN A., EBRAHIM S., et al. Exercise-based rehabilitation for patients with coronary heart disease : systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Med. 2004 ; 116 : 682-92. [11] PIEPOLI M.-F., DAVOS C., FRANCIS D.-P., et al. ExTraMATCH collaborative. Exercise training metaanalysis of trials in patients with chronic heart failure (ExtraMATCH). BMJ. 2004 ; 328 : 189. [12] SMART N., MARWICK T.-H. Exercise training for patients with heart failure : a systematic review of factors that improve mortality and morbidity. Am J Med 2004 ; ■ 116 : 693-706. Va l i d e z v o t re F M C c o n t i n u e ! Dans chaque cahier de FMC du journal « Le Cardiologue », vous allez trouver un QCM se rapportant aux sujets traités dans le numéro. Vous le trouverez également sur le site de l’UFCV (www.ufcv.org). Envoyez vos réponses si possible par internet ([email protected]). Mais vous pouvez aussi nous les faire parvenir par fax (01.45.42.72.98) ou courrier (UFCV, 13, rue Niepce, 75014 PARIS). Les réponses des experts qui ont rédigé les questions paraîtront dans le numéro suivant du journal « Le Cardiologue ». Une attestation de participation (à mettre dans votre dossier FMC, EPP) vous parviendra par email, courrier ou fax, aussi est-il indispensable de bien noter vos coordonnées. Tout questionnaire retourné au-delà d’un mois de la parution du journal « Le Cardiologue » ne pourra être validé. Questionnaire Votre identification : Email : Code ADELI (= les 9 chiffres situés sous votre identification sur vos feuilles de soin papier) : Fax : Adresse : QCM n° 1 à choix multiple QCM n° 2 à choix unique Une plaque coronaire dite vulnérable car elle peut se rompre ou se fissurer est : a) Une plaque habituellement très serrée et aisément détectable à la coronarographie. b) Une plaque non ou peu sténosante et donc méconnue à la coronarographie. c) Une plaque qui subit un remodelage positif expliquant son absence d'obstruction endoluminale. d) Une plaque potentiellement sensible aux élévations de pression et de la fréquence cardiaque. e) Une plaque non modifiée par des actions préventives (régime, activité sportive, statines, etc.). Une épreuve d’effort chez le sportif à la recherche d’une coronaropathie occulte… a) Doit être réalisée systématiquement autour de l’âge de 40 ans. b) Doit être réalisée systématiquement après 50 ans. c) Doit être couplée à une scintigraphie myocardique de perfusion (ou une échographie de stress). d) Doit être réalisée uniquement chez le vétéran à haut risque cardiovasculaire (présence de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires, antécédents personnels ou familiaux...). e) Conduit alors à la réalisation d’une coronarographie lorsque le test est « positif ». Quelle assertion est fausse parmi les suivantes QCM n° 3 à choix unique La pratique d’un effort sportif chez un coronarien : a) Est associée dans tous les cas à un risque accru par rapport à l’état de repos. b) Est sans risque si le sujet est bien entraîné. c) Est associée à un risque accru plus important si le sujet est sédentaire. d) N’est pas recommandée si le sujet est sédentaire. Concernant la revue « Le Cardiologue » (QCM n’entrant pas dans le cadre de la validation de la FMC) QCM n° 4 Quelle appréciation donnez-vous, de 1 à 10 (1 = mauvais, 10 = excellent) à : ■ a) La partie socioprofessionnelle 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ■ b) La partie FMC 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Commentaires libres LE CARDIOLOGUE N° 290 23 FMC - MARS 2006 SNSMCV Un Syndicat à votre service pour mieux vous entendre et vous défendre 13, rue Niepce, 75014 Paris - Tél. : 01.45.43.70.76 - Fax : 01.45.43.08.10 e-mail : [email protected]