LES MOLLUSQUES
Parmi plus de 80.000 espèces de mollusques marins inventoriées,
seules quelques unes sont potentiellement dangereuses. Quatre vingt cinq espèces ont
jusqu'à présent été incriminées dans des envenimations humaines.
Certaines espèces ne sont venimeuses que dans des circonstances
particulières, mais on pense actuellement qu'il en existe beaucoup d'autres, inconnues
ou encore non étudiées, qui sont susceptibles de l'être. Une grande prudence s'impose
donc lors de la manipulation de ces animaux.
En pratique, tous les mollusques en cause appartiennent à deux
classes distinctes : celle des gastéropodes et celle des céphalopodes.
A- Les Gastéropodes
Cette classe de mollusques est celle comprenant le plus grand
nombre d'individus venimeux. Certains sont assez mal connus, à venimosité variable
et de morphologie curieuse, et appartiennent à la famille des Nudibranches, mais les
plus dangereux pour l'homme sont incontestablement ceux de la famille des Conidæ.
1- Les Cônes
Les propriétés venimeuses des cônes sont connues depuis bien
longtemps. Le premier cas mortel a été officiellement rapporté en 1705 en Indonésie,
dans l'archipel des Moluques, par le naturaliste hollandais Rumphius. Il concernait
une femme indigène piquée par un coquillage en relevant un filet de pêche, identifié
comme étant un cône textile. D'autres cas similaires ont été observés par la suite,
toujours aux Moluques, puis en Australie, aux Nouvelles-Hébrides, en Nouvelle-
Calédonie, aux Fidji, etc. En tout une cinquantaine de cas mortels ont été recensés de
par les mers et les océans et rapportés jusqu'à nos jours dans la littérature mondiale.
Ces cônes vivent pour la plupart dans les eaux littorales du bassin
Indo-Pacifique, à faible profondeur. Ils sont cachés le jour dans les coraux ou enfouis
dans le sable et sont surtout visibles la nuit, quand ils sont actifs car ils sortent de leur
abri pour chasser. Leur taille est variable de 1 à 30 cm, avec une moyenne de 10 cm.
On en dénombre près de 600 espèces. Toutes sont venimeuses,
mais seules 18 sont à priori très dangereuses. Les connaître est important, mais une
grande méfiance s'impose malgré tout quand on aperçoit un cône, car leur
identification est parfois difficile et le risque de confusion entre les espèces réel,
même pour un autochtone. Le coquillage est de plus souvent recouvert de dépôts
divers, d'algues, ou de substrat, ce qui augmente encore la difficulté. Par précaution il
importe de considérer tout cône découvert lors d'une baignade, d'une plongée ou
d'une pêche au filet comme suspect et impose de le manipuler de façon adéquate et
très prudente, en le tenant par le sommet de la coquille, ouverture dirigée vers l'avant,
mais jamais posé dans le creux de sa main, ni transporté dans son maillot de bain !
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Au plan anatomique, les cônes ont une forme théoriquement
conique, d'où leur nom, mais elle est en fait variable, cylindrique ou parfois ovée.
Globalement c'est celle d'une coquille d'escargot allongée, avec un sommet ou apex,
une base et une ouverture longue et étroite : le péristome, par laquelle l'animal peut
s'extérioriser. Les motifs décoratifs et les colorations de la coquille sont typiques de
chaque espèce et font de ce joli coquillage un objet de convoitise, malheureusement
trop recherché par les collectionneurs avertis.
L'intérieur de la coquille, dans laquelle se loge l'animal, est composé de 5 à 8 tours de
spires enroulées dans le sens des aiguilles d'une montre autour d'un axe central : la
columelle.
Coupe schématique d'un cône
Quand l'animal sort de sa coquille, on aperçoit son pied sur
lequel il se déplace très lentement, un siphon servant d'organe tactile, deux fins
tentacules latéraux avec un œil à chaque extrémité et une trompe protractile creuse,
entourée d'une gaine charnue appelée proboscis la reliant à la bouche. Pour ne pas
être blessé, il est nécessaire de bien connaître le fonctionnement de son appareil
vulnérant, car de sa compréhension vont en découler les mesures de prévention.
L'appareil venimeux du cône est composé schématiquement par :
- un sac musculo-glandulaire volumineux, que l'on pensait être une glande à
venin (Leiblin) mais qui en fait joue le rôle de pompe à éjection.
- un long canal glandulaire très fin. C'est à ce niveau que le venin est sécrété.
- un pharynx creux en forme de L appelé radula, sont fabriquées des petites
fléchettes creuses, de 5 à 10 mm de long, dont l'extrémité ressemble à une pointe de
harpon barbelé et dénommées dents radulaires.
-le proboscis, véritable sarbacane, dans lequel vient se positionner une fléchette
empoisonnée : dent radulaire enduite de venin et destinée à la proie lors de la chasse.
Les cônes sont des prédateurs nocturnes et carnassiers. Selon leur
espèce, ils se nourrissent, de vers, de mollusques ou de poissons et c'est parmi les
plus grandes espèces de cônes piscivores, mangeurs de poissons, que l'on trouve les
animaux les plus venimeux et les plus dangereux de cette famille.
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Les cônes ont des techniques de chasse très particulières et très
intéressantes à connaître. Elles se déroulent en deux phases successives :
- Tout d'abord le repérage de la proie : Il se fait par chimiotactisme, c'est à dire
par analyse des molécules chimiques ou phéromones libérées dans l'eau par la proie
et par détection des vibrations que sa présence provoque.
- Vient ensuite le choix d'une stratégie de capture. Les cônes piscivores en
chasse ont toujours deux possibilités à leur disposition pour capturer leur proie.
* La première consiste à libérer dans l'eau des toxines anesthésiantes
pour réduire la capacité de réaction du poisson convoité et provoquer chez lui un
''sleeping syndrome''. Ainsi une fois endormi, il pourra être aisément approché puis
enveloppé comme dans un filet par le proboscis évasé à cette occasion, piqué par une
dent radulaire venimeuse, tué par effet du venin, avalé et finalement digéré.
* La deuxième technique consiste à viser et harponner le poisson avec
une fléchette radulaire empoisonnée pour le paralyser et à l'amener ensuite en bouche.
Avant le déclenchement de l'attaque, le proboscis se protracte, c'est à dire sort de la
coquille et s'allonge d'une longueur parfois égale à celle du coquillage. Cette action
provoque, par à un mécanisme de bascule encore mal défini, l'engagement d'une dent
radulaire dans la lumière de cette arme improvisée. La dent au départ non venimeuse
est enduite au même instant de venin issu du canal glandulaire, par contraction du sac
musculo-glandulaire, faisant fonction de pompe à éjection. La ''sarbacane'' étant
''armée'', il ne reste plus pour le cône qu'à orienter le proboscis vers la proie choisie et
à déclencher le tir. La distance de tir peut aller jusqu 10 cm. Une fois tirée la dent
est définitivement perdue et il faut au cône harponneur un temps de latence et de
récupération de 6 heures environ avant de pouvoir opérer un nouveau tir.
Le venin des cônes est particulièrement puissant et entraîne la
paralysie et la mort de l'animal cible en quelques secondes seulement.
Les études physico-chimiques de ces venins ont montré qu'ils contenaient une grande
diversité de substances actives, en plus de toxines spécifiques appelées conotoxines.
On en a isolé huit différentes, chacune ayant une action spécifique et complémentaire
à un niveau donné de la transmission neuro-musculaire.
Qu'en est-il chez l'homme piqué par un cône ?
Les effets sont en fait variables selon l'espèce en cause. Ils vont
de la simple douleur, sans autre anomalie associée, à des signes cliniques majeurs et à
la mort du blessé. Ce qui est important également, c'est la taille de la dent radulaire.
Plus elle est longue, plus l'envenimation est grave. ce qui paraît logique, car la
quantité de venin transportée est plus importante sur une dent longue que sur une dent
courte. Ainsi, pour une espèce dangereuse donnée, plus le coquillage est grand, plus
le risque est élevé.
Cliniquement après une piqûre, la douleur est toujours présente
mais d'intensité variable, accompagnée de signes inflammatoires locaux. Des troubles
neurologiques peuvent survenir, à type de fourmillements, de paralysies des muscles
oculaires, de la voix, de la déglutition et des membres avec parfois dans les formes
les plus graves, heureusement rares, une paralysie des muscles respiratoires, un arrêt
cardiaque et la mort en 1 à 3 Heures. Il n'y a pas de sérum spécifique contre le venin
des cônes et le traitement reste symptomatique. Nous l'envisagerons dans un chapitre
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ultérieur dédié à la conduite à tenir en urgence, lors d'envenimations.
Voyons maintenant quelques cônes, classés en fonction de leur degré de dangerosité :
* Cônes piscivores très dangereux
- Conus geographus
- Conus striatus
* Cônes piscivores moins dangereux
- Conus tulipa
- Conus gloriamaris
- Conus catus
- Conus stercus muscarum
- Conus obscurus
- Conus magus
- Conus monachus
* Cônes molluscivores potentiellement dangereux
- Conus textile
- Conus aulicus
- Conus marmoreus
- Conus omaria
Conus geographus Cône géographe en aquarium
Conus striatus Conus tulipa
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Conus catus Conus obscurus
Conus gloriamaris Conus monachus
Conus stercusmuscarum Conus magus
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