LES MOLLUSQUES A- Les Gastéropodes

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LES MOLLUSQUES
Parmi plus de 80.000 espèces de mollusques marins inventoriées,
seules quelques unes sont potentiellement dangereuses. Quatre vingt cinq espèces ont
jusqu'à présent été incriminées dans des envenimations humaines.
Certaines espèces ne sont venimeuses que dans des circonstances
particulières, mais on pense actuellement qu'il en existe beaucoup d'autres, inconnues
ou encore non étudiées, qui sont susceptibles de l'être. Une grande prudence s'impose
donc lors de la manipulation de ces animaux.
En pratique, tous les mollusques en cause appartiennent à deux
classes distinctes : celle des gastéropodes et celle des céphalopodes.
A- Les Gastéropodes
Cette classe de mollusques est celle comprenant le plus grand
nombre d'individus venimeux. Certains sont assez mal connus, à venimosité variable
et de morphologie curieuse, et appartiennent à la famille des Nudibranches, mais les
plus dangereux pour l'homme sont incontestablement ceux de la famille des Conidæ.
1- Les Cônes
Les propriétés venimeuses des cônes sont connues depuis bien
longtemps. Le premier cas mortel a été officiellement rapporté en 1705 en Indonésie,
dans l'archipel des Moluques, par le naturaliste hollandais Rumphius. Il concernait
une femme indigène piquée par un coquillage en relevant un filet de pêche, identifié
comme étant un cône textile. D'autres cas similaires ont été observés par la suite,
toujours aux Moluques, puis en Australie, aux Nouvelles-Hébrides, en NouvelleCalédonie, aux Fidji, etc. En tout une cinquantaine de cas mortels ont été recensés de
par les mers et les océans et rapportés jusqu'à nos jours dans la littérature mondiale.
Ces cônes vivent pour la plupart dans les eaux littorales du bassin
Indo-Pacifique, à faible profondeur. Ils sont cachés le jour dans les coraux ou enfouis
dans le sable et sont surtout visibles la nuit, quand ils sont actifs car ils sortent de leur
abri pour chasser. Leur taille est variable de 1 à 30 cm, avec une moyenne de 10 cm.
On en dénombre près de 600 espèces. Toutes sont venimeuses,
mais seules 18 sont à priori très dangereuses. Les connaître est important, mais une
grande méfiance s'impose malgré tout quand on aperçoit un cône, car leur
identification est parfois difficile et le risque de confusion entre les espèces réel,
même pour un autochtone. Le coquillage est de plus souvent recouvert de dépôts
divers, d'algues, ou de substrat, ce qui augmente encore la difficulté. Par précaution il
importe de considérer tout cône découvert lors d'une baignade, d'une plongée ou
d'une pêche au filet comme suspect et impose de le manipuler de façon adéquate et
très prudente, en le tenant par le sommet de la coquille, ouverture dirigée vers l'avant,
mais jamais posé dans le creux de sa main, ni transporté dans son maillot de bain !
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Au plan anatomique, les cônes ont une forme théoriquement
conique, d'où leur nom, mais elle est en fait variable, cylindrique ou parfois ovée.
Globalement c'est celle d'une coquille d'escargot allongée, avec un sommet ou apex,
une base et une ouverture longue et étroite : le péristome, par laquelle l'animal peut
s'extérioriser. Les motifs décoratifs et les colorations de la coquille sont typiques de
chaque espèce et font de ce joli coquillage un objet de convoitise, malheureusement
trop recherché par les collectionneurs avertis.
L'intérieur de la coquille, dans laquelle se loge l'animal, est composé de 5 à 8 tours de
spires enroulées dans le sens des aiguilles d'une montre autour d'un axe central : la
columelle.
Coupe schématique d'un cône
Quand l'animal sort de sa coquille, on aperçoit son pied sur
lequel il se déplace très lentement, un siphon servant d'organe tactile, deux fins
tentacules latéraux avec un œil à chaque extrémité et une trompe protractile creuse,
entourée d'une gaine charnue appelée proboscis la reliant à la bouche. Pour ne pas
être blessé, il est nécessaire de bien connaître le fonctionnement de son appareil
vulnérant, car de sa compréhension vont en découler les mesures de prévention.
L'appareil venimeux du cône est composé schématiquement par :
- un sac musculo-glandulaire volumineux, que l'on pensait être une glande à
venin (Leiblin) mais qui en fait joue le rôle de pompe à éjection.
- un long canal glandulaire très fin. C'est à ce niveau que le venin est sécrété.
- un pharynx creux en forme de L appelé radula, où sont fabriquées des petites
fléchettes creuses, de 5 à 10 mm de long, dont l'extrémité ressemble à une pointe de
harpon barbelé et dénommées dents radulaires.
-le proboscis, véritable sarbacane, dans lequel vient se positionner une fléchette
empoisonnée : dent radulaire enduite de venin et destinée à la proie lors de la chasse.
Les cônes sont des prédateurs nocturnes et carnassiers. Selon leur
espèce, ils se nourrissent, de vers, de mollusques ou de poissons et c'est parmi les
plus grandes espèces de cônes piscivores, mangeurs de poissons, que l'on trouve les
animaux les plus venimeux et les plus dangereux de cette famille.
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Les cônes ont des techniques de chasse très particulières et très
intéressantes à connaître. Elles se déroulent en deux phases successives :
- Tout d'abord le repérage de la proie : Il se fait par chimiotactisme, c'est à dire
par analyse des molécules chimiques ou phéromones libérées dans l'eau par la proie
et par détection des vibrations que sa présence provoque.
- Vient ensuite le choix d'une stratégie de capture. Les cônes piscivores en
chasse ont toujours deux possibilités à leur disposition pour capturer leur proie.
* La première consiste à libérer dans l'eau des toxines anesthésiantes
pour réduire la capacité de réaction du poisson convoité et provoquer chez lui un
''sleeping syndrome''. Ainsi une fois endormi, il pourra être aisément approché puis
enveloppé comme dans un filet par le proboscis évasé à cette occasion, piqué par une
dent radulaire venimeuse, tué par effet du venin, avalé et finalement digéré.
* La deuxième technique consiste à viser et harponner le poisson avec
une fléchette radulaire empoisonnée pour le paralyser et à l'amener ensuite en bouche.
Avant le déclenchement de l'attaque, le proboscis se protracte, c'est à dire sort de la
coquille et s'allonge d'une longueur parfois égale à celle du coquillage. Cette action
provoque, par à un mécanisme de bascule encore mal défini, l'engagement d'une dent
radulaire dans la lumière de cette arme improvisée. La dent au départ non venimeuse
est enduite au même instant de venin issu du canal glandulaire, par contraction du sac
musculo-glandulaire, faisant fonction de pompe à éjection. La ''sarbacane'' étant
''armée'', il ne reste plus pour le cône qu'à orienter le proboscis vers la proie choisie et
à déclencher le tir. La distance de tir peut aller jusqu'à 10 cm. Une fois tirée la dent
est définitivement perdue et il faut au cône harponneur un temps de latence et de
récupération de 6 heures environ avant de pouvoir opérer un nouveau tir.
Le venin des cônes est particulièrement puissant et entraîne la
paralysie et la mort de l'animal cible en quelques secondes seulement.
Les études physico-chimiques de ces venins ont montré qu'ils contenaient une grande
diversité de substances actives, en plus de toxines spécifiques appelées conotoxines.
On en a isolé huit différentes, chacune ayant une action spécifique et complémentaire
à un niveau donné de la transmission neuro-musculaire.
Qu'en est-il chez l'homme piqué par un cône ?
Les effets sont en fait variables selon l'espèce en cause. Ils vont
de la simple douleur, sans autre anomalie associée, à des signes cliniques majeurs et à
la mort du blessé. Ce qui est important également, c'est la taille de la dent radulaire.
Plus elle est longue, plus l'envenimation est grave. ce qui paraît logique, car la
quantité de venin transportée est plus importante sur une dent longue que sur une dent
courte. Ainsi, pour une espèce dangereuse donnée, plus le coquillage est grand, plus
le risque est élevé.
Cliniquement après une piqûre, la douleur est toujours présente
mais d'intensité variable, accompagnée de signes inflammatoires locaux. Des troubles
neurologiques peuvent survenir, à type de fourmillements, de paralysies des muscles
oculaires, de la voix, de la déglutition et des membres avec parfois dans les formes
les plus graves, heureusement rares, une paralysie des muscles respiratoires, un arrêt
cardiaque et la mort en 1 à 3 Heures. Il n'y a pas de sérum spécifique contre le venin
des cônes et le traitement reste symptomatique. Nous l'envisagerons dans un chapitre
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ultérieur dédié à la conduite à tenir en urgence, lors d'envenimations.
Voyons maintenant quelques cônes, classés en fonction de leur degré de dangerosité :
* Cônes piscivores très dangereux
- Conus geographus
- Conus striatus
* Cônes piscivores moins dangereux
- Conus tulipa
- Conus gloriamaris
- Conus catus
- Conus stercus muscarum
- Conus obscurus
- Conus magus
- Conus monachus
* Cônes molluscivores potentiellement dangereux
- Conus textile
- Conus aulicus
- Conus marmoreus
- Conus omaria
Conus geographus
Cône géographe en aquarium
Conus striatus
Conus tulipa
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Conus catus
Conus obscurus
Conus gloriamaris
Conus monachus
Conus stercusmuscarum
Conus magus
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Conus textile
Conus marmoreus
Conus aulicus
Conus omaria
Rappelons encore une fois avant de clore ce chapitre que tous les
cônes sont venimeux, y compris les petits cônes vermivores, mangeurs de vers.
Même si leurs piqûres ne causent que des douleurs locales très modérées et des signes
inflammatoires locaux superficiels, évitons de les toucher !
Cependant si une manipulation s'avère indispensable, il faut
toujours préalablement ''effrayer'' le coquillage, en le secouant, pour qu'il ne sorte pas
de sa coquille, le tenir devant soi, le péristome orienté vers l'avant et le transporter
uniquement dans un sac en toile ou en plastique épais. Le mieux est de laisser ces
splendides coquillages dans leur milieu naturel. Leur place n'est pas de trôner dans un
salon sur une étagère ou près de la télévision !
2- Les Nudibranches ou Limaces de mer
Ces petits gastéropodes, sans coquille externe, anodins au départ,
peuvent parfois devenir venimeux en broutant et en se nourrissant d'autres animaux
eux-mêmes venimeux : éponges, méduses, anémones ou coraux.
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En incorporant leurs toxines et en les assimilant, ils rendent leur propre chair toxique.
Ils sont même capables d'ingérer des cellules urticantes de cnidaires, ceci sans les
détruire, de les stocker et de s'en servir pour leur propre défense, en les projetant sur
leurs prédateurs habituels, poissons ou crabes, faisant encourir à l'agresseur éventuel
un risque vital. Mais ils ne sont pas dangereux pour l'homme. Tout au plus peut-on
ressentir à leur contact, une discrète sensation de brûlure ou de démangeaison.
- Glaucus atlanticus ou dragon bleu et glaucus marginatus
Ces nudibranches de la famille des Glaucidés, teintés de plusieurs
nuances de bleu métallique, de gris-argent et de blanc, ont la particularité de nager sur
le dos, grâce à une bulle d'air contenue dans leur estomac, afin de passer inaperçus
des poissons et des oiseaux prédateurs. Ils se nourrissent surtout de physalies, dont ils
conservent leurs cellules urticantes pour assurer leur propre défense. Elles sont
contenues dans des petits sacs, situés à l'extrémité des prolongements cutanés ou
cerata, visibles de part et d'autre du corps. Particulièrement fréquent à la Réunion et
dans tout l'Océan Indien, Glaucus vit en colonies, se laisse porter par les courants et
peut arriver près d'une plage, pour perturber par des picotements les nageurs sans
protection cutanée.
Glaucus atlanticus (35mm) et glaucus marginatus (12mm)
- Autres limaces de mer
Rampant sur le fond marin, elles sont appréciées des plongeurs pour leurs
couleurs chatoyantes censées informer les prédateurs de leur toxicité et de leur
capacité de riposte en cas d'agression. Elles sont sans danger chez l'homme.
Chromodoris quadricolor
Flabelline
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Autres variétés colorées de nudibranches
3- Autres gastéropodes marins
- Aplysia californica ou lièvre de mer
Cette espèce de grosse limace de mer est hermaphrodite et sa
chair très toxique. Elle mesure jusqu'à 40 cm et peut peser 2 kg. En cas de danger, son
corps se contracte et elle projette alors une volumineuse quantité d'encre venimeuse,
rouge carmin, à l'odeur fétide, visqueuse et acide vers son agresseur. Mortel pour le
prédateur, ce nuage toxique est chez l'homme simplement irritant pour la peau.
Aplysia californica ou lièvre de mer
Aplysie et son encre venimeuse
- Creseis ou escargot piqueur
Les Creseis, petits mollusques pélagiques, cosmopolites des eaux
tempérées et tropicales, mesurent 1cm de long sur 1mm de large. Ils sont entourés par
une coquille très pointue et abondent quand l'eau se réchauffe et que le phytoplancton
dont ils se nourrissent prolifère. Ils se déplacent à grande vitesse, grâce à deux petites
nageoires, la pointe en avant et piquent à l'aveuglette les baigneurs se trouvant sur
leur passage. La douleur reste très discrète. Leur toxicité est faible et sans réel danger.
Creseis acicula
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B- Les Céphalopodes
L'ordre des céphalopodes, du grec ancien képhalé la tête et podos
le pied, comprend des mollusques, dont le pied placé devant la tête, s'est différencié
en bras préhensiles. Munis de ventouses à leurs extrémités, les bras permettent à ces
chasseurs véloces et très actifs de capturer de façon extrêmement efficace, poissons,
mollusques ou crustacés, base de leur alimentation et de les guider vers la bouche.
Broyée par une mâchoire en bec de perroquet inversé, râpée par une langue radulaire
hérissée de petites dents cornées fonctionnant comme un tapis roulant, la victime est
pré-digérée par de la salive issue de deux paires de glandes salivaires antérieures et
postérieures constituant l'appareil venimeux de l'animal, avant de gagner l'estomac.
Autre caractéristique des céphalopodes, leurs deux yeux très gros
et très évolués dont la structure et l'anatomie est proche de celle de l'œil des vertébrés
et de l'homme. Derrière la tête, se situe le corps avec tous les organes, le siphon et la
cavité palléale, enveloppés par le manteau. C'est par des contractions rythmiques et
rapides du manteau, permettant à l'eau de rentrer dans la cavité palléale et d'être
brutalement refoulée vers l'extérieur par le siphon, que l'animal se déplace à reculons,
à une vitesse parfois impressionnante, notamment chez le calmar et la seiche.
Autre particularité, la présence dans la peau de trois types de
cellules colorées, les chromatophores, permettant à ces animaux de modifier de façon
presque instantanée, sous le contrôle du cerveau, la couleur de leur peau, pour passer
inaperçu et se fondre dans le décor ou exprimer un comportement ou un ''état d'âme''.
Anatomie d'un céphalopode : le calmar
Fragment de tentacule avec ses ventouses
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Tête de calmar
Enfin grâce à leur cerveau déjà très évolué et complexe, ces
animaux sont doués d'une certaine forme d'intelligence. Si on considère la définition
donnée par le philosophe Bergson, pour qui elle se définit par la ''capacité à créer et à
se servir d'un outil'', le poulpe est le seul invertébré connu ''intelligent''. Il est capable
par exemple, de dévisser le couvercle d'un bocal ou de sortir avec une rapidité
étonnante d'un labyrinthe, dans lequel on ne l'a au préalable placé qu'une seule fois.
De nombreuses expériences en aquarium ont montré qu'il est capable de mémoriser,
d'apprendre par lui-même ou par imitation de ses congénères, de résoudre un
problème et de se sortir d'une situation difficile qui lui a été imposée.
Apprendre et mémoriser, ne sont ce pas là les bases de l'intelligence ?
Les accidents provoqués par les céphalopodes chez l'homme sont
assez rares car il est relativement difficile d'approcher un animal en pleine eau, sauf
quand ils pullulent. Ce n'est que lorsqu'il est pêché ou qu'il se croit menacé que le
risque existe. Plutôt craintif l'animal a d'abord tendance à fuir en projetant un nuage
d'encre pour se dissimuler et incommoder son adversaire. Il lui arrive plus rarement
d'attaquer et de mordre son adversaire avec ses puissantes mâchoires tout en
introduisant dans la plaie du liquide venimeux élaboré par ses glandes salivaires.
Dans la plupart des cas, cela n'occasionne heureusement qu'une discrète douleur sans
réel danger, mais parfois le risque est majeur, avec paralysie et mort à la clef, car le
venin de certains céphalopodes renferme un neurotoxique puissant.
Le nombre de bras permet de classifier les céphalopodes : huit
bras chez les octopodes (pieuvres ou poulpes), dix bras chez les décapodes (seiches et
calmars).
seiche
calmar
poulpe ou pieuvre
1- Les Décapodes
a) La Seiche
Appelée Morgate en Bretagne, Casseron, ou encore Supion si elle
est petite, la seiche possède 10 bras, dont deux plus longs qu'elle n'extériorise pas en
nageant, mais qui sont réservés à la préhension. L'un d'eux, en partie remanié, a une
fonction copulatrice. La seiche mâle s'en sert pendant la phase d'accouplement, pour
prélever des spermatophores, petites capsules de sperme, cachés sous son manteau et
les introduire sous celui de la femelle au contact des ovules. L'os de seiche ou sépion,
rempli d'air, lui permet d'assurer sa flottabilité sans avoir à nager en permanence.
Son espérance de vie est courte, deux ans, dont un an pour arriver
à maturité sexuelle. Autre phénomène curieux à souligner, elles naissent et meurent
avant la naissance de leurs petits, en cohortes, et toutes à la même période, ce qui
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explique la pullulation des os de seiches sur les plages à certaines périodes de l'année.
En France le risque est nul avec la seiche Sepia officinalis, seule
espèce présente sur notre littoral, dont la morsure est bénigne. A titre anecdotique,
signalons que l'encre de seiche est largement utilisée en homéopathie, où elle aurait
des indications très larges, allant du traitement de la constipation, à celui des pertes
blanches féminines en gynécologie, aux nausées de la femme enceinte, au traitement
de fond de l'asthme, des états dépressifs, de l'eczéma, et de la migraine...
Un vrai remède miracle !
Une seule seiche dans le monde est très dangereuse. Il s'agit de la
Seiche Flamboyante, petite seiche de taille modeste, 7 à 8 cm, vivant en Australie, à
Bornéo et en Indonésie, dont la chair n'est pas comestible car toxique et dont le venin
contenu dans la salive, riche en neurotoxines, occasionne après morsure de fréquentes
paralysies et la mort dans un certain nombre de cas.
Seiche flamboyante ou Metasepia pfefferi
b) Le Calmar
Il est aussi dénommé Calamar dans le Midi ou Chipiron dans le
Sud-Ouest. L'appellation Encornet parfois employée, devrait être réservée au calmar,
utilisé en cuisine ou comme appât de pêche, mais ce terme englobe en plus par abus
de langage les petites seiches, ce qui prête à confusion. La taille maximale du calmar
près de nos côtes ne dépasse guère 50 à 60 cm, tentacules compris, mais de par le
monde il existe des espèces de taille plus grande et même des géantes de plus de 10 m
de long. L'espérance de vie du calmar est courte, deux à trois ans pour les espèces
courantes. La structure rigide interne présente dans le manteau, est beaucoup plus
fine qu'un os de seiche. Elle est appelée plume, car elle en a la forme, la souplesse et
la transparence.
Les glandes salivaires contiennent aussi un venin, transmissible
par morsure. La toxine du venin est paralysante pour les animaux marins, mais sans
aucun effet chez l'homme.
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Qu'en serait-il si une rencontre se produisait entre un homme et
un calmar géant, tel que celui exposé au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris,
mesurant plus de 6 mètres de long, pêché au large des côtes de Nouvelle-Zélande, ou
celui de 22 mètres pesant près de 250 kg trouvé mort en 2002 sur une plage de
Tasmanie, ou le calmar géant de 10 mètres de long et de 450 kg pris au filet en mer
de Ross au large de l'Antarctique ?
Calmar géant pêché en 1980 au large de Terre-Neuve
Bec de calmar colossal
Œil de calmar géant dans du formol
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La découverte de tels spécimens a remis au goût du jour les
vieilles histoires médiévales scandinaves du Kraken et des récits plus récents relatant
l'attaque de bateaux par des monstres marins ou des calmars géants, que l'on pensait
issus de l'imaginaire collectif ou de quelques farfelus. Et si tout cela était vrai ?
En janvier 2003, Olivier de Kersauzon, navigateur hauturier bien
connu et son second Didier Ragault affirment que leur trimaran géant Géronimo, parti
à l'assaut du trophée Jules Vernes, a été attaqué au large des côtes de Gibraltar, trois
jours après leur départ de Brest, par un calmar énorme évalué entre 7 et 9 mètres de
long. Accroché à la coque, ralentissant le bateau et le faisant vibrer anormalement, il
finit par s'en détacher spontanément. Coup de pub de l'Amiral ou surprenante réalité ?
L'existence de ces géants vivant dans les abysses est cependant
réelle et non contestable. En juillet 2012, à 15 km au sud du Japon et par 900 mètres
de fond, un biologiste japonais, le Pr Tsunemi Kubodera et son équipe parviennent à
observer et à filmer pour la première fois l'attaque d'un appât par un calmar géant de
près de 8 m de long. Tous sont alors frappés par son agressivité et sa rapidité d'action.
Plus récemment a été observée sur la peau d'un cachalot, seul
prédateur connu des calmars géants, une cicatrice circulaire de 45 cm de diamètre,
due à une morsure de calmar, dont la taille est évaluée à 65 mètres. Impressionnant !
Combat entre calmar géant et cachalot
Calmar de Humboldt
A part leur nom, Architheutis dux ou Wheke en langue maori
(prononcer ouéké), on connaît très peu de choses sur le mode de vie et le rôle de ces
géants des mers vivant dans le biotope des grandes profondeurs. Remontent-ils de
temps en temps en surface ? Pourraient-ils focaliser de l'agressivité sur l'Homme ?
Certains faits attestent de cette possibilité. Des marins survivants
du navire Britannia, torpillé et coulé par un sous marin allemand en mars 1941 dans
l'Atlantique tropical, témoignent avoir été attaqués par un de ces géants, alors qu'ils
tentaient de monter dans un radeau de survie. Lors de cette agression, un officier est
cruellement mordu à la jambe et un malheureux matelot est entraîné vers le fond.
En 1992, dans le Pacifique au large des côtes mexicaines, un
cinéaste et son assistant sont attaqués par des calmars qu'ils étaient venus filmer.
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Wheke - Architeuthis sanctipauli, premier calmar géant naturalisé- MHN de Paris
Début août 2010, la Dépêche de Tahiti relate l'incroyable histoire
de cinq pêcheurs naufragés, attaqués par un banc de calmars. Leur canot gonflable est
crevé en maints endroits par des coups de becs itératifs et coule. Un marin est blessé à
une jambe, mais il n'y a pas de décès à déplorer. Le corps de ces animaux mesurait
environ 50 cm de long.
Depuis plusieurs décennies dans le Pacifique, le long des côtes de
Californie, du Mexique et du Chili, on constate une très importante prolifération de
calmars géants de Humboldt ou Dosidicus gigas. D'une taille impressionnante frôlant
les deux mètres pour un poids moyen de 45kg, les Diablos Rojos ou Diables Rouges,
comme les appellent les pêcheurs locaux, sont des prédateurs omnivores qui chassent
avec voracité et frénésie dès le lever du soleil tout ce qui passe à leur portée. Leur
abondance fait bien sûr la joie de tous les pêcheurs sportifs et professionnels locaux.
Sur les côtes chiliennes et californiennes s'observent temps en
temps des échouages massifs de Dosidicus gigas avec parfois plus d'une centaine de
cadavres de calmars géants gisant sur une même plage. La cause de ces hécatombes
est encore inconnue à ce jour : modifications climatiques et réchauffement de l'eau,
contamination par une algue toxique, un polluant, un virus ?
Echouage massif de calmars sur une plage au Chili
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Pour rassurer les amateurs de plongée et de baignade, plusieurs
équipes de plongeurs se sont immergées dans des bancs de calmars au large de plages
de la côte ouest américaine et n'ont pas remarqué la moindre agressivité des animaux
à leur encontre... Cependant la prudence s'impose !
Même si elles sont rares et souvent brèves, la réalité des attaques
n'est pas contestable. On pense qu'elles ont lieu lorsque le calmar est en chasse pour
se nourrir et seraient dues à une confusion entre l'Homme et une proie éventuelle.
Le calmar mordrait d'un ou de deux coups de bec, le marin tombé à l'eau ou la coque
d'un navire, pour les identifier, les goûter, mais pas pour les attaquer délibérément.
Ces attaques incontestables sont en progression constante et probablement sous
estimées par les autorités locales. Sept attaques dont deux mortelles ont été rapportées
récemment chez des pêcheurs mexicains, ce qui fait du calmar géant une des
principales causes de mortalité due aux animaux marins dans cette région du monde.
2- Les Octopodes ou Pieuvres ou Poulpes
Les accidents graves, voire mortels, répertoriés dans la littérature,
sont principalement le fait d'une jolie petite pieuvre mesurant à peine 10 cm, pullulant
sur la côte au sud-est de l'Australie, au Japon et dans toute la zone Indo-Pacifique.
- Hapalochlaena maculosa ou Pieuvre aux anneaux bleus
Elle est facilement identifiable et visible le jour à marée basse et
ne mord que pour se nourrir ou se défendre. Son venin est son seul moyen de défense
car elle ne se déplace que lentement et ne sait pas s'enterrer dans le sable comme ses
congénères. En présence d'un danger, quand elle est stressée et lors de l'imminence
d'une attaque, les anneaux bleus qui la décorent deviennent davantage colorés et
phosphorescents. Attention donc !
Hapalochlæna maculosa
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Elle chasse le jour et se cache la nuit dans les trous de roches et
sous les coraux pour échapper à la seiche, son seul prédateur naturel, insensible à son
venin et particulièrement active en période nocturne. Pour passer inaperçue, elle est
capable de modifier sa forme pour ressembler à une algue et de se déplacer sur le
sable, les bras repliés sous le corps, à la façon d'un Bernard-l'ermite portant sa
coquille. Pour chasser les petits crabes dont elle se délecte, après une approche
prudente, elle crache du venin dans l'eau, pour neutraliser sa victime et l'immobiliser.
Deux minutes suffisent pour pouvoir la saisir et la manger ensuite tranquillement.
La maturité sexuelle de la pieuvre à anneaux bleus est atteinte à
l'age de six mois et après copulation, à la différence des autres pieuvres qui déposent
leurs œufs dans un abri, la femelle pieuvre à anneaux bleus les transporte sous elle
pendant près de six mois, jusqu'à l'éclosion et la libération en pleine eau des petites
pieuvres, parfois au nombre de trois cents individus.
L'envenimation humaine se fait par morsure, grâce au puissant
bec de perroquet buccal dont elle est armée et par inoculation de salive venimeuse.
Le venin est sécrété par des bactéries particulières présentes en abondance dans les
glandes salivaires et sa quantité est telle, qu'elle est potentiellement capable de tuer
dix hommes. Il est composé de deux toxines principales, dont la puissante TTX ou
tétrodotoxine, anciennement appelée maculotoxine, dont la propriété est de bloquer
l'influx nerveux au niveau de la synapse neuromusculaire et d'entraîner une paralysie
respiratoire chez la victime avec mort par asphyxie en quelques minutes seulement.
Le tableau clinique ressemble à celui d'une intoxication par le
curare, avec une conscience toujours conservée, même en cas de paralysie générale.
La mortalité n'est pas constante mais fréquente. Dans une série
australienne récente, sur 9 morsures on comptabilise, malgré une réanimation et une
ventilation assistée débutées sans délai : 2 cas mortels, 5 très graves évoluant vers la
guérison en plusieurs semaines et 4 cas légers avec simple chute de tension, troubles
de la déglutition et difficultés respiratoires pendant quelques heures. A noter qu'avec
une pieuvre aux anneaux bleus, les signes inflammatoires locaux sont toujours très
discrets et la morsure presque indolore. Les plaies saignent par contre abondamment
et cicatrisent plus lentement qu'une plaie classique.
- Hapalochlaena lunulata
C'est une autre espèce de Poulpe aux anneaux bleus présente en
Australie. Voisine de la précédente, elle est légèrement plus grande, jusqu'à 20 cm et
peut également être mortelle. En 1954, un jeune marin de 21 ans en est mort après
avoir transporté la bête posée sur son épaule, sans avoir ressenti la moindre morsure.
Une dizaine de variétés morphologiques de poulpes aux anneaux
bleus ont été décrites autour des côtes australiennes mais il n'est pas certain qu'elles
fassent partie d'espèces différentes.
Quoiqu'il en soit, il est recommandé dans cette région du globe
de ne pas fouiller à la main, à l'aveuglette, sous les roches et les coraux et de ne
jamais tripoter une pieuvre couverte d'anneaux bleutés, quelque soit sa couleur de
fond, car rappelons que ces animaux équipés de cellules chromatophores peuvent
adapter la couleur de leur robe en fonction de leur humeur et du fond marin.
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Hapalochlæna lunulata
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