Vitesse et durée des phénomènes géologiques Préparation au concours de l’agrégation, Université d'Orsay Leçon de démonstration secteur C. Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez Adresse mail : [email protected] Introduction Au quotidien, le temps est défini comme une grandeur mesurable à travers les heures, les journées qui passent, et qui définissent notre calendrier. Le temps nous est rendu sensible par la succession de ces phénomènes cycliques et réguliers. Cependant, cette régularité est perturbée par des phénomènes irréversibles, qui définissent une histoire. En effet, dans notre calendrier, il y a des jours qui restent dans les mémoires plus que d’autres en raison des évènements qui y sont attachés. Par exemple, nos grands parents parlent souvent d’un « avant » et d’un « après » la guerre. Notre perception du temps est donc évènementielle. A l’échelle des temps géologiques, le temps est enregistré par les évènements géologiques, qui constituent les archives de l’histoire de la Terre. Les évènements géologiques marquent les subdivisions du continuum temporel dans ce calendrier, et servent de repères pour l’appréhender. Fondamentalement, les subdivisions de l’échelle des temps géologiques sont définies par l’occurrence ou la disparition d’espèces dans l’enregistrement stratigraphique, qui fournissent des évènements que les géologues peuvent dater par diverses méthodes complémentaires (démarche de la biostratigraphie et de la radio-chronologie principalement). Disposer d’une échelle permet de d’ordonner les événements dans un ordre d’antériorité - postériorité. Pour pouvoir avoir accès aux processus et à la cinétique des phénomènes il convient, en plus, de disposer de chiffrer les âges de ces événements...et si possible les âges de leur début et de leur fin afin d'accéder à leur durée. En géologie, le temps peut donc se définir par trois paramètres : la date, la durée, et la vitesse d’un phénomène géologique. Durée et vitesses, définition (extrait du rapport du jury de l’agrégation 2008) : La durée d’un phénomène géologique est l’intervalle de temps pendant lequel il se déroule. Le début et la fin d’un phénomène sont certes eux-mêmes des phénomènes; mais leur statut de points de repère nous les fait qualifier d’événements. Les événements peuvent être instantanés, ou avoir euxmêmes une certaine durée. En outre le même événement peut être considéré comme « bref » ou « long » selon l’échelle de temps où on observe. Ainsi un séisme peut être considéré comme un événement dans le cadre du phénomène de mouvement de plaques, mais il est lui-même considéré comme un phénomène par le séismologue qui en analyse le début et le déroulement. La vitesse est une grandeur qui mesure le rapport de la variation d'un paramètre sur la durée de cette variation. Exemple: vitesse de déplacement d’une plaque continentale, vitesse de sédimentation, vitesse d'une réaction chimique, vitesse de refroidissement d’un magma etc. Un même phénomène géologique peut être considéré comme bref ou long selon l’échelle de temps considérée, et selon la discipline scientifique. Par exemple, la crise sismique du Japon, avec multiples répliques concentrées sur quelques semaines, est un phénomène extrême pour le sismologue et les autorités soucieux du risque encouru par les populations. Cependant, à l’échelle de temps de la subduction de l’océan Pacifique sous le Japon, de telles crises sont fréquentes et s’inscrivent dans la continuité du processus de subduction. Un phénomène géologique de longue durée peut donc émerger du déroulement de phénomènes géologiques de plus courte durée. La conception de la durée et de la vitesse d’un phénomène est donc relative. La variations d'un phénomène géologique au cours du temps est souvent le résultat de la surimposition de variations de fréquences décroissantes avec l'échelle de temps considérée (exemple des variations du niveau marin : les variations de premier ordre de la charte de Vail résultent de la surimposition (ou emboîtement) des variations d'ordres supérieurs). Extrait du rapport du jury de l’agrégation 2008 : « Enoncer qu’un phénomène se déroule « vite » ou « lentement » implique une référence de l’écoulement du temps. Un séisme, une éruption volcanique, un glissement de terrain sont des phénomènes « rapides », dont la durée est limitée. A l’échelle géologique néanmoins ce sont des évènements. En revanche nous ne percevons pas avec les yeux le déplacement des continents, on ne peut le mettre en évidence que par la mesure ; c’est un phénomène dit « lent ». Dans cette catégorie, on distingue : - les phénomènes dont la vitesse est mesurable directement, car ils se déroulent actuellement ; le problème est alors de savoir si leur vitesse réelle correspond à leur vitesse moyenne ; - les phénomènes dont la vitesse n’est pas mesurable directement ; soit parce qu’ils sont actuels mais inaccessibles à l’observation, soit parce qu’ils appartiennent au passé géologique ; c’est alors la vitesse moyenne qu’on s’efforce de caractériser et de comparer à la vitesse réelle de phénomènes de même nature actuellement observables » S’il est parfois difficile de mesurer la vitesse d’un phénomène géologique se déroulant actuellement (ex. la vitesse d’ouverture du rifting des Afars par GPS), qu’en est-il des phénomènes passés, dont nous n’avons pu observer le déroulement, et encore moins en mesurer la vitesse ? Traiter d’un sujet aussi vaste en seulement 40 ou 50 minutes impose des choix douloureux. A l’exhaustivité des processus géologiques ou des méthodes utilisées pour en déterminer la vitesse, nous préfèrerons des exemples bien choisis, illustrant les difficultés de la science à saisir la durée et la vitesse des différents processus géologiques à diverses échelles de temps géologiques (de l'heure au million d'années). Choisir préférentiellement les exemples d'importance sociétale (séisme, montée des eaux...) Note : le plan et la logique de cette correction me semblent être les plus souples et les plus adaptables en fonction des documents fournis par le jury. Une autre approche consiste à exposer comment les géologues estiment la vitesse des processus géologiques selon l’enveloppe de la Terre considérée. Le plan serait 1) Vitesses des processus géol. dans les enveloppes externes (océan et atmosphère) ; 2) Vitesses des processus lithosphériques ; 3) Vitesses des processus géol. dans les enveloppes internes (manteau et noyau)…mais attention à l’effet « catalogue » ! 1° Vitesses des phénomènes géologiques actuels et mesurables a) Des phénomènes géologiques continus : la montée du niveau marin au XX° siècle et les mouvements des plaques tectoniques Les données de l’altimétrie satellitaire issues de Topex-Poseidon, couplées aux données marégraphiques, fournissent une courbe de la montée du niveau marin au cours du 20° siècle. Les données sont très précises, avec une résolution verticale de l’ordre du millimètre. Ces données ayant été récoltées en continu, elles nous permettent d’avoir accès à une cinétique précise de la montée des eaux. La vitesse de montée des eaux est de l’ordre du mm/an, et subit des oscillations à haute fréquence (de l'ordre de l'année, la saison) bien qu'une tendance nette se dessine à l'échelle du siècle. Figure 1 : évolution des moyennes annuelles du niveau marin (mesures marégraphiques depuis deux siècles) Les données GPS ou VLBI permettent de mesurer les vitesses des mouvements relatifs des plaques tectoniques, là aussi de façon continue depuis la mise en place des méthodes. Ces vitesses varient entre 5 mm/an et 160 mm/an. Figure 2 : Détermination de la vitesse du mouvement relatif Pacifique-Nord Amérique par GPS. Le mouvement est dextre, environ 4 cm/a b) Des phénomènes géologiques discontinus (=évènements): les séismes et les courants de turbidité La durée totale des séismes n’excède pas quelques min, et leur amplitude est généralement comprise entre 1 cm et 1 m. Quand on s’éloigne de l’épicentre, la durée du phénomène augmente, atteignant parfois plusieurs heures. En revanche, l’amplitude diminue et n’est plus directement perceptible (0,001 à 1 mm). Après un séisme on observe des répliques, séismes dont la fréquence et la magnitude diminuent au cours du temps. Suit une période plus ou moins longue de silence sismique jusqu’au déclenchement d’un nouvel événement majeur. Cette succession constitue le cycle sismique, qui est une bonne illustration de phénomènes interdépendants fonctionnant à des échelles de temps différentes, schématiquement 1 minute pour le séisme majeur, 1 an pour les répliques, 100 à 1000 ans pour la survenue d’un nouveau séisme majeur. Cette durée correspond à la durée totale du cycle sismique. Figure 3 : le cycle sismique En quelques secondes, le signal émis par un séisme est transformé par la Terre en différents trains d’ondes qui ne se propagent pas à la même vitesse. Lorsqu’on dispose d’enregistrements provenant de différentes stations synchronisées, on peut calculer la vitesse des différentes ondes. Pour cela, on reporte les temps d’arrivée d’une même onde observés à des stations de plus en plus éloignées de l’épicentre, de façon à construire des hodochrones. Le retard pris par cette onde nous permet de connaître sa vitesse de propagation. La vitesse locale d’une onde est donnée par la pente de l’hodochrone à la distance épicentrale correspondante. Equation de la vitesse des ondes sismiques de volume : Vp=√(K+4/3μ)/ρ Vs=√(μ/ρ) Avec : K, module d’incompressibilité ; μ, module de cisaillement ; ρ, masse volumique. L’analyse des hodochrones montre que les ondes P et S ont des vitesses croissantes avec la distance parcourue, alors que les ondes L présentent une vitesse constante. L’augmentation de vitesse des ondes P et S s’explique par une trajectoire allant en profondeur, où elles traversent des matériaux de plus en plus denses. Leur vitesse de propagation varie entre 5 km.s-1 et 10 km.s-1. En revanche les ondes de surface se propagent dans un milieu dont la densité varie peu. La connaissance des vitesses des ondes sismiques permet donc de comprendre la répartition des matériaux à l’intérieur de la Terre (ex. tomographie). Figure 4 : Hodochrones construites à partir de la mesure du temps d'arrivée des différents types d'ondes sismiques à différentes stations sismologiques pour un foyer superficiel. Un autre exemple d’évènement sont les courants de turbidité. Lors de l’évènement de Terre Neuve, en 1929, la masse de sédiment mobilisée par l’écoulement a sectionné les câbles téléphoniques disposés dans les fonds sous-marins. Les heures auxquelles les câbles ont été coupés sont connues, tout comme leur distance à la côte. Cela permet de calculer la vitesse de l’écoulement turbiditique, qui est de l’ordre de … . En seulement quelques heures, une forte épaisseur de sédiments est mise en place. Ainsi, dans une formation comme celle des grès d’Annot, composée de bancs gréseux pouvant atteindre 20 m de haut, le temps enregistré par les grès correspond à une durée insignifiante (de quelques heures à quelques jours), l’essentiel du temps étant enregistré dans les fins niveaux interturbiditiques sous la forme de surface d’érosion ou de couches pélagiques! A terre, la vitesse d'un glissement de terrain peut être déterminée en positionnant une station GPS sur la zone instable. Figure 5 : Heures de rupture des câbles téléphoniques lors de l'évènement de Terre Neuve, permettant de déterminer la vitesse de l'écoulement sous-marin du courant de turbidité généré Par opposition, la vitesse de sédimentation pélagique peut être approchée par la loi de Stockes. Une mise en garde : il ne faut pas confondre vitesse et taux de sédimentation : la loi Stockes permet de connaître la vitesse de chute de la particule sédimentaire dans la colonne d’eau ; alors que le taux de sédimentation correspond à la quantité de matière déposée en un intervalle de temps donné, qui est plus dépendante des facteurs de contrôle de la sédimentation (ex. productivité planctonique) que de la vitesse de chute des particules. Loi de Stockes : Vs= 2/9.g. (ρ s – ρ f /η).r² Avec : g , accélération de la pesanteur ; ρ f, densité du fluide ; ρ s, densité de la particule sédimentaire ; η, viscosité dynamique du fluide ; et r, rayon de la particule. Attention : loi valable uniquement pour les particules dont r<1mm (voir détails in Dercourt et al.) La compréhension des vitesses des processus de dépôt de sédiment est donc fondamentale en stratigraphie, la quantité de temps enregistrée dans une épaisseur donnée dépendant du processus de dépôt. 2° Vitesses des phénomènes géologiques passés et mesurables a) Des phénomènes géologiques continus : les variations du niveau marin relatif et les mouvements des plaques tectoniques Variations du niveau marin relatif : Les valeurs du δ 18O dans les foraminifères des sédiments pélagiques sont l’image de l’évolution du volume des glaces, et donc du niveau marin, au cours des temps géologiques. C’est à partir de ces données que la courbe SPECMAP a été établie. Cet enregistrement continu permet de mettre en évidence plusieurs cycles dans les variations du niveau marin, dont les périodes sont reliées aux paramètres astronomiques de Milankovitch. Ces courbes nous permettent aussi d’accéder à la cinétique des variations. Par exemple, les phases de déglaciations du Quaternaire apparaissent comme des phénomènes rapides à l’échelle des temps géologiques. Les choses se compliquent quand il s’agit d’appréhender les vitesses des variations du niveau marin plus anciennes. La géométrie des dépôts sédimentaires dépend des variations du niveau marin relatif. L’aggradation côtière, marquée par des configurations en Onlap, est la seule à pouvoir être reliée au niveau marin relatif. L’épaisseur de sédiments accumulée entre deux Onlap correspond à la montée du niveau marin relatif. La construction des courbes d’aggradation côtière est un exercice complexe et lourd à mettre en place : il faut les profils sismiques pour voir les variations de la position de l’Onlap côtier, et les forages et les datations pour calibrer les variations de l’Onlap dans le temps. De plus, si le temps est enregistré en continu par les dépôts sédimentaires, il ne l’est pas forcément au même endroit ! Un important exercice de corrélation des dépôts s’impose. Plus on remonte le temps, plus la reconstitution du niveau marin devient complexe. Quoi qu’il en soit, malgré ses limites, cette méthode permet, comme les méthodes isotopiques pour le Quaternaire, de retracer les variations du niveau marin et de mettre en évidence les vitesses et les fréquences de ces variations. Figure 6 : Courbes eustatiques sur les 100 derniers Ma Mouvements des plaques tectoniques La vitesse de rotation d’un point d’une plaque est donnée par la formule : V= R ω sin Δ Où le Rayon de la Terre est noté R, et la distance angulaire entre le pôle de rotation de la plaque considérée et le point considéré est notée Δ. La vitesse relative d’un point sur une plaque est différente selon la position de ce point par rapport au pôle de rotation. Elle varie de 0° au pôle, à un maximum situé à 90° de ce pôle. Bien que la vitesse angulaire d’une plaque soit la même en tous ses points, la vitesse relative augmente avec la distance au pôle de rotation comme le sinus de cette distance. Il y a par exemple, augmentation de la vitesse d’ouverture d’un océan le long d’une dorsale lorsqu’on s’éloigne du pôle de rotation des plaques. Pour une même période de temps et pour une même dorsale, la surface de plancher océanique créée est donc variable. Figure 7 : vitesse des rotations des plaques sur une sphère Les anomalies magnétiques permettent d’estimer les vitesses d’ouverture océanique. Le principe des anomalies magnétiques est le suivant : les basaltes sont émis au niveau de la dorsale, se solidifient au contact de l’eau et enregistrent, via leur aimantation (liée à leurs minéraux ferro-magnésiens), la polarité du champ magnétique terrestre. Le plancher océanique est ensuite repoussé de part et d’autre de la dorsale (en réponse aux forces de traction exercé par le slab-pull ou les forces de volume) quand du nouveau magma arrive en surface, à l’axe de la dorsale. Le champ magnétique terrestre subit des inversions de façon irrégulière au cours du temps. Ces inversions sont fossilisées par le plancher océanique, et induisent des anomalies du champ magnétique par rapport au champ actuel. Les inversions de polarité ont été datées par des forages et des datations radio-chronologiques et fournissent un calendrier de l’ouverture des océans. A l’échelle des temps géologiques, les mouvements des plaques tectoniques peuvent être abordés de différentes façons. Par exemple, grâce au référentiel des points chauds, supposés fixes, nous accédons aux vitesses absolues des mouvements des plaques. Les mouvements relatifs sont eux abordés par les modèles NUVEL 1/ MORVEL. La précision de ces modèles est dépendante des anomalies magnétiques du plancher océanique. En effet, l’anomalie la plus récente utilisée dans NUVEL 1 est datée à environ 3 Ma, le calcul des vitesses de certaines régions dans MORVEL sont basées sur une durée de 0.7 Ma. Figure 8 : cinématique actuelle des plaques b) Comparaison avec les vitesses des phénomènes actuels : notions de vitesse instantanée et de vitesse moyenne Comparaison NUVEL 1A/MORVEL et GPS : Les vitesses des plaques déduites du modèle NUVEL 1sont donc les vitesses moyennées sur les 3 derniers Ma (Anomalie 2A à 3.16 Ma), voire 0.7 Ma pour certaines vitesses de MORVEL. Cette résolution temporelle est jugée comme instantanée à l’échelle des temps géologiques, mais c’est faire l’hypothèse que les vitesses des plaques sont constantes au cours de cette période. Ce postulat est vrai dans la plupart des cas (~90%). Cependant, les données GPS au niveau de la limite de plaque Arabie-Eurasie ou Inde-Eurasie montrent que le mouvement de convergence actuel diffère du mouvement instantané. Y-a-t-il donc eu dans la région un changement cinématique récent qui n’a pas été enregistré dans les données sur lesquelles se basent NUVEL 1/ MORVEL? Le dernier modèle cinématique en date, MORVEL (2010), a intégré les apports de la géodésie spatiale, et utilise, lorsque possible, des anomalies magnétiques vieilles d’environ 0.7 Ma pour augmenter sa résolution temporelle. Il reste encore des différences sur certaines limites de plaques entre vitesses déterminées par GPS et vitesses déterminées via les anomalies magnétiques les plus récentes. Figure 9 : différence de vitesses estimées entre modèles instantanés (MORVEL, NUVEL) et modèles GPS (GPS, GEODVEL). Les mouvements Inde-Eurasie et Arabie-Eurasie sont ceux pour lesquels la différence est la plus élevée: y-a-t-il eu un changement cinématique au Pléistocène? On peut raisonner de même avec les variations du niveau marin : les variations se déroulant à une échelle de temps inférieure à 1-10. 106 années ne peuvent pas être prises en compte par les courbes eustatiques globales construites à partir des courbes d’aggradation côtière, mais peuvent l’être par les méthodes isotopiques (δ 18O). Conclusion partielle : Les différentes méthodes employées en géologie ne mettent pas en évidence le même ordre de variation d’un phénomène, selon leur « résolution temporelle » respective. 3° Vitesses des phénomènes géologiques passés (terminés) et indirectement mesurables Pour les phénomènes dont la durée et la vitesse ne sont pas directement mesurables, il s’agit d’apprécier la durée et la vitesse de phénomènes appartenant au passé géologique. On se sert de repères temporels fournis, soit par les datations radiométriques, soit par la stratigraphie et reportés dans l’échelle numérique des temps géologiques elle-même étalonnée par des datations radiométriques. Les vitesses obtenues par ces méthodes sont des vitesses moyennes ou statistiques. a) L’exhumation de la croûte continentale de Dora Maira Les assemblages minéralogiques des roches métamorphiques permettent de définir les conditions de pression P et de température T subies. On peut alors reconstituer le chemin P,T suivi par une roche métamorphique ; en effet la paragenèse minérale correspondant à l’épisode de culmination métamorphique subsiste en partie lors de l’exhumation, à côté des paragenèses qui correspondent à des stades de rétromorphose de la roche. Dans les cas favorables, il est possible de dater certains épisodes du chemin P,T, on obtient alors un chemin Pression – Température – temps, ou chemin P, T ,t. Exemple : document sur l’exhumation de la croûte continentale à Dora Maira, dans les Alpes. Figure 10 : Vitesses d'exhumation des massifs cristallins internes des Alpes Dernier document : Des diagrammes P-T-t ont été produits pour estimer le taux d’exhumation des roches de Dora Maira, qui sont les roches ayant été portées aux profondeurs les plus importantes dans les Alpes. Les datations in-situ des pics de titanite (d’origine métamorphique) sur des roches siliceuses portées au faciès éclogite indiquent que la subduction a porté les roches jusqu’à des pressions de 3.5 GPa il y a env. 35 Ma. La titanite s’est formée pendant deux phases de décompression, à 1+/- 0.15 GPa et 0.4-0.5 GPa, il y a 32.9 et 31.8 Ma respectivement. Les pressions correspondant à la formation du titane ont été converties en profondeur. En combinant avec les âges mesurés, l’équipe de D. Rubatto et al. (2001)ont pu estimer les taux d’exhumation de l’unité de Dora Maira. b) La vitesse de différenciation des enveloppes terrestres : le système HafniumTungstène La Terre a été le siège de phénomènes sans équivalent actuel et terminés depuis longtemps. Parmi ceux-ci, la différenciation de ses enveloppes lors des premiers stades de sa formation. La vitesse de différenciation du noyau et du manteau peut être approchée par la géochimie, avec le système Hafnium/ Tungstène. L’hafnium 182 se désintègre en tungstène 182 avec une période de 9 Ma. Si on considère une quantité d’ 182 Hf donnée à un temps t, il en restera moins de 5% à un temps t + 60 Ma (c’est le seul moyen de fabriquer du tungstène 182). L’182 Hf a une durée de vie courte à l’échelle de l’histoire de la Terre. C’est une radioactivité aujourd’hui éteinte. Le Tungstène est un élément sidérophile alors que l’Hf est un élément lithophile. Ces deux éléments ont donc tendance à fractionner lors de la formation du noyau. Les roches terrestres ont un rapport 182W/184 W significativement inférieur à celui des chondrites (considérées comme échantillon de Terre non différenciée). Ce rapport montre qu’il a fallu 30 Ma seulement pour que le noyau terrestre s’individualise. Ce résultat est très inférieur au temps estimé par les méthodes précédentes. La différenciation des enveloppes de la Terre s’est donc faîte assez rapidement, probablement parce que les chondrites ayant formé la Terre étaient déjà en partie différenciées au moment de l’accrétion. Conclusion : A chaque enveloppe géologique, à chaque ordre de variation, et à chaque époque de la Terre, ses méthodes –souvent complémentaires- pour estimer les vitesses des processus géologiques ! Références bibliographiques : Géologie : objets et méthodes (Dercourt et al.) Comprendre et enseigner la planète Terre (Caron et al.) Physique de la Terre solide (Larroque et Virieux) La stratigraphie séquentielle (Merzeraud) La Terre interne (Brunet et al.) Le visage des Alpes (Agard et Lemoine)