Nature et structure de la lithosphère à partir de la carte géologique de la France au millionième Leçon agrégation SV-STU –Secteur C Proposition de correction par M. Rodriguez Agrégé préparateur Ens [email protected] Introduction : -Bref historique et présentation de la carte géologique de France au Millionième : Le programme de cartographie démarre au XVIII° siècle avec E. Guettard & A. Lavoisier...et n’a cessé de se développer avec des cartographies de plus en plus fines ; des méthodes de datation plus précises, jusqu’à la 6° édition du BRGM en 1996. L’avènement de la théorie de la tectonique des plaques a entraîné une reprise profonde de la carte dressée jusqu’alors. La carte géologique est un document de synthèse par excellence, qui regroupe le tracé des structures tectoniques, la nature (lithologie) et l’âge des différentes roches, ainsi que le réseau hydrographique, et les isobathes de certaines séquences sédimentaires. La bathymétrie est aussi figurée, mais la topographie absente. Il s’agit d’un document 4D, qui synthétise la distribution spatiale et temporelle des terrains et des structures. La dernière édition de la carte géologique de la France présente 2 encarts, mettant en avant les structures héritées des orogènes hercynien et alpin. Bien qu’essentiellement construite à partir d’observations de terrain, la carte actuelle bénéficie aussi de l’apport des données de la géophysique, en particulier les cartes du champ gravimétrique et la sismique réflexion (programme ECORS). Aussi précise et rigoureuse soitelle, une carte géologique est toujours interprétative, et en constante évolution. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les éditions successives des cartes géologiques depuis 250 ans. Un premier regard sur la carte géologique de France suffit à mettre en évidence la grande richesse de la géologie de la France, avec des terrains de nature diverses (sédimentaires, plutoniques, magmatiques, métamorphiques), une diversité des styles structuraux et des régimes de déformation, et un enregistrement géologique remontant jusqu’à l’Icartien (2.2 Ga) – au niveau de l’anse du cul rond dans le Cotentin. Plusieurs cycles orogéniques ont laissé leurs traces dans le patrimoine géologique français. Les vestiges de chaînes de montagne, de rift, de décrochement d’âges différents ont été juxtaposés au cours de l’histoire géologique de la France, et génèrent une grande hétérogénéité dans la nature et la structure de la lithosphère. -Définition de la lithosphère : Il existe plusieurs façons d’appréhender la définition de la lithosphère, selon le point de vue considéré. De façon générale, la lithosphère est la couche la plus superficielle de la Terre solide, impliquée dans la tectonique des plaques. De façon plus spécifique : -La lithosphère thermique : la base de la lithosphère est une couche limite qui correspond à la transition entre un régime de transport de chaleur par advection/convection et un régime de transport de chaleur par conduction. -La lithosphère sismologique : la base de la lithosphère correspond à une zone de faible vitesse des ondes sismiques (la Low Velocity Zone, LVZ, vers 120 km de profondeur). Cette atténuation dénoterait la présence de fluides ou de fusion partielle. -La lithosphère chimique : elle est composée de la croûte et des péridotites du manteau lithosphérique. -La lithosphère sismogénique : dans le cas de la lithosphère océanique, la lithosphère correspond à la zone dans laquelle se déclenchent les séismes. -La lithosphère élastique : c’est la zone où les contraintes déviatoriques peuvent être «tectoniquement» significatives (de quelques MPa à 1 GPa), et où leur relaxation est relativement lente (1-10 Ma). La lithosphère a en réalité un comportement visco-élastique (assimilable à un solide de Maxwel). Une plaque lithosphérique est considérée rigide au premier ordre/ essentiel de la déformation concentré au niveau des limites de plaques…mais un faible pourcentage de déformation intraplaque est identifié. -Problématique: -L’ensemble des structures Paléozoïque-Protérozoïque ont été exhumées, suite à la surrection des roches au sein des systèmes tectoniques, et suite à la dénudation par les différents processus érosifs. Ces roches et ces structures fournissent une fenêtre sur la lithosphère profonde, >10 km, accessible directement à l’observation. Il s’agit d’un complément essentiel aux outils de la géophysique, qui ne peuvent pas contraindre dans le détail la nature et la structure de la lithosphère profonde. L’inconvénient est que les structures ne sont plus en place, et qu’il est parfois difficile de les replacer dans le cadre initial de leur formation (ex. du massif Armoricain, dont la configuration initiale des différents domaines/blocs est débattue, et qui probablement ne sera jamais vraiment comprise). -Les structures plus récentes comme les chaines de montagne ou les zones de rifting Tertiaire permettent de comprendre le comportement de la lithosphère dans ses domaines plus superficiels (<10 km). L’étude des affleurements permet de caractériser les modes de déformation avec une grande précision, même si la sismique réflexion reste nécessaire dans les endroits les plus complexes. -Les informations contenues dans la carte géologique de la France permettent donc de contraindre la nature et la structure de la lithosphère sur toute son épaisseur ; autrement dit, d’en construire le profil de résistance (modèle d’enveloppes rhéologiques). -La juxtaposition des structures héritées des différents cycles orogéniques introduisent une hétérogénéité dans la nature et la structure de la lithosphère, dont il s’agit de déterminer le rôle sur les processus tectoniques. Comment l’héritage structural contrôle les épisodes tectoniques ? Comment se localise la déformation au sein de la lithosphère ? Comment certaines zones deviennent tectoniquement inactives (scellées) et comment forme-t-on un craton ? Comment se fait-il qu’au contraire, certaines zones d’hétérogénéités soient sans cesse remobilisées au cours de l’histoire géologique de la France ? Rappel : les épisodes d’orogenèse en France : -Icartienne (~2Ga) -Cadomienne (660-540 Ma) -Calédonienne (444-416 Ma) -Hercynienne (Paléozoïque) -Alpine (Cénozoïque) -Démarche et Plan : -La carte géologique est donc un document précieux pour étudier la lithosphère dans toute sa complexité, qu’il s’agisse de sa nature ou de sa structure, mais aussi son comportement mécanique/ rhéologique (conséquence de sa nature et structure). -Après avoir mis en évidence la diversité des roches qui compose la lithosphère à partir de la carte de France complétée de quelques échantillons, nous étudierons la structure de la lithosphère, du superficiel vers le profond, à partir de différents endroits. Nous construirons progressivement un profil type de la lithosphère, intégrant l’évolution de sa nature, sa structure et son comportement mécanique selon la profondeur. Nous interpréterons les données de la géophysique à partir des enseignements tirés de la carte géologique de France. Nous chercherons enfin à comprendre l’origine de l’hétérogénéité (nature et structure) de la lithosphère, et son rôle (héritage structural) sur l’évolution des systèmes tectoniques, sur la flexure et sur la distribution de la sismicité de la France. Construire en parallèle le profil de résistance de la lithosphère continentale, en guise de schéma bilan ; et indiquer comment ce profil varie selon la nature, la structure, et l’âge de la lithosphère. - Limites du sujet : la lithosphère océanique ne peut être traitée qu’à partir des quelques ophiolites rencontrées en France. Si quelques ophiolites emblématiques sont présentes (Chenaillet, Corse), la plupart des ophiolites françaises ont été fortement déstructurée par les évènements tectoniques, en particulier les ophiolites Hercyniennes. De plus, les ophiolites ne sont pas ce qui ressort le plus à la lecture de la carte géologique, et il est difficile de dire quelque chose de constructif seulement à partir de la cartographie… D’autre part, la partie marine de la carte géologique indique surtout des observations morphologiques (canyons, diapir de sel) qui n’apportent pas grand-chose sur la compréhension de la lithosphère océanique. La nature de la lithosphère dans le Bassin Liguro Provençal est très discutée, en raison de l’absence d’anomalie magnétique bien identifiable. Il se pourrait qu’il s’agisse seulement de lithosphère continentale hyper-étirée (transitionnelle). Concernant le Golfe de Gascogne, l’océanisation a été atteinte, et les anomalies magnétiques du Crétacé sup. sont clairement identifiables. Cependant, la partie du golfe couverte par la carte géologique de la France se limite au domaine de la marge passive, avec les blocs basculés continentaux. -Ne pas s’étendre plus de 5 min sur la lithosphère océanique ; risque de HS/ simplement dire que l’examen des ophiolites permet de dire que la séquence est, grossièrement, péridotite/gabbros/basaltes…De même, les DOM/TOM ne figurent pas sur la carte, donc ne pas s’étendre (ouverture/conclusion). 1/ Nature de la lithosphère : diversité des roches Présenter quelques échantillons de granites en complément de la carte, dessins à l’appui. -Nature de la Lithosphère continentale : granitoïdes. Les roches de la famille des granitoïdes affleurent en plusieurs endroits : -les massifs cristallins externes dans les Alpes (Belledone, Pelvoux/Cervin, Argentera). Aiguilles Rouges, Mont Blanc, -Massifs cristallins internes sont affectés par le métamorphisme Alpin (Cénozoïque) : ils ont subi la subduction continentale et ont été exhumés. -Massif armoricain, massif central : Présence de granites, en intrusion, en batholite…Correspondent aux granites orogéniques de la classification de Barbarin ; leur chimie indiquerait la fusion partielle de la croûte continentale. -Volcanisme intraplaque Cenozoïque, associé au rifting des fossés d’effondrement (Limagnes, Ales, Rhin) ; volcanisme calco-alcalin au niveau des anciennes subductions Hercyniennes (Morvan). -Sédiments (évaporites, calcaires, détritiques)/ Bassins essentiellement. Terrains sédimentaires métamorphisés ou pas. épicontinentaux Méso-Cénozoïque 2/ Structure superficielle de la lithosphère A partir de la carte au millionième, et de coupes à main levée, illustrer la diversité des modes de déformation cassante-plastique dans les 10-20 premiers km de la lithosphère -Plis, failles inverses, nappes de charriage : exemples dans la chaîne Pyrénéenne, Alpine, Jura…Comparer des coupes géologiques de prismes orogéniques (parties superficielles) ; ex. dans le Vercors, p 905-Géosciences de Robert & Bousquet 2012. LA différence de géométrie du prisme reflète les différences de friction basale au niveau de décollement. -Failles normales, zones de rift : les rifts cénozoïques Limagnes, Ales, Rhin sont considérés comme des rifts étroits ; Le rift du bassin Provençal montre une distribution des failles normales plus complexe, plus diffuse. -Décrochement : la ligne insubrienne (Alpes) Domaines superficiels : déformation cassante (comportement mécanique approximé par la loi de Byerlee) 3/ Structure profonde de la lithosphère A partir de la carte au millionième illustrer la diversité des modes de déformation ductile (>20 km de profondeur) à partir des domaines exhumés -Les cisaillements armoricains ; présenter un échantillon de Mylonite issu d’une des zones de cisaillement (en domaine cassant on trouve des cataclasites). -Granite syn-cinématiques, le long des cisaillements armoricains - Anticlinal de Tulle -Failles normales mises en place lors du démantèlement de la chaîne hercynienne, bien visibles dans le Massif Central -Autre décrochement : le sillon houiller Domaines profonds : déformation essentiellement ductile ou semi-ductile (déformation continue, pas de rupture de plan de faille, obéit à une loi de fluage) 4/ Interprétation des données de la géophysique à partir de l’étude de la carte de France au millionième -Interprétation de la carte gravimétrique (Bouguer) de la France. Anomalie négative Pyrénées/Alpes : présence de racine crustale, épaississement de la lithosphère. Anomalie négative au niveau du Massif Central : présence de manteau asthénosphérique sous plaqué à la lithosphère ? Zones de sutures/cisaillements hercyniens bien visibles sur la gravimétrie : il s’agit d’accidents d’échelle lithosphérique. -Profils ECORS/ Alpes et Fossé Rhénan/ La transition cassant ductile se fait au niveau de niveau de décollement. Le fluage de la croûte inférieure produit des réflecteurs lités. De part et d’autre du niveau de décollement le mode de déformation n’est pas le même. Plusieurs niveaux de décollement sont identifiables : évaporites triasiques ; niveau de décollement à 20 km entre croûte sup. et croûte inf. Il y a aussi un niveau de décollement dans le manteau mais il est difficile à mettre en évidence dans les limites imposées par cette leçon. 5/ Comportement mécanique de la lithosphère et variabilité en France -Construction des profils de résistance type pour le continent : la structure de la lithosphère continentale est considérée comme un sandwich cassant/ductile/cassant/ductile. L’évolution des conditions de pression, température, contraintes selon la profondeur favorise la formation de niveau de décollement. A côté du profil de résistance de la lithosphère, indiquer les styles de déformation correspondant à chaque enveloppe à partir de quelques exemples illustrés précédemment. -Quels sont les facteurs susceptibles d’influencer le comportement mécanique de la lithosphère ? -La remontée de l’asthénosphère au niveau du massif central, responsable du volcanisme. Le flux de chaleur est ici plus élevé, mais la croûte est amincie… -Comportement mécanique de la lithosphère selon son âge : certaines zones comme le massif armoricain forment désormais un craton, une région où la déformation n’a plus lieu (faible sismicité liée aux différences d’épaisseur entre les blocs du massif armoricain). Le massif armoricain a une rhéologie telle qu’il est devenu résistant à toute déformation/réactivation tectonique. En revanche d’autres structures hercyniennes ont, elles, été réactivées : les fossés d’effondrement Cénozoïque se développent le long d’accidents décrochant de même direction que le sillon houiller. La faille de Bray semble avoir rejoué au Tertiaire. La direction N110, qui correspond à l’axe de la chaîne hercynienne, est retrouvée dans l’histoire de plusieurs structures majeures : le rifting Mésozoïque Pyrénéen est orienté N110, et contrôle ensuite le développement de la chaîne des Pyrénées, elle aussi N110. Cette direction est aussi retrouvée dans les premiers stades d’ouverture du bassin Provençal, avant que la rotation du Bloc Corse/Sardaigne ne s’opère (dès l’Oligocène). Un autre exemple d’héritage structural est la segmentation du rifting/marge passive du golfe de Gascogne, qui semble contrôlée par l’espacement des zones de cisaillements du massif Armoricain. Selon l’âge de la lithosphère, son histoire géologique, le contraste des propriétés mécaniques des matériaux de part et d’autre d’une faille, une zone peu devenir résistante à la déformation ou être réactivée par la suite. -La Flexure de la lithosphère se reflète dans la topographie, la structure des bassins, et intègre tous les noyaux élastiques de la lithosphère. La flexure lithosphérique en France est de différentes longueurs d’onde : -50-100 km/ bassins flexuraux aux flancs des chaînes de Montagne : bassin molassique Suisse. ->100 km : seuil du Poitou. Conclusion : -Nature : granitoïdes + sédiments. -La structure de la lithosphère est un sandwich d’enveloppes cassante/ductile. -Lithosphère continentale hétérogène ; juxtaposition de lithosphère d’âges différents, affectés par des épisodes de déformation d’âges différents. L’Hétérogénéité de la lithosphère est responsable de l’héritage structural. Certaines sont réactivées, d’autres non (devenues des cratons). Lorsque réactivation, la déformation se localise préférentiellement au niveau d’une structure pré existante. -La longueur d’onde de la flexure de la lithosphère continentale dépend de son profil de résistance et de la proximité des chaînes de montagnes/zones de rift. -Ouverture : étudier les DOM/TOM : îles volcaniques océaniques & flexure de la lithosphère océanique, zone de subduction des Antilles…