Structure et fonctionnement de la Terre Interne

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Les Conférences
Montpellier
"Planète Terre"
IUFM mardi 6 mai 18h30
Points Chauds. Etat des connaissances
Pacifique sud & Massif Central
Guilhem Barruol étudie les mouvements convectifs
et la déformation du manteau terrestre à l'aide de la sismologie et de la pétrophysique
il est Chargé de Recherche CNRS au laboratoire Géosciences Montpellier
D epuis que les grandes idées de la tectonique des plaques ont été
mises en place (voici une soixantaine d'années), les points chauds occupent une
place à part du fait de leur absence de lien avec les frontières de plaques, comme les
rides médio-océaniques ou les zones de subductions.
La notion de point chaud, définie par Morgan dans les années 1970 (Hawaii en est
l’archétype), est caractérisée par un alignement de volcans éteints et la fixité
apparente de ce volcanisme par rapport au mouvement de la plaque, ce qui a poussé
les chercheurs à utiliser ces points chauds d'origine profonde comme référentiels
géométriques "absolus" du mouvement des plaques lithosphériques. Depuis quelques
années, la fixité absolue de ce volcanisme est remise en cause, et l'origine de ces
points chauds suscite de grandes discussions au sein de la communauté scientifique.
La caractéristique principale de ce volcanisme est d'être intraplaque, mais l'origine en
profondeur des magmas est amplement discutée. En effet, un volcan intraplaque peut
avoir plusieurs origines :
i)
Tout à fait superficiel : une instabilité dans le manteau supérieur peut créer une
Les différents modèles de points chauds remontée locale de manteau, engendrer une décompression adiabiatique, de la fusion
proposés par Vincent Courtillot (2003). partielle et la création de volcanisme en surface.
ii) Le volcanisme intraplaque peut également avoir sa source
: celle-ci représente en effet une
barrière de viscosité entre le manteau supérieur et inférieur. On peut alors tout à fait imaginer qu'une anomalie thermique
remontant dans le manteau inférieur soit bloquée sous cette discontinuité, à 660 km de profondeur. Cette anomalie thermique réchauffant la zone de transition va générer des instabilités gravitaires qui pourront s'échapper vers la surface.
iii) Enfin, un point chaud peut avoir des origines profondes, à l'interface manteau-noyau, à 2900 km de profondeur. La
convection mantellique est probablement à l'origine d'accumulations de matière chaude à cet interface, desquelles
pourraient de détacher d'immenses "bulles" qui montent sous forme de
panache vers la surface où elles pourront donner un volcanisme stable
0
durant plusieurs dizaines de Ma.
Il y a sur Terre environ une cinquantaine de localités de points chauds
(volcans intraplaques), mais tous n'ont pas d'origine profonde.
600 km Si l'on applique des critères de temps (durée de fonctionnement du
volcan), de présence de plateau (correspondant à l'arrivée en surface de
la tête d'un panache), de chimie (signature de l'Hélium en particulier),
de volume de magmas émis et de signature sismique (vitesses lentes
dans le manteau profond, seuls une dizaine de points chauds seraient
éligibles comme étant d'origine profonde.
Modélisation numérique d'un point chaud dans le
manteau supérieur (de 0 à 600 km de profondeur).
Ce type de modèle permet de tester des tailles et des
anomalies thermiques dans le manteau et leur é
volution dans le temps. (C. Thoraval)
le grand débat autour de l'origine des points chauds se heurte tôt ou tard
à la question de l'imagerie géophysique de ces points chauds en profondeur. L'ensemble des modèles numériques et analogiques montre en
effet que ces structures sont de taille réduites dans le manteau (diamètre
Détails - Contacts : http://www.gm.univ-montp2.fr
de quelques dizaines de km et températures de
quelques centaines de °C supérieure au
manteau ambiant) et sont donc difficiles à
mettre en évidence, mais surtout, la plupart des
points chauds les plus actifs sont océaniques, et
donc localisés dans des régions sous-instrumentés.
Afin de faire des progrès dans cette question
d'imagerie des points chauds, une expérience a
été menée en Polynésie française (Pacifique
Sud) de 2001 à 2005 où des déploiements
temporaires de stations sismologiques ont été
effectués à terre et en fond de mer.
Les données enregistrées sont utilisées pour
scruter la structure du manteau supérieur et
inférieur et les mouvements qui s'y déroulent.
0
-3000
-6000
N
40 Ma
S
100
200
300
400
km
0
2500
5000
7500
10000
12500
Les couleurs témoignent des variations de vitesses sismiques :
orangé
vitesses lentes (-2%), bleu
vitesses rapides (+2%)
Coupe tomographique NS dans le manteau supérieur sous la Polynésie
française (Maggi et al., 2006). Sous le points chauds des Autrales (D)
est bien visible une anomalie lente jusqu'à la zone de transition (env.
400 km) qui pourrait correspondre à la présence d'un panache
traversant le manteau supérieur. A l'inverse, l'anomalie lente sous le
point chaud des Marquises (C) semble localisée au manteau tout à fait
supérieur et n'a pas de continuité vers la zone de transition.
La tomographie sismique utilisant les ondes de
surface a mis en évidence des zones lentes sous les points chauds des îles de la Société et des Australes.
De façon complémentaires, les tomographies utilisant les ondes de volume (ondes P et S par exemple) ont de moins
bonnes résolutions dans le manteau supérieur mais mettent en évidence une énorme anomalie de vitesses sismiques lentes
dans le manteau inférieur.
Le modèle le plus probable actuellement sous la Polynésie comprendrait donc un "superpanache" présent dans le manteau
inférieur et remontant vers la surface, duquel s'échapperaient des instabilités de plus petite taille donnant naissance à des
points chauds en surface de relativement courte durée de vie (10 Ma).
Des expériences sismologiques temporaires ont également été menées dans le massif central pour imager la structure du
manteau sous ce point chaud.
Une des particularité de ce volcanisme, tout comme des autres points chaud d'Europe, est qu'il n'y a pas d'alignement
linéaire de volcans qui pourrait suggérer une source fixe dans le manteau profond au-dessus de laquelle se déplacerait la
plaque Eurasie.
La tomographie sismique permet
toutefois d'imager de façon très claire
une zone lente et allongée jusqu'à des
profondeurs d'au moins 400 km, la
résolution ne permettant pas d'imager
plus profondément le manteau.
Les tomographies globales et
régionales ne mettent pas en
évidence d'anomalie lente dans la
zone de transition ni dans le manteau
inférieur sous l'Europe de l'Ouest,
suggérant que le volcanisme ne serait
pas d'origine très profonde.
Coupe tomographique NS
dans le manteau supérieur
sous le Massif Central. Une
anomalie lente est visible
jusqu'à la zone de transition
(env. 400 km) avec une
anomalie maximum décalée
vers le sud en profondeur.
Les images tomographiques mettent par contre en évidence la présence dans la zone de transition de matériau rapide qui
pourrait correspondre à la partie océanique de la plaque Afrique qui a subducté sous l'Eurasie.
La localisation du volcanisme européen sur la périphérie de cette anomalie suggère que nos points chauds puissent résulter
d'instabilité engendrées par l'arrivée de cette plaque dans la zone de transition.
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