ARTICLE DE REVUE MIG 685
Bien que l’hypoglycémie hyperinsulinique endogène
soit rare, elle peut être causée, par de nombreuses pa-
thologies dont la plus fréquente est l’insulinome. Elles
impliquent toutes un taux d’insuline inadéquatement
élevé par rapport à la glycémie. L’hyperinsulinisme en-
dogène est conrmé par un taux plasmatique d’insu-
line >mUi/l, un C-peptide >pmol/l et une proinsu-
line >pmol/l; ceci en présence d’une glycémie veineuse
<mmol/l (vs ,mmol/l pour recommandations eu-
ropéennes) [,].
L’insulinome est une tumeur pancréatique rare
(/ patient/année) dérivée des cellules β et sécré-
tant de l’insuline de manière autonome, indépendam-
ment de la glycémie. Elle survient dans tous les groupes
ethniques et à tout âge. Typiquement l’hypo glycémie
se manifeste à jeun (%) bien qu’elle puisse également
survenir en postprandial (%) []. Sa localisation est
essentielle au traitement mais n’est pas toujours aisée
puisque % des insulinomes sont <cm. Les techniques
d’imagerie standard (CT, IRM) ont une bonne sensibi-
lité de détection (% et %) et la combinaison de ces
dernières à l’US pancréatique avoisine un taux de %.
L’écho-endoscopie combinée à une ponction est inva-
sive mais a montré une sensibilité de plus de % [].
Enn, lorsque ces examens sont négatifs, on peut recou-
rir à une stimulation artérielle pancréatique sélective
par le calcium («selective pancreatic arterial calcium
injection [SPACI]»). Celle-ci consiste à localiser la lésion
par un prélèvement veineux hépatique avec dosage de
l’insuline après cathétérisme et injection sélective de
calcium (agent sécrétagogue) dans l’artère splénique,
gastroduodénale et mésentérique supérieur. La scinti-
graphie à l’octréotide (analogue marqué de la somatos-
tatine) a une sensibilité de % et est utile pour détecter
des lésions métastatiques en cas de suspicion. D’autres
imageries fonctionnelles (F-DOPA PET, -Ga-DOTA-
TOC, scintigraphie au GLP-,…) sont prometteuses et
également utilisées dans des centres spécialisés [,,].
L’insulinome est dans la grande majorité des cas bénin
et son traitement curatif est chirurgical. Dans l’attente,
ou en cas de contre-indication à cette dernière, le re-
cours à des traitements inhibant la sécrétion d’insu-
line est possible (diazoxide, octréotide). Dans tous les
cas une modication des habitudes alimentaires, dans
le but de prévenir les périodes de jeun prolongé, est né-
cessaire. Les formes malignes, métastatique ou asso-
ciées à une néoplasie endocrinienne multiple de type
sont rares (%). L’approche est alors multidisciplinaire
(chirurgien, endocrinologue, oncologue) [].
Le syndrome d’hypoglycémie pancréatique non lié à
un insulinome («non insulinoma pancreatogenous hy-
poglycemia syndrome [NIPHS]») est une entité clinique
décrite pour la première fois en []. C’est une cause
rare d’hypoglycémie persistante de l’adulte caractérisée
par un hyperinsulinisme endogène survenant principa-
lement en postprandial (prédominant chez l’homme).
Les anomalies histologiques retrouvées suggèrent une
dysrégulation de la fonction des cellules β (hyperplasie
diuse combinée à une hypertrophie et une proliféra-
tion anormale des îlots appelée nésidioblastose). La
cause chez l’adulte n’est pas connue (ce qui dière de
l’enfant ou des causes génétiques ont été identiées) et
son diagnostic dénitif est uniquement histologique.
En eet, cliniquement et biologiquement il n’est pas
possible de le distinguer d’un insulinome. L’imagerie
classique est souvent négative et ce n’est nalement
que lors d’une SPACI que l’hyperinsulinisme pancréa-
tique dius peut être révélé (vs localisé en cas d’insuli-
nome non détecté auparavant). Le traitement est géné-
ralement chirurgical par pancréatectomie subtotale
[, ]. Les récidives postopératoires sont fréquentes
tout comme la survenue de diabète postopératoire.
Des traitements par diazoxide, octréotide, corticoïdes
ou anticalciques ont été décrits [].
Les hypoglycémies réactionnelles postprandiales fai-
sant suite à une chirurgie bariatrique (aussi nommé
«dumping syndrome» tardif) sont également à évo-
quer. Bien que rares, elles sont très invalidantes et leur
traitement est souvent dicile. Elles surviennent typi-
quement à ans après la chirurgie. Les hypothèses
physiopathologiques sont débattues et probablement
multiples. Il faut évoquer une hyperfonction des cel-
lules β (nésidioblastose constatée histologiquement),
une exagération de l’eet incrétine en réponse au re-
pas, une sur-sécrétion d’insuline après élévation rapide
de la glycémie sur vidange gastrique accélérée et une
diminution de l’insulinorésistance liée à la perte pon-
dérale []. Ces hypoglycémies répondent à des mesures
diététiques (repas fractionnés avec des aliments à in-
dex glycémique bas) ainsi qu’à l’utilisation d’inhibiteur
de l’α-glucosidase (acarbose). Des traitements par dia-
zoxide, octréotide, anticalciques ou analogue du GLP-
(pour inhiber la vidange gastrique) ont également
montré des réponses partielles []. Dans des cas ex-
trêmes des réversions de bypass ont été eectués tout
comme des pancréatectomies partielles.
A noter que cette entité est à distinguer du «dumping
syndrome» classique précoce. Ce dernier est caracté-
risé par la survenue postprandiale immédiate (–
minutes) de diaphorèse, faiblesse, vertige et palpi-
tations consécutifs à une diminution du volume
intravasculaire post ingestion de quantité importante
L’insulinome est la cause la plus fréquente de
l’hypoglycémie hyperinsulinique endogène.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(34):681–686