Politiques de peuplement et logement social
Premiers effets de la rénovation urbaine
La mixité sociale est au cœur des objectifs du programme national de réno-
vation urbaine qui se déploie depuis 2003 dans plus de 400 quartiers en
France. Le CES de l’ANRU a déjà mis en évidence l’apport avéré mais limité
de la diversication de l’habitat sur le peuplement des quartiers (La rénovation
urbaine pour qui ?, La Documentation française, 2013).
Au terme des projets de rénovation urbaine, les logements sociaux reste-
ront majoritaires dans les quartiers et l’évolution de leur peuplement sera
déterminante. À partir de l’analyse détaillée d’une vingtaine de quartiers en
rénovation urbaine, Fanny Lainé-Daniel (Ville et Habitat), Christophe Noyé
(Cf Géo) et Francis Rathier (Bers) dressent le constat d’une baisse inédite
du niveau de ségrégation des quartiers étudiés, conséquence directe de la
politique de démolitions-reconstructions.
Cette évolution fragile et temporaire doit nécessairement, sous peine d’anéantir
l’effet positif de la rénovation urbaine, être accompagnée d’une mise en œuvre
de politiques de peuplement volontaristes mêlant actions sur l’offre, attributions
de logements sociaux et accompagnement des ménages. L’étude ici menée
dégage une trentaine de propositions concrètes conçues pour généraliser ces
stratégies globales de peuplement.
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Direction de l’information légale et administrative
La documentation Française
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www.ladocumentationfrancaise.fr
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DF : 5 HC 33200
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Politiques de peuplement et logement social Premiers effets de la rénovation urbaine
Illustration © Pascal Campion/Ikon/Images/Corbis
Politiques de peuplement
et logement social
Premiers effets
de la rénovation urbaine
éTUDE DU ComiTé D’évalUaTion ET DE sUivi DE l'anrU
La
documentation
Française
Politiques de peuplement
et logement social
Premiers effets
de la rénovation urbaine
Bers, Cf Géo, Ville et Habitat
Fanny Lainé-Daniel
Christophe No
Francis Rathier
Comité d’évaluation et de suivi
d e l’ agence nationale PouR la Rénovation uRbaine (anRu)
Synthèse 13
Synthèse
Le Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation
urbaine (CES de l’ANRU) a pour mission d’évaluer la mise en œuvre et les effets
du programme national de rénovation urbaine (PNRU). L’un des principaux
objectifs assignés au PNRU est de redonner de l’attractivité résidentielle aux
quartiers concernés par les opérations an d’y développer une mixité sociale.
Cette mixité sociale devait être facilitée par une diversication de l’habitat des
quartiers, permise par la démolition d’une partie des immeubles de logements
sociaux et la restructuration urbaine. De manière indirecte, le regain d’attracti-
vité attendu des logements existants des quartiers, et notamment des logements
sociaux, pouvait entraîner une diversication du peuplement des quartiers.
An de mesurer l’efcacité des projets de rénovation urbaine à l’aune de ces effets
attendus, le CES de l’ANRU a commandité plusieurs études. Une première série
d’étude consacrée aux dynamiques sociales générées par ces projets, à travers les
interventions sur l’habitat (démolitions, relogements, reconstitution de l’offre
sociale et diversication de l’habitat) a été synthétisée dans une première publi-
cation : La rénovation urbaine pour qui ? Contributions à l’analyse des mobilités
résidentielles 3. Ces travaux soulignent la grande variabilité des effets des projets
de rénovation urbaine sur la mixité sociale dans les quartiers et sur le rééquili-
brage social à l’échelle des villes ou des agglomérations, en fonction de l’état
du marché de l’immobilier local, de la plus ou moins forte stigmatisation des
quartiers et du volontarisme politique. Dans les quartiers où les conditions sont
réunies, les projets ont un effet important, avec une attractivité des programmes
neufs de diversication de l’habitat, attirant des ménages majoritairement issus
d’autres quartiers et présentant un prol sensiblement différent de celui des
ménages du quartier.
Il n’en reste pas moins que l’impact global direct des projets de rénovation urbaine
restera relativement limité. Bien que la déconcentration des logements sociaux
ait été considérée comme un des leviers majeurs de la rénovation urbaine (pour
réduire le poids du logement social dans les quartiers), l’offre sociale restera
majoritaire dans la plupart des sites avec des logements neufs (reconstitution sur
site), des logements réhabilités et/ ou résidentialisés, et des logements maintenus
dans leur état d’origine.
Si l’intervention sur l’offre de logements dans les quartiers est intrinsèquement
liée aux projets de rénovation urbaine, les attributions des logements HLM n’ont
pas été identiées d’emblée comme un levier de changement, du moins avec la
même visibilité et intensité que la stratégie de l’offre. Alors que le PNRU est
opérationnellement bien avancé, le sujet des attributions, et plus largement celui
des politiques de peuplement du parc social, (re)viennent sur le devant de la
3. Ibid.
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14 Politiques de peuplement et logement social
Premiers effets de la rénovation urbaine
scène au moment où les acteurs locaux commencent à tirer les premiers bilans
quant aux changements de population dans les quartiers. C’est dans ce contexte
que s’inscrivent la présente étude, commanditée par le CES de l’ANRU, sur la
prise en compte du peuplement et l’évolution de l’occupation sociale des loge-
ments sociaux dans les sites en rénovation urbaine.
Menée au cours de l’année 2012 à partir un échantillon de dix sites en rénova-
tion urbaine représentant une diversité de contextes et de projets
4, cette étude
a un double objectif : d’une part, mettre en évidence ce que les acteurs ont mis
en œuvre pour faire évoluer le peuplement des quartiers et contrer les logiques
ségrégatives préexistantes ; d’autre part, mesurer les premiers effets des projets de
rénovation urbaine sur la composition sociale des quartiers 5.
Qu’entend-on par peuplement et par « politique de peuplement » ? Sujet sensible
et porteur de représentations, ces notions demandent à être précisées. Si le
peuplement renvoie à la composition sociale d’une résidence ou d’un quartier
constatée à un moment donné et aux dynamiques conduisant à cette situation,
nous avons envisagé la notion de « politique de peuplement » comme l’ensemble
des interventions (sur l’offre de logements, sur les attributions ou sur l’accom-
pagnement social) menées par des acteurs (institutionnels et opérationnels) en
vue de modier l’occupation des logements sociaux, dans l’objectif de réduire la
concentration des populations les plus précaires dans les quartiers concernés et
celui plus général de la mixité sociale.
C’est dans cette perspective que l’étude souligne les premiers changements inter-
venus concernant la population des quartiers et porte un coup de projecteur sur les
stratégies qui ont permis de modier, ou qui permettront de le faire, la composition
sociale des quartiers et de lutter contre les logiques de ségrégation et de reléga-
tion de certaines populations. Ainsi, l’étude dresse un état des lieux des stratégies
dénies et mises en œuvre dans les sites en ce qui concerne l’offre de logements et
les attributions des logements sociaux
6. Elle met en évidence les premiers chan-
gements intervenus concernant la composition sociale des quartiers étudiés. Elle
explore différents facteurs déterminants pour le développement de ces stratégies :
la prise en compte des enjeux de peuplement dans les politiques locales de
l’habitat ;
la dynamique du marché du logement et la façon dont les acteurs locaux
adaptent leurs stratégies à ses caractéristiques ;
le fonctionnement local du système d’acteurs du logement et leur positionne-
ment par rapport à l’objectif de mixité sociale.
Enn, l’étude dégage un ensemble de recommandations adressées aux acteurs
locaux et nationaux des politiques du logement et de la ville.
4. Le choix a été fait de rendre anonyme les résultats de l’étude, an de faciliter sa réalisation (trans-
mission de données, recueil de la parole des acteurs…), et parce qu’elle n’a pas pour objet de mettre
en exergue le fonctionnement de chacun des sites, mais de rendre compte globalement du traitement
de la question du peuplement dans le cadre de la rénovation urbaine.
5. Tout en restant prudent quant aux résultats compte tenu du non-achèvement de nombreux
projets.
6. Les stratégies et actions d’accompagnement des habitants des quartiers, pouvant aussi participer
d’une politique de peuplement (accompagnement dans le logement, accompagnement dans les par-
cours résidentiels,etc.) mais relevant d’acteurs variés impliqués dans la « gestion » des quartiers sans
être forcément liés au PRU, n’ont pas été développées.
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Synthèse 15
L’absence d’une approche globale
du peuplement du parc social dans le cadre
des projets de rénovation urbaine
Il ressort de l’étude que, sauf exception, les acteurs locaux se sont engagés dans
la rénovation urbaine avec une connaissance limitée des dynamiques sociales à
l’œuvre à l’échelle du quartier, et plus encore de la ville et de l’agglomération. Les
problèmes de peuplement et les logiques d’acteurs à l’œuvre ont été peu explorés
et approfondis. Souvent, l’ambition des projets a été centrée sur la démolition
de la fraction la plus fragile du parc social du quartier et sur l’objectif générique
de mixité sociale. Si ce dernier a pu effectivement donner une perspective aux
acteurs et se révéler nécessaire pour enclencher l’action, il n’a pas permis de
prendre en considération les enjeux de peuplement des quartiers visés, dans leur
diversité et leur complexité.
La répartition 7 et la localisation des logements sociaux reconstruits témoignent
que les choix faits par les acteurs locaux relèvent davantage d’une opérationna-
lité qui s’impose (réaliser les opérations dans le temps des conventions), que de
l’objectif de déségrégation, même si l’on note inne des effets positifs des projets
en la matière. La construction de logements sociaux dans d’autres quartiers
n’est pas toujours accessible aux ménages les plus précaires (du fait de loyers,
de typologies, et de localisations non adaptées…) et elle a souvent été difcile à
produire. La préexistence d’une politique locale de l’habitat, portée par une inter-
communalité forte, ou d’une stratégie communale efcace en matière d’habitat,
est une condition nécessaire pour la réussite de l’objectif de meilleure répartition
des logements sociaux à l’occasion des projets de rénovation urbaine.
La dynamique d’intervention des acteurs locaux en faveur de la mixité sociale
a surtout été concentrée sur l’offre neuve de logements sociaux, malgré les
contraintes opérationnelles des relogements 8. Le reste du patrimoine social des
quartiers, même si tout indique aujourd’hui qu’il n’a pas connu un report de
populations précaires, n’a pas véritablement fait l’objet d’une attention quant
aux enjeux de peuplement. La mobilité résidentielle des ménages non concernés
par des démolitions a été peu traitée, si ce n’est pour libérer des logements pour
les relogements. Pourtant, seule une approche globale du peuplement du parc
social permettrait de faire évoluer la ségrégation des quartiers, si l’on considère
que les logements sociaux restent majoritaires dans les quartiers.
Dans la majorité des sites étudiés, les acteurs locaux ont développé une réexion
et des actions collectives concernant les attributions dans l’offre neuve de loge-
ments sociaux. Les acteurs ont cherché à appréhender globalement les équilibres
de peuplement dans ce segment du parc avec une stratégie partagée, notamment
en mutualisant leurs contingents. En ce sens, on peut parler d’une fonction
intégratrice des projets de rénovation urbaine. Mais au-delà de ces nouvelles
pratiques visant le parc neuf, le chemin à parcourir pour aller vers des straté-
gies globales d’attribution contribuant à une politique de peuplement est encore
long dans la majorité des sites. Cela s’explique par la faible connaissance de la
7. Entre les différents nancements du logement social : PLAI, PLUS, PLUS-CD.
8. En lien avec les choix des ménages concernés, exprimant majoritairement le souhait d’être relo-
gés sur site.
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