CEPII, Document de travail n° 94-09
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RésuméRésumé
Pour accompagner la réunification, les autorités allemandes ont choisi une
stratégie "high tech, high wage" consistant à subventionner à l'Est le capital plutôt que
le travail et à engager d'importantes dépenses d'infrastructures publiques. Les diverses
aides à l'investissement ont permis de déconnecter le coût d'usage du capital à l'Est de
la politique monétaire restrictive menée par la Bundesbank. Nous nous interrogeons ici
sur la pertinence et sur l'impact de cette stratégie à différentes échéances.
Nous montrons en première partiepremière partie qu'après la réunification, les salaires ont
fortement augmenté en termes de prix des biens industriels, mais beaucoup moins en
termes de pouvoir d'achat. Le rattrapage des salaires Est-allemands nous paraît
indépendant du taux de conversion initial entre le mark-Est et le mark-Ouest, et doit
donc être retenu comme hypothèse de travail dans toutes les options de politique
économique. Nous passons ensuite en revue les diverses évaluations du capital
disponible et de l'accumulation nécessaire à l'Est. Même dans une hypothèse basse (le
capital de l'Est nous semble avoir été sous-évalué après la réunification), l'accumulation
nécessaire représente environ un triplement du capital de l'Est. Puis nous détaillons les
différentes aides mises en place en vue de faciliter le rattrapage Est-allemand. Nous
montrons que ces aides reviennent à alléger le coût du capital à l'Est, et que
l'allègement est plus que proportionnel au taux d'intérêt. Ainsi, les aides à
l'investissement ont permis de déconnecter le coût du capital de la politique monétaire
restrictive pratiquée par la Bundesbank et d'offrir en quelque sorte un seigneuriage
négatif aux investisseurs allemands.
Nous proposons en deuxième partiedeuxième partie un modèle d'analyse de la politique
économique allemande. Ce modèle présente plusieurs originalités par rapport à la
littérature existante. D'une part, il se place délibérément en régime de sous-emploi, ce
qui nous paraît mieux décrire la situation allemande que le régime de plein-emploi.
Plus précisément, l'ajustement lent du capital et la rigidité du salaire réel provoquent
des mécanismes de rationnement, la production et l'emploi étant déterminés par le côté
court de l'offre et de la demande. D'autre part, le modèle tient compte de la rapidité de
réaction des marchés financiers : les agents sont supposés connaître la valeur du taux de
change réel à long terme ; ils anticipent un ajustement progressif du taux de change
vers cette valeur, ce qui modifie la trajectoire de l'économie dès le court terme. Enfin,
les politiques budgétaire et monétaire sont prises en compte de manière endogène :
d'un côté, les autorités budgétaires gèrent les taux de taxation de manière à stabiliser la
dette publique à long terme ; de l'autre, la Bundesbank fixe indépendamment le taux
d'intérêt par indexation sur l'inflation et arbitrage entre dette publique et chômage.
L'Allemagne est ici considérée comme un seul pays comprenant un secteur
résiduel issu du système socialiste (qui n'est pas modélisé) et un système capitaliste qui
se développe aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest. Les trois types de productions sont
supposées parfaitement substituables, et tout se passe comme si la production
marginale était réalisée à l'Est. L'hypothèse de parfaite substituabilité des biens, si elle