ACCIDENTS DE PLONGEE
Type, Mécanismes, Symptômes, Conduite à tenir, Prévention
(Docteur Guy COCHARD – Responsable du caisson hyperbare de Brest)
Le mot "accident" de plongée est une terminologie parfois trop imprécise : trop fort quand il
ne s'agit que d'incidents, il ne semble adapté que quand des séquelles invalidantes persistent ou
qu'un traitement très lourd (avec un arrêt d'activité prolongé) a été nécessaire pour aboutir à la
guérison, à peine assez fort quand cela se termine par le décès du patient à cause d'une noyade le
plus souvent...
La noyade est bel et bien "l'accident" le plus grave quand elle s'accompagne du décès des
patients ; c'est celui que doit redouter le plus le plongeur... Elle peut faire suite néanmoins à un
incident de plongée qui en est l'élément déclenchant, ce qui justifie de traiter sur un plan d'égalité
incident et accident...
La particularité essentielle de la plongée sous-marine est que l'eau est un milieu dense : la
pression y augmente d'une atmosphère tous les dix mètres. Pour pouvoir séjourner sous la surface
plus longtemps et plus profondément que ne lui permet une apnée, le plongeur emporte avec lui une
réserve d'air comprimé qu'il respire à la pression où il se trouve; si tel n'était pas le cas ,en effet,
l'expansion de la cage thoracique ne serait pas possible au delà de 1 mètre de profondeur...
On classe les effets de la pression sur l'homme selon les lois physiques régissant les gaz :
- effets mécaniques liés à la loi de Boyle Mariotte (PV = constante).
- effets biophysiques liés à la dissolution des gaz à partir de l'alvéole vers le sang et
les tissus (loi de Henry et de Dalton).
- effets biochimiques liés à l'apparition d'un effet pharmacologique propre des gaz à
partir d'un certain niveau de pression partielle (Loi de Dalton).
Les accidents relatifs à la pratique de la plongée sous-marine sont ,en général classés selon
ces mécanismes étiologiques...
I - ACCIDENTS ET INCIDENTS D'ORIGINE MECANIQUE
La loi de Boyle Mariotte s'applique sur les gaz en phase gazeuse de l'organisme (cavité de la
sphère O.R.L., poumons, gaz digestifs...):
- le volume des gaz enclos varie en fonction de la pression
- de plus la masse volumique d'un gaz augmente de façon proportionnelle à la pression ( la
masse volumique est la masse de matière contenue dans un volume unitaire). La densité du gaz
augmente donc...
A- AU NIVEAU DES CAVITES DE LA SPHERE O.R.L.
1-BAROTRAUMATISMES DES SINUS
Les sinus sont des cavités aériennes, incompressibles, annexées aux fosses nasales et
communiquant avec elles par un ostium ou un canal.
- Les sinus maxillaires sont creusés dans le corps du maxillaire supérieur. Ils
communiquent avec la fosse nasale correspondante par l'ostium maxillaire
- Les sinus frontaux sont enveloppés dans l'épaisseur de l'os frontal séparés l'un de
l'autre par une cloison. Ils communiquent de chaque côté avec le méat majeur par le canal naso-
frontal
- Les sinus ethmoïdaux ou labyrinthe ethmoïdal forment de chaque côté un ensemble
de cavités pneumatiques, creusées dans l'épaisseur de la masse latérale de l'ethmoïde.
Ces cavités sinusiennes sont tapissées à l'état normal par une fine muqueuse, fortement
épaissie dans le cas des sinusites hyperplasiques.
* Les causes d'obstruction d'un ostium sont nombreuses :
- Une malformation acquise ou congénitale de la cloison ou des cornets peut
favoriser une obstruction ostiale mais ne peut pas la provoquer.
- Un oedème en est souvent responsable. Il est parfois allergique, consécutif à une
rhinite banale.
Le coryza ou le simple rhume peuvent donc être responsables d'une impossibilité à pratiquer
la plongée sous-marine.
- Enfin des lésions hyperplasiques ou tumorales de la muqueuse, dont le classique
polype muqueux, peuvent être en cause. Ce polype est responsable d'un phénomène de soupape qui
selon son siège (intra-sinusien ou dans la fosse nasale) bloquera plutôt la ventilation sinusienne
dans le sens hyperpression sinusienne et dépression nasale ou dépression sinusienne et
hyperpression nasale
* Plongée et obstruction de l'ostium
- A la descente, des douleurs d'intensité progressive, de siège variable selon le sinus
intéressé (sus ou sous-orbitaire) sont le signe d'appel du barotraumatisme ; ils doivent entraîner
l'arrêt de la plongée.
- A la remontée, tout va s'accentuer entre 8 à 10 mètres et la surface. Le retour à la surface
va être arrêté par une douleur très violente qui sera calmée par un retour à une pression plus élevée.
Le retour à la pression atmosphérique se fera au prix d'une douleur importante et souvent d'un
épistaxis qui signe un barotraumatisme sévère. Ce retour à la surface peut être facilité par la
réalisation de la manoeuvre de Toynbee. (La bouche étant fermée et le nez pincé entre le pouce et
l'index, on effectue un mouvement de déglutition. )
---> Ce que l'on peut faire, sur le bateau c'est la pulvérisation nasale d'un vasoconstricteur.
Par la suite un bilan sinusien s'imposera à la recherche de l'étiologie.
2- L'OREILLE
A) L'oreille externe
Formée du pavillon et du conduit auditif elle n'a que peu d'incidence avec les variations de
pression. La seule assurance que l'on doit avoir, c'est sa liberté ; obstruée totalement par un bouchon
de cérumen, la cavité enclose serait soumise à la loi de Boyle Mariotte avec risque de lésion
tympanique.
B) L'oreille moyenne
C'est une cavité aérienne comprenant notamment :
-le système tympano-ossiculaire qui transmet les vibrations à l'oreille interne
-la membrane tympanique que l'on peut visualiser par otoscopie
-la chaîne des osselets : le marteau, l'enclume, l'étrier
La trompe d'Eustache est l'élément fondamental de la compensation des variations de
Pression au cours de la montée en Pression.
C'est un canal ostéo-cartilagineux qui relie la caisse du tympan à la paroi latérale du
cavum. La trompe d'Eustache assure la ventilation et l'équilibration barométrique de la caisse.
A l'état de repos, la trompe d'Eustache est fermée. Elle ne s'ouvre que lors de certains
actes physiologiques tels que la déglutition et le bâillement.
Le passage de l'air du cavum vers la caisse se fait donc de façon active ; ouverture de
la trompe, aspiration par la caisse. Le passage en sens inverse est théoriquement passif.
A la descente :
L'oreille moyenne ne pourra se mettre en équipression avec le milieu ambiant que si la
trompe d'Eustache laisse passer un volume suffisant d'air.
Il faut noter que si au début de la descente l'absence de perméabilité tubaire peut être due à
un dysfonctionnement (inflammation par exemple), ceci aura tendance à s'aggraver avec la
poursuite de la descente puisque la dépression endotympanique ainsi créée entraînera un collapsus
de la trompe d'Eustache (cartilagineuse) qui sera de plus en plus difficile à vaincre.
Cette difficulté à équilibrer se manifeste par une otalgie. Il faut donc équilibrer ses tympans
avant que ne survienne toute douleur.
Quatre manoeuvres peuvent être pratiquées :
- simple déglutition
- valsalva : le sujet, après avoir retenu dans ses poumons une certaine quantité d'air,
après avoir fermé hermétiquement la bouche et le nez, compresse progressivement l'air contenu
dans les voies aériennes jusqu'à ce qu'il entende le ressaut tympanique témoin de l'arrivée de l'air
dans la caisse.
- manoeuvre de Frenzel essentiellement basée sur la contraction de la base de la
langue qui est refoulée au maximum vers le haut et en arrière contre le voile du palais avec
émission d'un son "kê".
- béance tubaire volontaire pour ceux qui sont entraînés à cette manoeuvre: elle
nécessite la prise de conscience de la plénitude de l'oreille c'est à dire pendant l'ouverture de la
trompe. En pratique on peut y parvenir en étudiant sur soi-même les mouvements pharyngés
provoqués par le bâillement et en les reproduisant, la bouche étant presque fermée ; c'est une
technique qui demande un réel apprentissage avant d'être parfaite.
A la remontée :
Le surplus d'air qui est passé dans la caisse au cours de la montée en pression repasse
(normalement) passivement dans le cavum. Il faut parfois aider cette fuite par des déglutitions - nez
pincé (manoeuvre de Toynbee). Par cette manoeuvre l'air de la caisse est aspiré par l'intermédiaire
de la trompe d'Eustache.
Sont formellement proscrites, toutes manoeuvres augmentant la pression dans la caisse
(valsalva)
En cas de défaillance des mécanismes d'équilibration des pressions on aura une atteinte
barotraumatique de l'oreille moyenne :
- Une otalgie survient pendant la descente qui persiste malgré des valsalvas répétés :
le sujet a d'ailleurs l'impression nette en général que "ça ne passe pas" d'un côté parfois des deux.
- Si on insiste on peut aboutir à la perforation tympanique se manifestant parfois par
une otorragie
L'examen otoscopique permet de reconnaître l'un des 5 stades classiques d'otite
barotraumatique :
- STADE I : simple rougeur du manche du marteau et de la membrane de schrapnell.
- STADE II : le tympan est rétracté uniformément rose ou rouge pâle
- STADE III : le tympan est rétracté franchement rouge avec parfois rupture de petits
vaisseaux tympaniques (réalisant une myringite hémorragique) il y a présence de liquide séreux
dans la caisse.
- STADE IV : le tympan est uniformément rouge, bombé en général. La caisse est remplie
de sang : c'est l'hémotympan.
- STADE V : le tympan est perforé.
Traitement :
Il se doit d'être avant tout préventif. Avant de plonger il faut s'assurer de sa capacité à
pouvoir compenser les variations de pression au niveau O.R.L. Un simple rhume peut être une
contre-indication (temporaire) à la plongée ! Il ne faut jamais "forcer"...
Le traitement curatif de l'otite barotraumatique a pour but de prévenir l'infection, d'évacuer
l'épanchement ou d'aider sa résorption, de rétablir la perméabilité tubaire, de fermer une perforation
éventuelle
- Aux stades 1 et 2 la désinfection rhinopharyngée comportera des inhalations et surtout des
aérosols où l'on associe antibiotiques et corticoïdes......
- Aux stades 3 et 4 on ajoutera un traitement oral associant antibiotiques et anti-
inflammatoires.... Une paracentèse pourra être nécessaire pour évacuer un épanchement.
Le rétablissement de la perméabilité tubaire sera la conséquence normale de la désinfection
locale par aérosols avec Valsalvas pratiqués une dizaine de fois au cours de chaque aérosol.
- Le stade 5 est du domaine du spécialiste de plongée. La cicatrisation spontanée est assez
fréquente, mais la remise en place de lambeaux tympaniques peut être nécessaire, voire complétée
par une tympanoplastie. Ce stade posera à distance le problème de la réaptitude à la plongée.
Les stades 3, 4, 5, exigent toujours un bilan O.R.L. complet
- examen acoumétrique
- audiométrie tonale qui chiffre le déficit auditif
- impédancemetrie qui précise l'état fonctionnel de la trompe d'Eustache
- recherche d'une cause du dysfonctionnement tubaire
C - L'oreille interne
Encore appelée labyrinthe , elle se divise en :
- labyrinthe antérieur ou canal cochléaire qui est l'organe de l'audition
- labyrinthe postérieur qui est l'organe de l'équilibre (comprenant utricule, saccule et trois
canaux semi-circulaires).
Les accidents de l'oreille interne ont une pathogénie bien plus complexe et bien plus difficile
à déterminer précisément.
- Tantôt ils peuvent survenir, accompagnés d'un barotraumatisme de l'oreille moyenne dû à
des difficultés de compensation des variations de pression et présence, donc, de douleurs et de
nes en "plongée".
- Tantôt il peut y avoir lésion traumatique directe de l'oreille interne sans lésion de l'oreille
moyenne par coup de piston de l'étrier dans la fenêtre ovale, création de fistule périlymphatique de
la fenêtre ronde ou ovale. Dans ces cas la symptomatologie en cours de plongée peut être très
discrète, les signes apparaissant au retour à la pression atmosphérique.
- Tantôt on peut incriminer un accident de décompression avec formation de bulle d'azote
dans la circulation de l'oreille interne (qui est de type terminal comme celle de la moelle épinière
)ou dans le liquide intra-labyrinthique.
Les signes observés : Ils correspondent à l'atteinte de l'organe de l'audition ou à celui de
l'équilibre, parfois aux deux.
- L'hypoacousie peut être d'une importance variable, simple gêne ou surdité totale (cophose).
Il peut y avoir des acouphènes.
- Le plongeur peut se plaindre de vertiges avec ou sans signes neuro-végétatifs associés à
des troubles de l'équilibre. L'examen retrouve un nystagmus.
Le traitement est urgent. Il ne faut pas hésiter à consulter précocement, l'altération de
l'audition est la pathologie au long cours probablement la plus répandue chez les vieux plongeurs.
Le traitement associe différents moyens thérapeutiques en fonction des hypothèses pathogéniques
retenues : un traitement médical : (vasodilatateurs, anti-inflammatoires antivertigineux sédatifs)
associé selon les écoles et l'étiologie suspectée à un traitement par oxygénothérapie hyperbare.
- Le cas particulier du vertige alterno-barique de Lundgren
Il est caractérisé par une difficulté à vider de façon symétrique les caisses du tympan de l'air
en surpression relative pendant la remontée à cause d'un fonctionnement défectueux d'une trompe
d'Eustache dans le sens caisse du tympan, cavum... Il se produit ainsi une stimulation asymétrique
des labyrinthes.
En général cela se traduit par un vertige de courte durée au moment du retour à la pression
atmosphérique. Des mouvements de mastication et/ou une manoeuvre de Toynbee permettent de
remettre les choses en ordre...
B- AU NIVEAU PULMONAIRE
I) L'essoufflement en plongée ( Classiquement rangé dans les accidents biochimiques)
Plusieurs éléments contribuent à l'essoufflement en plongée. L'essoufflement est une
augmentation du travail respiratoire qui tend à limiter l'augmentation de pression de CO2 dans
l'organisme.
- Pour une même production métabolique de CO2 les pressions de CO2 sont naturellement
plus élevées en profondeur du fait de l'augmentation de pression ambiante (loi de Dalton). Notons
tout de suite qu'un facteur de production accrue de CO2 est bien le travail musculaire...
L'appareil ventilatoire doit donc être parfaitement fonctionnel pour réguler cette augmentation de
PCO2. Or au moins deux facteurs gênent son travail :
D'une part les résistances de l'appareil respiratoire (détendeurs , tuyaux...),
D'autre part l'augmentation de densité du gaz inhalé par augmentation de la masse
volumique des gaz sous pressions qui provoque une augmentation des résistances respiratoires
dynamiques ; celles-ci augmentent comme la racine carrée de la pression absolue, les débits
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !