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HOMELIE
DE SON EMINENCE LE CARDINAL PAUL POUPARD
POUR LES FETES DES SAINTS LOUIS ET ZELIE MARTIN
Le DIMANCHE 25 octobre 2015
en la Basilique Sainte Thérèse de Lisieux
Cher Monseigneur, Chers frères et sœurs en Jésus Christ,
Dans une même allégresse, terre et ciel dansent de joie et chantent Alléluia, de la
place Saint-Pierre de Rome dimanche dernier, à la Basilique Sainte Thérèse de Lisieux qui nous
accueille aujourd’hui, pour rendre grâce de la canonisation par le Pape François des saints Louis
et Zélie Martin, époux et parents. Bienheureux ceux qui ont en Dieu seul leur espérance, avonsnous chanté avec le Psalmiste, après avoir écouté les lectures évocatrices de la Parole de Dieu,
que l’Eglise a choisies pour la messe des saints Louis et Zélie Martin, époux et parents, du Livre
de Tobie à la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens, avant l’Evangile de Jésus Christ selon
saint Jean, la prière exemplaire de Tobie et Sara au soir de leur mariage, l’action de grâces et de
louange au nom du Seigneur Jésus, de saint Paul, et le premier miracle de Jésus aux noces de
Cana en Galilée, à la demande de sa mère Marie. Laudate Dominum, omnes gentes ! Nous
partageons notre joie dans l’ action de grâce au Seigneur, Dieu d’amour qui nous a créés avec
amour et qui a semé en nos cœurs cet amour qui a réuni Louis et Zélie Martin et que la grâce du
sacrement de mariage a sanctifié.
Louis Martin, homme de foi et de prière, cultiva pendant un temps le désir du
sacerdoce, avant de se fixer comme horloger à Alençon. Zélie Guérin, habile fabricante du Point
d’Alençon, eut le désir de la vie religieuse, mais, elle fut elle aussi dissuadée d’entrer en cette
voie. Une rencontre providentielle décida de leur mariage. Ils eurent la joie de donner naissance
à neuf enfants, dont la dernière est notre chère petite sainte Thérèse de l’Enfant- Jésus et de la
sainte Face qui nous réunit ce matin en la Basilique qui lui est consacrée. Les épreuves ne leur
ont point manqué, elles leur furent même multipliées. Ils perdirent en effet quatre de leurs
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enfants en bas âge, mais ni ces deuils ni les épreuves n’affaiblirent leur foi profonde soutenue
par la fréquentation quotidienne de l’eucharistie et la dévotion filiale envers la Vierge Marie.
Comme l’a souligné le pape François, ils sont pour nous un sublime exemple d’amour conjugal,
de foyer chrétien laborieux, attentif au prochain, généreux envers les pauvres et animé d’un
exemplaire esprit missionnaire. Après une longue maladie vécue dans la foi, Zélie mourut à
Alençon et Louis vint alors s’établir à Lisieux pour mieux assurer à ses cinq filles un meilleur
avenir. Le patriarche, comme on l’appelait affectueusement, mourut après avoir offert à Dieu
tous ses enfants, connu l’humiliation et la maladie. Les deux époux avaient vécu à la lettre et de
façon exemplaire la recommandation de l’apôtre Paul à ses Colossiens : « Puisque vous avez été
choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez- vous de tendresse et de
compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Par-dessus tout ayez l’amour qui
est le lien le plus parfait. Et que dans vos cœurs règne la paix du Christ à laquelle vous avez été
appelés. Vivez dans l’action de grâce. Que la parole du Christ habite en vous en toute sa
richesse. Chantez à Dieu dans vos cœurs votre reconnaissance. Et tout ce que vous dites, tout ce
que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de
grâce à Dieu le Père.»
Nos saints Louis et Zélie Martin sont les premiers époux et parents
canonisés comme tels , et qui plus est, pendant le Synode des évêques sur la vocation et la
mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde contemporain, ce qui nous invite tous à
prier comme nous invite la liturgie de cette messe : « Seigneur notre Dieu, nous te rendons
grâce pour les saints époux et parents Louis et Zélie Martin, que tu as sanctifiés dans la voie du
mariage ; permets, nous t’en prions, que leur exemple et leur prière nous vienne en aide pour
vivre fidèlement comme eux l’évangile au quotidien.» Louis et Zélie se sont donné le
sacrement de mariage et ont reçu la grâce de Dieu pour construire leur foyer chrétien
dans la fidélité l'un à l'autre, dans le respect mutuel et dans la joie d'accueillir les enfants que
Dieu voudrait donner à leur amour.
Le mariage chrétien est en effet une grande réalité de grâce. Cette grâce
est donnée aux époux dans le sillage de leur baptême. Le baptême fait les chrétiens. Chaque
chrétien est appelé à répondre en plénitude à sa vocation propre. Le mariage chrétien est dans
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l'Eglise une vocation, un appel à vivre l'appel du Seigneur, par l'union de deux libertés qui
mutuellement s'éclairent et se fortifient. C'est à deux que les époux sont appelés à vivre en
plénitude l'idéal de leur baptême, à suivre ensemble le chemin des Béatitudes, à accomplir leur
vocation de baptisés. Ce chemin est le chemin de l'amour, comme Jésus est venu nous le
donner : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Ce chemin de l'amour est
chemin de foi et chemin de joie, chemin de don et chemin de pardon, chemin de générosité
et chemin de fidélité. Nos saints Louis et Zélie Martin ont vécu en plénitude leur
amour d’époux et de parents comme la petite Thérèse, fruit béni de leur amour
conjugal, le dira plus tard : « Aimer, c’est tout donner, et se donner soi- même ».
Louis et Zélie se sont donné totalement l'un à l'autre, et sans réserve, pour être
associés à l'œuvre créatrice du Père, source féconde d'amour et de vie, de tendresse et de
miséricorde. Le Concile Œcuménique Vatican II a repris cette belle expression de l'Eglise
ancienne : la famille chrétienne est une petite Eglise, appelée à être au cœur des bourrasques et
des tempêtes de l'existence, une étincelle d'amour, un reflet du mystère de vie qu'est Dieu, Père,
Fils et Esprit. Comme la lumière qui s'allume dans une pièce obscure, et tout devient clair et
joyeux, leur foyer a été aux yeux de tous lumière paisible et joyeuse, une clarté reçue, un amour
donné, partagé, multiplié. Ainsi disait le poète, parlant de son épouse et de lui-même : Elle
regardait Dieu. Et moi, je le regardais par ses yeux. Et le ciel était plus bleu !
Leur foyer a pleinement répondu à sa vocation d'être petite Eglise, présence de
Dieu au cœur de nos vies, ce Dieu qui est Amour et Vérité, Tendresse et Bonté, Miséricorde et
Fidélité. Aux jours de joie, comme aux jours de peine, Louis et Zélie ont mis en pratique cet
enseignement du Nouveau Testament, enraciné dans l'exemple du Christ : Nous devons aimer,
non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité, avec le cœur en paix.
Nos saints époux Martin ont ouvert largement leur cœur à Dieu, par la
prière et l’eucharistie quotidienne . Et Dieu a ouvert largement leur cœur l'un à
l'autre, et aux autres. Dieu est plus grand que notre propre cœur. C'est en découvrant peu à
peu avec émerveillement le cœur de leurs parents, que leurs enfants ont découvert le
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cœur de Dieu, source de paix et de sérénité, de tendresse et de fidélité. Louis et Zélie
ont vécu leur amour conjugal, né de l'amour créateur du Père, de l'amour sauveur du Christ
Jésus, de l'amour de lumière et de force qu'est l'Esprit de Dieu , source intarissable de joie, comme
Jésus nous le promet : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez
comblés de joie. Mon commandement, le voici : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous
ai aimés". L'homme et la femme ont été créés par Dieu, par amour, à l'image de Dieu qui est
Amour. Cet amour est le secret de la Création et le creuset de toute vocation. Créés l'un et
l'autre par amour, mari et femme sont appelés à aimer Dieu en retour, à s’aimer mutuellement
et à étendre leur amour largement autour d’eux, en suivant les recommandations de l’apôtre Paul
dans sa lettre aux Colossiens que l’Eglise a choisie comme première lecture de cette messe des
saints Louis et Zélie Martin, époux et parents: « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu,
revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience,
supportez-vous les uns les autres et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous
mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même vous aussi. Et par- dessus
tout, revêtez l’amour : c’est le lien parfait. Que règne en vos cœurs la paix du Christ à laquelle
vous avez été appelés tous en un seul corps, vivez dans la reconnaissance ».
Tel est le secret caché au cœur de la vie des saints Louis et Zélie Guérin,
époux, et parents, à la source de leur foyer chrétien. Nous sommes le fruit de l'amour, appelés à
le vivre en plénitude, de tout notre cœur. Ce secret est aussi celui du bonheur, non pas le
bonheur immédiat et fugace, mais le bonheur durable et profond, épanoui en l'homme, parce
qu'enraciné en Dieu. Louis et Zélie se sont mariés parce qu’ils s’aimaient de cet amour qui vient
de Dieu, et c'est en le suivant qu’ils ont été heureux, comme en témoignent les nombreuses
lettres de Zélie, cette épistolière incomparable. Dans le mariage, ils ont réalisé ensemble ce pour
quoi Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance. En s’aimant, ils ont réalisé son
dessein d’amour, et en grandissant en amour, ils ont trouvé le bonheur préparé pour eux par
Dieu. Ils ont été l'un pour l'autre un don de Dieu au cœur de cette création si belle que
le Seigneur nous a donnée pour en être les gardiens et intendants fidèles.
Leur amour mutuel a été un mystère d'intimité, à l'image des relations d'amour
trinitaire du Père, du Fils et de l'Esprit. Cet amour d’intimité est un amour de fidélité. La fidélité
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se vit au long des jours, en surmontant les tentations d’une accoutumance ravageuse. La fidélité,
ce sont ces attentions et ces prévenances qui gardent à l'amour sa fraîcheur des premiers jours,
le parfum de la rose, à peine éclose, le bouquet du muguet. Leur amour n’a pas été la plante
d'appartement qui se flétrit parce que personne ne l'arrose, mais la source d'eau vive qui ne
cesse de couler parce qu’elle ne cesse d'être alimentée dans la fidélité de l'amour qui est
inventive, comme Dieu qui nous crée chaque jour et nous recrée à son image : renouvellement
permanent, incessant recommencement qui, de commencement en recommencement, va vers un
commencement sans fin. La fidélité est la force de l'amour. L'amour, s'il ne grandit, meurt
d'anémie. La fidélité s'épanouit dans la fécondité.
L'amour est un feu qui grandit et se propage à proportion de son
intensité. De l'intimité d'amour des époux naît la vie qui est don de Dieu. En transmettant
généreusement la vie, Zélie et Louis ont participé à l'œuvre d'amour de Dieu, à sa fécondité
créatrice. Leur couple est devenu famille, et leur ménage un foyer. Dans le foyer, le feu qui
brûle, éclaire et réchauffe. Leur amour partagé avec leurs enfants s’en est trouvé multiplié :
chacun en a sa part, et tous l'ont tout entier. Ils ont connu la joie de transmettre la vie, la vie du
corps et la vie de l'âme, la vie de l' esprit et la vie du cœur, la joie de leur apprendre à
aimer, en les aimant, en s’ aimant l'un l'autre devant eux, que dis-je, avec eux et pour eux.
Ainsi leur amour venu de Dieu les a conduits vers Dieu. Comme l’écrira la petite Thérèse,
« Le bon Dieu m’a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la terre ».
Louis et Zélie sont des saints époux que l’Eglise nous donne
aujourd’hui comme exemples et intercesseurs pour les familles, car ils ont progressé
en sainteté en traversant mainte étape que rencontrent les couples modernes : ils se
marient tard, s’inquiètent de la réussite de leurs affaires, sont soucieux de l’éducation
de leurs enfants et sont terrassés par les maladies contemporaines, le cancer pour Zélie
et une maladie neuro- psychiatrique pour Louis. Comme l’écrivent avec humour Alice
et Henri Quantin, si leur et notre chère petite Thérèse a rejoint le ciel portés par
l’ascenseur des bras de Jésus, ils nous invitent à les suivre plus lentement, mais non
moins sûrement, par l’escalier. Saints Louis et Zélie Martin, époux et parents, et votre
chère fille, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la sainte Face, priez pour nous !
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