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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
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de Toronto, le système de mémoire sollicité dans le premier cas est la mémoire de travail; dans le deuxième,
la mémoire sémantique et dans le troisième, la mémoire épisodique.
Tulving, dont les travaux demeurent la référence, suggéra en fait l'existence de cinq systèmes de mémoire
principaux : quatre relatifs à la mémorisation à long terme (les mémoires épisodique, sémantique et
procédurale ainsi que les systèmes de représentation perceptive) et un centré sur le court terme, la mémoire
de travail. Cette dernière, dont la mission est de maintenir temporairement une petite quantité d'informations
sous une forme aisément accessible pendant le traitement de tâches cognitives diverses - calcul mental,
composition d'un numéro de téléphone dont on vient de prendre connaissance dans l'annuaire... - a des
ressources limitées puisque, chacun a pu l'expérimenter, nous sommes incapables de retenir simultanément
de nombreuses informations destinées à un traitement immédiat.
« Par contre, la mémoire épisodique est potentiellement illimitée dans le sens où tout événement vécu par
l'individu est enregistré et traité par son cerveau et peut théoriquement être mémorisé », indique Christine
Bastin, neuropsychologue post-doctorante et chercheuse au Centre de Recherches du Cyclotron (CRC) de
l'Université de Liège. Elle ajoute néanmoins que la plupart des choses que nous vivons sont sans rapport avec
nos buts essentiels, n'ont donc pas de signification profonde pour nous et, partant, vont être spontanément
évacuées de notre mémoire.
Biais de positivité
Si la mémoire épisodique n'éliminait rien, si elle gardait trace d'éléments sans pertinence par rapport à nos buts,
nos ressources cognitives seraient inutilement encombrées. Maître de recherches du FNRS au sein du CRC
et du service de neurospychologie de l'ULg, Fabienne Collette estime que même nos relations sociales
seraient perturbées si nous n'oublions pas nombre d'informations, finalement sans intérêt, issues de notre
vécu. « Si, par exemple, le souvenir du moindre incident qui vous a opposé à une personne était susceptible
d'investir votre esprit à chaque instant, vous pourriez difficilement entretenir une relation harmonieuse avec
cette personne », dit-elle.
Quelques cas d'hypermnésie ont été décrits dans la littérature. Les individus concernés n'arrivent pas à oublier.
À la moindre occasion, le souvenir d'événements négatifs, même mineurs, ressurgit, de sorte que leur vie en
devient insupportable et qu'ils se plaignent de cette mémoire qui les accable. « L'oubli est adaptatif », insiste
Fabienne Collette.
Est-ce pour cela que, comme le montrent les études, nous avons généralement tendance à mieux nous
rappeler les épisodes positifs de notre existence que les épisodes négatifs ? Les psychologues parlent
d'ailleurs d'un « biais de positivité ». « Si l'on interroge des gens qui ont été plongés dans des situations
dramatiques, comme une guerre ou des difficultés économiques extrêmes, on est toujours surpris de leur
propension à minimiser après coup les problèmes gravissimes auxquels ils ont été confrontés, commente la
chercheuse du FNRS. Ils n'ont pas eu de quoi se chauffer en plein hiver, mais ils vous diront que "finalement,
il ne faisait pas si froid". »
Il faut distinguer l'oubli intentionnel, c'est-à-dire le résultat de la volonté de ne plus se rappeler certains
éléments, d'avec l'oubli non intentionnel, lié notamment à des phénomènes d'interférences ou d'effacement
progressif des traces mnésiques du fait que l'information n'est pas rafraîchie, qu'elle n'intègre pas
régulièrement nos pensées. Sans doute ces deux processus interviennent-ils, à des degrés variables, dans
le biais de positivité.