Facultés universitaires Saint-Louis Faculté des Sciences

Facultés universitaires Saint-Louis
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques
ESPO - information et communication
Penser le social
Pierre – Gilles Pecquereau
Première candidature
2000
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Introduction :
L’intitulé même du cours « penser le social » indique que l’étude du social se fonde sur une
réflexion profonde et des références précises. Il s’agit pour le chercheur de construire une
structure de pensée ; cette structure sera le résultat d’une rupture épistémologique qui amène à
prendre du recul mais également de la discipline dans la recherche. La rupture n’étant jamais
complète, il importe de voir l’objet d’étude à travers différents angles d’approches (différentes
normes explicatives). Examinons les approches de Durkheim, Hobbes, Rousseau et Polanyi
autour de l’étude de Mauss qui restera notre lien central dans ces différentes perspectives.
A.
Cette première partie regroupe les éléments les plus fondamentaux, liés au paradigme ainsi
qu’à la profession respective de chacun, qui colorient la méthodologie de chaque auteur
analysé.
Commençons par Marcel Mauss (sociologue et anthropologue). Il ne construisit pas, comme
le fit son oncle, un système général pour expliquer les phénomènes sociaux et ne se cantonna
point, inversément, dans une étroite spécialisation, mais il exerça son esprit de chercheur dans
de multiples directions, s’efforçant de saisir les aspects et les rapports essentiels susceptibles
de renouveler le sujet étudié, sans aller toujours jusqu’à l’épuiser ou même à l’approfondir,
parce qu’une autre investigation venait orienter sa curiosité en un sens différent.
Il va utiliser le don comme une matrice qui permet de saisir une série de dimensions
caractéristiques à la vie sociale. Il tente de faire apparaître la nature des transactions dans les
sociétés traditionnelles pour en déduire les conclusions morales, politiques et de sociologie
générale. On voit dès lors apparaître un jugement personnel ; la recherche sociologique doit
servir au développement du social. Il va se rapprocher, tout comme Durkheim de l’idée
«d’Etat providence ». Mauss s’inscrit entre les deux pères fondateurs de la sociologie en
parlant d’un rapport de traduction : au niveau individuel s’exprime quelque chose de singulier
qui traduit une structure sociologique plus large.
Pour Durkheim (sociologue), il faut établir la sociologie comme science dans le but de
contribuer à l’apparition d’un nouveau système social, ce qui permettrait d’assurer la cohésion
sociale. Pour qu’il y ait cohésion, il faut un passage de la solidarité mécanique vers la
solidarité organique. Se retrouvant dans le paradigme holistique, il voit la structure sociale
comme un tout, le statut de l’individu est donc décidé par notre appartenance sociale.
(contrainte sociale + extériorité des phénomènes). Ce sont donc les représentations collectives
qui déterminent les représentations individuelles.
Hobbes et Rousseau ( deux philosophes) ont un projet fondamentalement normatif. Ils tentent
de développer une philosophie politique basée sur le « contrat ». C’est l’état de nature qui
donne les bases d’un projet social.
Le célèbre Léviathan,en 1651, rassemble en quelques chapitres les principes de
l’anthropologie de Hobbes et présente ses idées politiques. Il estime qu’il peut élaborer une
véritable science de la morale et de la politique à partir de l’expérience raisonnée des
mouvements des corps et de l’esprit.
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Rousseau propose tour à tour de réformer l’éducation, les mœurs, les institutions politiques et
sociales, le droit et même la religion (Kant dit : «Rousseau est le Newton du monde moral »).
«J’aurais démontré que l’homme est bon naturellement et que c’est par les institutions seules
que les hommes deviennent méchants. ». Rousseau découvrait subitement non seulement les
causes de corruption de l’homme, mais encore les moyens d’arrêter sa marche vers l’abîme.
Adam Smith, est nommé « le père de l’économie politique » : il s’agit d’une qualification bien
connue et qui, sous une forme concise, a le mérite de bien exprimer ce que cette discipline lui
a dû à ses véritables débuts cette qualification reste insuffisamment précise, car il ne paraît
pas exagéré d’avancer que ses idées et ses propositions ont bouleversé le monde.
Polanyi est un spécialiste d’histoire et d’anthropologie économique. Il montre au contraire,
dans son livre, que les mécanismes économiques tels que la monnaie, les marchés, le
commerce extérieur ou les ports de commerce fonctionnent de façon tout à fait différente des
mécanismes économiques tels qu’ils sont décrits dans la littérature économique libérale.
B.
Cette deuxième partie regroupe les conceptions du social de chacun des auteurs.
Commençons tout naturellement par Mauss qui se fixe comme objectif d’étude « l’échange »,
sous la forme particulière du don et son caractère ambigu. Le don est à la fois volontaire et
obligatoire. Il a voulu montrer que les phénomènes économiques ne sont pas dissociables des
autres aspects de la vie sociale et ne peuvent se réduire à des calculs d’intérêt mercantiles
dérivés du troc. Bien au contraire, en effet, l’étude des sociétés archaïques montre que les
échanges concernent la société dans son ensemble et qu’ils dérivent plutôt du don.
Mauss va nous montrer que le don est un phénomène structurant, correspondant à un système
de régulation. L’échange est en somme le miroir de la cohésion sociale ; le lien social
constitué de trois mouvements se retrouve sous la forme du don. Le processus triadique est
composé de l’articulation de donner, rendre et recevoir. Le don, en s’identifiant à
l’articulation des trois éléments, représente la forme vivante du groupe ou de la société.
Dès lors on constate que l’individu est pris dans un cycle en devenant à la fois obligeant et
obligé. (symétrie je donne // je rends et contradiction je donne, mais tu dois me rendre).
Pour Durkheim l’Etat prend un rôle organisateur (structurant) de la société moderne par le
développement de la solidarité (passage mécanique vers organique) qui permet une cohésion
sociale. Le social est composé de consciences collectives qu’il faut tenter de saisir (il y a un
rapport du collectif (contraignant et lourd) sur les individus, en somme, les représentations
collectives déterminent les représentations individuelles.
Mauss reprend ce rapport établi par Durkheim tout en prenant les rapports des individus entre
eux également en compte. Bien-sûr le don est contraignant et extérieur, mais ce n’est pas
suffisant de ne dire que cela. Il y a une détermination sociale (éducation socialisation), à
laquelle les individus participent en pensant agir librement (on parlera du mensonge social).
La cohésion sociale passe donc par la solidarité et la construction sociologique peut être un
moyen de changement social en terme d’intégration et de cohésion.
Tous deux ont une ambition de réforme sociale liée au problème de la question sociale
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(celle-ci renvoie aux inégalités sociales et économiques qui se marquent différemment par
l’importance des problèmes sociaux). Ils développent une conception socio-politique proche
de l’Etat providence, qui tente de réaffirmer la cohésion sociale.
Hobbes et Rousseau pensent, à leur tour, que le développement d’une cohésion sociale passe
par un contrat (sans renvoyer à une conception divine). Nous pouvons cependant constater
qu’il y a une différence au niveau de leurs conceptions.
Hobbes s’intéresse de manière privilégiée à la morale et à la politique, auxquelles il veut
donner un véritable statut scientifique. Ainsi pour Hobbes « l’homme est un loup pour
l’homme ». Son modèle mécanique conduit ainsi à poser la nécessité de la toute-puissance du
souverain et celle d’un État conçu comme une machine parfaitement organisée. La société
n’est pas fondamentalement faite pour l’homme, donc les fondements ne peuvent être que de
nature égoïste. Se mettre en société veut dire : permettre à l’individu de sortir de sa vie courte,
monotone, etc… (donc une raison utilitariste et calculatrice). « La souveraineté en est l’âme
artificielle qui donne la vie et le mouvement au corps tout entier. »
Le prix à payer pour le développement de la société civile est l’Etat absolutiste. On voit
apparaître un fondement social où l’autorité reconnue est la volonté générale. (l’idée de l’Etat
et de la souveraineté). Hobbes s’efforce ainsi de montrer que, seule, l’omnipotence du
souverain, le caractère absolu de son pouvoir, rend possible l’accomplissement rationnel de sa
fonction, c’est-à-dire le maintien d’un ordre pacifique et sûr dans l’État.
Rousseau quant à lui, désire trouver une forme de société qui protège les individus ainsi que
leurs intérêts ; contre le pouvoir absolutiste (de la force commune). L’ordre social est basé sur
des conventions, c’est-à-dire que les lois prennent la suprématie sur la nature. Fonder le droit
politique, telle est l’ambition de Rousseau ; autrement dit, il décide d’établir des conditions de
possibilités d’une société – et par conséquent d’une autorité – légitime. Son problème
s’énonce de la façon suivante : trouver un type d’association qui assurerait à chaque individu
la sécurité forme que revêt dans la vie sociale la notion particulière de bonheur, qui est le
mobile du passage de l’Etat de nature à l’Etat civilisé – tout en lui permettant de conserver sa
liberté,c’est-à-dire de ne pas trahir son essence. Rousseau rejette toute autorité reposant sur
les privilèges de nature ou sur le droit du plus fort. Pour lui, la seule autorité légitime naît
d’un accord réciproque entre les parties contractantes, d’une convention. Non seulement le
peuple est la source de la souveraineté, mais encore, il apparaît comme celui qui exerce cette
souveraineté. Deux phares ne cessent de guider sa quête et d’illuminer sa doctrine : liberté
d’une part, sécurité (« ordre social », « bonheur public ») de l’autre ; deux impératifs dont
l’existence simultanée n’est rendue possible que par l’introduction d’un concept clé : celui
d’égalité. La démocratie est là, tout entière.
Etant donné que l’homme est placé en état de guerre/violence, il faut un « contrat social »
pour assurer de l’ordre et donc protéger la société et les individus s’y trouvant. Chacun est
véritablement membre du corps politique (idée de la démocratie directe).
Une fois tout ceci constaté, nous pouvons voir que le don tout comme le contrat social
assurent la cohésion sociale. Les deux établissent également une hiérarchie sociale.
Cependant, le don est obligatoire tandis que le contrat social est volontaire (l’individu tisse
des liens sous forme d’un contrat). D’un point de vue anthropologique (Mauss), la société
contracte à travers les individus. Avec le don, il y a une guerre constante dans le sens où les
individus se battent à coups de don et contre-don. Prenons par exemple le potlatch qui est une
sorte de guerre de propriété. Le contrat permet justement d’éviter cet état de guerre. Enfin, le
contrat social est quelque chose de strictement juridique (de formel) bien que dépendant des
individus, tandis que le don possède au contraire un lien juridique et spirituel
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Polanyi, lui, se rend compte (tout comme Mauss) qu’il n’y a pas d’économie naturelle, c’est-
à-dire définie par les lois de la nature. Mais l’économie est gouvernée par les lois/prix du
marché (système d’autorégulation), dans lequel prime l’ordre de la production et de la
distribution.
L’institution du marché était courant dans les sociétés anciennes, mais avait un rôle
secondaire au niveau de l’économie. Il y a des transactions avec des mobiles sociaux (sans but
lucratif). Polanyi tente donc de démystifier Adam Smith et sa figure de l’économie de marché.
L’ouvrage de Smith est d’abord l’exposé du mécanisme de la croissance d’une nation.
Polanyi soutient les propos de Mauss en démontant la construction du social de Smith. (le
principe de l’autorégulation ; un équilibre au sein de la conception et de la distribution).
Si l’équilibre n’est pas au centre de la production + distribution des biens, où est-il ?
Principes de comportement Traduit dans l’institution
Réciprocité Symétrie
Redistribution Centralité
Administration domestique Autarcie
La symétrie dans l’institution marque une organisation des rapports sociaux. De plus, il faut
une redistribution aux autres membres du clan. Enfin l’administration domestique est
caractérisée par le « pour soi » ou « pour le groupe ». Le lien avec l’économie de marché est
que la production d’usage peut produire un surplus que l’on échange, donc l’administration
domestique contient en elle-même le germe d’une production sans limite (on stocke, échange
ou vend). On voit apparaître une dissociation entre un mobile économique et les relations
sociales.
Conclusion :
C’est dans le souci de satisfaire aux attentes de ce séminaire que j’ai entrepris de diviser ce
dossier en deux parties distinctes.
Dans la première partie, j’ai abordé l’aspect méthodologique des auteurs/penseurs. Grâce aux
textes évalués ensemble, on voit apparaître des conceptions différentes, même à l’opposé
parfois les unes des autres. Plusieurs approches donc, autour d’une même question essentielle
dans ce séminaire : comment penser le social ?
La conception de Mauss sera liée au don qui représente la cohésion sociale à travers une
structure dynamique, tandis que Durkheim penchera plutôt pour les différentes solidarités qui
transmettent cette cohésion sociale.
Hobbes et Rousseau quant à eux penseront au contrat social, sans renvoyer à une conception
divine. Pour Hobbes, il faut pour survivre développer le contrat social. Rousseau nous met en
garde contre l’état de guerre, que nous pouvons éviter en développant le contrat social
Pour Adam Smith, c’est bien évidemment le marché et son « homo economicus » qui prime.
Enfin, Polanyi fait une analyse historique des conceptions théoriques de Smith, ainsi que de
Mauss. Il est plus proche de Mauss et s’appuie sur celui-ci pour présenter différentes
conceptions du marché (en ne limitant pas son idée à a conception critique de Mauss).
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