Un grand nombre de publications abordent en détail ces arguments et d'autres aussi11-14. Essentiellement, celles
qui appuient l'euthanasie et le suicide assisté se fondent sur les intérêts de la personne individuelle et celles qui s'y
opposent visent davantage les intérêts de la collectivité. Si nous jugeons que l'euthanasie volontaire et le suicide
assisté de quelques personnes entraînerait un dommage important à d'autres personnes et au reste de la
collectivité en général, alors le rejet de ces actes pour des principes moraux peut représenter une limite
raisonnable à l'expression de l'autonomie et de la compassion.
La conformité à l'éthique en matière de « laisser une personne mourir » dépend des circonstances. Si le patient ne
donne pas un consentement libre et éclairé ou n'a pas retiré un consentement donné antérieurement à une
intervention visant à prolonger la vie, le médecin a une obligation morale de ne pas intervenir, même si la mort
s'ensuivra. Il est aussi acceptable moralement de suspendre ou de cesser une intervention de maintien ou qui ne
fait que prolonger le processus de la mort d'un patient atteint d'une maladie incurable et progressive. Toutefois, il
serait moralement déplorable et préjudiciable de « laisser une personne mourir » alors que celle-ci avait consenti à
une intervention disponible visant à prolonger la vie, même si l'acte était motivé par la compassion15.
Démarche clinique
Le médecin doit informer son patient, John N., que les deux actes que celui-ci propose sont interdits par la loi et
posent un dilemme moral. Néanmoins, il ne peut simplement écarter la demande en expliquant les contraintes
juridiques. Même s'il n'a pas l'intention de satisfaire à la demande du patient, il doit lui expliquer les soins qui lui
seront offerts. L'obligation morale d'un aidant professionnel est de comprendre pleinement les motivations, les
besoins, les inquiétudes et les objectifs du patient et de chercher tous les moyens possibles d'aborder ces
questions du point de vue moral, juridique et cliniquement responsable16. Ce qui est particulièrement le cas dans
notre étude parce que la demande de John n'est pas habituelle. La plupart des patients atteints d'une maladie
incurable désirent toutes les interventions médicales pouvant prolonger la vie, même si ces interventions réduisent
leur qualité de vie. Il est probable que John vit une détresse émotionnelle et d'autres formes d'afflictions en plus
de ses symptômes physiques, et le médecin doit prévoir une évaluation psychologique, sociale et spirituelle et des
soins multidisciplinaires. Si une dépression est diagnostiquée, il faut lui offrir un traitement. Même si la douleur de
John est bien contrôlée à l'heure actuelle, il faut quand même aborder sa peur de la douleur à venir, de l'isolement
et de la solitude17. Il faut aussi l'avertir qu'il a le droit de refuser toute intervention, même celles qui peuvent lui
sauver la vie, et qu'il peut laisser des directives détaillées de sa volonté, de vive voix ou par écrit, aux membres de
sa famille en prévision du temps où il ne pourra plus prendre de décisions.
Conclusion
Dans le cas de John N., une évaluation plus poussée a révélé que son père avait aussi été atteint d'un cancer et
que celui-ci n'avait pas reçu des soins adéquats en fin de vie. John a été très bouleversé par la souffrance de son
père et il avait peur de souffrir autant à son tour. Aussi, il ne veut pas être un fardeau pour ses filles. John et sa
famille ont reçu les bons soins d'une équipe de soins composée d'un oncologue, d'une infirmière de soins palliatifs,
d'un aumônier, d'un travailleur social et de bénévoles. Toute cette attention a beaucoup aidé John à faire confiance
à son équipe de soins et à sentir qu'il ne serait pas abandonné. Il savait que toute l'équipe se souciait beaucoup de
son confort. Pendant une discussion à propos de ses soins, il a accepté l'idée de viser le contrôle total de ses
symptômes, le risque de perte de vigilance et de mort prématurée causée par les médicaments. Les enfants et les
amis de John se sont réunis autour de lui et il était satisfait malgré la détérioration de son état physique. Lorsque
le médecin lui a rappelé sa demande d'euthanasie et de suicide assisté, John a rejeté l'idée.
Références
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médicale canadienne, 2007, accessible en ligne sur le site http://policybase.cma.ca/dbtw-
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