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Vol. 24 No. 1 2013
Informations
Zones grises et zones limites
Journée scientifique 2012 du Groupe de travail «protection de l’en-
fance» des hôpitaux pédiatriques à Berne
Daniel Beutler, Bâle
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
La journée scientifique du 20 novembre
2012 a été organisée par le groupe «protec-
tion de l’enfance» de la Clinique universitaire
des deux Bâle UKBB. Le sujet «Zones grises
et zones limites» suscita un vif intérêt; la
journée a été fréquentée par 109 partici-
pants de toute la Suisse, dont 18 Romands.
La journée a été animée par cinq conféren-
cières et conférenciers. Avant chaque ex-
posé un membre du groupe «protection de
l’enfance» de l’UKBB présenta brièvement
un cas se référant à l’exposé.
La première conférencière, Sibil Tschudin
(PD, cheffe de service du Service de gyné-
cologie sociale/psychosomatique de l’hôpi-
tal universitaire de Bâle) choisit le titre
«Attestation de virginité et reconstruction
hyménale: assistance médicale ou dépasse-
ment de la limite?». Elle rapporta les résul-
tats d’une étude sur la question de la re-
construction hyménale en Suisse. Cette
intervention est demandée plus fréquem-
ment en Suisse alémanique qu’en Suisse
romande. Dans la plupart des cas elle est
effectuée. La majorité des patientes qui
demandent une reconstruction hyménale
sont originaires de Turquie, en deuxième
lieu du Kosovo et en troisième de Bosnie. Il
s’agit d’un dilemme soulevant des ques-
tions médicales, éthiques, juridiques, de
société et aussi psychologiques. Globale-
ment, dans les services de gynécologie
suisses l’intervention n’est que rarement
pratiquée. Sibil Tschudin met en doute
cette opération et la déconseille en géné-
ral. Elle souligne le rôle éducatif de la/du
gynécologue vis à vis des adolescentes et
aussi des mères. Elle procède toujours à
une évaluation approfondie de la situation
globale afin de conseiller la patiente en
détail. Entre autre la patiente est incitée à
réfléchir à des solutions alternatives. Par
rapport aux attestations de virginité qui
sont demandées très fréquemment, Sibil
Tschudin souligne qu’il ne s’agit pratique-
ment jamais d’une mesure urgente. A la
clinique gynécologique de Bâle on ne dé-
livre pas de tels certificats. Cet exposé a
démontré de façon éloquente la complexité
du sujet où subsistent de nombreux ques-
tionnements.
Dans l’exposé suivant Seraina Nufer (lic.
jur., juriste de l’Organisation suisse d’aide
aux réfugiés OSAR) discuta le sujet «En-
fants requérants d’asile: zone grise de la
protection de l’enfant?». Des 44828 requé-
rants d’asile provisoirement admis, 3651
sont des enfants, vivant en Suisse la plu-
part avec leur famille mais certains non
accompagnés. L’origine de ces personnes
est actuellement en premier lieu l’Erythrée
suivie par la Tunisie. La Convention des
droits de l’enfant de l’ONU et la Conven-
tion de Genève relative au statut des réfu-
giés contiennent des directives-cadre au
niveau international. Dans l’UE existe un
droit relatif à l’asile harmonisé entre les
états, assorti de traités communs avec la
Suisse (Schengen – Dublin). Au niveau
national les bases légales sont données
par le droit sur l’asile et des étrangers
mais en principe les articles du code civil
(tutelle, protection de l’enfance) sont aus-
si valables. Lors de toute mesure le bien
de l’enfant devrait être pris en considéra-
tion en priorité. Sont par ailleurs fixés par
la loi l’interdiction de discrimination, la
protection particulière des mineurs non
accompagnés et des enfants requérants
d’asile en général.
Dans la pratique on constate régulièrement
l’énorme décalage entre la loi en vigueur et
son application concrète. Il n’existe que peu
d’ordonnances au niveau fédéral et de
grandes différences entre les cantons.
Lorsqu’on questionne des requérants
d’asile, les enfants ne sont interrogés indi-
viduellement qu’à partir de l’âge de 14 ans.
Il n’existe pas de réglementation uniforme
stipulant si les enfants devraient être pré-
sents lorsqu’on interroge les parents. Les
conditions dans les centres d’enregistre-
ment et de procédure ne sont souvent pas
adaptées aux enfants. Les enfants ne
peuvent pas fréquenter l’école, il n’y a pas
de structures de jour et les espaces dispo-
nibles sont étroits. La détermination de
l’âge de mineurs non accompagnés est
controversée et la décision est souvent
prise selon le principe «dans le doute mi-
neur». Les conditions d’hébergement va-
rient beaucoup d’un canton à l’autre et les
personnes de confiance attribuées aux
mineurs n’ont souvent pas d’expérience
dans le domaine de l’asile. La longue durée
des procédures entraîne de la peur et de
l’incertitude chez les personnes concer-
nées et les enfants souffrent souvent des
conséquences du poids qui pèse sur les
parents.
En résumé il faut dire que de nombreuses
questions persistent concernant les droits
de l’enfant dans le domaine de l’asile et que
l’application des ordonnances ne corres-
pond pas toujours à la réalité.
La contribution francophone de la journée
vint de Nathalie Lutz (psychiatre et psy-
chothérapeute pour enfants et adoles-
cents FMH), sous le titre «Bébés prématu-
rés: frontières, danger, protection».
Nathalie Lutz adresse à l’assistance la
question suivante: Est-ce qu’il y a une rela-
tion entre prématurité et maltraitance? Et
mentionne une étude anglaise qui montre
que les prématurés sont plus souvent
victimes de mauvais traitements que les
enfants nés à terme. En 2012 10% des
enfants étaient nés prématurément. La
prématurité n’est pas un stade de vie natu-
rel mais un stade créé, finalement, par la
médecine.
La confrontation des parents avec la réa-
lité se fait soudainement, pour la famille
le temps de préparation psychique à la
naissance a été raccourci. Les mères
d’enfants nés avant terme souffrent plus
souvent de dépression postpartale que les
mères d’enfants nés à terme. Les mères
ont souvent l’impression d’avoir failli à
leur devoir. Plusieurs études ont montré
que les enfants prématurés présentent
par la suite plus souvent des troubles du
développement et du comportement que
les enfants nés à terme, ce qui en fait des
enfants «difficiles» pour les parents et les
expose à un risque élevé de mauvais trai-
tements.