Résumé pathologies salivaires non tumorales

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PATHOLOGIES
SALIVAIRES
NON
TUMORALES
DES
GLANDES
Docteur Agnès GUERRE- Docteur Philippe KATZ
Institut d’Explorations Fonctionnelles et d’Endoscopie des Glandes Salivaires (I.E.F.G.S.) 7, Rue Théodore de Banville 75017 Paris - Tél : 01 42 67 33 19
http://www.glandessalivaires.com
DU Pathologie Salivaire non tumorale et sialendoscopie – Paris VI
http://www.du-sialendoscopie.fr
INTRODUCTION :
La pathologie des glandes salivaires regroupe les pathologies tumorales (kystes, tumeurs
bénignes et malignes) et les pathologies non tumorales que nous traiterons ici.
La pathologie non tumorale est principalement infectieuse, en rapport ou non avec la
présence de lithiases. Elle peut être plus générale dans le cadre des maladies systémiques
(syndrome de Gougerot-Sjögren par exemple), mais aussi des troubles du comportement
alimentaire, des imprégnations médicamenteuses, ou des troubles psychopathologiques.
La base du diagnostic après l’examen clinique est toujours l’échographie spécialisée, très
souvent la sialographie et dans certains cas l’IRM.
Une prise en charge précoce et adaptée est nécessaire à chaque type de pathologie, avec
actuellement une grande place des techniques mini-invasives comme la sialendoscopie, la
lithotripsie extra-corporelle, et l’injection intra-glandulaire de toxine botulique sous contrôle
échographique.
RAPPELS ANATOMIQUES
La glande parotide mesure une dizaine de centimètres de grand axe, 25 grammes et est située
en avant de l’oreille et sous son lobule. Elle possède des prolongements parfois trompeurs
vers le cou, le muscle masséter et le pharynx. Elle se divise en un lobe profond et un lobe
superficiel entre lesquels chemine le nerf facial, moteur de l’hémiface. L’évacuation salivaire
se fait via le canal de Sténon, mesurant 4 à 5 cm de long, faisant un coude au niveau du
muscle buccinateur et s’abouchant en regard des 17 et 27.
La glande submandibulaire (ou sous-maxillaire) est ovalaire et mesure environ 5
centimètres dans sa plus grande longueur. Elle est située dans le cou sous l’angle de la
mandibule au dessous du muscle mylo-hyoïdien. Elle est intimement liée au nerf lingual qui
assure la sensibilité de la moitié latérale de la langue et au nerf grand hypoglosse (XII ième paire
crânienne) responsable de la motricité de la langue. L’évacuation de la salive se fait via le
canal de Wharton par un orifice situé juste sous le frein de la langue.
La glande sublinguale s’abouche à la partie antérieure du canal de Wharton par le canal de
Rivinus (qui peut parfois être indépendant).
Les glandes salivaires accessoires au nombre de plusieurs centaines réparties dans toute la
cavité buccale (lèvres, face interne des joues, palais, plancher buccal) s’ouvrent chacune
directement dans la muqueuse.
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PATHOLOGIES INFECTIEUSES
1- Pathologies lithiasiques :
Approximativement 1,3% de la population présente un ou plusieurs calculs (ou lithiases)
salivaires. La localisation est submandibulaire dans 76% des cas, et ne touche qu’une seule
glande dans 98% des cas. Leur composition est phospho-calcique, et il apparaît que leur
formation est génétiquement programmée. [1]
La clinique recouvre la hernie salivaire qui correspond au blocage incomplet et transitoire du
flux salivaire par une lithiase, avec gonflement prandial indolore de la glande durant une
dizaine de minutes ; la colique salivaire qui correspond à un arrêt complet du flux salivaire
par enclavement de la lithiase, le gonflement dure alors quelques heures et devient
douloureux. Le calcul peut alors se désenclaver spontanément avec disparition des
symptômes, ou rester bloqué avec transformation en sialite (submandibulite ou parotidite)
par infection de la salive par les germes de la cavité buccale. Il s’agit d’un tableau infectieux
franc avec une glande augmentée de volume, chaude, douloureuse, avec issue de pus à
l’ostium et souvent signes généraux tels que fièvre ou dysphagie.
La prise en charge commence toujours par le bilan échographique spécialisé [2] (taille et
position du calcul, degré d’infection, retentissement fonctionnel sur le parenchyme et les
canaux, degré d’inflammation au doppler couleur … ).
Un CBCT (Cone Beam Computerized Tomography) peut compléter le bilan surtout dans le
cas des lithiases submandibulaires antérieures dans le canal ou peu visibles en échographie.
Puis intervient le traitement médical de l’infection aigue basé sur une biantibiothérapie
(spiramycine et métronidazole à dose bactéricide), une corticothérapie et des antispasmodiques. Les sialogogues n’offrent que peu d’intérêt.
À noter qu’une antibiothérapie inadaptée ou insuffisante et la prise d’AINS (antiinflammatoires non stéroïdiens) ont tendance à abâtardir l’infection et à la chroniciser.
Les bains de bouche (par leur composante alcoolique ou mentholée) sont contre-indiqués car
ils sont responsables de spasmes de l’ostium du canal excréteur ayant pour effet une
majoration des symptômes.
Une fois l’infection guérie (ceci étant contrôlé par échographie), une sialographie doit être
réalisée. C’est un examen radiologique d’opacification canalaire consistant en l’injection d’un
produit radio-opaque (Hexabrix 320) par l’ostium. Elle se doit d’être indolore et atraumatique,
et est bien sûr totalement contre-indiquée en cas d’infection. Cette dernière permet de mieux
comprendre l’état du système canalaire et le retentissement de la lithiase sur ce dernier
(diamètre, existence de spasmes ou de sténoses associées et fonctionnalité de la glande lors
des clichés en évacuation) [3].
Après ce bilan complet, il faut envisager le traitement de la lithiase à proprement parler.
Historiquement, seuls les traitements chirurgicaux étaient utilisés. Ils consistaient
majoritairement en l’ablation complète de la glande par voie transcutanée. Cette chirurgie
n’était pas sans risque pour les structures avoisinantes telles que le nerf facial pour la glande
parotide ou le nerf lingual et le XII pour la glande submandibulaire. Par ailleurs, dans
l’immense majorité des cas la glande salivaire reste fonctionnelle malgré la présence d’une
lithiase, son ablation est donc un non-sens.
Le développement de la sialendoscopie et de la lithotripsie extra-corporelle (LEC) a permis
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une alternative à la chirurgie conventionnelle.
L’endoscopie des glandes salivaires (sialendoscopie) a pu être réalisée grâce aux progrès de
la technologie et à la fabrication de fibroscopes flexibles ultrafins de moins d’un millimètre
de diamètre et de pinces à panier miniaturisées de 0.3 à 0.8 mm de diamètre (Figures 12, 13 et
14). P. Katz a réalisé la première endoscopie mondiale en 1988 [4,5 et 6].
Les ablations de calculs sont actuellement réalisées à l’aide d’endoscopes ultra fins semirigides de 1.1mm de diamètre avec 2 canaux opérateurs (irrigation et instrumentation) sous
anesthésie locale après dilatation progressive de la papille par sondes de calibre croissant,
sous irrigation douce. L'endoscopie doit être pratiquée de la façon la plus douce et
atraumatique possible pour éviter toute perforation canalaire ou glandulaire.
Sur plus de 2000 endoscopies réalisées à l’Institut d’Explorations Fonctionnelles et
d’Endoscopie des Glandes Salivaires (I.E.F.G.S.), le taux de succès de la procédure est de
plus de 96,4%. [7]
La réussite repose sur l’indication. Idéalement, un canal perméable et de bon calibre, une
lithiase mobile et de taille inférieure à 4-5 mm et une glande fonctionnelle sont les meilleurs
pronostics pour une endoscopie. Si ces conditions ne sont pas toutes réunies, l’endoscopie
devra être pratiquée avec encore plus de précaution et de douceur, voire remise en question,
nous envisageons alors la seconde technique qu’est la lithotripsie extra-corporelle (LEC).
La lithotripsie extra corporelle (LEC) des calculs salivaires est désormais possible grâce à la
fabrication d'un matériel miniaturisé utilisant les ondes de chocs électromagnétiques de taille
et de puissance adaptées aux sialolithiases et permettant leur fragmentation sans lésions
glandulaires (Minilith SL-1 ®/ K. Storz).
Nous mettons en œuvre cette procédure depuis 1994 à l’Institut d’Explorations Fonctionnelles
et d’Endoscopie des Glandes Salivaires (I.E.F.G.S).
La séance de LEC est réalisée sans anesthésie sur un patient demi-assis, en l’absence de
troubles de l’hémostase. Elle débute par un repérage échographique de la lithiase, le centreur
du lithotripteur est alors correctement placé et le tir commence. L'onde de choc étant
extrêmement focalisée et son énergie adaptée aux calculs salivaires, les lésions sur les tissus
avoisinants sont réduites. Il est en effet évident qu’il n’est pas envisageable d’utiliser un
lithotripteur rénal pour la fragmentation des calculs salivaires.
En cas de nécessité de plusieurs séances, un délai de 3 à 4 mois est respecté entre chaque
fragmentation.
Les fragments s’évacuent spontanément avec la salive, ou sont retirés dans le canal excréteur
à l’aide de pinces miniaturisées, avec une assistance endoscopique quand cela est nécessaire.
(Figure 16, 17 et 18)
L’efficacité de la procédure est de 92% dans notre expérience sur plus de 1500 patients [8].
Sur les volumineuses lithiases du bassinet pour lesquelles le nombre de séance de LEC
nécessaire serait trop important, nous proposons une extraction de la lithiase par taille du
bassinet par voie endobuccale assistée d’endoscopie.
Il s’agit d’un geste conservateur de la glande réalisé sous anesthésie générale en ambulatoire,
bien toléré mais nécessitant un certain entraînement chirurgical en raison de la proximité du
nerf lingual.
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2- Pathologies infectieuses non lithiasiques
Des spasmes ou des sténoses des canaux évacuateurs peuvent créer les mêmes symptômes
que les lithiases. Il s’agit alors soit d’une vraie maladie sténosante avec des sténoses étagées
de tout le canal pour laquelle un traitement particulier par alpha-bloquants doit être instauré
[8,9], soit de simples petits spasmes de l’ostium dont l’étiologie est presque toujours le stress
ou la prise de bains de bouche alcooliques ou très mentholés. Les spasmes de stress avec
gonflement des glandes confirment bien l’expression populaire « avoir les boules » ou « avoir
les glandes ».
Dans certains cas une dilatation des sténoses sous endoscopie peut être envisagée.
Les oreillons sont une cause bien connue d’infection parotidienne virale, associé à d’autres
symptômes bien connus des pédiatres.
La parotidite récurrente juvénile (JRP) est une maladie du jeune enfant ou de l’adolescent
qui correspond à des infections bactériennes récurrentes d’une ou des deux glandes parotides,
évoluant vers une destruction inexorable du parenchyme glandulaire au fur et à mesure des
récurrences. Seul un lourd traitement prolongé par bi-antibiothérapie et corticothérapie permet
de résoudre les troubles, avec parfois la nécessité de désinfection in situ de la glande lors
d’une procédure de sialographie bien particulière [11]. La précocité de la prise en charge
adaptée est le seul facteur qui améliore le pronostic de cette maladie.
La parotidite pseudo-allergique est une entité particulière et souvent méconnue qui entraîne
une errance thérapeutique allant jusqu’à la consultation psychiatrique. Il s’agit de l’apparition
d’un gonflement parotidien uni ou bilatéral, parfois douloureux lors des prises alimentaires ou
des stimulations gustatives, mais surtout d’un prurit important des régions salivaires allant
jusqu’aux lésions de grattage et obligeant à l’arrêt de l’alimentation. Une prise en charge
médicamenteuse spécifique est indispensable.
PATHOLOGIES NON INFECTIEUSES ou SIALOSES
Il est commode de rassembler sous le terme de sialoses les affections chroniques salivaires qui
ne sont ni des affections infectieuses ni des tumeurs [12]. Elles entraînent une augmentation de
volume des glandes salivaires surtout parotides (parotidomégalie) associé à une dysfonction
(douleurs, gonflements).
Le traitement consiste en la prise en charge de la maladie générale mais l’injection intraglandulaire de toxine botulique peut s’avérer très efficace dans certains cas.
La maladie de Gougerot-Sjögren ou syndrome sec, maladie systémique auto-immune, elle
associe des atteintes des glandes salivaires principales (gonflements douloureux) et
accessoires (bouche sèche) à des atteintes articulaires, cutanées, ophtalmologiques ... Les
anticorps antinucléaires (anti-SSA et SSB) et la biopsie des glandes salivaires accessoires
établissent le diagnostic. La complication majeure est l’augmentation du risque de lymphome.
Une prise en charge en médecine interne doit s’associer à la prise en charge stomatologique.
Le diabète est souvent aussi associé à une parotidomégalie modérée.
Les sialadénoses alimentaires sont les plus fréquentes des sialoses et sont essentiellement
parotidiennes.
L’excès d’aliments riches en amidon (pain, pomme de terre) entraîne une hyperplasie
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modérée parotidienne.
L’alcoolisme induit une dystrophie salivaire, bilatérale mais indolore.
Les syndromes anorexigènes (anorexiques-boulimiques vomisseuses) déterminent (dans 20%
des cas environ) des parotidomégalies volumineuses, indolores, très inesthétiques et
traumatisantes chez ces jeunes femmes au visage par ailleurs très fin.
L’injection intra-glandulaire de toxine botulique sous contrôle échographique donne de bons
résultats esthétiques à condition que le trouble du comportement alimentaire soit pris en
charge en parallèle.
Les atteintes salivaires du VIH comportent aussi des hypertrophies bilatérales des parotides,
très inesthétiques, parfois douloureuses, avec dégénérescence lipomateuse au fil des années.
Les antirétroviraux mais aussi le virus en lui-même semblent responsables de ces surcharges
glandulaires. Il peut s’y associer des kystes lymphoépithéliaux, bénins, sans sanction
chirurgicale.
Là encore l’injection intra-glandulaire de toxine botulique améliore nettement les symptômes
mais aussi l’aspect esthétique, avec une vraie amélioration de la qualité de vie des patients en
modifiant un aspect facial devenu discriminatif.
Les séquelles parotidiennes d’iode 131 sont maintenant fréquentes en raison de
l’augmentation des cancers de la thyroïde. L’iode radioactif 131 (irathérapie) utilisé en
complément de la chirurgie possède une fixation salivaire, et notamment parotidienne à
l’origine d’une parotidite chronique avec dégénérescence scléreuse du parenchyme. Les
patients consultent alors pour douleurs, gonflements et souvent bouche sèche avec goût
métallique. Une connaissance de cette pathologie et un traitement précoce et adapté en
améliorent sensiblement les séquelles, notamment en stimulant l’évacuation salivaire des sels
d’iodes par un traitement à base de pilocarpine.
CONCLUSION
Les pathologies salivaires non tumorales sont extrêmement variées, parfois graves. Une prise
en charge spécialisée et précoce est indispensable.
Elle commence par un examen clinique et une échographie spécialisée auprès d’un spécialiste
de la pathologie salivaire.
Les traitements modernes comme la sialendoscopie, la lithotripsie extra-corporelle et
l’utilisation bien conduite de la toxine botulique permettent une prise en charge efficace et
conservatrice, ainsi l’indication d’ablation d’une glande salivaire pour une pathologie non
tumorale devient anecdotique, évitant au patient une chirurgie parfois lourde et ses séquelles.
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