Economie sociale et solidaire : entreprendre autrement
Proudhon (1809-1865) sera un observateur et un théoricien des initiatives de ce type
qui se retrouveront au sein d’une mouvance ouvriériste. Dans “ Qu'est-ce que la
propriété ?” il montre que seule la disparition du profit capitaliste et le crédit gratuit
mettront fin aux injustices sociales. Dès 1848, il cherchera à créer la première
banque solidaire avec son projet de “banque du peuple”.
Cependant, dans le même temps, d’autres forces sont à l’œuvre. Des mouvements
ouvriers de revendication se font jour débouchant sur la Révolution de 1848. Peu à
peu les ouvriers se sont structurés. En 1848, on compte plus de 10 000 associations
et 400 sociétés de secours mutuel en France.
Les thèses socialistes se développent et cherchent à inventer un modèle de
production où l’ouvrier ne serait plus exploité par les patrons. Le journal L'Atelier,
écrit « par des ouvriers pour des ouvriers » est créé en 1840, pour diffuser ces idées
socialistes et l’idée d’une maîtrise des outils de production par le collectif des
travailleurs.
En 1891, dans son roman L’argent, Emile Zola définit ainsi le collectivisme : « c'est la
transformation des capitaux privés, vivant des luttes de la concurrence, en un capital
social unitaire, exploité par le travail de tous… Imaginez une société où les
instruments de la production sont la propriété de tous, où tout le monde travaille
selon son intelligence et sa vigueur, et où les produits de cette coopération sociale
sont distribués à chacun, au prorata de son effort. Rien n'est plus simple, n'est-ce
pas ? ».
Cependant, à la fin du XIXème siècle, dans les pays industrialisés de l’Europe de
l’ouest, les thèses socialistes sont activement combattues et le capitalisme a pu
s’imposer à travers une stratégie d’intégration des outils sociaux proposés par le
monde ouvrier. En Allemagne, l’assurance maladie pour l’ensemble des ouvriers de
l’industrie est instaurée en 1883. En France, la loi Waldeck-Rousseau, du 21 mars
1884, légalise les syndicats.
L’entreprise est devenue plus sociale et solidaire. Les conditions de vie se sont
considérablement améliorées en un siècle et les revendications des classes
populaires se sont peu à peu déplacées vers la sphère du vivre ensemble hors de
l’entreprise.
[2bis]
L’économie solidaire trouve une traduction dans l’associationnisme qu’a connu la
société française à partir des années 1830 et qui s’est prolongé avec plus ou moins
d’intensité tout au long du XIXème siècle et au début du XXème siècle, avant le
développement de l’État social. Ce mouvement d’idées qui a donné lieu à un
foisonnement de pratiques était en effet porteur de trois propriétés fondamentales qui
servent aujourd’hui à définir l’économie solidaire : la volonté de promouvoir la
réciprocité comme principe économique dans l’organisation de la production et de la
distribution des richesses ; la volonté de créer des espaces publics de proximité dans
lesquels sont élaborés des projets marqués par des valeurs solidaires ; l’interdiction
d’appropriation du bénéfice par les sociétaires, autrement dit l’interdiction de
privatiser les plus-values fruit du travail collectif.
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En France, la loi du 1er juillet 1901, instaurant la liberté d’association, favorise le
développement d’une économie de partage s’appuyant sur le bénévolat.
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