
MEI "Médias Et Information" n°4 - 1996
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jugées comme nécessairement liées.
En résumant ces thèses et sans cari-
caturer, les hommes n’enterrent pas
leurs morts, ne chassent pas de
manière efficace, ne fabriquent pas
d’outils élaborés et ne maîtrisent
pas le feu avant l’avènement
d’Homo sapiens sapiens, c’est-à-
dire les homme de Cro-Magnon et
nous. Les sépultures
néandertaliennes sont mises en
doute. Les restes de foyer dans les
sites archéologiques révèlent bien
des traces de feu, mais son utilisa-
tion n’était pas maîtrisée. Les outils
possèdent bien des formes diverses,
mais elles sont imposées par la
nature des matériaux utilisés. Les
restes d’animaux correspondent à
des parties de carcasses obtenues
par charognage. Le langage
n’apparaît qu’avec les vrais Homo
sapiens, une condition nécessaire
pour l’évolution de l’ensemble des
activités humaines qui concrétisent
la maîtrise des hommes sur leur
environnement. On n'est pas loin
des «psychozoas».
Le langage se construit, entre autre,
sur les activités de chasse qui
auraient nécessité la communica-
tion par signes, la désignation
précise des proies, le suivi de traces,
les actions de visées pour atteindre
le gibier, la «lecture» des emprein-
tes, etc. Le langage se trouve
associé à l’expression de signes
tangibles (empreintes, traces, l’art)
qui évoquent l’écriture. Comme la
chasse ne concerne essentiellement
que les hommes, les mâles, on
apprécie les implications sexistes
derrière de telles conceptions, sans
imaginer la place des peuples
actuels qui ne possèdent pas
l’écriture. On retrouve avec effroi
les grades évolutifs de la fin du
siècle dernier qui servaient d’alibi
«scientifique» au colonialisme et au
refus du droit de vote pour les
femmes. De telle théories s’oppo-
sent aux données de l’archéologie
préhistorique. Elles sont plus
inspirées par des présupposés
théologiques, philosophiques et
parfois idéologiques que scientifi-
ques et ne méritent pas de
discussion supplémentaire.
Dans les articles les plus récents
consacrés à l’évolution du langage,
les auteurs aiment à distinguer deux
approches, celle des linguistes et
celle des paléontologues/
primatologues (voir pour exemple
Rubbins Burling, 1993). Les
premiers partent des caractéristiques
du langage des hommes pour, c’est
l’intention affichée, remonter dans
le passé. Évidemment, ils consta-
tent avec une sincère désolation
qu’on ne peut pas retrouver chez les
singes les prémisses du langage. Il
en a été dit de même pour la bipédie
pendant fort longtemps, mais on
arrive à proposer des hypothèses de
plus en plus précises. Il faut bien
reconnaître que trop de chercheurs,
même en paléoanthropologie,
butent sur des rubicons de toutes
sortes suivant le problème étudié,
parce que, justement, ils tentent de
reconstruire l’évolution à partir de
l’homme actuel, à rebours sur le
chemin de «l’hominisation». Une
des conséquences, c’est qu’on
rejette les Néandertaliens dans les
basses-fosses de l’évolution. On le
voit, il n’existe pas de dichotomie
fondamentale qui opposerait les
linguistes et les paléoanthro-
pologues, encore un autre rubicon