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AU PRISME DE LA CONDUITE DES CHANGEMENTS, LA TRANSFORMATION DES MÉTIERS
Un hiatus est à l’origine de cette étude. D’un côté, la révolution digitale promet une
transformation radicale des organisations, des modes productifs et du contenu du travail. Elle
nous rend incapable de dire "de quoi demain sera fait" et ne nous laisse d’autres certitudes
que de devoir nous transformer continûment sans cible clairement dénie. Savoir s’adapter
à ce nouvel environnement devient pour les entreprises une compétence particulièrement
critique. D’un autre côté pourtant, cette dynamique en cours est faiblement reconnue dans
les nomenclatures professionnelles. Les référentiels conçus pour baliser l’activité récurrente
et routinière peinent à saisir le travail de transformation que l’activité opère sur elle-même
dans l’émergence de nouveaux agencements productifs. La nomenclature des métiers de
l’assurance n’échappe pas à la règle qui voit sa structure et son contenu, quoique relativement
récents (2012), déjà interpellés par l’accélération des changements en cours.
La présente étude est une tentative de mieux saisir la part qu’occupe la conduite du
changement dans la transformation des métiers. En son sens le plus courant, la conduite du
changement est assimilée à une démarche processuelle et instrumentée : dans le cadre d’un
projet identié, pour un temps donné, des ressources et des expertises sont allouées jusqu’à ce
que le changement visé soit opéré. Cette acception à l’ère de la transformation numérique est
cependant bien trop restrictive. Pour de nombreux collaborateurs, la conduite de changements
constitue d’abord une activité. Celle-ci se déploie dans l’ordinaire de leur travail, sans que la
gestion d’un projet la rende nécessairement visible ou formalisée.
C’est donc en tant qu’activité que nous entendrons la conduite du changement dans la suite
de cette étude. Une activité singulière, distribuée dans le quotidien d’un très grand nombre
de collaborateurs. Une activité qui n’a pas d’affectation déterminée dans les agendas ni de
correspondances précises avec un ensemble de tâches bien dénies. Une activité qui pénètre
pourtant le travail au quotidien, à côté ou à la place d’autres activités. Autour d’elle, plusieurs
fonctions et métiers pourraient avoir à redénir leurs interventions et compétences jusqu’à des
dimensions essentielles de leur identité. Face à un phénomène tout à la fois omniprésent, et
d’une certaine façon négligé, l’étude vise à reconnaître – dans tous les sens de ce terme – les
manifestations et effets que la conduite du changement exerce sur les métiers. Par l’analyse
des évolutions passées et en cours il s'agit d'identier ses implications dans les contenus du
travail comme sur les compétences mobilisées.
Nous partirons des métiers pour identier dans leur transformation la part qui s’attache à la
conduite du changement. Trois groupes professionnels retiendront plus particulièrement notre
attention : l’organisation, les ressources humaines et la fonction management, qui plus que
d’autres métiers, sont particulièrement confrontés à ces dés.
La première partie de l’étude expose le "cheminement de la conduite du changement dans
l’assurance". Elle présente les conceptions qui, sur une trentaine d’années, ont jalonné
l’évolution de ses démarches. La deuxième partie, "quand la conduite du changement
transforme les métiers", examine par la focale de l’activité les mutations passées en cours ou à
venir des trois groupes professionnels sélectionnés. La troisième partie conclusive "émergence
et reconnaissance d'une activité", en souligne les enjeux comme la difculté d’appréhender
une évolution qui, au plus profond, dérange nos manières traditionnelles de penser.
A l’heure où les transformations digitales imposent de renouveler notre regard sur l’organisation
et le travail, nous espérons que cette reconnaissance contribuera à nourrir les réexions en
cours.
Paris, le 15 octobre 2015