ontusions et Plaies de l`abdomen - ceil@univ

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Contusions et Plaies de l’abdomen
Pr. K. Haddad
Service de chirurgie viscérale & oncologique. Hôpital Bologhine Ibn-Ziri. El Hammamet, Alger
1. Introduction
Les traumatismes abdominaux concernent 20 à 30 % des lésions observées en traumatologie (1). La
mortalité est élevée de l’ordre de 10 %. La présence d’un choc hémorragique majore le taux de
mortalité qui peut dépasser les 40 % (2). La prise en charge des traumatismes de l’abdomen s’est
modifiée à la faveur des traitements non chirurgicaux. Le développement des techniques d’imagerie
ont permis l’essor des traitements conservateurs. La prise en charge dépend de la présentation
clinique. L’existence d’un état de choc hémorragique et l’évaluation de sa gravité, vont guider la
stratégie thérapeutique.
Nous distinguons les traumatismes abdominaux fermés ou contusions et les traumatismes ouverts ou
plaies abdominales. Ils seront traités séparément
2. Définition et rappel anatomique
Le traumatisme abdominal se définit comme un traumatisme intéressant la région comprise entre
le diaphragme en haut et le plancher pelvien en bas, quel que soit le point d’impact.
La cavité abdomino-pelvienne est située au-dessous du thorax. Elle contient la plus grande partie
de l’appareil digestif et de l’appareil génito-urinaire.
Ses parois en grande partie musculaires sont fixées sur un squelette osseux représenté :


En haut par le rebord costal inférieur,
Plus bas par le segment lombaire de la colonne vertébrale, encore plus bas par la
ceinture pelvienne
Un ensemble de formations musculaires complète le cadre osseux et le transforme en une cavité
presque close :


En arrière ce sont les muscles spinaux, psoas et carré des lombes
Latéralement, les muscles larges de l’abdomen (grand oblique, petit oblique et
transverse)
 En avant, les muscles grands droits, en haut le diaphragme
 En bas, le plancher pelvien.
La division anatomique sépare l’abdomen en neuf régions permettant de suspecter l’atteinte de
certains organes selon l’examen clinique (Fig. 1).
K. Haddad
Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
Figure 1 : division anatomique et clinique de la cavité abdominale
3. Le concept de « Trauma system » américain (3)
La prise en charge des traumatisés a été transformée à l’occasion de différents conflits armés
du XXeme siècle. La qualité des soins dispensés aux blessés civils dans les années 1960 était
inférieure à celle qui était reçue par les blessés des champs de bataille. Cette organisation
militaire a été alors transposée à la vie civile. Au Vietnam, le temps d’évacuation des blessés
n’excédait pas 35 minutes et l’environnement hostile des zones de combat rendait la
médicalisation précoce des victimes inadaptée. Le système civil mis en place aux États-Unis
reprend ce principe jugeant que le temps d’évacuation prime tout autre paramètre et que
l’accueil des blessés doit être réalisé dans un centre capable de traiter de façon définitive les
lésions.
En 1976, l’American College of Surgeon édite un référentiel comprenant les critères de
désignation des trauma centers, ainsi que son articulation au niveau régional avec la création
de réseaux de soins appelés « Trauma system ». Les blessés sont orientés dans le trauma
centers de différents niveaux en fonction d’une procédure de triage simple appliquée par un
personnel paramédical. Entre la fin des années 1970 et le début des années 2000, la mise en
place d’un « Trauma system » dans chaque état américain fut progressive. En 2002, 35 états
disposent d’une organisation formalisée avec 1154 trauma centers adultes.
L’évaluation de ce système montre une diminution de la mortalité. Sur une période de sept
ans, ils ont observé une réduction de la mortalité de 35 % chez les patients admis dans une
filière de soins reconnue comme « Trauma system».
4. Les contusions abdominales
Une contusion abdominale est définie comme un traumatisme fermé, sans solution de continuité de
la paroi abdominale.
Les principales causes des traumatismes abdominaux graves sont, dans la majorité des cas, les
accidents de la circulation, suivie par les chutes de grandes hauteurs, les accidents sportifs et les
accidents de travail.
K. Haddad
Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
Les traumatismes dus aux accidents de la circulation constituent un problème de santé publique
mondiale majeur. On estime à près de 1,2 million le nombre de personnes qui meurent chaque année
dans des accidents de la circulation dans le monde (4). La vitesse est le principal déterminant de la
sévérité des lésions.
4.1. Mécanismes lésionnels
Les trois principaux mécanismes mis en causes sont :



Le choc direct
La décélération brutale
Le blast (ensemble des lésions organiques provoquées par l’onde de choc d’une
explosion).
Les chocs directs provoquent une contusion des organes en regard de la zone de contact. Les chocs
antéropostérieurs ou latéraux sont responsables de contusions des organes pleins (foie, rate, rein,
pancréas). Les organes creux sont plus sensibles à une compression entre la paroi musculaire
antérieure et la paroi postérieure (rachis).
La décélération brutale entraîne un mouvement asynchrone des organes pleins, lourds et pédiculés.
Les mouvements provoquent une traction sur les pédicules jusqu'à la rupture.
4.2. Diagnostic
4.2.1. Examen clinique
À l’accueil du traumatisé, l’interrogatoire s’attache à analyser le contexte et le mécanisme de
l’accident (ceinture, airbag, lieu d’impact, etc..). Ces éléments d’orientation sont à préciser si le
blessé est conscient. Si le blessé est inconscient, il faut interroger les témoins de l’accident ou le
personnel chargé de recueil du traumatisé (pompiers, SAMU, policier…).
L’existence de signes de choc hémorragique (pâleur cutanéo-muqueuse, pouls filant, froideur des
extrémités, tension artérielle basse, agitation) nécessite des mesures de réanimation urgentes.
On recherchera l’existence d’une ecchymose au point d’impact ou sur le trajet de la ceinture de
sécurité. La présence d’une distension abdominale est évocatrice d’une hémopéritoine ou d’un
pneumopéritoine. Un traumatisme du thorax avec fracture des côtes basses fera rechercher une
lésion hépatique ou splénique.
L’examen du périnée doit être réalisé. Une hématurie macroscopique fera évoquer une lésion de
l’arbre urinaire. Une urétrorragie associée à un globe vésical contre-indique un sondage uréthral. En
effet, une fracture du bassin s’associe à une rupture de l’urèthre membraneux dans 5 % des cas.
L’examen clinique permet de rassembler un certain nombre d’arguments en faveur de l’atteinte
péritonéale ou rétro péritonéale mais ne permet pas en général de poser un diagnostic.
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Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
4.2.2. Examens d’imagerie
Le bilan morphologique est orienté en fonction de l’état hémodynamique du traumatisé. Le bilan
de première intention comprend : une radiographie du thorax, une échographie abdominale et une
radiographie du bassin.
4.2.2.1. Radiographies
La radiographie du thorax permet de mettre en évidence la présence d’un pneumothorax ou d’un
hémothorax compressif à drainer en urgence.
La radiographie du bassin a un intérêt qu’en cas de choc hémorragique. En effet, la mise en
évidence d’une fracture du bassin associée à un choc hémorragique permet d’évoquer l’existence
probable d’un hématome rétro péritonéal.
4.2.2.2. Échographie abdominale (FAST écho)
Décrite depuis les années 1970 pour l’évaluation des traumatismes abdominaux (5), l’échographie
abdominale de type FAST (focus assessment with sonographie for trauma) s’est largement imposée
comme outil de triage dans les centres de traumatologie en Europe et aux états unis (6). Elle est
décrite pour répondre à une question : hémopéritoine ? oui ou non. La FAST est pratiquée par des
non-radiologues après une courte formation. L’amélioration de la prise en charge des traumatisés en
pré hospitalier a permis à des unités mobiles de réanimation d’être équipées d’échographes portables
permettant parfois un diagnostic pré hospitalier.
En milieu hospitalier, l’échographie abdomino-pelvienne permet de :



Rechercher un épanchement intra péritonéal (hémorragique)
Détecter et de localiser les lésions parenchymateuses (foie, rate, rein…)
Rechercher des lésions vasculaires, lorsqu’elle est couplée au Doppler.
4.2.2.3. Tomodensitométrie (TDM)
La TDM abdomino-pelvienne est la méthode d’imagerie de choix dans l’exploration de l’abdomen
en urgence. La TDM corps entier est devenue l’examen de référence dans le bilan lésionnel des
traumatismes abdominaux et notamment chez le polytraumatisé. Elle est réalisée sans et avec
injection d’un produit de contraste (si pas d’insuffisance rénale). Il s’agit d’un examen moins
opérateur dépendant et peut-être interprété par d’autres médecins. En termes de performance, une
TDM normale constitue un argument en faveur de l’absence de lésions significatives.
Au plan abdominal, la TDM permet de :




Quantifier un hémopéritoine
Visualiser un pneumopéritoine
Caractériser la sévérité du traumatisme de chaque organe
Mettre en évidence des extravasations artérielles du produit de contraste, au temps
précoce.
Dans les centres disposant d’un service de radiologie interventionnelle, une proposition
d’embolisation est alors discutée, permettant l’arrêt du saignement.
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Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
À partir des données de la TDM, la classification proposée par l’Américan Association for the
Surgery of Trauma (AAST) est largement utilisée par toutes les équipes prenant en charge des
traumatisés. L’Abbreviated injury scale (AIS) graduent de 1 (atteinte bénigne) à 5 (atteinte
maximale), voir à 6 (avulsion complète de l’organe) les lésions de chaque organe.
4.2.3. La ponction lavage du péritoine (PLP)
La PLP est un examen simple décrit par Root et al en 1965 (7). La PLP était pendant de
nombreuses années l’examen de référence dans le diagnostic des lésions intra-abdominales,
essentiellement l’hémopéritoine. Elle présente une sensibilité de 95 % et une spécificité de 99 %
dans le diagnostic des hémopéritoines. La technique comprend (Fig.2):
 Courte incision médiane sous ombilicale sous A/L
 Introduction cathéter intra péritonéal
 Instillation de 500 à 1000 ml de sérum physiologique
 Recueil du liquide par déclivité
En termes de performances, la pratique de la PLP est remise en cause par de nombreuses équipes
depuis l’avènement de l’échographie et de la TDM. En l’absence d’un plateau technique d’imagerie,
la PLP reste un moyen diagnostic performant.
Figure.2 : Technique de la PLP
L’interprétation des résultats est fonction de l’analyse du liquide (Tab.1).
Interprétation des résultats de la PLP
Aspiration d’au moins dix ml de sang
PLP positive
Spontanément ou à la simple pression de l’abdomen
PLP négative
Liquide parfaitement clair
Liquide rosé ou douteux
Faire un examen cytobactériologique du liquide:
-
PLP positive si
GR > 100 000 ml
Ou GB > 500 ml Ou
Ou
amylase > 175 UI ml
présence de bilirubine Ou présence de germes,
Ou particules alimentaires
Tableau.1 : interprétation des résultats de la PLP
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Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
4.3. Stratégies thérapeutiques
La prise en charge du traumatisé de l’abdomen fait appel à une équipe multidisciplinaire. Elle
comprend des réanimateurs, chirurgiens, radiologues. De plus, l’optimisation de la prise en charge
est fondée sur l’organisation des filières de soins. La prise en charge d’un traumatisme grave de
l’abdomen débute depuis le lieu de l’accident jusqu’à son arrivée dans une structure hospitalière.
Nous étudierons uniquement l’étape hospitalière
4.3.1. Réanimation
La réanimation a pour objectifs :

Le traitement d’un état de choc ou la prévention d’un état de choc latent. Il vise à
maintenir ou à rétablir les fonctions vitales :
–
–
–
Le maintien de la fonction respiratoire. Celle-ci peut nécessiter une
ventilation assistée, s’il existe une détresse respiratoire ou un état
hémodynamique instable.
Le maintien de la fonction cardio-circulatoire. La correction d’un état de
choc hypovolémique ou d’une hypovolémie persistante est essentielle. La
surveillance clinique est réalisée par la mesure de la
pression artérielle
(PA), de la fréquence cardiaque (FC), de la pression veineuse centrale
(PVC) et de la diurèse.
La lutte contre l’hypothermie: Elle est définit par une température centrale
inférieure à 35 º. Elle est liée aux conditions de l’accident, du transport, et
des remplissages massives. Elle entraîne une diminution de la PA, une
diminution de la FC, des troubles du rythme cardiaque. Elle diminue le
niveau fonctionnel du système nerveux central. Elle provoque des troubles
de l’hémostase. La correction de l’hypothermie est impérative. Il s’agit
d’un facteur incitant à limiter les gestes chirurgicaux.
Différents stades cliniques de gravité au cours d’un état de choc hémorragique ont été proposés.
(Tab.2).
Tableau.2 : Classification de l’Advanced Trauma life Support de l’Américan college of surgeons (8)
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De plus, il faut savoir que chez un traumatisé grave de l’abdomen, ayant reçu des transfusions
massives, les effets délétères de la coagulopathie, de l’acidose, de l’hypothermie sont conjugués.
Cette triade est à l’origine des principes du « trauma damage control ». L’objectif principal est
l’arrêt de l’hémorragie (fig.3).
Trauma damage control
Acidose
Hypothermie
Saignement
Coagulopathie
Figure 3 : représentation schématique de la triade hypothermie, acidose, coagulopathie
4.3.2. Critères de choix pour décider d’une laparotomie en urgence ou d’un traitement conservateur
En pratique clinique, ce choix est fonction de l’état hémodynamique du blessé.
4.3.2.1. Patient admis avec un état hémodynamique instable

5 % des patients atteints d’un traumatisme abdominal sont admis dans un état
grave En pratique, tout blessé présentant une contusion abdominale et à l’arrivée
des signes évocateurs d’hémopéritoine décompensé (distension abdominale, pâleur
conjonctivale, tachycardie, hypotension sévère) imposent une laparotomie
d’urgence associée à des mesures de Réanimation. La laparotomie écourtée ou
« Damag control » est peut-être alors nécessaire à ventre ouvert.
 Laparotomie écourtée ou Damag control
Historiquement, il s’agit d’un terme de marine (Navy) qui signifie le « Contrôle d’une situation
catastrophique en urgence afin de garder le navire à flot en état de navigation ». Sur le plan médical
et chez un patient polytraumatisé au pronostic vital immédiat engagé, elle désigne l’ensemble des
manœuvres utilisés pour permettre plus que tout, la survie du patient polytraumatisé.
Elle ne se conçoit que chez un patient avec un état de choc hémorragique grave. Les mesures de
réanimation sont essentiels et constituent le pilier de la prise en charge. L’objectif principal demeure
l’arrêt du saignement. Celui-ci ne peut être obtenu que par une laparotomie d’urgence.
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
Technique chirurgicale
La voie d’abord est une incision xypho-pubienne. Un bilan rapide permet de repérer
l’origine du saignement. Les lésions seront traitées en fonction de l’organe lésé. Le but
est d’obtenir l’hémostase. La chirurgie reconstructrice est réalisée dans un second
temps. Dans la laparotomie écourtée, une fois l’hémostase obtenue, la fermeture
pariétale doit être rapide et sans tension (fig.4) .
En l’absence de complications, la réintervention programmée est possible pour deux
tiers des patients. Le délai moyen se situe entre 24 à 48 heures après l’intervention
initiale. Dans le cadre de la laparotomie écourtée, le taux de mortalité se situe entre 30
et 50 % (9).
Figure 4 : Laparotomie écoutée : technique de traitement en deux temps d’un traumatisme
Digestif (10)
4.3.2.2. Patient admis avec un état hémodynamique stable
Plus de 90 % des patients atteints d’un traumatisme abdominal présentent un état
hémodynamique stable à leur arrivée. Les scores de gravité, utilisés en réanimation,
permettent de chiffrer le degré de sévérité.
La prise en charge du traumatisé stable s’est modifiée au cours des deux dernières décennies.
L’attitude non opératoire est actuellement retenue, quel que soit l’organe atteint sous certaines
conditions. Cette attitude a entraîné une amélioration du pronostic global. Cependant,
l’indication différée d’une embolisation artérielle voir d’une chirurgie différée peut être
posée. C’est dire que le choix d’une attitude non opératoire ne se conçoit que dans des
centres spécialisés. La surveillance doit être réalisée dans un milieu chirurgical.
L’embolisation artérielle, lorsqu‘elle est possible, permet de diminuer les transfusions et les
laparotomies (11). Si elle précoce la probabilité de l’arrêt du saignement est plus élevé.
5. Les plaies abdominales
Une plaie abdominale est définie comme un traumatisme ouvert avec une solution de continuité de la
paroi abdominale. On parle de plaie non pénétrante lorsque la plaie siège uniquement dans la paroi
sans franchissement du péritoine. Par contre, une plaie est dite pénétrante, lorsque le péritoine est
franchit avec ou sans lésion viscérale.
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La plaie abdominale correspond soit à un orifice d’entrée soit à un orifice de sortie. Si le trajet de la
plaie est constitué de plusieurs régions anatomiques, on parle de plaie thoraco-abdominale,
abdomino-pelvienne, lombo-abdominale etc.
Il faut distinguer les plaies par arme à feu et les plaies par arme blanche. Les armes blanches
provoquent des plaies punctiformes ou linéaires avec un trajet le plus souvent direct. Par contre, les
armes à feu associent plusieurs mécanismes lésionnels selon le type d’arme, le calibre, la munition et
la vitesse du projectile. L’incidence des lésions intestinales est de 80 % en cas d’armes à feu et de 30
% en cas d’arme blanche (12). Aux États-Unis, les plaies de l’abdomen représentent 40 % des
traumatismes abdominaux dont plus de 50 % sont dus à des plaies par arme à feu. À l’inverse en
France, les plaies de l’abdomen représentent 10 à 15 % des traumatismes abdominaux.
5.1. Examen clinique
L’examen clinique doit apprécier en premier l’état hémodynamique du blessé. Il faut rechercher les
signes de choc hémorragique ou de péritonite qui conduisent vers une laparotomie d’urgence.
L’examen physique est réalisé sur le corps entier, à la recherche d’autres points d’entré ou de sortie.
En effet, lors d’agression, il peut exister des points d’entrés multiples. L’examen cardiopulmonaire
ne doit pas être négligé car des lésions thoraciques peuvent être associées. Le caractère pénétrant de
la plaie abdominale doit être précisé.
Le caractère pénétrant de la plaie est parfois évident :




Extériorisation d’une anse intestinale
Extériorisation d’épiploon
Hémopéritoine abondant
Issu de liquide digestif par l’orifice d’entré ou de sortie.
5.2. Traitement des plaies abdominales
En pratique clinique deux tableaux peuvent être distingués selon l’état hémodynamique du blessé.
4.2.1. Patient admis avec un état hémodynamique instable
L’intervention chirurgicale doit se faire en extrême urgence chez le blessé, en état de choc
hémorragique grave. Le but est d’arrêter l’hémorragie. La laparotomie médiane est de principe. Un
bilan lésionnel est réalisé rapidement, à la recherche d’une lésion parenchymateuse ou vasculaire. Le
foyer hémorragique est individualisé et l’hémostase est effectuée. En fonction de l’état
hémodynamique et de sa prise en charge par les réanimateurs, les réparations viscérales seront
effectuées selon les règles, du « Damage control ».
4.2.2. Patient admis avec un état hémodynamique stable
Le dogme de la réalisation d’une laparotomie systématique devant toute plaie abdominale n’est plus
admis. Plusieurs séries ont rapporté un taux élevé de laparotomies blanches, entre 50 % et 80 % (13).
De ce fait, le caractère pénétrant ou non de la plaie abdominale doit être précisé, chez un patient à
l’état hémodynamique stable.
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Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.

Quel type d’exploration à la recherche d’une pénétration ou non d’une plaie
abdominale ?
Même si la tomodensitométrie (TDM) est l’examen de référence en traumatologie abdominale ses
performances à la recherche de la pénétration ou non est faible. La plupart des équipes s’accordent
depuis quelques années sur la haute valeur diagnostique apportée par la laparoscopie pour faire la
preuve du caractère pénétrant ou non d’une plaie abdominale(14). Elle est supérieure à l’exploration
sous anesthésie locale.
6. Traumatismes spécifiques
6.1. Traumatismes spléniques
6.1.1. Généralités
La rate est l’organe abdominal plein, le plus souvent atteint lors des traumatismes fermés de
l’abdomen. Le diagnostic clinique est évoqué devant : une douleur de l’hypochondre gauche associée
à un état de choc hémorragique. Le diagnostic est plus ou moins certain lorsqu’il existe des fractures
des dernières côtes gauches.
Depuis plusieurs années, le risque d’infection fulminantes à fait décroître le nombre de splénectomie
par traumatisme. Le traitement non opératoire a pris une place essentielle dans la prise en charge des
traumatismes de la rate.
6.1.2. Classification
La tomodensitométrie (TDM) réalisée chez un patient stable ou stabilisé permet de quantifier
l’hémopéritoine et de proposer une classification lésionnelle basée sur l’anatomie des lésions. La
classification la plus utilisée est celle de l’American Association for the surgery of trauma (AAST)
ou classification de Moore (fig.5).
6.1.3. Traitement
Le traitement conservateur a pris une place croissante. Les conditions pour la réalisation d’un
traitement conservateur sont :
 Patient à l’état hémodynamique stable, sans suspicion de péritonite
 Lesion splénique isolée
 Possibilité d’un bilan initial par une TDM
 Lésions spléniques de grade 1, 2, ou 3 à la TDM
 Indication d’un traitement conservateur posé par un chirurgien viscéral
 Présence d’une équipe chirurgicale pouvant à tout moment réalisée une chirurgie d’urgence
 Possibilité de surveiller le patient en réanimation
les indications d’une intervention d’urgence :


Instabilité hémodynamique
Lésions de grade 5
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Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
Pour les patients opérés dans les conditions favorables, les techniques chirurgicales de conservation
splénique peuvent être utilisées (filet péri splénique, splénectomie partielle).
Le risque d’infection fulminante post splénectomie, impose de vacciner les patients contre le
pneumocoque et hémophilus influenza. Il est également recommander d’instituer une
antibioprophylaxie pendant une durée prolongée.
Figure 5 : Classification des traumatismes de la rate (AAST).
6.2. Traumatismes hépatiques
6.2.1. Généralités
Les traumatismes hépatiques représentent environ un tiers des traumatismes abdominaux.
Les mécanismes des fractures hépatiques sont multiples. Par ordre de fréquence, nous distinguons :
 Les compressions directes
 Le cisaillement dans l’axe du ligament falciforme et du ligament rond
 L’avulsion hépatique lors d’une brusque décélération avec arrachement des veines sus
hépatiques
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6.2.2. Classification
La classification des traumatismes hépatiques, selon les critères de l’AAST, est la plus utilisée
(fig.6).
Figure 6 : Classification des traumatismes hépatiques
6.2.3. Traitement
Les traumatismes hépatiques sont graves. La mortalité actuelle est estimée à 4 % dans les lésions de
grade 3 et de 12 % dans les lésions de grade 5 de la classification de Moore (15).
Lorsque les lésions sont découvertes en per opératoire, les gestes à réaliser sont limités au maximum.





Aucun geste ne doit être réalisé en présence d’une lésion qui ne saigne plus
Les petites fractures hépatiques seront traitées par tamponnement, électrocoagulation..
Les sutures traumatiques sont à éviter
Les résections hépatiques sont exceptionnelles car greffées d’une mortalité importante
Les gros points de rapprochement hépatiques ne sont plus réalisés
« Le Packing hépatique » est de loin la technique la plus utilisée. Il s’agit d’un tamponnement péri
hépatique qui permet le contrôle de l’hémorragie hépatique dans la majorité des cas. En tassant
autour du foie des champs ou des grandes compresses, le foie est comprimé vers le haut et contre le
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diaphragme (Fig.7). la fermeture abdominale se fait champs en place et la réanimation du patient
peut être poursuivie. Une seconde intervention est réalisée entre la 24 h et la 72 h afin d’ôter les
champs et de rajouter un geste complémentaire si besoin.
Figure 7 : Tamponnement péri hépatique lors d’un traumatisme du foie
Ce procède simple a permis de modifier le pronostic des traumatismes graves du foie. D’autant plus,
que ce geste permet de transférer au besoin, le patient vers un centre spécialisé.
6.3. Traumatismes pancréatiques
6.3.1. Généralités
Les lésions pancréatiques observées en cas de traumatisme abdominal sont estimées entre 3% et 12
%. La rareté des atteintes pancréatiques peut s’expliquer par la localisation profonde de l’organe.
Mais le plus souvent, l’atteinte pancréatique est associée à des lésions d’autres organes. Il s’agit du
duodénum et de la rate.
Les accidents de la circulation ainsi que la classique chute à vélo ou à moto avec un impact du
guidon dans l’abdomen et fracture pancréatique corporéale, sont le plus souvent en cause.
6.3.2. Diagnostic
Le diagnostic clinique est difficile. Le tableau clinique peut varier du patient asymptomatique vers le
syndrome péritonéal franc. La gravité clinique est liée à l’atteinte du canal de Wirsung. L’utilisation
du taux sérique des enzymes pancréatiques n’est ni sensible ni spécifique. Seule l’imagerie est
essentielle au diagnostic de contusion pancréatique. La TDM apporte des réponses à la suspicion
clinique. Cependant, il existe des faux négatifs les premières heures du traumatisme. Il faut la
renouveler quelques heures plus tard.
L’atteinte du canal de Wirsung a une valeur pronostic essentiel. Dans ce cas, l’imagerie par
résonance magnétique (IRM), examen non invasif permet de faire le diagnostic. Elle est devenue une
alternative à la cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE). Dans certains centres
spécialisés, la CPRE garde une place en urgence. Elle permet de faire le diagnostic de l’atteinte du
Wirsung et mettre en place une endoprothèse.
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6.3.3. Classification
La classification utilisée des atteintes pancréatiques est celle par l’AAST (Tab.3).
Tableau 3 : Classification des traumatismes pancréatiques
6.3.4. Traitement
Traitement non opératoire initial
La mise en évidence précoce d’une atteinte du canal de Wirsung chez un blessé non opéré, justifie la
mise en place d’une prothèse endo canalaire par voie endoscopique. Quel que soit le siège de la
lésion, ce geste a produit des résultats satisfaisants.
Si la mise en place d’une endoprothèse est impossible, une alternative est possible. En premier lieu,
un traitement médical et une surveillance en milieu chirurgical sont recommandés. Le traitement
médical comprend un apport hydro électrolytique, des antalgiques et l’administration d’octéotride®.
Celui-ci a pour but de diminuer la sécrétion exocrine pancréatique. La survenue d’un pseudokyste
pancréatique est observée chez 80 % des patients présentant une atteinte du canal de Wirsung.
En second lieu, si une atteinte du pancréas gauche est suspectée, une laparotomie exploratrice est
indiquée. La découverte d’une atteinte pancréatique à gauche des vaisseaux mésentériques, et si les
conditions locales le permettent, une splénopancréatectomie gauche ou une pancréatectomie gauche
est indiquée.
Traitement chirurgical d’emblée
Si une laparotomie est décidée d’emblée, une exploration chirurgicale du pancréas est réalisée. Une
lésion pancréatique de classe un et deux seront traitées par un simple drainage. Pour les lésions de
classe 3 la plupart des auteurs proposent une pancréatectomie distale. Les lésions de classe quatre
sont traites par un drainage suivi par une CPRE. En cas d’atteinte du canal de Wirsung une prothèse
est mise en place. La duodénopancréatectomie céphalique (DPC) réalisée en urgence, en cas de
K. Haddad
Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
lésions massives de la tête du pancréas et du duodénum est greffée d’une mortalité élevée entre 30 et
35 %.
6.4. Traumatismes des viscères creux
6.4.1. Généralités
Au cours des contusions de l’abdomen, les traumatismes des viscères creux s’observent dans 5 %
des cas (16). Les lésions de l’intestin grêle sont le plus souvent observées suivies par les lésions du
colon. Chez les patients atteints d’une plaie de l’abdomen non pénétrante et stable, le risque de
survenue d’une lésion d’un viscère creux est de 30 % avec la nécessité d’un geste thérapeutique dans
15 % des cas. La précocité du diagnostic et du traitement des lésions intestinales est un facteur
pronostic essentiel. En cas de perforation isolée de l’intestin grêle, la mortalité est de l’ordre de 6 %,
alors que celle des lésions coliques est estimée à 19 %.
Les mécanismes lésionnels au cours des contusions de l’abdomen sont :



Écrasement de l’organe par un point d’appui externe
Avulsion et déchirure
Hyperpression Intraluminale
6.4.2.Diagnostic
Le diagnostic clinique est évident lorsqu’il existe des signes de péritonite. Mais le plus souvent,
l’examen clinique initial est difficile. Dans ces cas, il faut savoir le répéter une à deux heures plus
tard. Le signe de la ceinture de sécurité est un élément d’orientation (fig.8). La présence de ce signe
multiple par huit le risque d’une lésion intra abdominal et par 2,4 le risque de rupture de l’intestin
grêle. L’ASP peut montrer la présence d’un pneumopéritoine. Cependant l’absence d’un
pneumopéritoine ne permet pas d’éliminer une lésion d’un viscère creux. La TDM peut faire défaut
pour le diagnostic précoce des lésions digestives. La PLP peut être utilisée. Le diagnostic est évident
lorsqu’elle met en évidence un liquide digestif. La cœlioscopie exploratrice est une alternative à la
recherche d’une lésion d’un viscère creux.
6.4.3. Traitement
Chez un patient à l’état hémodynamique stable ou stabilisé, un bilan complet doit être réalisé. Une
suspicion forte d’une lésion d’un viscère creux impose une laparotomie d’urgence.
Le traitement chirurgical des lésions gastriques et de l’intestin grêle, privilégie les réparations
immédiates (suture simple, résection anastomose). Le traitement des lésions coliques est controversé.
Cependant, l’attitude a évolué vers les réparations immédiates au détriment des dérivations externes.
(Colostomies). Les colostomies sont indiquées chez les patients présentant un risque élevé de fistule
digestive. Ce sont les patients avec :



Lésions importantes du colon
Lésions associées sévères
Comorbidités significatives et instabilité hémodynamique.
K. Haddad
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A
B
Figure.8 : Dermabrasion sur le trajet de la ceinture de sécurité (seat belt sign)
7. Conclusion
La qualité de la prise en charge des patients présentant un traumatisme de l’abdomen, dépend de la
pluralité des intervenants. La fiabilité doit être continue, de chacun des maillons de la chaîne de
soins, du pré hospitalier jusqu’au bloc opératoire ou de la réanimation. La gravité immédiate des
traumatisés de l’abdomen est liée à l’existence d’un choc hémorragique. la stratégie de prise en
charge dépend de la stabilité de l’état hémodynamique. Les attitudes thérapeutiques sont de plus en
plus conservatrices, du fait du développement des techniques d’imagerie, en particulier l’artérioembolisation. Les traitements conservateurs ne se conçoivent que chez les patients stables ou
stabilisés.
8. Bibliographie
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K. Haddad
Service de chirurgie viscérale et oncologique. Hôpital Bologhine. Bainem. Alger.
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