Émissions d’obligations rachetables :
motivations et rendements obligataires impliqués
Maxime D
EBON
Franck
M
ORAUX
Patrick N
AVATTE
Universi d’Evry
1
Université de Rennes 1
Université de Rennes 1
& LAREM
& CREM
& CREM
Octobre 2011
Abstract
Après avoir rappelé les différentes motivations conduisant l’émetteur à intégrer une clause de
remboursement anticipé, cet article étudie de manière empirique l’incidence des clauses de rachat
classique et « make-whole » sur les rendements obligataires. Dans notre échantillon, les obligations
rachetables munies d’une clause classique et « make-whole » ont un rendement actuariel moyen
respectivement supérieur de 155 et 21 points de base par rapport à leur homologue standard. À l’aide
de plusieurs régressions, nous montrons que la présence d’une clause classique induit une prime de
rendement, alors que l’influence de la clause indexée s’exerce en considérant les autres
caractéristiques de la dette émise.
JEL Classification: G12, G17, G34
Lorsque les directeurs financiers d’entreprise souhaitent intégrer une option de remboursement
anticipé à l eur émission obligataire, deux types de clause de rachat (au gré de l’émetteur) sont
aujourd’hui à leur disposition. La première clause, dite classique ou r égulière (pour regular call
1 Correspondance : Université d'Évry-Val-d'Essonne, Bâtiment de la Poste, 2, rue du Facteur
Cheval - 91025 Évry Cedex. Par courrier électronique : maxime.debon@univ-evry.fr.
1
provision ou RC), fixe à la signature du contrat toutes les conditions du rachat et notamment le prix.
Les investisseurs sont ici susceptibles d’être remboursés avant l’échéance théorique de la dette selon
des termes fixés à l ’avance, et par voie de conséquence, sans tenir compte du contexte de taux
d’intérêt qui prévaudra au moment du r emboursement anticipé. La seconde clause que nous
appellerons « englobante » dans la suite (pour make-whole call provision ou MWC) prévoit des
modalités de rachat qui varient selon le contexte de taux d’intérêt au moment du remboursement. Ces
deux clauses coexistent sur le marché obligataire, elles possèdent donc leur intérêt propre.
L’objet de cet article est d’exposer les motivations d’usage de chacune puis d’analyser si la
présence de la clause modifie les rendements actuariels exigés par les investisseurs. 40% des
obligations d’entreprises américaines sont assorties d’une clause de rachat dans l’étude de Nayar et
Stock (2008). Les raisons poussant les entreprises à inclure une option de remboursement anticipé
sont multiples et de nature stratégique. Pour résumer, la clause de rachat offre essentiellement de la
flexibilité managériale. Cette flexibilité permet d’abord d’ajuster la structure du capital aux
conditions de financement changeantes qui s’appliquent à l’entreprise. C’est ainsi un outil très
efficace pour optimiser le coût de la dette et gérer le risque de taux d’intérêt (cf. Güntay et al., 2004).
Le refinancement de la dette à un taux de rendement moindre est évidemment une des motivations
les plus courantes à l’inclusion d’une clause de rachat. La clause permet, ensuite, un m eilleur
ajustement de la structure de capital aux caractéristiques et propriétés des actifs, investissements et
revenus de l’entreprise. On peut ainsi réduire le risque d’insolvabilité et saisir plus facilement des
opportunités d’investissement. Enfin, comme le soulignent Barnea et al. (1980), la clause de rachat
permet de traiter certains problèmes d’agence, en limitant les tendances aux sur- et sous-
investissement par exemple.
La présence d’une clause de rachat n’est pas anodine, elle peut influencer la tarification de la dette
et la rémunération des créanciers. Selon les caractéristiques de la clause, le remboursement antici
peut en effet créer un manque à gagner pour les investisseurs. En cas de rachat anticipé d’une
2
obligation munie d’une clause classique en période de baisse de taux d’intérêt, les investisseurs
subissent clairement un coût d’opportunité. Ce risque de replacement est évidemment pris en compte
dans la rémunération exigée et accordée aux créanciers lors de la signature. On doit s’attendre à
trouver dans ces obligations une « prime » additionnelle au rendement d’une obligation en tout point
similaire mais non-rachetable (cf. Ederington et Stock, 2002). Le rendement de l’obligation devrait
également refléter des autres signifiants « stratégiques » de la clause de rachat. Si les coûts d’agence
sont effectivement réduits par la présence de la clause, le rendement obligataire devrait diminuer,
toutes autres choses étant égales par ailleurs.
Notre échantillon est composé d’obligations d’entreprises américaines. Nous constatons que les
obligations rachetables ont, en moyenne, un rendement actuariel supérieur à leur homologue
standard. L’écart est respectivement de 155 et 21 points de base pour les titres assortis d’une clause
classique et englobante. Nous montrons aussi, à l’aide d’un modèle de régression, que les clauses
influencent positivement le niveau de rendement. L’effet de la clause classique est toutefois plus
affirmé que celui de la clause englobante.
Le reste de l’article est organisé comme suit. La première section expose le contour juridique des
clauses de rachat. Les motivations des émetteurs à inclure une clause de remboursement anticipé sont
détaillées dans la seconde section. La troisième section présente le cadre d’hypothèses avant de
décrire l’échantillon. La quatrième section précise la méthodologie et discute les résultats de l’étude
empirique.
1 Nature contractuelle des clauses de rachat
Les clauses de rachat tentent de répondre aux besoins de l’émetteur. Elles partagent donc des
caractéristiques communes mais se distinguent sur quelques modalités importantes qui les alignent,
de manière contrastée, aux attentes des investisseurs.
3
1.1 La clause classique (RC)
Dans le contrat obligataire, la clause de rachat classique précise traditionnellement trois
caractéristiques :
Le call premium - la prime que doit payer l’émetteur en cas de rachat anticipé.
L’exercice de type américain ou bermudéen de l’option de rachat - le remboursement anticipé
pouvant être alors décidé soit à tout moment, soit à des dates déterminées (comme au versement
de coupon).
La notice period - le délai d’annonce que doit respecter l’émetteur avant que le rachat ne prenne
effet.
Des dispositions supplémentaires sont souvent ajoutées pour limiter le droit de rachat et diminuer les
inconvénients pour les investisseurs. Parmi les dispositions les plus usuelles, on trouve :
Le call deferment qui définit une période post émission durant laquelle le rachat n’est pas
possible.
La nonrefunding provision qui interdit le financement du rachat par une nouvelle dette.
Le call deferment est une disposition très fréquente qui est parfois assouplie pour tolérer une
opération qui ne serait pas refinancée par une nouvelle émission obligataire (two-tiered call). Quant
au caractère nonrefundable de la dette rachetable, il n’empêche pas les entreprises de réémettre une
obligation peu après l’opération de rachat (cf. Kerins, 2001)2. Une autre stratégie mise en place par
les entreprises pour contourner l’interdiction consiste à mettre en place une opération dite STAC ou
Simultaneous Tender And Call (cf. Dhillon et al., 2001). L’entreprise procède ici à une offre
publique de rachat (tender offer) à un prix supérieur au prix de rachat contractuel c.-à-d. précisé dans
2 Cette disposition provoque parfois des contentieux entre actionnaires et créanciers, comme l’illustre un article du Wall Street
Journal daté du 2 novembre 1992 intitulé « Corporate Issuers Use Bluff-and-Threat Call Gambit ». Il y est écrit : « Morgan Stanley
complained that it had sustained a grave financial injury’ and said it never would have invested in the debt ’if it believed Archer
Daniels would redeem the bonds so soon ».
4
la clause (cf. Mann et Powers, 2003).
La prime de rachat
( )
t
δ
reste le paramètre essentiel de la clause classique. Ce call premium
diminue généralement durant la vie de la dette obligataire de manière régulière et « en escalier ».
Dans tous les cas, cette fonction est déterministe et spécifiée à la signature du contrat. La prime de
rachat implique le prix auquel la firme rachète sa dette, autrement dit le call price, qui noté
( )
tCP
,
vérifie :
( ) ( )
tFtCP
δ
+
0
=
(1)
0
F
est la valeur faciale de l’obligation rachetable concernée. Il est alors clair que plus la prime
de rachat est élevée, plus le call price est difficile à atteindre et moins le rachat est probable. Le
niveau du call premium influence directement la rémunération demandée par les créanciers. La
caractérisation du call price est ce qui distingue fondamentalement la clause englobante de la clause
classique.
1.2 La clause englobante (MWC)
Si l’option de rachat décrite dans la clause englobante est systématiquement américaine, la
particularité de la clause englobante concerne surtout l’indexation de son call price au comportement
des taux d’intérêt. La clause make-whole intègre ainsi dans la définition du call price le mouvement
des taux d’intérêt et la forme de la structure par terme. A une date
quelconque, il est défini comme
suit :
( ) ( )( ) ( ) ( )( )
++
+
++
0
000
1=
;
0101
max=F
dTr
F
dtr
Fc
CP T
t
t
i
t
it
n
i
t
(2)
0
F
et
0
c
représentent respectivement la valeur faciale et le taux de coupon de l’obligation
rachetable concernée.
n
est le nombre de coupons jusqu’à l’échéance
T
et les dates i
t
pour
ni 1,...,=
sont les dates de versement de coupon (
tti
s’interprétant néanmoins comme une durée).
( )
it tr
est le taux d’intérêt spot qui prévaut à la date
pour un hor izon i
t
et
( )
0d
est une prime
5
1 / 28 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !