Pratique clinique 35
Juin 2009 | Volume 54 | Numéro 2
La vitamine D est présente à l'état naturel dans quelques aliments et est produite par le
corps lorsque les rayons ultraviolets du soleil entrent en contact avec la peau. Cette vitamine
liposoluble est également disponible sous forme de supplément alimentaire. La vitamine D a
pour principale fonction biologique de maintenir les niveaux de calcium et de phosphore dans
le sang, en facilitant l'absorption de calcium et en favorisant la formation et la préservation
d'os solides. Les conclusions de recherches centes laissent entendre que la vitamine D
pourrait également offrir une protection contre l'osoporose, l'hypertension, certains cancers
et plusieurs maladies autoimmunes, dont le diabète. Les auteurs de cet article font le point.
Le diabète et la promesse
d'un rôle préventif et
thérapeutique pour
la vitamine D
Femke Baeke, Conny Gysemans, Chantal Mathieu
de manière endogène par la peau en cas
d'exposition à un rayonnement ultraviolet.
Divers aliments, en particulier les poissons
gras, ainsi que les œufs, le lait enrichi et
l'huile de foie de morue, constituent une
autre source importante de vitamine D.
Des aliments riches en vitamine D ou des
suppléments de vitamine D sont essentiels,
en particulier lorsque le soleil se fait rare.
Pour devenir active, la vitamine D doit
passer par deux étapes d'hydroxylation –
l'une dans le foie et l'autre dans les reins
Chez les enfants, la carence en vitamine D
provoque le rachitisme, responsable de
malformations du squelette. Chez les
adultes, cette carence peut entraîner l'os-
téomalacie, qui se traduit par une faiblesse
musculaire accompagnée d'une fragilité
des os. Mais les personnes présentant une
carence en vitamine D peuvent également
développer une tolérance abaissée au glu-
cose. En outre, des récepteurs de la forme
biologiquement active de la vitamine D
(1,25(OH)2D3) ont été découverts dans des
cellules bêta et des cellules immunitaires
du pancréas les deux principaux acteurs
de la pathogenèse du diabète de type 1
et de type 2. Ces découvertes ont suscité
un certain intérêt scientifique et clinique
quant au rôle possible de la vitamine D
dans la prévention, le développement et
le traitement de ces conditions.
vitamine ou hormone ?
Dans un sens, la vitamine D n'est pas une
véritable vitamine, puisqu'elle est produite
– ce qui permet d'obtenir la forme active
1,25(OH)2D3, laquelle se lie au récepteur
de la vitamine D présent dans le noyau
des cellules du corps humain.
Diabète de type 2 et vitamine D
L'existence d'un lien entre la carence en vita-
mine D et la tolérance abaissée au glucose a
été suggérée pour la première fois dans les
années 1970.1,2 Des niveaux normaux de
calcium et de vitamine D semblent en effet
indispensables au fonctionnement normal
des cellules bêta. La vitamine D semble éga-
lement avoir des effets bénéfiques sur l'ac-
tion de l'insuline en affectant la sensibilité
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à l'insuline dans des cellules cibles. Les don-
es recueillies sur des souris nétiquement
modifiées afin d'inactiver leur récepteur de
vitamine D (souris mutées pour le récepteur
de la vitamine D) sont quant à elles contra-
dictoires. Certains groupes font état d'un
métabolisme normal du glucose chez ces
souris, tandis que d'autres signalent des
dysfonctionnements majeurs.
Quelques essais cliniques consistant à don-
ner des suppléments de vitamine D à des
personnes au stade du prédiabète ont été
réalisés. Des effets positifs ont été consta-
tés au niveau du contrôle de la glycémie.
L'évaluation correcte de ces résultats est
cependant difficile car des doses différentes
de vitamine D ont été administrées. Des
études à grande échelle sont par consé-
quent nécessaires avant que ces données
puissent être traduites en directives. Quoi
qu'il en soit, nous pouvons conclure que
la détection et le traitement de la carence
en vitamine D chez les personnes à risque
de souffrir d'une telle carence (après une
chirurgie bariatrique, par exemple) sont
extrêmement importants pour l'état de santé
des os, voire le métabolisme du glucose.
Diabète de type 1 et vitamine D
On trouve des récepteurs de la vitamine D
dans la plupart des cellules immunitaires.
Certaines cellules immunitaires, telles
que les macrophages, sont par ailleurs
capables d'activer la vitamine D dans la
mesure elles possèdent les enzymes
d'hydroxylation nécessaires. Il est intéres-
sant de noter que, au travers de son action
sur les différentes cellules immunitaires, la
vitamine D active a un effet important sur
le système immunitaire en général.3
Les cellules bêta possèdent également des
récepteurs de la vitamine D, laquelle est
indispensable pour la production et la sé-
crétion normale d'insuline. Il est par ailleurs
apparu que le traitement de cellules bêta
avec la forme 1,25(OH)
2
D
3
inhibait la
sécrétion de protéines néfastes (les chimio-
kines) qui contribuent à la destruction des
cellules bêta.4
Un facteur de déclenchement du
diabète de type 1 ?
Il existe un lien entre la carence en vitamine D
et l'augmentation du risque de diabète de
type 1 et d'autres maladies autoimmunes
chez les êtres humains et les animaux. Les
souris non obèses souffrant d'une carence
en vitamine D et de diabète développent le
Cellule
bêta Lymphocite T
Vitamine D
Foie
Muscle
Tissu adipeux
DC
Figure : Mécanismes protecteurs de la vitamine D
La vitamine D joue un rôle important dans l'homéostasie du glucose par le biais de différents mé-
canismes. La vitamine D n'est pas seulement essentielle pour le fonctionnement normal des cellules
ta, elle aliore également la sensibilité à l'insuline dans des cellules cibles du foie, du muscle
squelettique et du tissu adipeux. En outre, la vitamine D protège les cellules ta des attaques
immunitaires néfastes directement, par le biais de son action sur la cellule bêta et, indirectement,
en agissant sur différentes cellules immunitaires, dont les macrophages inflammatoires (mØ), les
cellules dendritiques (DC) et les lymphocytes T. Ces mécanismes réunis mettent en exergue les
effets préventifs de la vitamine D en termes de développement du diabète de type 1 et de type 2.
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Femke Baeke, Conny Gysemans,
Chantal Mathieu
Femke Baeke est étudiante au sein du
Laboratory of Experimental Medicine and
Endocrinology (LEGENDO) de l’Université
catholique de Louvain, Belgique.
Conny Gysemans est boursière post-
doctorale au sein du Laboratory
of Experimental Medicine and
Endocrinology (LEGENDO) de l’Université
catholique de Louvain, Belgique.
Chantal Mathieu est professeur au sein du
Laboratory of Experimental Medicine and
Endocrinology (LEGENDO) de l’Université
catholique de Louvain, Belgique.
Références
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diabète de type 1 plus tôt et présentent une
évolution plus grave de la condition que
celles affichant des niveaux adéquats de
vitamine D. Ces résultats viennent confirmer
des données épidémiologiques ayant mis
en évidence une multiplication par trois du
diabète de type 1 en cas de carence en
vitamine D en début de vie.
En conséquence, des liens ont pu être établis
entre des zones géographiques (et l'exposi-
tion correspondante au soleil) et l'incidence
de diverses maladies autoimmunes. Au vu
de ces divers éléments, la prévention de la
carence en vitamine D, en particulier en
début de vie, est vivement recommandée.
La forme 1,25(OH)2D3 comme
thérapie possible ?
Il est possible que la forme active de la vita-
mine D puisse servir d'outil prophylactique
ou curatif. Des recherches sur des animaux
ont mis en évidence des effets préventifs
notables sur le développement du diabète
de type 1 chez des souris recevant un
traitement à dose élevée d'1,25(OH)2D3
tout au long de leur vie.5 La fréquence du
diabète chez ces souris a été réduite à
moins de 10 %, contre 60 à 70 % pour
les souris de contrôle.
L'utilisation de la forme 1,25(OH)2D3 à un
stade ultérieur, lorsque la destruction des
cellules ta a déjà commencé, semble plus
compliquée. L'administration d'1,25(OH)
2
D
3
semble en effet insuffisante pour contrecarrer
l'attaque immunitaire continue dont font
l'objet les cellules bêta. La combinaison
d'1,25(OH)2D3 avec un suppresseur de
lymphocytes T s'est toutefois avérée être
une stratégie efficace, dans la mesure
l'1,25(OH)2D3 travaille en synergie avec
les immunosuppresseurs existants, tels que
la cyclosporine A.6,7 La forme 1,25(OH)2D3
pourrait par conséquent être utilisée pour
réduire les effets secondaires indésirables
des immunosuppresseurs existants.
Il semble donc que la forme active de la
vitamine D puisse jouer un rôle potentiel-
lement intéressant dans la lutte contre le
diabète de type 1. L'administration systé-
mique de doses élevées d'1,25(OH)2D3
a par contre des conséquences négatives
sur le métabolisme des os et du calcium.
Pour remédier à ce problème, des analo-
gues d'1,25(OH)2D3 n'ayant pas d'effet
combiné sur les os et le système immuni-
taire sont en cours de développement.8 La
recherche d'un analogue sûr à 100 %
alliant protection efficace des cellules bêta
et du système immunitaire et absence de
conséquences sur le métabolisme des os
et du calcium – se poursuit.
Conclusion
Des preuves irréfutables provenant de don-
es épidémiologiques et in vitro et d'études
sur des animaux laissent entendre que la
vitamine D jouerait un rôle important dans
le développement du diabète de type 1 et
de type 2. La contribution de la vitamine D
à la prévention de ces conditions dans les
modèles animaux peut être en grande partie
expliquée par son rôle physiologique majeur
dans le fonctionnement normal des cellules
bêta et du système immunitaire.
Les chercheurs espèrent aujourd'hui que
ces recherches approfondies et le dévelop-
pement de nouveaux analogues structurels
déboucheront sur un outil thérapeutique
permettant d'exploiter ce système pro-
metteur. À l'heure actuelle, la principale
conclusion tirée par les médecins est que la
prévention de la carence en vitamine D est
très importante, non seulement pour l'état
du calcium et des os, mais également de
par le rôle de cette vitamine dans la pré-
vention du diabète de type 1 et de type 2.
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