Huchet François

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2007-2008
UNIVERSITE DE NANTES
Drainage veineux de l’adéno-hypophyse
Par
HUCHET François
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. R. ROBERT
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Laboratoire :
Pr. O. ARMSTRONG
Dr. O. BARON
Pr. G. BERRUT
Pr. C. BEAUVILLAIN
Pr. D. CROCHET
Dr. H. DESAL
Pr. B. DUPAS
Dr E. FRAMPAS
Dr A. HAMEL
Dr O. HAMEL
Pr. Y. HELOURY
Pr A. KERSAINT-GILLY
Pr. J. LE BORGNE
Dr M.D. LECLAIR
Pr. P.A. LEHUR
Pr. O. RODAT
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2007-2008
UNIVERSITE DE NANTES
Drainage veineux de l’adéno-hypophyse
Par
HUCHET François
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. R. ROBERT
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
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Dr A. HAMEL
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Pr. J. LE BORGNE
Dr M.D. LECLAIR
Pr. P.A. LEHUR
Pr. O. RODAT
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
REMERCIEMENTS
Au Pr Olivier Hamel pour m’avoir proposé un sujet passionnant, pour sa disponibilité, ses
conseils et ses encouragements.
Au Pr Benoît Dupas pour sa généreuse contribution et la précision de ses renseignements.
Au Dr Lucy Chaillous pour avoir orienté mes recherches et pour m’avoir fourni un
éclaircissement endocrinologique précieux.
A Stéphane Lagier et Yvan Blin pour leur humour, leur savoir et leur indispensable
collaboration technique.
A Mme Anne Riet pour sa contribution à la réalisation et à l’observation des coupes microanatomiques.
A Stéphanie Perron pour le remarquable travail qu’elle a mené concernant la région
hypophysaire dans le cadre du Certificat d’Anatomie et Morphogénèse (C1).
A l’ensemble de nos professeurs d’Anatomie pour nous avoir transmis avec passion et
dévouement le goût pour cette formidable matière.
A tous mes camarades grâce à qui les longues journées passées en dissections resteront des
moments inoubliables.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
I) RAPPELS ANATOMIQUES
1) Loge hypophysaire et configuration externe de l’hypophyse
2) Rapports externes à la loge
3) Sinus veineux cérébraux
A) Sinus caverneux
B) Sinus intercaverneux
C) Sinus pétreux inférieurs
II) MATERIEL ET METHODES
1) Matériel
A) Pièces anatomiques
B) Injection vasculaire
C) Outils de dissection
2) Méthodes
A) Préparation des pièces
Technique générale
Injection vasculaire
B) Dissection
Trépanation et Mise en évidence de la région hypophysaire
Dissection des sinus veineux
Extraction de la glande et Micro-dissection
C) Réalisation des coupes micro-anatomiques
III) RESULTATS
1) Drainage veineux extérieur de l’hypophyse
A) Sinus caverneux
B) Sinus intercaverneux
C) Veines para-hypophysaires
2) Drainage veineux intraglandulaire
IV) DISCUSSION
1) Drainage veineux adéno-hypophysaire
2) Application clinique : cathétérisme des sinus pétreux inférieurs
V) CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
L’hypophyse est classiquement décrite comme « le chef d’orchestre » du système
endocrinien. Cette petite glande, impaire et médiane, possède une double origine
embryonnaire, à la fois nerveuse et épithéliale. Elle se divise en trois lobes, individualisables
sur le plan micro-anatomique :
Un lobe antérieur, glandulaire, portant le nom d’adéno-hypophyse, dont l’origine
embryologique résulte d’une émanation de l’oropharynx (poche de Rathke) naissant,
chez l’embryon au stade 6 mm, de la voûte du stomodeum en avant de la membrane
pharyngienne. Il se présente sous la forme d’une glande réticulée, composée de
cellules endocrines et de tissu conjonctif de soutien. Les cellules endocrines sécrètent
six hormones, contrôlant ainsi cinq axes endocrines : TSH (axe thyréotrope), FSH et
LH (axe gonadotrope), GH (axe somatotrope), ACTH (axe corticotrope), prolactine
(axe lactotrope).
Un lobe intermédiaire (pars intermedia), issu de la partie postérieure de la poche de
Rathke (non-envahie par le mésenchyme). Il est composé essentiellement de structures
kystiques à sécrétion colloïdale. Il est à l’origine de la synthèse de l’hormone
mélanotrope (α-MSH).
Un lobe postérieur d’origine neuro-ectoblastique, issu d’une invagination de la partie
ventrale du diencéphale. Ce lobe est constitué par les terminaisons nerveuses de
neurones dont les corps cellulaires sont situés dans les noyaux supra-optique et paraventriculaire. Il sécrète les neuro-hormones ocytocine et ADH.
Les pathologies touchant la région hypophysaire (adénomes et craniopharyngiomes
essentiellement) ont tendance à se manifester par des signes de compression des structures
présentant des rapports avec la glande, ainsi que par des signes de dysfonctionnement
endocrinien, variables selon le type de tumeur. Par conséquent, il nous a semblé intéressant
dans un premier temps de rappeler les rapports essentiels de l’hypophyse, directement
impliqués en clinique.
Nous avons ensuite étudié le drainage veineux de l’adéno-hypophyse, afin de tenter de
répondre au problème suivant : est-il possible, suite à un cathétérisme des sinus pétreux
inférieurs, d’en déduire la latéralisation de l’adénome hypophysaire ? Les dernières études[1]
et conférences de consensus[7] estiment qu’il est difficile de latéraliser l’adénome suite à
l’examen. Nous avons donc pensé qu’il était intéressant de rechercher la réalité anatomique
du drainage veineux adéno-hypophysaire, et notamment une latéralisation ou pas de ce
drainage.
Enfin, nous confronterons les résultats que nous avons obtenus aux études menées
cliniquement, afin d’évaluer le caractère prédictif d’une latéralisation d’un adénome
hypophysaire suite à un cathétérisme bilatéral des sinus pétreux inférieurs.
I) RAPPELS ANATOMIQUES
1. Loge hypophysaire et configuration externe de l’hypophyse
L’hypophyse est située à la face caudale du diencéphale, à la partie médiane de l’étage
moyen de la base du crâne (fosse cérébrale moyenne), où elle occupe la totalité de la selle
turcique (fosse pituitaire). La loge hypophysaire est hermétiquement close :
en avant, en bas et en arrière par les reliefs de la selle turcique (portion osseuse).
sur les côtés et en haut par la dure-mère (portion fibreuse de la loge).
Seule émerge la tige pituitaire à la face crâniale de la glande, la reliant ainsi à l’hypothalamus
sus-jacent.
La selle turcique correspond à une dépression du corps du sphénoïde. La selle décrit
plusieurs reliefs d’avant en arrière : le tubercule hypophysaire (pommeau de la selle), puis une
paroi inférieure (correspondant au fond de la loge), et enfin la lame quadrilatère (troussequin
de la selle).
La dure-mère tapisse toutes les surfaces osseuses de la loge, et la clôt crânialement et
latéralement. Elle forme la tente de l’hypophyse à la face rostrale de la glande. Cette tente est
percée au centre par un orifice laissant passage à la tige pituitaire. Sur les faces latérales de la
glande, la dure-mère forme également la paroi médiale des sinus caverneux. Elle est perforée
par les artères hypophysaires ainsi que par de petites veines se drainant le sang veineux issu
de la glande.
Concernant sa configuration extérieure, l’hypophyse a la forme et le volume d’un pois
chiche[3]. Ses dimensions moyennes sont : 15 millimètres dans le sens transversal ; 8 à 10
millimètres dans le sens antéro-postérieur ; 6 millimètres de hauteur[2][3]. Il est difficile de
distinguer les lobes antérieur (jaune-rosé, voire rougeâtre) et postérieur (blanc-grisâtre) sur
une vue extérieure, ceux-ci étant enveloppés dans une gaine pie-mèrienne commune. Les
coupes micro-anatomiques permettent de distinguer plus aisément les lobes.
2. Rapports externes à la loge
Nous allons envisager la présentation des rapports de l’hypophyse selon la
morphologie externe de la glande, qui comporte six faces (antérieure, postérieure, crâniale,
caudale, latérales [gauche et droite]).
Les rapports ventraux concernent le lobe antérieur de l’hypophyse (adénohypophyse). Ces rapports sont constitués par :
- la partie supérieure des sinus sphénoïdaux
- la partie crâniale et dorsale des fosses nasales par l’intermédiaire des sinus ou du
corps sphénoïdal (selon la taille des sinus)
Les rapports dorsaux sont entrer en relation le lobe postérieur de l’hypophyse. Il
s’agit des structures suivantes :
- la lame quadrilatère (dorsum sellae)
- l’artère basilaire (et ses branches terminales : les artères cérébrales postérieures)
- la face antérieure du pont du tronc cérébral
Par l’intermédiaire de la tente hypophysaire, la glande entre en rapport à sa face
crâniale avec les structures de la région supra-sellaire, sous-jacente au lobe frontal du cerveau.
Dans la partie médiane de cette région, on trouve : le chiasma optique ; la citerne
optochiasmatique ; la région infundibulo-tubérienne (tuber cinereum, éminence sacculaire de
Retzius, tubercules mammillaires). Dans la partie latérale de la région supra-sellaire, on
trouve : la terminaison des artères carotides internes, à leur émergence du sinus caverneux, et
les branches qui en sont issues ; l’artère communicante antérieure ; l’espace perforé antérieur.
Figure 1 : d’après Netter[5]
Les seuls rapports inférieurs de l’hypophyse sont les sinus sphénoïdaux. Ce sont
deux cavités paires, rarement symétriques, séparés entre elles par une cloison médiale le plus
souvent incomplète. Dans le cas d’un petit ou moyen sinus (60% des cas[2]), l’hypophyse a
pour rapport inférieur le corps de l’os sphénoïde.
L’hypophyse entre en rapport par ses faces latérales avec les loges caverneuses,
dont le contenu sera détaillé ultérieurement. Deux conceptions s’opposent quant à ce rapport.
Une conception classique présente une interface entre l’hypophyse et le sinus caverneux par
l’intermédiaire de lames sagittales dure-mèriennes latéro-hypophysaires. Selon une
conception moderne, c’est le tiers médial de la paroi médiale de la loge caverneuse qui forme
la paroi latérale de la loge hypophysaire.
3. Sinus veineux cérébraux[3][4][6]
Les sinus veineux cérébraux (ou duraux) forment de véritables canaux, drainant le
sang veineux issu de l’encéphale et des os du crâne, situés entre deux lames de dure-mère. Ils
sont bordés d’un endothélium semblable à celui des veines mais ne comportent pas de tissu
musculaire dans leur paroi. Ils sont dépourvus de valvules. Deux groupes de sinus sont
généralement décrits (cf : Figure 2) :
- un groupe postéro-supérieur, comprenant : le sinus sagittal supérieur, le sinus
sagittal inférieur, le sinus droit, les sinus transverses, le sinus occipital, les
sinus sigmoïdes et le confluent des sinus.
- un groupe antéro-inférieur, comprenant : les sinus caverneux, les veines
ophtalmiques, les veines centrales de la rétine, les sinus sphéno-pariétaux, les
sinus intercaverneux, les sinus pétreux (supérieurs et inférieurs), le plexus
veineux basilaire et les sinus méningés moyens.
Figure 2 : d’après Gray’s Anatomy[6]
L’hypophyse est classiquement décrite comme se drainant vers les sinus caverneux,
qui se prolongent vers les sinus pétreux (notamment les sinus pétreux inférieurs), eux-mêmes
se drainant vers la veine jugulaire interne. Ces sinus appartiennent tous au groupe antéroinférieur des sinus crâniens. Il nous semble important de resituer ces éléments anatomiques,
préalablement à l’étude menée, afin de mieux apprécier le décours clinique de celle-ci.
A) Sinus caverneux
Les sinus caverneux sont situés de part et d’autre du corps de l’os sphénoïde (cf :
Figures 2 et 3), leur nom venant de leur structure interne. En effet, la cavité est envahie par le
passage de nerfs crâniens, ainsi que de granulations arachnoïdiennes. Ce sinus s’étend de la
fissure orbitaire supérieure en avant, jusqu’à l’apex de la portion pétreuse de l’os temporal en
arrière, sur une longueur d’environ 2 cm et une largeur d’environ 1 cm. L’artère carotide
interne, recouverte par le plexus sympathique carotidien, traverse le sinus, accompagnée sur
sa face inféro-latérale par le nerf abducens (VI). Les nerfs oculomoteur (III), trochléaire (IV),
ophtalmique (V1) et maxillaire (V2) sont classiquement décrits comme cheminant dans
l’épaisseur de la dure-mère de la paroi latérale du sinus ; ils sont en fait d’un tel diamètre
qu’ils se projettent à l’intérieur de la cavité sinusienne (où ils sont recouverts par un
endothélium fin et non pas par du tissu dure-mèrien).
Figure 3 : d’après Netter[5]
Les affluences du sinus caverneux sont formées par :
- la veine ophtalmique supérieure
- une branche de la veine ophtalmique inférieure (voire la veine dans sa totalité)
- la veine cérébrale moyenne superficielle
- les veines cérébrales inférieures
- la veine centrale de la rétine (qui peut également se drainer dans l’une des
veines ophtalmiques)
- les plexus sous-hypophysaires
- les sinus sphénopariétaux.
Les deux sinus caverneux sont connectés par des sinus intercaverneux antérieur et
postérieur (sinus coronaire), et par le plexus veineux basilaire. Toutes ces connections sont
avalvulées, la direction du flot sanguin est par conséquent réversible.
Les sinus caverneux se drainent d’une part vers le sinus transverse via le sinus pétreux
supérieur, d’autre part directement vers la veine jugulaire interne, via le sinus pétreux
inférieur ou le sinus pétro-occipital. Ils peuvent également communiquer avec le plexus
ptérygoïdien ou avec la veine faciale (via la veine ophtalmique supérieure).
B) Sinus intercaverneux
Les sinus intercaverneux, antérieur et postérieur, font communiquer les sinus
caverneux droit et gauche. Ils cheminent au niveau des attaches antérieure et postérieure du
diaphragme sellaire sur le sphénoïde (tente de l’hypophyse), formant un réseau entourant la
tige pituitaire, d’où le nom de sinus coronaire qui leur est parfois donné.
C) Sinus pétreux inférieurs
Le sinus pétreux inférieur draine directement le sang du sinus caverneux vers la veine
jugulaire interne. Il naît à la face postéro-inférieure du sinus caverneux homolatéral et
chemine obliquement en bas et en dehors, dans un sillon situé entre la portion pétreuse de l’os
temporal et la portion basilaire de l’os occipital. Il se termine en traversant la partie antérieure
du foramen jugulaire, où il se déverse dans le golfe de la veine jugulaire interne. Il reçoit
comme afférences, en plus de l’apport majeur constitué par le sang veineux des sinus
caverneux, des veines cérébelleuses, des veines pontiques, des veines bulbaires et les veines
auditives internes. Il peut recevoir le sang issu du sinus pétro-occipital lorsque celui-ci ne se
draine pas directement dans la veine jugulaire interne.
II) MATERIEL ET METHODES
1) Matériel
A) Pièces anatomiques
Un sujet formolé-congelé de sexe masculin.
Un sujet frais de sexe féminin.
B) Injection vasculaire
Nous avons utilisé le latex-néoprène coloré en bleu. Ce produit présente l’avantage de
solidifier de manière immédiate au contact de l’acide acétique, en étant à la fois très liquide
avant solidification ce qui nous permet d’injecter intégralement le système veineux de
l’encéphale, jusqu’aux plus petites veines hypophysaires.
Les doses utilisées sont :
120 mL de latex
18 mL d’acide acétique
C) Outils de dissection
Prélèvement de tête et trépanation :
Scie manuelle
Scie à ruban
Fraise d’otologiste
Marteau
Burins
Rugines
Rongeur à os
Billots
Bistouri à lame n°23
Ciseaux à bouts droits
Ciseaux à bouts recourbés
Pinces sans griffes
Injection vasculaire :
Seringue de 60 mL
Seringue de 20 mL
Cathéters
Pinces à clamper (grandes et petites)
Bécher de 50 mL
Abord de la région hypophysaire
Bistouri à lame n°23
Bistouri à lame n°15
Ciseaux à bouts recourbés
Pinces sans griffes
Fraise à os
Ecarteurs
Micro-dissection :
Pinces
Ciseaux
Microscope opératoire
2) Méthodes
A) Préparation des pièces
Technique générale
La première dissection, réalisée dans un but topographique est réalisée sur cerveau
congelé, afin de pouvoir procéder plus facilement à l’extraction du cerveau et de l’hypophyse.
Les injections sont réalisées sur sujet frais. Suite à l’injection les pièces sont
conservées dans une solution formolée concentrée à environ 20% afin de fixer rapidement les
structures cérébrales dans le but de faciliter leur extraction.
Les protocoles suivis lors de la dissection sont identiques lors des deux études à
l’exception d’une injection veineuse préalable à la dissection lors de la seconde étude.
Injection vasculaire
Nous procédons à un abord bilatéral et symétrique, non-chirurgical, des veines
jugulaires internes dans la partie moyenne de leur trajet cervical. Après incision de la peau et
du platysma, le sterno-cléïdo-mastoïdien est sectionné au niveau de son insertion distale, et
récliné vers le haut et le dehors. Le muscle digastrique est sectionné au niveau de son tendon
intermédiaire. Le muscle stylo-hyoïdien est réssequé. La glande thyroïde est réclinée en
dedans et maintenue en position.
Les veines jugulaires sont incisées longitudinalement sur un centimètre. Un cathéter
est introduit dans chaque veine jugulaire, et est maintenu en position par une ligature exécutée
au-dessus du tronc thyro-linguo-facial.
Une fois les cathéters en position, nous procédons à un rinçage à l’eau tiède afin
d’éliminer le sang veineux cérébral et d’éventuels thrombus post-mortem intra-crâniens. Le
rinçage nous permet également de clamper de petites collatérales para-vertébrales et parathyroïdiennes par lesquelles nous observons un reflux.
Le latex est initialement injecté dans le cathéter de la veine jugulaire interne droite,
jusqu’à l’observation d’un reflux dans le cathéter placé dans la veine jugulaire interne
controlatérale. Ce dernier est alors clampé, et l’injection est poursuivie sous pression jusqu’à
60 mL. Nous clampons ensuite la veine jugulaire interne droite et procédons à l’injection de
60 mL de latex dans la veine jugulaire interne gauche. Les fuites externes observées lors de
l’injection sont immédiatement colmatées par application digitale d’acide acétique, qui
solidifie instantanément le latex.
Enfin, nous injectons 9 mL d’acide acétique dans chacune des veines jugulaires
internes (d’abord dans la droite, puis dans la gauche), afin de solidifier le latex préalablement
injecté.
B) Dissection des sinus veineux
Trépanation et mise en évidence de la région hypophysaire
Dans un premier temps, la tête est séparée du reste du corps au niveau du disque
intervertébral C3-C4. Les tissus mous sont sectionnés au bistouri ; le disque intervertébral est
scié.
Nous procédons à une incision circonférentielle du scalp, passant en avant par la
glabelle et les incisures supra-orbitaires, se poursuivant de chaque côté entre l’angle de la
mandibule et le lobule de l’oreille et se rejoignant en arrière sur la protubérance occipitale
externe. Le scalp sus-jacent à l’incision est ensuite retiré et la boîte crânienne est ouverte à
l’aide d’un trait de fraise, d’un marteau et de burins, suivant la ligne préalablement décrite. La
mandibule est séparée du reste de la tête au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire.
Nous incisons ensuite la dure-mère de façon bilatérale de part et d’autre du sinus
sagittal supérieur et réclinons de chaque côté les lambeaux dure-mèriens. Puis nous
sectionnons la faux du cerveau en arrière de son insertion sur l’apophyse crista galli jusqu’à la
partie dorsale et médiane de la tente du cervelet. Les deux hémisphères cérébraux sont ensuite
resséqués. Nous ne conservons que la portion hypothalamique sus-hypophysaire, le tronc
cérébral et le cervelet. Le chiasma optique est respecté, ainsi que les parois dure-mèriennes
latérales des sinus caverneux. Le tronc cérébral est respecté, la séparation avec le cerveau
retiré s’effectuant au niveau des pédoncules cérébraux, afin de respecter l’émergence des
nerfs crâniens au niveau le plus proximal du tronc cérébral. Les artères cérébrales postérieures
sont sectionnées à leur naissance du tronc basilaire. Les artères carotides internes sont
sectionnées à quelques millimètres de leur émergence du sinus caverneux, au niveau de leur
séparation en branches terminales.
La pièce ainsi préparée est plongée dans une solution de formol concentrée à 20%
pendant au minimum quatre jours dans le but de fixer les structures rapidement.
Dissection des sinus caverneux
Nous avons réalisé un abord latéral des sinus caverneux. Nous procédons à une
incision antéro-postérieure de leur paroi latérale, passant le long de l’apophyse clinoïde
antérieure (en avant), parallèlement au trajet du nerf ophtalmique (V1, latéralement), et se
terminant à l’émergence du sinus pétreux supérieur (en arrière). La dure-mère formant la
paroi latérale du sinus est délicatement resséquée, afin de conserver les nerfs crâniens oculomoteur (III), trochléaire (IV) et ophtalmique (V1). Le nerf maxillaire (V2) n’intéressant pas la
dissection, il est sacrifié lors de l’abord du sinus.
Puis nous écartons soigneusement les nerfs oculomoteur, trochléaire et ophtalmique,
afin d’individualiser le nerf abducens (VI), au contact de l’artère carotide interne. Nous
procédons ensuite à une dissection précautionneuse de la gaine dure-mèrienne regroupant les
nerfs sus-cités, en arrière de la fissure orbitaire supérieure sous le processus clinoïde antérieur,
ce qui nous permet de les récliner en avant et en dehors, laissant de la sorte libres le sinus
caverneux injecté et l’artère carotide interne.
Le moulage du sinus caverneux injecté est alors individualisé, par section du latex, au
niveau de ses prolongements en sinus pétreux supérieur et inférieur, et au niveau de ses
afférences (notamment à l’abouchement du sinus sphéno-pariétal). L’artère carotide interne
est sectionnée au niveau de sa pénétration dans le sinus caverneux (à sa sortie du canal
carotidien), puis nous la séparons du latex formant le moulage du sinus caverneux, avant de
l’extraire en prenant soin de ne pas léser le moulage.
Les sinus caverneux sont par conséquent individualisés, libres dans leurs portions
latérales, supérieures et postérieures.
Extraction de la glande et microdissection
Nous procédons dans un premier temps à l’individualisation de la région hypophysaire
à l’aide d’une scie à main classique, sous forme d’un « cube ». Celui-ci se délimite :
- en avant : par un plan frontal passant par une ligne joignant les deux canaux
optiques.
- en arrière : par le tubercule dorsal de la selle turcique et la partie postérieure du corps
du sphénoïde.
- latéralement : par les bords latéraux des moulages des sinus caverneux.
- à sa face inférieure : par un plan transversal passant par les sinus sphénoïdaux,
quelques millimètres sous le plancher de la selle turcique.
Dans un premier temps, nous procédons à deux découpes sagittales paramédianes passant
chacune par le bord latéral du sinus caverneux homolatéral. Puis nous éliminons le massif
facial par une découpe suivant un plan frontal passant par une ligne virtuelle réunissant les
deux canaux optiques. Enfin, nous effectuons une découpe dans le plan transversal passant par
les sinus sphénoïdaux.
La pièce obtenue est maintenue en place par un bloc de mastic. Elle comprend à la fois
l’hypophyse (toujours incluse dans la selle turcique) et les sinus caverneux. Nous procédons
alors à l’extraction de la glande de sa loge osseuse. Tout d’abord, nous éliminons la muqueuse
recouvrant les parois des sinus sphénoïdaux à la face inférieure du bloc. Puis, nous effectuons
une séparation minutieuse entre le moulage des sinus caverneux et son interface osseuse,
notamment en sectionnant les apophyses clinoïdes antérieures. Afin de libérer la glande de sa
loge osseuse, nous donnons un trait de fraise à os séparant en deux parties (antérieure et
postérieure) la face inférieure du plancher de la selle. Cette dernière opération nous permet
finalement de séparer l’hypophyse du tissu osseux sphénoïdal et d’isoler une pièce
comprenant uniquement l’hypophyse flanquée latéralement par les moulages des sinus
caverneux.
C) Réalisation des coupes micro-anatomiques
L’hypophyse est séparée du moulage des sinus caverneux préalablement à la
réalisation des coupes.
La glande est mise en caissette et plongée dans une solution d’eau distillée afin de la
rincer. Elle est ensuite déshydratée, par passages successifs dans des bains alcoolisés. Nous la
passons dans deux bains successifs d’alcool à 70° durant 30 minutes chacun, puis à nouveau
dans deux bains d’alcool à 80° durant 30 minutes chacun. Enfin, cette première phase se
termine en plaçant la caissette dans une machine qui va procéder aux mêmes protocoles dans
des bains d’alcool à 90°, puis 95°, puis dans l’alcool absolu, ce qui dure une nuit. Nous
concluons cette première phase en procédant à l’inclusion de la glande dans un bloc cubique
de paraffine, de telle sorte que l’hypophyse soit convenablement orientée dans les trois plans
de l’espace.
Nous laissons le bloc durcir durant un week-end au congélateur, puis nous réalisons
les coupes proprement dites, à l’aide d’un microtome. Le bloc de paraffine est
convenablement taillé et orienté, l’appareil est réglé sur une épaisseur de coupe de 6µm. La
présence de dure-mère au contact de la glande entraîne le déchirement du tissu hypophysaire,
ce qui nous pose dans un premier temps problème, de même que la présence du latex à
l’intérieur de la glande (substance résistante à la coupe). Un changement de lame et des
passages au congélateur pour faire redurcir la paraffine nous permettent de réaliser tout de
même quelques coupes. Nous retenons trois coupes toutes les trente à cinquante (selon la
qualité obtenue), pour procéder à des coupes sériées tous les 250µm environ.
Enfin, nous réalisons une coloration à l’hémalun-éosine, afin de faire ressortir
visuellement les billes de latex. Cette coloration permet d’observer les noyaux en bleu-noir ;
les cytoplasmes en rose-rouge ; les hématies en rose vif ; le collagène en rose très pale ; les
fibres élastiques en rose vif. Le latex (initialement bleu) prend la coloration rose, ce que nous
n’avions pas prévu. Le protocole est le suivant :
- deux bains de LMR (xylène) de cinq minutes chacun
- deux bains d’alcool 100° de cinq minutes chacun
- un bain d’eau distillée de quelques dizaines de secondes
- un bain d’hémalun de Mayer, de quatre minutes
- un bain de quelques secondes dans l’eau courante pour rincer le colorant
- un bain d’eau chlorhydrique (1%) de dix secondes
- un bain de quelques secondes dans l’eau courante
- un bain de quelques secondes dans de l’eau mélangée à du Lithium
- un bain de quelques secondes dans l’eau courante
- un bain dans l’éosine, de quatre minutes
- un bain de quelques secondes dans l’eau courante pour rincer le colorant
- deux bains dans l’alcool 100° de trente secondes chacun
- deux bains dans le LMR (xylène) d’une minute chacun
Les lames sont ensuite montées en Eukitt, puis observées sur microscope muni d’une caméra,
après trois heures de séchage à l’air libre.
III. RESULTATS
1) Drainage veineux extérieur de l’hypophyse
A) Sinus caverneux
Les sinus caverneux occupent l’espace para-hypophysaire latéral. Ils sont envahis de
façon importante par le passage des artères carotides internes et des nerfs crâniens
oculomoteurs (III), trochléaires (IV), ophtalmiques (V1), maxillaires (V2) et abducens (VI).
L’artère carotide interne forme l’axe du sinus, le moulage de latex s’articulant autour
du trajet de l’artère. Elle est de diamètre important (3 à 4 millimètres). Nous ne retrouvons pas
le plexus sympathique carotidien.
Les afférences veineuses des sinus caverneux mises en évidence sont uniquement les
sinus sphéno-pariétaux (cf : Figure 4), qui se drainent au niveau des apophyses clinoïdes
antérieures, et les veines hypophysaires qui traversent la dure-mère de la paroi médiale de la
loge caverneuse (cf : Figure 8).
Le trajet des nerfs crâniens dans le sinus est aisément mis en évidence, à l’exception
des branches du trijumeau (V) qui sont de taille plus importante et qui gênent la mise en
évidence du moulage veineux. Les nerfs ophtalmique et maxillaire sont par conséquent
sacrifiés dans leur partie para-caverneuse (cf : Figure 4).
Crânial
Antérieur
Nerf oculomoteur
(III)
Nerf optique
(II)
Artère carotide
interne
Nerf trochléaire
(IV)
Nerf ophtalmique (V1)
Moulage du
sinus
caverneux
Figure 4 : Vue latérale du sinus caverneux droit
B) Sinus inter-caverneux
Nous observons et décrivons les sinus intercaverneux antérieurs et postérieurs grâce à
l’injection de latex.
Les sinus intercaverneux antérieurs s’observent aisément (cf : Figure 5). Ils naissent de
la portion antéro-supérieure de chaque sinus caverneux et cheminent dans un plan frontal
entre les artères carotides internes. Ils admettent les rapports suivants :
- en haut : le chiasma optique
- en bas : la tente de l’hypophyse et le lobe antérieur de la glande
- en avant : le tubercule de la selle (et par extension le sillon préchiasmatique et
le jugum sphénoïdal)
- en arrière : la tige pituitaire et les portions latérales de l’adéno-hypophyse
- latéralement : les sinus caverneux
Ces sinus reçoivent donc du sang veineux issu de chaque sinus caverneux, mais également du
sang veineux issu du lobe antérieur de l’hypophyse.
Antérieur
Sinus
intercaverneux
antérieur
Artère
carotide
interne
Droite
Sinus
caverneux
droit
Veine
hypophysaire
Hypophyse
Tige
pituitaire
Figure 5 : Vue supérieure du sinus intercaverneux antérieur in situ
Le sinus intercaverneux postérieur n’est observé sur la pièce que sous la forme de
fragments de latex déposés sur le diaphragme sellaire en arrière de la tige pituitaire et non
d’une anastomose véritable.
C) Plexus veineux basilaire
Le plexus veineux basilaire correspond lui aussi à une anastomose intercaverneuse
postérieure, située en amont des sinus pétreux inférieurs pour sa partie proximale. Il prend la
dorme d’un lac veineux, limité en avant par une lame de dure-mère plaquée à la face
postérieure du corps du sphénoïde, et en arrière par une seconde lame de dure-mère
prébasilaire (d’où son nom). On observe très distinctement deux anastomoses principales
rejoignant les portions droite et gauche de ce plexus, ainsi que deux prolongements (un vers le
bas et la droite, l’autre vers le bas et la gauche). Le plexus admet comme rapports :
- en avant : la face postérieure du corps du sphénoïde et l’hypophyse (par
extension)
- en arrière : l’artère basilaire, la face antérieure du tronc cérébral (notamment
du pont), l’émergence du tronc cérébral des nerfs crâniens proximaux (III, IV,
V, VI)
- en haut : la lame quadrilatère de la selle turcique (dorsum sellae), les
apophyses clinoïdes postérieures, les artères cérébrales postérieures
- en bas : la jonction osseuse entre sphénoïde et partie basilaire de l’os occipital,
le nerf abducens (VI)
- latéralement : les sinus caverneux, les nerfs oculomoteurs (III), les nerfs
trochléaires (IV), les nerfs trijumeaux (V), les sinus pétreux supérieurs
Crânial
Droite
Tige
pituitaire
Anastomose
supérieure
Plexus
veineux
basilaire
Sinus
caverneux
Anastomose
inférieure
Figure 6 : Vue postérieure du plexus veineux basilaire in situ
Crânial
1
1
Droite
3
1
2
2
4
5
5
Figure 7 : Vue postérieure des rapports entre plexus basilaire et nerfs crâniens
1 : Nerf optique (II)
2 : Nerf oculomoteur (III)
3 : Nerf trochléaire (IV)
4 : Nerf trijumeau (V)
5 : Nerf abducens (VI)
D) Veines parahypophysaires
Nous observons le drainage veineux adéno-hypophysaire d’un point de vue
extérieur (cf : Figure 8). Nous remarquons qu’une large portion médiale du lobe antérieur se
draine vers le sinus intercaverneux antérieur par l’intermédiaire de plusieurs veines
hypophysaires antérieures orientées vers le bas et l’avant. Les portions latérales se drainent
directement vers les sinus caverneux homolatéraux, comme il est décrit classiquement dans la
littérature, par plusieurs petites veines hypophysaires latérales traversant la paroi médiale du
sinus caverneux. La glande ne présente pas d’émergence veineuse observable à l’œil nu dans
la portion la plus crâniale de ses lobes latéraux. Nous ne nous intéressons pas au drainage
veineux de la neurohypophyse.
Antérieur
Droite
Sinus
intercaverneux
antérieur
Veines
adénohypophysaires
latérales
Sinus
caverneux
Tige
pituitaire
Veines
adénohypophysaires
antérieures
Figure 8 : Vue supérieure de l’hypophyse et du moulage des sinus caverneux
Sur une vue inférieure de la glande (cf : Figure 9), nous observons un vaste plexus
veineux sous-hypophysaire médial, de multiples petites veines latérales, ainsi que des
anastomoses veineuses reliant le plexus sous hypophysaire et les sinus caverneux. Le plexus
veineux est limité par deux lames de dure-mère : d’une part une lame tapissant la glande,
traversée par les vaisseaux hypophysaires efférents se drainant dans le plexus ; d’autre part
une lame para-osseuse, tapissant le plancher de la selle turcique (lame ôtée sur la Figure 9).
Ce plexus reçoit manifestement le sang veineux adénohypophysaire issu de la portion médiale
de la glande ; le sang issu des lobes latéraux se drainant visiblement directement vers les sinus
caverneux. Nous concevons qu’il est tout à fait envisageable qu’il existe une réversibilité du
flux entre le plexus sous-hypophysaire et les sinus caverneux, liée à l’existence des
anastomoses entre ces structures et au fait que le système soit entièrement dépourvu de
valvule (l’injection s’est propagée sans obstacle).
Antérieur
Gauche
Plexus veineux soushypophysaire
Sinus
intercaverneux
antérieur
Veine
hypophysaire
antérieure
Sinus caverneux
Anastomoses
Veines
hypophysaires
latérales
Figure 9 : Vue inférieure de l’hypophyse et du moulage des sinus caverneux
2) Drainage veineux intraglandulaire
Les coupes micro-anatomiques réalisées nous ont permis de mettre en évidence le
latex présent à l’intérieur de certains vaisseaux intra-hypophysaires. Cependant, en raison de
la multiplicité des vaisseaux, de leur petite taille et de la détérioration du tissu post-mortem, il
n’a pas été possible de systématiser le drainage veineux intra-glandulaire. D’une part toutes
les veines n’ont pas été injectées par le latex ; d’autre part les veines ayant été injectées
s’épuisent rapidement dans la périphérie de la glande et ne peuvent ainsi être suivies. De plus,
le latex n’est probablement pas le produit adéquat pour visualiser les veines intra-glandulaires,
en raison de sa viscosité qui ne lui permet pas d’infiltrer les plus petits vaisseaux.
Nous avons tout de même pu observer de nombreux vaisseaux injectés, témoignant du
riche drainage veineux intraglandulaire. Les plus gros vaisseaux, aisément observables, sont
situés dans les portions les plus externes de la glande. Cela nous incite à penser que ces
vaisseaux forment les affluents majeurs des veines hypophysaires efférentes que l’on observe
à l’extérieur de l’hypophyse.
Les lobes latéraux sont ceux où l’on observe le plus aisément les vaisseaux
injectés. De multiples veines y sont visibles, en périphérie des lobes latéraux. Il semble
qu’elles se drainent directement au travers de la dure-mère dans les sinus caverneux par
l’intermédiaire de veines hypophysaires latérales (cf : Figure 10).
Latéral
Veine
hypophysaire
latérale
Antérieur
Dure-mère de la
paroi latérale de
la loge
hypophysaire
Cellules
hypophysaires
glandulaires
Veines intrahypophysaires
Figure 10 : Coupe micro-anatomique du lobe latéral de l’hypophyse, coloré à l’HémalunEosine (Grossissement x4)
Nous avons également pu observer quelques veines de la partie la plus antérieure
de la glande. Elles semblent visiblement se drainer directement vers les sinus intercaverneux
antérieurs, sans latéralisation observable. Elles sont situées immédiatement au contact du tissu
conjonctif dure-mèrien. Il s’agit vraisemblablement des veines hypophysaires antérieures que
nous avions observées lors de la dissection (cf : Figures 8 et 11). Nous n’avons pas mis
spécifiquement en évidence de vaisseau croisant la ligne médiane à l’intérieur de la glande,
bien que les vaisseaux observés soient situés de façon médiane.
Latéral
Antérieur
Veines adénohypophysaires
antérieures
intraglandulaires
Veine
hypophysaire
antérieure
Dure-mère
Travées de
cellules
endocrines
Figure 11 : Coupe micro-anatomique de la portion antérieure de l’adéno-hypophyse, colorée à
l’Hémalun-Eosine (Grossissement x4)
IV) DISCUSSION
1) Drainage veineux adéno-hypophysaire
L’hypophyse est classiquement décrite comme se drainant directement vers les sinus
caverneux[2][6] par de multiples veines efférentes peu systématisées. Les travaux que nous
avons menés nous permettent de nuancer cette présentation classique. Nous avons mis en
évidence plusieurs types de veines drainant le lobe antérieur de l’hypophyse.
D’une part nous avons observé de multiples veines s’échappant à la face antérieure de
l’adénohypophyse, se drainant directement vers les sinus intercaverneux antérieurs et non pas
vers les sinus caverneux. D’autre part nous avons décrit de petits vaisseaux à la face inférieure
de la glande, se destinant au plexus veineux sous-hypophysaire, lui-même se drainant de
façon bilatérale vers les sinus caverneux. Enfin, nous avons mis en évidence de fines veines
drainant les portions les plus latérales de la glande directement vers les sinus caverneux.
2) Application clinique : cathétérisme des sinus pétreux inférieurs
Le syndrome de Cushing regroupe l’ensemble des manifestations induites par une
exposition chronique à un excès de glucocorticoïdes circulants[1]. Il est réalisé par
l’association de différents symptômes (obésité facio-tronculaire ; buffalo-neck ; visage
lunaire, gonflé et rouge ; hirsutisme ; fatigue nerveuse et intellectuelle…). Il existe plusieurs
causes endogènes de syndrome de Cushing (à opposer aux syndromes iatrogènes, secondaires
à une corticothérapie). On distingue deux grands cadres physiopathologiques distincts du
syndrome de Cushing :
- les hypercortisolismes ACTH-dépendants : d’origine hypophysaire (maladie de
Cushing), ou non-hypophysaire (sécrétion ectopique d’ACTH).
- les hypercortisolismes ACTH-indépendants : d’origine primitivement
corticosurrénalienne, par des tumeurs bénignes ou malignes, uni ou bilatérales.
Dans le cas d’un hypercortisolisme ACTH-dépendant, les tests de première intention
que sont les tests hormonaux dynamiques (test de freinage à la dexaméthasone, test au CRH)
et l’imagerie hypophysaire (principalement l’IRM), ne permettent pas, dans certains cas, de
préciser l’étiologie du syndrome. En seconde intention, il est alors pratiqué un cathétérisme
des sinus pétreux inférieurs afin de faire la différence entre une maladie de Cushing et une
sécrétion ectopique d’ACTH (Cushing paranéoplasique). La technique consiste prélever
simultanément un échantillon sanguin dans les deux sinus pétreux inférieurs, de base et après
stimulation par le CRH, afin d’y doser l’ACTH plasmatique (prélèvements centraux) ; un
prélèvement périphérique est obtenu en même temps. Le premier objectif est d’affirmer
l’origine hypophysaire (ou non) de l’hypersécrétion d’ACTH. Dans le cas d’une maladie de
Cushing, le second objectif est d’émettre une hypothèse sur la latéralisation de la tumeur
hypophysaire afin de guider le geste opératoire.
Certaines études épidémiologiques[9] montrent qu’une latéralisation de l’adénome est
en partie concluante suite à l’examen. D’autres études plus récentes[7][8] tendent à démontrer
qu’il est difficile de prévoir une latéralisation. Face à ces affirmations contrastées, nous
estimons que plusieurs de nos observations anatomiques vont dans le sens d’une relative
impossibilité de latéralisation.
D’une part il existe de nombreuses anastomoses entre les sinus droit et gauche
drainant le sang veineux hypophysaire, en amont des sinus pétreux inférieurs. Les sinus
intercaverneux (notamment antérieur), le plexus veineux sous-hypophysaire et le plexus
veineux basilaire (notamment dans sa partie supérieure) constituent ces anastomoses. De plus,
tous ces sinus et plexus sont totalement avalvulés, d’où une très probable réversibilité du flux
sanguin entre les cavités. C’est pourquoi nous estimons que le sang veineux chargé en ACTH
recueilli dans les sinus pétreux au cours de l’examen peut tout aussi bien être issu du lobe
droit que du lobe gauche de la glande. Par conséquent l’ACTH dosée dans le prélèvement
effectué d’un côté peut très bien avoir été sécrétée par des cellules endocrines controlatérales.
D’autre part, nous avons pu observer qu’à l’intérieur de l’hypophyse, il n’existe
aucune séparation nette entre un lobe gauche et un lobe droit, pas plus qu’il n’existe pour
chaque lobe un drainage systématisable. Du fait de son caractère endocrine, l’hypophyse est
extrêmement richement vascularisée, ce qui nous amène à penser qu’à l’intérieur même de la
glande le sang veineux pourrait successivement drainer les hormones sécrétées par les cellules
corticotropes de la portion droite puis celles sécrétées par les cellules de la portion gauche,
avant de se collecter au niveau des sinus caverneux.
Nos observations anatomiques sont concordantes avec les images observées en IRM
cérébrale. Cet examen permet une bonne visualisation des structures veineuses
parahypophysaires, tels les sinus caverneux, les sinus coronaires ou le plexus veineux soushypophysaire (cf : Figures 12 et 13). Les images obtenues en imagerie contribuent également
à démontrer qu’il est tout à fait vraisemblable que le sang veineux hypophysaire puisse se
drainer de façon bilatérale.
Crânial
Gauche
Hypophyse
Plexus veineux
soushypophysaire
Artère
carotide
interne
Sinus
caverneux
Figure 12 : Coupe frontale en IRM cérébrale, centrée sur l’hypophyse (séquence T1)
Crânial
Postérieur
Hypophyse
Sinus
intercaverneux
postérieur
Artère
carotide
interne
Plexus
veineux
basilaire
Figure 13 : Coupe sagittale paramédiane en IRM cérébrale, centrée sur l’hypophyse
(séquence T1)
D’après nos travaux, il ne nous semble toutefois pas exclu que dans certains situation
une latéralisation de l’adénome reste possible. Il est d’ailleurs à noter que dans un nombre
non-négligeable de cas[8][9], une différence de concentration en ACTH entre les deux sinus
pétreux inférieurs est corrélée à une latéralisation de l’adénome du côté où la concentration
est la plus importante.
Il nous paraît extrêmement peu probable qu’un micro-adénome situé dans la partie la
plus antérieure de la glande puisse être latéralisé suite à un cathétérisme en raison des
nombreuses possibilités anastomotiques évoquées ci-dessus (cf : Figures 5, 8, 9, 11 et 13).
Cependant, une majorité des micro-adénomes hypophysaires sont situés dans les parties
latérales de la glande[9]. Il nous paraît alors possible qu’un micro-adénome situé dans la partie
la plus latérale, supérieure et postérieure de l’adéno-hypophyse puisse se drainer de façon
unilatérale. En effet nous n’avons pas mis en évidence de veine drainant directement ces
zones de l’hypophyse vers des anastomoses droite-gauche (cf : Figure 8). Pour espérer prédire
de façon certaine une latéralisation, le flux sanguin devrait être nul au sein des plexus soushypophysaire et basilaire, ce qui semble peu probable (mais pas impossible).
CONCLUSION
L’étude que nous avons réalisée nous a permis :
-
d’une part d’étudier le groupe antéro-inférieur des sinus veineux du crâne et les
nombreuses anastomoses entre les sinus drainant le sang hypophysaire
d’autre part d’apporter un éclaircissement anatomique à l’observation qui tend
à montrer qu’il est délicat d’envisager la latéralisation de l’adénome suite à un
cathétérisme des sinus pétreux inférieurs
Cependant, notre étude ne peut se suffire à elle-même. Une systématisation minutieuse
de la position des veines à l’intérieur de l’adéno-hypophyse nous semble intéressante à mener
par la suite.
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10- S PERRON
La région hypophysaire
Mémoire pour le certificat Anatomie et Organogénèse (C1)
Laboratoire d’Anatomie de la faculté de Médecine de Nantes, Année 1997-1998
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