Pr Dr Jürgen Manhart, Munich Obturation d’une molaire avec une substance ORMOCER nanohybride entièrement nouvelle Rapport d’un cas clinique Les restaurations composites directes dans la zone latérale font partie des traitements standard en odontologie restauratrice conservatrice moderne. Compte tenu d’une prise de conscience esthétique accrue au cours de ces deux dernières décennies, aujourd’hui, une grande partie des patients accepte de moins en moins les restaurations métalliques et exige des alternatives reproduisant la teinte dentaire naturelle. Outre les inlays en céramique, les patients ont maintenant la possibilité de choisir comme restauration permanente des restaurations composites directes. Ce type d’obturation est très apprécié autant par les patients que par les praticiens. De nombreuses études cliniques également ont entre-temps confirmé ses performances dans la zone latérale soumise aux contraintes de la mastication. Outre les composites à base de méthacrylate classique, l’offre des produits plastiques pour obturation s’est maintenant enrichie d’une variante purement ormocère nanohybride sans addition de monomères classiques. Introduction différentes couleurs des restaurations à savoir la simplification et, en même directes hautement esthétiques qui ne temps, la sécurisation de l’utilisation L’offre dans le domaine des matériaux se distinguent pratiquement plus de la de ces matériaux pour les molaires et composites plastiques s’est considé- substance dentaire dure et font concur- les prémolaires [6 à 12]. Avec l’arrivée rablement élargie au cours de ces der- rence à ce niveau aux restaurations tout- des composites « bulk fill », il devint nières années [1 à 3]. Les exigences des céramique. Certains de ces systèmes possible d’atteindre cet objectif et, en patients en matière d’esthétique ayant comprennent plus de 30 masses com- même temps, de rendre plus écono- connu une énorme poussée, le marché posites différentes dans des nuances mique la mise en œuvre des produits en a vu arriver, outre les matériaux compo- et des translucidités différentes. Il est augmentant les épaisseurs de couches sites universels classiques, un nombre donc indispensable d’être familiarisé photopolymérisables (de 2 mm jusqu’ici important de matériaux composites avec le maniement de ces matériaux à 4 ou 5 mm) tout en raccourcissant les dits « esthétiques » qui se caractérisent dont la mise en œuvre, notamment temps d’exposition [13 à 17]. par des masses composites avec des dans la zone antérieure, par le biais teintes variées et différents niveaux de d’une technique de stratification néces- La plupart des matériaux composites translucidité / d’opacité dont le choix site l’emploi de 2 ou 3 opacités et/ou contient des matrices monomères couvre les besoins [4]. Ces produits, translucidités différentes [4, 5]. organiques à base de méthacrylate existant en teintes de dentine opaques, classique [18]. Mais il existe d’autres en masses émail translucides et, le cas D’autre part, on observe au cours de approches avec des résines à base de échéant, en teintes Body, permettent ces dernières années une autre ten- silorane [19 à 24] et des produits à base d’obtenir par application de couches de dance dans l’évolution des composites, d’ORMOCER [25 à 32]. Les produits ▲ 16 « ORMOCER » (« organically modified pigments et des charges inorganiques) ciales) et peut ainsi être utilisé selon ceramics ») sont des matériaux com- [37]. C’est pourquoi il est plus juste de les besoins aussi bien avec la tech- posites inorganiques non métalliques parler ici de matériaux composites à nique monochrome simplifiée, par ex. organo-modifiés [33]. Les ormocères base d’ormocères. dans la zone latérale, qu’avec la tech- se situent entre les polymères inorga- nique polychromatique multicouches niques et les polymères organiques et Le nouveau matériau d’obturation pour les situations requérant des cri- possèdent un réseau aussi bien orga- ormocère Admira Fusion (VOCO) ne tères esthétiques exigeants. nique qu’inorganique [30, 34 à 36]. comprend plus dans sa matrice de Ce groupe de matériaux a été mis au monomères classiques en plus des point par l’Institut Fraunhofer pour la ormocères. Il comporte des charges recherche sur les silicates de Würzburg nanohybrides avec un pourcentage et commercialisé, en coopération avec de charges inorganiques de 84 %m. Une patient âgée de 51 ans se présenta des partenaires de l’industrie dentaire, Le produit présente une rétraction à notre cabinet pour faire remplacer comme matériau d’obturation pour la à la polymérisation de seulement son obturation en amalgame dans la première fois en 1998 [27, 28]. Depuis, 1,25 %vol. avec un faible stress de dent 16 par une restauration ayant la les composites à base d’ormocères ont rétraction (3,87 MPa). Grâce à sa com- teinte naturelle de la dent (Ill. 1). La dent connu un perfectionnement considé- position, Admira Fusion dispose d’une réagit immédiatement à l’épreuve du rable. Pour améliorer la mise en œuvre grande biocompatibilité et d’une bonne froid et le test de percussion ne révéla des utilisés stabilité de teinte. Admira Fusion pro- aucune anomalie. Après avoir été infor- jusqu’ici et le réglage de la viscosité de pose une large palette de teintes avec mée par nos soins sur les différentes la matrice, on a ajouté à la substance trois degrés de translucidité / d’opacité possibilités de traitement et sur leurs ormocère d’autres monomères (outre (10 teintes Vita universelles, 4 teintes coûts, la patiente opta pour une obtura- des initiateurs, des stabilisateurs, des de dentine opaques, 4 teintes spé- tion plastique avec le produit ormocère ormocères dentaires Ill. 1 : Situation de départ : vieille obturation en amalgame dans la dent 16. Ill. 4 : Sélection de la teinte adéquate sur la dent humide. Ill. 2 : Situation une fois l’obturation en amalgame retirée avec précautions. Cas clinique Ill. 3 : Après élimination de la carie, la finition de la cavité est achevée. Ill. 5 : Isolation de la zone de traitement avec une digue. ▲ 18 New Lisa: Nothing compares to her W&H Lisa_170x120_DentistNews_EN.indd 1 26.10.2015 22:20:06 Admira Fusion (VOCO) par technique d’une digue qui assèche inévitablement adhésif). Par conséquent, la digue est de stratification monochrome. la substance dentaire dure (Ill. 4). Nous une solution essentielle pour faciliter avons ensuite isolé la zone de traite- le travail et assurer la qualité de la tech- Le traitement consista tout d’abord à éli- ment par la mise en place de la digue nique adhésive. Le peu de temps passé miner entièrement les dépôts externes (Ill. 5). Le caoutchouc de serrage permet à positionner la digue est compensé par sur la dent concernée au moyen d’une d’isoler le champ opératoire de la cavité le fait qu’un changement de tampon est pâte prophylactique exempte de fluor buccale, de faciliter un travail efficace et inutile et que le patient ne ressent pas le et d’une cupule en caoutchouc. Nous propre et de garantir en outre l’absence besoin de se rincer la bouche. avons, après administration d’une anes- de substances contaminantes (sang, thésie locale, éliminé l’amalgame avec fluide du sillon gingivo-dentaire, salive) Après quoi, nous avons isolé la cavité précaution (Ill. 2). La présence d’une dans la zone de travail. Une contamina- avec une matrice partielle métallique carie nous obligea à élargir la cavité tion de l’émail et de la dentine entraî- que nous avons ajustée au niveau cer- côté mésial. Après excavation, nous nerait une dégradation sensible de vical à l’aide d’une clavette plastique avons terminé la préparation avec un l’adhérence du matériau d’obturation (Ill. 6). L’anneau de serrage du système outil diamanté à grains fins (Ill. 3). La aux substances dentaires dures, et nui- de matrice assure une séparation suf- teinte adaptée fut recherchée à l’aide du rait donc à la durabilité de la restaura- fisante entre la dent et la dent voisine teintier correspondant au programme tion et à l’intégrité marginale optimale. mésiale et garantit un contact étroit de du produit d’obturation alors que la En outre, la digue protège le patient des la nouvelle obturation avec les dents dent était encore humide, avant la pose substances irritantes (p. ex. système adjacentes (Ill. 7). ▲ Avril 2016 19 Nous avons choisi l’adhésif universel un adhésif universel moderne com- conditionnement à base d’acide phos- Futurabond U (VOCO) pour le traite- patible avec toutes les techniques de phorique (mordançage sélectif ou trai- ment préparatoire adhésif de la subs- conditionnement, à savoir l’automor- tement préparatoire par mordançage tance dentaire dure. Futurabond U est dançage et les deux techniques de et rinçage de l’émail et de la dentine). Ill. 6 : Isolation proximale de la cavité à l’aide d’une matrice partielle et d’une clavette plastique. Ill. 7 : Mise en place d’un anneau de serrage pour séparer des dents voisines. Ill. 8 : Application de gel d’acide phosphorique à 35 % d’abord de façon sélective sur l’émail des parois cavitaires pour le laisser agir pendant 15 s. Ill. 9 : Au bout de 15 s, remplissage également de la partie dentinaire de la cavité avec du gel de mordançage et conditionnement pendant 15 s supplémentaires (total etch). Ill. 10 : Situation après élimination de l’acide par vaporisation et séchage prudent de la cavité. Ill. 12 : Soufflage prudent du solvant pour l’éliminer du système adhésif. Ill. 13 : Photopolymérisation pendant 10 s de l’agent de pontage. Ill. 14 : La cavité entièrement scellée présente après application de l’adhésif une surface brillante. Ill. 15 : La première couche d’Admira Fusion reconstitue la surface proximale jusqu’à hauteur de l’arête marginale. Ill. 16 : Photopolymérisation pendant 20 s du matériau d’obturation. Ill. 17 : La cavité de la classe II à l’origine est devenue une « cavité effective de la classe I ». Ill. 11 : Application sur l’émail et la dentine de l’agent de pontage Futurabond U à l’aide d’une mini-brossette. ▲ 20 Dans le cas présent, nous avons eu sur l’émail et la dentine d’une bonne rence de l’obturation dans les zones recours au traitement préparatoire par quantité d’agent de pontage universel concernées et nuire au scellement mordançage total à l’acide phospho- Futurabond U à l’aide d’un micro-appli- dentinaire, et le cas échéant, entraîner rique de l’émail et de la dentine. Nous cateur. Nous avons soigneusement également des hypersensibilités post- avons pour cela déposé tout autour sur massé l’adhésif pendant 20 s avec l’ap- opératoires. Si de telles insuffisances les bords de l’émail de l’acide phos- plicateur pour le faire pénétrer dans la sont détectées lors du contrôle visuel, phorique à 35 % (Vococid, VOCO) que substance dentaire dure. Ensuite, nous une quantité supplémentaire d’agent nous avons laissé agir pendant 15 s avons prudemment soufflé le solvant de pontage doit être de nouveau appli- (Ill. 8). Nous avons ensuite recouvert avec de l’air comprimé sec et sans quée de manière sélective dans les l’ensemble de la dentine de la cavité huile (Ill. 12), puis polymérisé l’agent zones concernées. avec du gel de mordançage (total etch) de pontage avec une lampe pendant (Ill. 9). Après avoir laissé agir encore 10 s (Ill. 13). Il en résulta une surface de L’étape suivante consistait à reconsti- 15 s, nous avons ensuite vaporisé géné- cavité brillante mouillée entièrement tuer entièrement la surface proximale reusement pendant 20 s de l’eau sous de manière homogène par l’adhésif mésiale jusqu’à hauteur de l’arête pression pour éliminer l’acide et les (Ill. 14). La brillance doit être contrôlée marginale avec Admira Fusion ; substances qu’il avait détachées de la avec soin, la présence de zones d’as- nous avons pour cela réparti l’ormo- substance dentaire dure en soufflant pect mat dans les cavités indiquant une cère avec soin à l’aide d’un nouveau avec précaution l’eau excédentaire de quantité d’adhésif insuffisante. Dans le micro-applicateur la cavité avec de l’air comprimé (Ill. 10). pire des cas, cela pourrait avoir pour instrument à modeler (Ill. 15). Le L’illustration 11 montre l’application conséquence une réduction de l’adhé- matériau d’obturation fut photopoly- utilisé comme ▲ Avril 2016 21 mérisé pendant 20 s sous une lampe le contrôle visuel lors de la mise en (Ill. 19), puis les cuspides mésio-pala- (intensité lumineuse > 500 mW/cm²) place des couches de produits sui- tines (Ill. 20) et, pour finir, le volume (Ill. 16). La cavité étant, à l’origine, vantes. La deuxième couche d’Admira restant des cuspides disto-palatines de la classe II, la reconstitution de la Fusion permit de lisser le fond de la et disto-buccales (Ill. 21). Cette tech- surface proximale mésiale a produit cavité afin de garantir ensuite, pour la nique consistant à reconstruire les une « cavité effective de la classe I » finition des structures anatomiques différentes cuspides les unes après (Ill. 17) et l’on a pu retirer le système occlusives, une épaisseur de couche les autres permet de modeler l’ana- de matrice devenu superflu. Dans la maximale régulière de 2 mm de maté- tomie occlusive simplement et de poursuite des soins, l’accès à la cavité riau d’obturation (Ill. 18). Avec la façon prévisible et de se rapprocher avec les instruments manuels s’en technique d’application successive de très près de la forme naturelle. Le trouva facilité pour réaliser les struc- pratiquée pour les cuspides, nous matériau d’obturation a été polymé- tures occlusives et la meilleure visi- avons ensuite commencé par recons- risé pendant 20 s après le modelage bilité du site de traitement améliora tituer les cuspides mésio-buccales séparé de chaque cuspide (Ill. 22). Une fois les applications terminées, nous avons consolidé la polymérisation du matériau de restauration pendant encore une fois 20 s côté mésio-palatin (Ill. 23) et mésio-buccal (Ill. 24) afin d’être sûr que toutes les surfaces cervicales proximales, cachées auparavant par la matrice Ill. 18 : Situation après retrait de la matrice et nivellement du fond de la cavité avec la deuxième couche d’Admira Fusion. Ill. 19 :Reconstitution de la cuspide mésiobuccale et photopolymérisation pendant 20 s. métallique, soient suffisamment poly- Ill. 20 :Reconstitution de la cuspide mésiopalatine et photopolymérisation pendant 20 s. Ill. 21 :Reconstitution des cuspides distopalatine et disto-buccale. Ill. 22 :Photopolymérisation pendant 20 s de la cuspide reconstituée en dernier. Ill. 23 :Postpolymérisation pendant 20 s de la zone proximale mésio-palatine cachée auparavant par la matrice métallique. Ill. 24 :Postpolymérisation pendant 20 s de la zone proximale mésio-buccale cachée auparavant par la matrice métallique. Ill. 25 :Situation finale : restauration ormocère terminée au poli spéculaire. La fonction et l’aspect esthétique de la dent sont rétablis. mérisées. ▲ 22 Nous avons, après avoir retiré la digue, dégrossi soigneusement l’obturation avec des instruments rotatifs et des mini-disques abrasifs, puis ajusté l’occlusion au niveau statique et dynamique. Les polissoirs en silicone imprégnés de poudre de diamant (Dimanto, VOCO) ont donné à la restauration une surface lisse et brillante. L’illustration 25 montre la restauration directe en ormocère achevée qui rétablit la forme originale de la dent avec une anatomie fonctionnelle de la surface occlusive, un contact proximal physiologique et un aspect esthétique de très grande qualité. Pour finir, nous avons appliqué un vernis au fluorure (Bifluorid 12, VOCO) sur les dents à l’aide d’une boulette en mousse. Conclusions Les matériaux d’obturation directs à base de composites ne cesseront de gagner en importance à l’avenir. Ces restaurations permanentes de haute qualité pour la zone latérale soumise aux contraintes de la mastication sont basées sur des données scientifiques fondées, et leur fiabilité est documentée dans des publications spécialisées [38 à 43]. Les résultats de travaux comparatifs d’envergure ont montré que, statistiquement, les taux annuels de perte d’obturations composites dans la zone latérale (2,2 %) ne s’écartent pas de celui des obturations en amalgame (3,0 %) [40]. En outre, le taux de survie de ces restaurations est positivement influencé par des procédés mini-invasifs et par la possibilité de dépister de plus en plus tôt les lésions carieuses. Toutefois, une restauration composite directe de haute qualité avec bonne adaptation marginale suppose encore aujourd’hui une technique de matrice soignée (en cas d’intervention proximale), un adhésif dentinaire efficace appliqué selon les spécifications, une mise en œuvre correcte du matériau d’obturation et un degré de polymérisation suffisant du matériau composite. Outre les composites à base de méthacrylate classique, l’offre des produits plastiques pour obturation s’est maintenant enrichie d’une variante d’ormocères nanohybrides sans addition de monomères classiques. n ▲ Liste de références disponible sur demande : [email protected] Avril 2016 194427-GC-ESSENTI-ADV-FR-90x267.indd 1 23 28/09/15 09:0