Accélérer la perestroïka
La logique même de la perestroïka, les difficultés dans le domaine économique et social nous poussent à
changer fondamentalement notre système économique. Il s'agit d'élaborer un nouveau modèle économique,
diversifié, avec différentes formes de gestion et de propriété, doté d'une infrastructure moderne. On donnera
ainsi libre cours à l'esprit d'entreprise et d'initiative des gens, on créera ainsi de puissantes motivations qui
engendreront fécondité et efficacité du travail.
Cette tâche, nous nous l'étions assignée dès le début de la perestroïka. Mais ce n'est que maintenant, alors
que nous avons acquis une certaine expérience des nouvelles structures économiques, bien avancé sur la
voie de la réforme politique, adopté une série de lois importantes, à commencer par celles qui concernent la
propriété, l'affermage, la terre, etc., que nous pouvons nous attaquer au passage à l'économie de marché.
Mais ce qui inquiète les gens, quand ils en discutent, c'est de savoir si cela ne fera pas baisser leur niveau de
vie, n'entraînera pas l'inégalité, si la justice et la protection sociale seront toujours assurées. Ces questions,
les membres du Parti les posent et elles préoccupent tout le monde, ceux qui travaillent et ceux qui sont à la
retraite, les hommes et les femmes, les anciens combattants et les jeunes gens. C'est parce qu'elles n'ont pas
été abordées comme il l'aurait fallu pendant la préparation du programme du gouvernement, qu'elles
provoquent autant de critiques. Il faut, en ce domaine, être parfaitement clair.
Tout d'abord, à propos du marché en lui-même. Il a subi une évolution millénaire, de l'échange spontané des
denrées à une hyper-organisation. Nous devons renoncer au volontarisme, nous devons apprendre à réguler
les processus économiques en nous fondant sur la loi de la valeur d'échange, pour créer, par là même, les
conditions nécessaires aux activités économiques.
Le marché donne la possibilité de savoir quels sont vraiment les besoins, d'y répondre efficacement,
d'équilibrer l'offre et la demande, de créer un milieu de développement normal, naturel pour la production.
En général, nous ne faisons pas du marché un but en soi, nous y voyons le moyen de rendre notre système
économique plus efficace, d'améliorer le niveau de vie des gens. Il doit permettre d'infléchir notre économie
dans une direction sociale plus marquée, de la tourner vers les besoins de l'homme.
Le marché, tel qu'on le conçoit aujourd'hui, refuse le monopole d'un seul type de propriété, il en exige
plusieurs, auxquels soient assurés les mêmes droits politiques et économiques. Les entreprises d'Etat, tout
comme la propriété collective des coopératives ou des sociétés par actions, et la propriété des fruits de son
travail du fermier, de l'artisan ou de la famille, tout cela renforce les bases de la démocratie, dans la mesure
où les travailleurs deviennent les vrais propriétaires des moyens de production et des résultats de leur travail,
dans la mesure où ils ont personnellement intérêt à ce que celui-ci soit efficace et à ce que son produit soit
de bonne qualité.
Il ne faut évidemment pas confier au marché la réalisation des grands programmes de recherches
scientifiques et techniques, qui s'étalent sur plusieurs années, ni le développement des sciences
fondamentales, ni la culture, ni les programmes sociaux et écologiques à l'échelle de l'Union. Mais cela ne
doit pas être non plus le résultat de grossières pressions administratives, cela doit être financé par l'impôt,
par des taxes progressives, par des encouragements et des sanctions, par des tarifs douaniers. Pour que la
politique économique de l'Etat soit efficace, elle doit maîtriser l'ensemble des instruments nécessaires à la
gestion de l'économie.
Les problèmes liés à l'introduction du marché doivent être abordés avec une extrême pondération. Il nous
faut des actes juridiques qui défendent le droit des gens au travail, qui garantissent une vraie liberté de choix
dans ce domaine. L'Etat doit aider ceux qui veulent travailler mais sont momentanément sans emploi. Il y a
une autre question importante. C'est celle de la différence de fortune. Les principes du socialisme laissent
place aux différences en ce domaine, si elles résultent du talent, de l'initiative, de la créativité de l'individu.
Mais nous sommes tout à fait opposés à une différenciation sociale qui reposerait sur des revenus autres que
ceux du travail, ou sur des privilèges illégaux.