Uni au Christ de Corps ET d'Esprit
Homélie du Père Grégoire Cieutat, 26ème dimanche ordinaire 2012
L'évangile de ce dimanche suit celui de dimanche dernier où
nous avons vu que les disciples discutaient entre eux pour savoir qui
était le plus grand. Ils venaient en effet d'entendre Jésus annoncer une
fois de plus sa mort prochaine. Saisis de peur, ils cherchaient sans
doute déjà un remplaçant pour se protéger et ne pas suivre leur maître
dans ce sort tragique. Jésus a compris le danger de ce désir
d'organisation humaine guidé par la peur de perdre son rang ou sa vie.
Désir qui mène inévitablement aux rivalités, qui écarte les plus faibles
et qui finit par séparer les hommes les uns des autres et de Dieu. Pour
y remédier, Jésus prend donc justement un enfant pour personnifier
l'Esprit Saint qui devra venir à son départ pour chasser la peur de leurs
cœurs afin qu'ils demeurent unis avec Lui, avec le Père, et finalement
unis entre eux.
Après cette leçon prophétique de Jésus, il semble que le groupe
des Douze ait compris qu'il devait rester uni. Mais surgit alors la
remarque de Jean qui concerne cette fois l'unité avec ceux du dehors,
ceux qui ne sont pas de leur groupe. Elle concerne une personne qui,
avec ce même Esprit Saint, vient de chasser un démon mais qui ne suit
pas physiquement Jésus et son Église composée par les Douze. Jésus
est là encore très explicite en répliquant : « Ne l'empêchez pas, car
celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal
parler de moi ; celui qui n'est pas contre nous est pour nous ».
Autrement dit ailleurs, « on reconnaît un arbre à ses fruits » (Lc
6,43). Il faut donc comprendre que cette personne-là est nourrie de la
même sève, du même Esprit-Saint que les apôtres. Elle est unie à
Jésus spirituellement, même s'il lui manque de lui être unie
corporellement. Cet exemple peut donc très bien s'appliquer à nos
frères protestants. Ou, dans une autre mesure, aux catholiques
divorcés remariés qui, bien que ne pouvant pas communier
corporellement au corps du Christ, peuvent y communier
spirituellement et accomplir ainsi des miracles en son nom.
Par contre, il ne faudrait pas oublier la mise en garde de Jésus
qui suit, sous peine de s'égarer dans un relativisme fatal pour l'unité de
son corps qu'est l’Église. En effet, en affirmant que « celui qui
entraînera la chute d'un seul de ces petits qui croient en moi, mieux
vaudrait pour lui qu'on lui attache au cou une de ces meules que
tournent les ânes, et qu'on le jette à la mer », Jésus se montre d'une
extrême sévérité envers ceux qui pourraient conduire à la division de
son corps en provoquant le départ d'un seul croyant ; sous-entendu :
d'une seule personne qui adhère à Jésus corporellement et qui s'en
séparerait par la faute d'une autre personne du dedans ou du dehors de
son Église. Être uni à Jésus corporellement ou spirituellement n'est
donc pas du tout la même chose.
Et si nous n'en étions pas encore totalement convaincus, Jésus
prend alors de violentes images du corps qu'il vaudrait mieux mutiler
que de le voir se perdre tout entier. Il est bien évident que Jésus ne
conseille à personne de se mutiler : mais par ces phrases si violentes, il
veut nous faire découvrir la gravité de ce qui est en jeu ici, à savoir la
cohésion de la communauté. Et plus précisément de la communauté
unie à lui corporellement, l’Église catholique, dont la source et le
sommet sont l'eucharistie, le corps du Christ, comme nous le rappelle
le concile Vatican II.
De là à comprendre que l'eucharistie est le moyen le plus
puissant pour assurer l'unité des disciples avec leur maître, des
chrétiens avec Jésus, il n'y a qu'un pas que je nous invite à franchir
allègrement et prestement. La multiplication de foyers d'adoration
eucharistique de par le monde est un signe des temps qu'il est bon de
connecter avec la nécessité urgente d'une nouvelle évangélisation. Le
besoin d'adorer longuement Jésus présent corporellement dans le pain
consacré par le prêtre catholique, s'assimile au besoin de communier
avec Jésus de tout son cœur et de toute son âme, et pas seulement avec
son corps. Certains catholiques se réjouissent sans doute trop vite
qu'aujourd'hui, à nos messes dominicales, le plus grand nombre se
lève pour communier au corps du Christ. Nous devrions peut-être
nous inquiéter et nous attrister un peu plus du manque flagrant d'unité
entre communautés d'une même paroisse, du manque flagrant de zèle
apostolique pour évangéliser à temps et à contretemps la masse de nos
concitoyens indifférents à la présence de Jésus dans l'eucharistie. Ce
rapport entre la communion fréquente et les rivalités de bancs d'église,
ou le repli sur soi, n'est-il pas justement pour scandaliser les plus petits
d'entre nous ou ceux du dehors qui nous côtoient ? Pour ne pas risquer
de se retrouver avec une meule à notre cou, il est donc indispensable
de vivre la communion jusqu'à se laisser remplir par l'Esprit Saint,
jusqu'à laisser la place en nous à ce petit aussi humble que délicat.
Nous communierons alors corporellement ET spirituellement. Dans
cette perspective, l'adoration eucharistique n'est-elle pas le moyen le
plus efficace pour se désapproprier de soi-même et devenir un avec le
Fils et avec le Père ? Ainsi seulement nous laisserons enflammer nos
cœurs du désir de servir nos frères de l'intérieur de nos communautés
et de l'extérieur, sans nous comparer sur des critères trop humains
pour être vraiment catholiques.
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