ÉDITORIAL
Il est temps d’admettre que nous ne
sommes encore qu’aux prémices de
la révolution numérique, et que l’accès
de tous à une information et à une
communication planétaires n’en était
que le début.
Cette première étape a causé bien des bouleversements :
les médias traditionnels ont perdu leur monopole histo-
rique sur la diffusion de l’information, politique, écono-
mique ou technique. Le modèle économique de la presse
papier s’est disloqué, en même temps que s’évanouissait
l’influence du « quatrième pouvoir » dans le public. Puis ce
sont les médias radio-télévisés et le cinéma qui ont vu leur
audience et leur fréquentation s’effriter au fur et à mesure
de la mise en ligne de contenus gratuits ou payants sur la
grande Toile.
La communication commerciale des entreprises a vite com-
pris que la promotion devait se doubler d’un travail de fond
sur l’opinion et la notoriété, via des réseaux sociaux sur
lesquels elles ne peuvent exercer qu’un travail d’influence,
sans pouvoir maîtriser les échanges des internautes. Même
constat au plan de la vie politique et citoyenne : les nou-
veaux canaux de communication ont facilité l’émergence
d’innombrables débats, de plus en plus distanciés des dis-
cours officiels.
Qu’on ne s’y trompe pas, c’est ce même flux d’informa-
tion instantanée et affranchie des frontières qui a permis
en quelques années le développement fulgurant des ventes
à distance, autrefois limitées par les lourdeurs de la voie
postale. L’e-commerce poursuit sa percée dans toutes les
branches du retail, avec un impact certain sur l’occupation
du parc de locaux commerciaux. Offrant l’instantanéité et
une infinie liberté de choix, il a déjà habitué le consomma-
teur à comparer, à réfléchir, à choisir la meilleure offre, et à
préférer le commerce dématérialisé.
Cette deuxième phase s’accompagne d’une transforma-
tion de nos habitudes : l’accélération des échanges rend la
mobilité nécessaire, force les entreprises à devenir agiles,
repense l’offre commerciale, bouscule les habitudes prises
depuis toujours dans nos façons de travailler, nos loisirs et
notre comportement de consommateurs.
La révolution de l’internet entame ainsi une nouvelle phase.
L’ « ubérisation » déconstruit la relation millénaire produc-
teur/intermédiaire/client, et renverse les fondamentaux du
marketing. Quand le consommateur devient lui-même pro-
ducteur ou fournisseur de services partagés, l’intermédiation
est menacée par des start-up de l’économie numérique qui,
au moyen d’applications mobiles et de technologies inno-
vantes, réussissent parfois à prendre la place des anciens
intermédiaires.
L’évolution accélérée de nos modes de vie renverse nos
repères : les pessimistes entrevoient un futur où nous n’au-
rions plus besoin de magasins pour acheter, plus de bureaux
pour travailler, plus d’hôtels pour accueillir les touristes, plus
de taxis pour les véhiculer, et, au final, plus de vrais pro-
fessionnels dans une offre de services totalement dérégulée.
Au-delà des fantasmes, dans l’industrie immobilière comme
dans toutes les autres, la vérité est que ces évolutions socié-
tales sont une vraie chance pour tous ceux qui sauront les
voir et les anticiper. Aux professionnels que nous sommes
d’accompagner le changement, et d’inventer pour nos
clients les produits et les services qu’ils ne connaissent pas
aujourd’hui, mais qu’ils exigeront demain.
Je vous souhaite une très bonne lecture de votre revue.
Emmanuel Ducasse
Directeur des Études, Crédit Foncier Immobilier