Solidarités internationales : ça bouge ! Et nous ? MCC université d’été 2010
Dossier du participant Texte de réflexion : réconcilier capitalisme et équité Page 1 sur 2
Peut-on réconcilier capitalisme et équité ?
La crise actuelle n’est pas seulement économique et financière, elle est écologique,
alimentaire, énergétique ; c’est une crise systémique qui met en évidence les interdépendances
de nos économies et de nos sociétés, et la faillite de la forme actuelle du capitalisme. Nous
sommes aussi en pleine mutation – numérique, génétique, écologique… Le monde de demain
est incertain ; voire indéchiffrable. Comment alors orienter notre économie vers des modèles
respectueux des équilibres écologiques et vecteurs de justice sociale ?
Voici trois pistes de réflexion, prenant appui sur l’ouvrage collectif 20 propositions pour réformer
le capitalisme dirigé par G. Giraud et C. Renouard. Nous devons changer de modèle : passer
du dogme de la croissance à la gestion et au partage de nos ressources naturelles finies ;
produire, échanger et consommer autrement, en vue d’une économie verte et relationnelle,
d’un « post-capitalisme ». Une coordination internationale accrue et des réglementations
politiques contraignantes sont nécessaires à tous les niveaux. Les normes seules sont
insuffisantes : nous pouvons puiser dans nos ressources spirituelles, comme chrétiens, pour
anticiper les catastrophes possibles et transformer nos styles de vie : vivre « l’abondance
frugale » (Jean-Baptiste de Foucauld), la « frugalité heureuse » (Pierre Rahbi) ou le
« dégagement joyeux » (sainte Marie-Eugénie Milleret) !
Vers une économie relationnelle, équitable, verte
Nos économies n’ont pas vraiment tiré les leçons de la crise financière ; les montants faramineux
des bonus octroyés par les banques à leurs opérateurs financiers en sont un exemple : pourtant,
elles ne contribuent guère à la reprise économique par l’octroi de prêts bon marché. Les
réglementations mises en place par les G20 d’avril et septembre 2009 n’ont que partiellement
encadré les marchés des produits financiers dérivés, laissant ouverte la possibilité de spéculer sur
les marchés des matières premières alimentaires et énergétiques…
L’articulation urgente entre la relance de l’économie et la mise en œuvre d’industries vertes
n’est pas assez étroite pour répondre aux menaces qui pèsent sur la planète entière. Il s’agit
donc – comme le rappelle la dernière encyclique de Benoît XVI, Caritas in veritate- de faire en
sorte que « l’économie et la finance soient tout entières structurées par une visée éthique ». Au
fond il s’agit de reconnaître que la fonction de l’entreprise est de produire un bien ou un service
ayant une utilité sociale. Le profit est un moyen nécessaire au service de cette finalité. D’où la
réflexion à mener autour des critères d’une juste création et d’un juste partage de la valeur
économique et sociale créée par l’entreprise. Il s’agit de repenser l’activité économique et
financière en fonction de cette finalité et de replacer comme critère fondamental la qualité
des relations entre personnes humaines et entre l’humanité et la création tout entière ? c’est
ainsi que Jérémy Rifkin (the age of empathy. Basic Books, 2009) dépeint un capitalisme
distributif, basé non pas sur la compétition mais sur la coopération et l’empathie, dont Linux (1)
et Wikipedia sont de bons exemples.
Une coordination politique et économique internationale
Le système capitaliste mondialisé et dérégulé accroît les inégalités entre les sociétés et à
l’intérieur de nos sociétés. Pour rééquilibrer les rapports de force et promouvoir l’économie
relationnelle, équitable et verte, des régulations ont vu le jour : des entreprises s’engagent par
des labels, des certifications, des codes déontologiques, la signature du Pacte mondial de
l’ONU, etc. c’est le signe de prises de conscience par les acteurs économiques de la nécessité
d’entrer dans des cercles vertueux. Mais face à la concurrence vers le bas d’entreprises moins
disantes au plan social et environnemental et face aux transferts de richesses illégitimes ou
carrément illégaux des pays pauvres vers les paradis fiscaux ou vers les pays riches, des
réglementations contraignantes s’imposent, à l’échelle nationale aussi bien que régionale et
internationale. Nos propositions concernent à la fois la réglementation du secteur bancaire, des
marchés des dérivés, des normes comptables internationales et la mise en place de taxes
mondiales : taxe carbone, taxe sur les transactions financières, déterritorialisation de la fiscalité
des entreprises et mise en place d’un impôt progressif sur les sociétés. Les chantiers sont
immenses.