Traitements spécifiques au milieu psychiatrique et thrombogenèse

L’Encéphale
(2013)
39,
143—148
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
journal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MISE
AU
POINT
Traitements
spécifiques
au
milieu
psychiatrique
et
thrombogenèse
Specific
treatments
of
the
psychiatric
community
and
thrombogenesis
N.
Khammassi,J.
Chrifi,
M.
Hamza,
O.
Cherif
Service
de
médecine
interne,
hôpital
Razi,
2010
La
Manouba,
Tunisie
Rec¸u
le
8
juin
2011
;
accepté
le
6
mars
2012
Disponible
sur
Internet
le
24
aoˆ
ut
2012
MOTS
CLÉS
Neuroleptiques
;
Maladie
veineuse
thromboembolique
;
Thrombogenèse
;
Pathologie
psychiatrique
;
Traitement
psychiatrique
Résumé
Pré-requis.
Les
causes
des
thromboses
veineuses
profondes
(TVP)
sont
multifactorielles.
Les
patients
psychiatriques
présentent
plusieurs
particularités
étiologiques.
But.
Notre
objectif
est
de
déterminer
le
rôle
de
traitements
spécifiques
au
milieu
psychia-
trique
dans
la
thrombogenèse.
Méthodes.
Population
étudiée
:
étude
rétrospective,
descriptive
et
analytique
de
20
cas
de
TVP
chez
des
patients
psychiatriques.
Revue
de
la
littérature.
Nous
avons
cherché
dans
MEDLINE
sur
la
base
des
données
PubMed
entre
1959
et
2009.
Nous
avons
examiné
les
titres
des
articles
et
les
résumés,
puis
le
texte
intégral
des
études
sélectionnées.
Nous
avons
identifié
31
articles
étudiant
l’association
entre
la
pathologie
psychiatrique
et
la
maladie
veineuse
thromboembolique
(MVTE).
Résultats.
Notre
population
est
jeune,
l’âge
moyen
est
de
44,8
ans.
La
thrombose
veineuse
des
membres
inférieurs
est
prédominante
(16
cas).
Les
pathologies
psychiatriques
les
plus
fré-
quentes
sont
:
les
troubles
anxiodépressifs
(12
cas),
les
troubles
psychotiques
inclassables
(sept
cas)
et
les
épisodes
dépressifs
majeurs
(cinq
cas).
Leur
durée
moyenne
est
de
6,4
ans.
On
note
que
70
%
des
nos
patients
sont
sous
neuroleptiques
(NLP)
de
première
génération,
de
courte
demi-vie
(13/14
cas)
et
à
fortes
doses
(11/14
patients).
Notre
échantillon
se
caractérise
par
la
fréquence
de
la
thrombophilie
(45
%)
et
de
l’immobilisation
en
milieu
psychiatrique
(35
%).
Conclusion.
Nos
résultats
concordent
relativement
avec
les
données
globales
de
la
littérature,
signant
un
rôle
favorisant
et
péjoratif
du
milieu
psychiatrique
en
termes
de
maladie
veineuse
thromboembolique.
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(N.
Khammassi).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.007
144
N.
Khammassi
et
al.
KEYWORDS
Neuroleptics;
Venous
thromboembolic
disease;
Thrombogenesis;
Psychiatric
disease;
Psychiatric
treatment
Summary
Background.
The
causes
of
venous
thrombosis
(DVT)
are
multifactorial.
Psychiatric
patients
present
several
etiologic
features.
Aim.
Our
objective
was
to
determine
the
role
of
specific
treatments
of
the
psychiatric
com-
munity
on
thrombogenesis.
Methods.
Study
population:
retrospective,
descriptive
and
analytical
study
of
20
cases
of
DVT
in
psychiatric
patients.
Literature
review.
We
searched
MEDLINE
(PubMed)
between
1959
and
2009.
We
reviewed
article
titles
and
abstracts
and
full
text
of
selected
studies
of
psychiatric
patients
with
venous
thromboembolism
(VTE)
disease.
We
identified
31
studies
that
investigated
the
association
between
psychiatric
disease
and
venous
thromboembolic
events.
Results.
Our
population
was
young,
with
an
average
age
of
44.8
years.
Lower
limb
VT
is
predo-
minant
(16
cases).
The
most
common
psychiatric
disorders
are:
anxiety-depression
(12
cases),
unclassifiable
psychotic
disorders
(seven
cases)
and
major
depressive
disorder
(five
cases).
Their
average
duration
was
of
6.4
years.
Seventy
percent
of
our
patients
were
taking
first
genera-
tion
neuroleptics
(NLP),
of
short
half-life
(13/14
cases)
and
at
high
doses
(11/14
patients).
Our
sample
is
characterized
by
the
frequency
of
thrombophilia
(45%)
and
detention
in
a
psychiatric
community
(35%).
Our
results
are
relatively
consistent
with
aggregate
data
from
the
litera-
ture,
underlining
a
facilitating
and
pejorative
role
of
the
psychiatric
community
with
regard
to
venous
thromboembolic
disease.
In
the
psychiatric
community,
venous
thromboembolic
disease
is
conditioned
by
a
combination
of
several
thromboembolism
risk
factors:
linked
in
part
to
the
psychiatric
illness
itself;
but
above
all
to
the
specific
therapeutic
methods
in
the
psychiatric
community
(antipsychotics,
restraint.
.
.)
which
are
easily
preventable.
The
relationship
bet-
ween
antipsychotic
medication
and
VTE
was
first
suggested
about
four
decades
ago,
only
a
few
years
after
the
introduction
of
phenothiazines
and
reserpine.
An
association
between
atypical
antipsychotic
agents
and
VTE
has
been
previously
suggested
for
clozapine
among
young
adults
with
psychiatric
disorders.
More
recently,
an
increased
risk
of
VTE
was
suspected
for
olanza-
pine
or
risperidone.
The
risk
for
VTE
seems
to
be
highest
during
the
initial
months
of
treatment
with
antipsychotics.
Several
biological
mechanisms
of
action
have
been
proposed
to
explain
this
relationship.
One
plausible
mechanism
derives
from
research
suggesting
that
conventio-
nal
antipsychotic
drugs
are
associated
with
enhanced
platelet
aggregation.
A
second
possible
explanation
stems
from
the
presence
of
anticardiolipin
antibodies,
which
increase
the
risk
of
venous
or
arterial
thrombosis,
as
well
as
in
some
patients
prescribed
chloropromazine.
A
third
hypothesis
is
that
venous
stasis
exacerbated
by
sedation,
commonly
found
in
patients
treated
with
low-potency
antipsychotic
drugs,
may
contribute
to
processes
that
increase
the
risk
of
thrombosis.
Conclusion.
Other
than
the
medical
aspect,
the
psychiatric
community
itself
is
characterized
by
a
large
number
of
variables,
providing
a
particularly
encouraging
and
derogatory
hypothesis
on
the
advent
and
development
of
VTE.
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
Introduction
La
maladie
veineuse
thromboembolique
(MVTE)
est
une
maladie
multifactorielle
caractérisée
par
la
multitude
des
facteurs
de
risque
(FDR)
acquis
ou
génétiques
favorisant
sa
survenue,
ne
cessant
d’être
modifiés
et
réorganisés
d’année
en
année.
Parmi
ces
facteurs,
les
causes
iatrogènes
et
sur-
tout
médicamenteuses
restent
les
plus
facilement
évitables,
cependant
assez
difficiles
à
prouver
et
à
établir.
Depuis
une
cinquantaine
d’années,
plusieurs
travaux
ont
incriminé
les
antipsychotiques
surtout,
qu’ils
soient
de
première
génération
ou
de
deuxième
génération,
mais
éga-
lement
les
antidépresseurs,
principalement
les
inhibiteurs
de
la
recapture
de
la
sérotonine
(IRS)
et/ou
les
hypno-
tiques,
qui
figurent
désormais
dans
les
nouvelles
listes
des
FDR
thromboemboliques
[1].
À
côté
du
versant
médicamenteux,
le
milieu
psychia-
trique
lui-même
se
caractérise
par
un
grand
nombre
de
variables,
lui
conférant
un
rôle
particulièrement
favorisant
et
péjoratif
quant
à
l’avènement
et
l’évolution
de
la
MVTE.
Patients
et
méthodes
Population
étudiée
Il
s’agit
d’une
étude
rétrospective,
descriptive
et
ana-
lytique,
sur
dossiers,
réalisée
auprès
de
20
patients
(12
hommes
et
huit
femmes)
atteints
de
pathologies
psychia-
triques
diverses,
ayant
été
pris
en
charge
pour
thrombose
veineuse
profonde
(TVP).
Ont
été
inclus
les
patients
:
suivis
et
traités
pour
divers
troubles
psychiatriques
et
répondant
au
diagnostic
de
psychose
ou
de
névrose,
selon
Traitements
spécifiques
au
milieu
psychiatrique
et
thrombogenèse
145
Tableau
1
Principaux
articles
utilisés
dans
cette
revue.
Auteurs
Année
de
parution
Type
d’étude
Axelsson
et
al.
[24]
2007
Essai
clinique
Borras
et
al.
[10]
2008
Cas
clinique
Boullin
et
al.
[25]
1976
Essai
clinique
Brendan
et
al.
[30]
2008
Cas
clinique
Busch
et
al.
[31]
2000
Revue
de
la
littérature
Drici
et
Priori
[19] 2007
Revue
de
la
littérature
Hägg
et
al.
[3] 2008 Analyse
de
base
de
données
médico-administratives
Hägg
et
al.
[15] 2009 Revue
de
la
littérature
Hägg
et
Spigset
[26] 2002 Revue
de
la
littérature
Hägg
et
al.
[16] 2000 Série
de
cas
Hägg
et
al.
[20]
2003
Série
de
cas
Hamanaka
et
al.
[11]
2004
Analyse
de
base
de
données
médico-administratives
Jönsson
et
al.
[12]
2008
Analyse
de
base
de
données
médico-administratives
Jönsson
et
al.
[4]
2009
Étude
cas-témoins
Kapur
et
Remington
[29]
2000
Revue
de
la
littérature
Kamijo
et
al.
[13]
2003
Analyse
de
base
de
données
médico-administratives
Knudson
et
al.
[18]
2000
Épidémiologie
clinique
Liperoti
et
al.
[22]
2005
Étude
de
cohorte
rétrospective
Thomassen
et
al.
[5]
2000
Épidémiologie
clinique
Thomassen
et
al.
[6]
2001
Étude
cas-témoins
Thorogood
et
al.
[9]
1992
Étude
cas-témoins
Waage
et
Gedde-Dahl
[21] 2003
Cas
clinique
Zornberg
et
Jick
[14] 2000 Étude
cas-témoins
les
critères
de
la
quatrième
version
révisée
du
Manuel
de
diagnostic
et
de
statistique
(DSM-IV
TR)
;
traités
ou
non
par
neuroleptique
(NLP)
;
qui
ont
présenté
un
ou
plusieurs
accidents
thromboembo-
liques
veineux
confirmés.
Revue
de
la
littérature
Nous
avons
cherché
dans
MEDLINE
sur
la
base
des
don-
nées
PubMed
entre
1959
et
2009.
Nous
avons
examiné
les
titres
des
articles
et
les
résumés,
puis
le
texte
intégral
des
études
sélectionnées.
Nous
avons
identifié
31
articles
étu-
diant
l’association
entre
la
pathologie
psychiatrique
et
la
MVTE
(Tableau
1).
Résultats
L’âge
moyen
des
malades
est
de
44,8
ans,
avec
un
écart-type
de
14,2
ans
et
des
extrêmes
de
25
et
79
ans.
Le
sex-ratio
est
de
1,5
(p
=
0,37)
(Tableau
2).
Quatorze
malades
étaient
sous
NLP
(clas-
siques
=
typiques)
au
moment
de
l’accident
thromboembolique
et
neuf
en
avaient
rec¸u
précédem-
ment.
Parmi
ces
patients,
six
étaient
sous
deux
NLP
(bithérapie).
Le
traitement
hypnotique
était
prescrit
chez
12
patients,
dont
cinq
à
fortes
doses.
L’association
NLP
+
hypnotiques
était
observée
chez
six
patients,
le
plus
souvent
à
fortes
doses
pour
l’une
des
molécules
ou
l’autre.
Les
traitements
hypnotiques
utilisés
étaient
les
benzodiazé-
pines
(BZD)
:
lorazépam
(Témesta®)/prazépam
(Lysanxia®)
chez
11
patients,
les
anti-H1
:
prométhazine
(Phénergan®)
chez
deux
patients
et
le
méprobamate
(Equanil®)
chez
un
patient.
D’autres
traitements
psychiatriques
ont
été
associés
chez
dix
patients
sur
20
:
les
antidépresseurs
imipraminiques
chez
sept
patients,
les
IRS
(venlafaxine
:
Effexor®)
chez
un
patient,
les
antiépileptiques
thymorégulateurs
antima-
niaques
(carbamazépine
:
Tégrétol®)
chez
deux
patients.
Aucun
des
patients
de
notre
série
n’a
nécessité
de
séances
d’électro-convulsivothérapie
(ECT)
(Tableaux
3
et
4).
La
durée
d’immobilisation
pour
seule
cause
psychiatrique
est
de
5,5
jours
en
moyenne
(trois
à
sept
jours),
elle
cor-
respond
à
la
contention
au
lit,
aggravée
dans
un
cas
par
la
sédation
pharmacologique.
La
durée
d’immobilisation
pour
seule
cause
chirurgicale
est
de
durée
moyenne
de
26
jours
(15
à
45
jours).
Une
héparinothérapie
prophylac-
tique
en
postopératoire
a
été
systématiquement
prescrite
dans
les
TVP
post-chirurgicales.
Tableau
2
Répartition
des
malades
selon
la
nature
et
la
durée
d’évolution
de
l’affection
psychiatrique.
Diagnostic
étiologique
Nombre
de
patients
Schizophrénie
(SKZ)
4
Trouble
bipolaire
(TB)
4
Paranoïa
1
Bouffée
délirante
aiguë
(BDA)
1
Troubles
anxiodépressifs
(TAD)
12
Troubles
psychotiques
inclassables
7
Débilité
mentale
1
Épisode
dépressif
majeur
5
Durée
d’évolution
:
moyenne
:
6,4
ans
;
écart-type
:
7,8
ans
;
extrêmes
:
une
semaine
à
26
ans.
146
N.
Khammassi
et
al.
Tableau
3
Répartition
des
malades
selon
les
caractéris-
tiques
du
traitement
neuroleptique
(NLP).
Caractéristiques
des
NLP Nombre
de
malades
Type
de
NLP
Antiproductifs 13
Bipolaires 3
Polyvalents 8
Sédatifs 11
Désinhibiteurs
8
Antidéficitaires
2
Anxiolytiques
8
Demi-vie
des
NLP
Courte
13
Longue
1
Dose
Faible
3
Forte
11
Inhabituellea8
Effet
recherché
du
traitement
global
chez
les
20
patients
Anxiolytique 17
Antidépresseur
8
Sédatif 19
Antihallucinatoire 12
Thymorégulateur 1
Déshinibiteur 2
aLa
dose
inhabituelle
correspond
soit
à
une
introduction
récente
des
neuroleptiques
(NLP),
soit
à
une
augmentation
de
leur
dose
au
cours
de
l’évolution.
Tableau
4
Facteurs
de
risque
(FDR)
thromboemboliques
temporaires.
FDR
Nombre
de
patients
Immobilisation
11
En
milieu
psychiatrique
7
En
milieu
chirurgical
6
Immobilisation
pour
cause
mixte
(psycho-chirurgicale)
2
Causes
psychiatriques
Immobilisation
en
milieu
psychiatrique
par
contention
7
Immobilisation
aggravée
en
milieu
psychiatrique
par
le
traitement
5
Dépression
au
moment
du
diagnostic
8
État
psychotique
aigu
dans
les
deux
mois
précédents
1
Limitation
fonctionnelle
légère
7
Discussion
Les
facteurs
médicamenteux
impliqués
dans
la
MVTE
chez
les
patients
psychiatriques
sont
essentiellement
représen-
tés
par
les
NLP
de
première
génération,
les
antipsychotiques
atypiques
[APA]
(ou
NLP
de
deuxième
génération),
les
anti-
dépresseurs
et
les
hypnotiques.
Traitement
neuroleptique
et
thrombogenèse
La
majorité
des
études
menées
au
sujet
de
la
survenue
de
TVP
chez
les
patients
psychiatriques
tendent
à
incriminer
les
NLP,
du
moins
partiellement
[2—6].
Une
éventuelle
association
entre
la
MVTE
et
l’utilisation
des
antipsychotiques
a
été
suggérée
depuis
les
années
1950,
après
l’introduction
des
phénothiazines
[7].
Depuis,
plusieurs
études
de
cas
[8,9]
ont
soutenu
l’idée
d’une
augmentation
du
risque
de
MVTE
sous
antipsychotiques
clas-
siques.
La
TVP
étant
souvent
le
résultat
de
l’association
de
plusieurs
FDR,
et
le
terrain
des
patients
psychiatriques
étant
particulièrement
favorable
;
la
mise
en
cause
directe
d’une
action
moléculaire
des
NLP
a
commencé
après
plu-
sieurs
publications
illustrant
des
cas
de
TVP
des
membres
inférieurs
et
des
tableaux
graves
d’embolie
pulmonaire
(EP),
survenant
paradoxalement
chez
des
patients
jeunes
indemnes
de
tout
autre
FDR
[10—12]
après
la
constatation,
concordante
dans
plusieurs
travaux,
de
l’augmentation
de
la
mortalité
cardiovasculaire
et
des
morts
subites
d’origine
cardiaque
ou
respiratoire
mal
étiquetées
[13].
Zornberg
et
Jick
[14]
ont
documenté
un
risque
de
MVTE
idiopathique
sept
fois
plus
élevé
chez
les
utilisateurs
d’antipsychotiques
conventionnels,
âgés
de
moins
de
60
ans
et
indemnes
des
principaux
FDR
thromboemboliques.
Pour
ce
qui
est
des
APA,
leur
risque
thromboembolique
a
été
historiquement
toujours
limité
à
la
clozapine
[5,15—18].
Cette
association
était
principalement
soutenue
par
les
résultats
d’une
grande
étude,
dans
laquelle,
une
multipli-
cation
par
cinq
du
risque
d’EP
fatale
a
été
retrouvée
[19].
Des
cas
isolés
de
TVP
ont
été
signalés
chez
des
per-
sonnes
âgées
sous
olanzapine
[20]
et
des
jeunes
patients
psychotiques
[21].
Récemment,
Liperoti
et
al.
[22]
ont
mené
une
étude
de
cohorte
rétrospective
visant
l’estimation
de
l’effet
des
antipsychotiques
classiques
et
atypiques
sur
le
risque
d’hospitalisation
pour
TVP
chez
les
patients
âgés,
vivant
dans
les
maisons
de
soins
infirmiers
dans
cinq
états
américains
différents.
Les
auteurs
ont
identifié
539
hospitalisations
pour
MVTP.
Après
ajustement
de
tous
les
facteurs
de
confusion,
le
taux
d’hospitalisation
pour
TVP
a
été
accru
pour
les
utilisateurs
d’APA.
Au
contraire,
il
n’y
avait
pas
d’augmentation
du
taux
d’hospitalisation
pour
TVP
sous
la
classe
des
phénotiazines
ou
les
autres
anti-
psychotiques
classiques.
Une
étude
de
cohorte,
encore
plus
intéressante
[23]
portant
sur
8256
patients
avec
suspicion
clinique
de
MVTE,
a
comparé
par
une
analyse
uni-
et
multi-
variée,
le
risque
de
MVTE
sévère
chez
les
patients
de
moins
de
50
ans
sous
NLP
(n
=
45)
vs
les
patients
sans
NLP
(n
=
1949).
L’analyse
univariée
a
conclu
à
une
prévalence
de
TVP
distale
du
même
ordre
avec
ou
sans
NLP,
alors
que
la
prévalence
de
la
MVTE
sévère
(EP
et
TVP
proximale)
était
significati-
vement
supérieure
(27
%
vs
12
%,
p
=
0,01)
avec,
en
analyse
Traitements
spécifiques
au
milieu
psychiatrique
et
thrombogenèse
147
multivariée,
pour
la
MVTE
sévère,
un
odds-ratio
de
2,9
(IC
95
%
=
1,4—6,1,
p
=
0,005).
Soixante
dix
pour
cent
de
nos
patients
sont
sous
NLP
classiques
de
première
génération,
dont
40
%
sont
sous
un
seul
NLP
et
30
%
sont
sous
deux
NLP
avec
une
durée
moyenne
de
prise
de
77,16
mois,
soit
6,43
ans
(écart-type
:
93,24
mois
;
extrêmes
:
0,25—312
mois).
Les
molécules
les
plus
fréquemment
utilisées
chez
nos
patients
sont
dans
un
ordre
décroissant
:
l’halopéridol
(Haldol®),
la
lévoméproma-
zine
(Nozinan®),
la
chlorpromazine
(Largactil®),
le
sulpiride
(Dogmatil®),
la
fluphénazine
(Moditen®)
et
la
pipotiazine
(Piportil®).
Le
fait
remarquable
chez
nos
patients,
c’est
la
prépondérance
de
l’utilisation
chez
eux
de
NLP
à
courte
demi-vie
(92,8
%),
à
de
fortes
doses
(78,5
%).
Cependant,
parmi
les
11
patients
sous
fortes
doses
de
NLP,
57
%
ont
vu
leurs
posologies
augmenter
depuis
peu
de
temps,
suite
à
la
survenue
d’un
épisode
psychiatrique
aigu.
Les
conditions
optimales
de
survenue
des
TVP
chez
nos
patients
sont
représentées
par
les
épisodes
d’activation
(ou
de
réactivation)
psychotique,
que
ce
soit
au
début
de
l’évolution
des
symptômes
ou
au
cours
de
l’évolution
ultérieure.
Cette
période
concorde
avec
l’utilisation
des
plus
fortes
doses
de
NLP
à
des
fins,
surtout
à
la
fois,
sédatives,
antiproductives
et
anxiolytiques.
C’est
aussi
cer-
tainement
dans
ces
conditions
que
la
stase
sanguine
est
à
son
maximum
et
les
effets
des
différentes
médications
concourent
avec
la
période
de
réactivation
psychotique
(caractérisée
par
une
hyperadrénergie
et
associée
à
une
hyperagrégabilité
plaquettaire
en
cas
d’association
à
un
épisode
dépressif
concomitant)
à
renforcer
l’état
prothrom-
botique
de
l’organisme.
Dans
notre
série,
aucun
patient
n’a
été
sous
antipsycho-
tiques
de
deuxième
génération.
Les
mécanismes
biologiques,
les
plus
importants
et
fré-
quemment
rapportés
dans
la
littérature,
des
TVP
en
cas
de
prise
de
NLP
sont
comme
suit.
La
stase
veineuse
Son
rôle
a
été
suspecté
par
la
survenue
des
symptômes
de
TVP
et
surtout
d’EP
le
matin
tôt
[13],
suggérant
ainsi
la
for-
mation
du
thrombus
au
cours
du
sommeil,
moment
la
stase
est
à
son
maximum.
En
effet,
l’hypomobilité
nocturne
peut
s’expliquer
chez
les
patients
psychiatriques
par
l’effet
sédatif
des
antipsychotiques,
aggravée
par
l’utilisation
concomitante
des
molécules
hypnotiques
(BZD
ou
antihista-
miniques),
ou
encore
par
d’autres
thérapies
spécifiques
au
milieu
psychiatrique,
fréquemment
utilisées
encore,
telles
que
la
contention
au
lit.
Ce
procédé
est
une
formule
de
der-
nier
recours,
utilisée
main
forcée,
en
période
d’agitation
et
de
risque
d’auto
ou
d’hétéroaggréssivité.
Dans
notre
série,
la
fréquence
de
l’utilisation
de
NLP
sédatifs
et
de
l’association
à
des
molécules
hypnotiques
est
retrouvée
et
concorde
parfaitement
avec
les
données
de
la
littérature.
Un
pourcentage
de
78,5
de
nos
patients
prennent
des
NLP
sédatifs,
dont
90,9
%
cas
à
fortes
doses.
Quant
aux
hypnotiques,
60
%
de
nos
patients
en
rec¸oivent
;
à
de
fortes
doses
chez
cinq
patients
(25
%).
Cela
rend
compte
de
l’importance
des
associations
factorielles
chez
nos
patients
dans
la
genèse
des
accidents
thromboem-
boliques,
non
pas
par
potentialisation
additionnelle,
mais
probablement
multiplicatrice.
L’hyperagrégabilité
plaquettaire
Plusieurs
travaux
[15,24—26]
ont
démontré
que
l’agrégation
plaquettaire
est
stimulée
chez
les
patients
traités
par
les
antipsychotiques.
Désordres
métaboliques
:
glucidiques
et
lipidiques
Les
antipsychotiques
ont
été
impliqués
dans
la
survenue
de
troubles
métaboliques,
essentiellement
représentés
par
l’obésité,
les
perturbations
lipidiques
et
l’altération
de
l’homéostasie
glucidique
qui
sont
tous
connus
pour
être
des
FDR
cardiovasculaires
de
manière
générale
[2]
et
throm-
boemboliques
de
manière
spécifique
[1,26].
Quatre
de
nos
patients
sont
obèses
(IMC
supérieur
30),
deux
diabétiques
et
quatre
dyslipémiques.
Antidépresseurs
et
thrombogenèse
Les
antidépresseurs,
particulièrement
les
IRS,
entraînent
une
déplétion
du
stockage
de
sérotonine
et
une
diminution
de
ses
taux
plaquettaires
et
sanguins
après
administration
prolongée
et
répétitive,
ce
qui
donne
à
long
terme
une
hypo-
coagulabilité
et
une
tendance
au
saignement.
Cependant,
cette
déplétion
du
stock
de
sérotonine
se
fait
au
dépend
de
son
accumulation
immédiate
court
terme)
près
des
sous-
types
des
récepteurs
spécifiques
sérotoninergiques
dans
les
régions
de
l’organisme
spécifiquement
impliquées
dans
la
régulation
physiologique
de
ces
phénomènes,
ce
qui
donne
dans
l’immédiat
et
paradoxalement,
au
cours
du
traitement
par
IRS
une
augmentation
du
risque
d’hypercoagulabilité
et
de
thrombose
[27,28].
Quarante
pour
cent
de
nos
patients
étaient
sous
antidé-
presseurs,
dont
sept
sous
imipraminiques
et
un
sous
IRS.
À
notre
connaissance,
seuls
les
antidépresseurs
de
type
IRS
ont
été
directement
impliqués
dans
la
genèse
de
TVP
chez
les
patients
psychiatriques.
Pour
les
autres
classes
(particu-
lièrement
les
imipraminiques),
leur
implication
est
surtout
théorique
[29].
Il
est
aussi
intéressant
de
noter
que
dans
notre
série,
ces
molécules
ont
été
associées
aux
NLP
dans
quatre
cas
et
aux
hypnotiques
dans
cinq
cas.
Cela
rend
difficile
de
leur
attribuer
une
action
concrète
sur
ces
terrains
particuliers.
Hypnotiques
et
thrombogenèse
À
notre
connaissance
et
selon
les
études
récentes
de
la
littérature,
cette
classe
n’a
pas
été
associée
à
un
risque
thromboembolique
spécifique.
C’est
surtout
par
leur
effet
sédatif
qu’ils
contribuent
au
phénomène
de
thrombose.
Leur
rôle
est
plutôt
potentialisateur
des
effets
nocifs
procoagu-
lants
des
antipsychotiques,
surtout
qu’ils
leurs
sont
souvent
associés
ainsi
qu’aux
antidépresseurs.
Chez
nos
patients,
les
hypnotiques
ont
été
fortement
représentés
(12
cas)
et
presque
systématiquement
associés
aux
NLP
ou
aux
antidépresseurs.
Autres
traitements
La
contention
ou
l’immobilisation
au
lit
Le
rôle
de
cette
méthode
dans
la
survenue
de
TVP
sévère
(TVP
proximales
ou
EP)
n’est
plus
à
démontrer
[30,31].
1 / 6 100%

Traitements spécifiques au milieu psychiatrique et thrombogenèse

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