L’Encéphale (2013) 39, 143—148 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MISE AU POINT Traitements spécifiques au milieu psychiatrique et thrombogenèse Specific treatments of the psychiatric community and thrombogenesis N. Khammassi ∗, J. Chrifi , M. Hamza , O. Cherif Service de médecine interne, hôpital Razi, 2010 La Manouba, Tunisie Reçu le 8 juin 2011 ; accepté le 6 mars 2012 Disponible sur Internet le 24 août 2012 MOTS CLÉS Neuroleptiques ; Maladie veineuse thromboembolique ; Thrombogenèse ; Pathologie psychiatrique ; Traitement psychiatrique ∗ Résumé Pré-requis. — Les causes des thromboses veineuses profondes (TVP) sont multifactorielles. Les patients psychiatriques présentent plusieurs particularités étiologiques. But. — Notre objectif est de déterminer le rôle de traitements spécifiques au milieu psychiatrique dans la thrombogenèse. Méthodes. — Population étudiée : étude rétrospective, descriptive et analytique de 20 cas de TVP chez des patients psychiatriques. Revue de la littérature. — Nous avons cherché dans MEDLINE sur la base des données PubMed entre 1959 et 2009. Nous avons examiné les titres des articles et les résumés, puis le texte intégral des études sélectionnées. Nous avons identifié 31 articles étudiant l’association entre la pathologie psychiatrique et la maladie veineuse thromboembolique (MVTE). Résultats. — Notre population est jeune, l’âge moyen est de 44,8 ans. La thrombose veineuse des membres inférieurs est prédominante (16 cas). Les pathologies psychiatriques les plus fréquentes sont : les troubles anxiodépressifs (12 cas), les troubles psychotiques inclassables (sept cas) et les épisodes dépressifs majeurs (cinq cas). Leur durée moyenne est de 6,4 ans. On note que 70 % des nos patients sont sous neuroleptiques (NLP) de première génération, de courte demi-vie (13/14 cas) et à fortes doses (11/14 patients). Notre échantillon se caractérise par la fréquence de la thrombophilie (45 %) et de l’immobilisation en milieu psychiatrique (35 %). Conclusion. — Nos résultats concordent relativement avec les données globales de la littérature, signant un rôle favorisant et péjoratif du milieu psychiatrique en termes de maladie veineuse thromboembolique. © L’Encéphale, Paris, 2012. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Khammassi). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.007 144 KEYWORDS Neuroleptics; Venous thromboembolic disease; Thrombogenesis; Psychiatric disease; Psychiatric treatment N. Khammassi et al. Summary Background. — The causes of venous thrombosis (DVT) are multifactorial. Psychiatric patients present several etiologic features. Aim. — Our objective was to determine the role of specific treatments of the psychiatric community on thrombogenesis. Methods. — Study population: retrospective, descriptive and analytical study of 20 cases of DVT in psychiatric patients. Literature review. — We searched MEDLINE (PubMed) between 1959 and 2009. We reviewed article titles and abstracts and full text of selected studies of psychiatric patients with venous thromboembolism (VTE) disease. We identified 31 studies that investigated the association between psychiatric disease and venous thromboembolic events. Results. — Our population was young, with an average age of 44.8 years. Lower limb VT is predominant (16 cases). The most common psychiatric disorders are: anxiety-depression (12 cases), unclassifiable psychotic disorders (seven cases) and major depressive disorder (five cases). Their average duration was of 6.4 years. Seventy percent of our patients were taking first generation neuroleptics (NLP), of short half-life (13/14 cases) and at high doses (11/14 patients). Our sample is characterized by the frequency of thrombophilia (45%) and detention in a psychiatric community (35%). Our results are relatively consistent with aggregate data from the literature, underlining a facilitating and pejorative role of the psychiatric community with regard to venous thromboembolic disease. In the psychiatric community, venous thromboembolic disease is conditioned by a combination of several thromboembolism risk factors: linked in part to the psychiatric illness itself; but above all to the specific therapeutic methods in the psychiatric community (antipsychotics, restraint. . .) which are easily preventable. The relationship between antipsychotic medication and VTE was first suggested about four decades ago, only a few years after the introduction of phenothiazines and reserpine. An association between atypical antipsychotic agents and VTE has been previously suggested for clozapine among young adults with psychiatric disorders. More recently, an increased risk of VTE was suspected for olanzapine or risperidone. The risk for VTE seems to be highest during the initial months of treatment with antipsychotics. Several biological mechanisms of action have been proposed to explain this relationship. One plausible mechanism derives from research suggesting that conventional antipsychotic drugs are associated with enhanced platelet aggregation. A second possible explanation stems from the presence of anticardiolipin antibodies, which increase the risk of venous or arterial thrombosis, as well as in some patients prescribed chloropromazine. A third hypothesis is that venous stasis exacerbated by sedation, commonly found in patients treated with low-potency antipsychotic drugs, may contribute to processes that increase the risk of thrombosis. Conclusion. — Other than the medical aspect, the psychiatric community itself is characterized by a large number of variables, providing a particularly encouraging and derogatory hypothesis on the advent and development of VTE. © L’Encéphale, Paris, 2012. Introduction La maladie veineuse thromboembolique (MVTE) est une maladie multifactorielle caractérisée par la multitude des facteurs de risque (FDR) acquis ou génétiques favorisant sa survenue, ne cessant d’être modifiés et réorganisés d’année en année. Parmi ces facteurs, les causes iatrogènes et surtout médicamenteuses restent les plus facilement évitables, cependant assez difficiles à prouver et à établir. Depuis une cinquantaine d’années, plusieurs travaux ont incriminé les antipsychotiques surtout, qu’ils soient de première génération ou de deuxième génération, mais également les antidépresseurs, principalement les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) et/ou les hypnotiques, qui figurent désormais dans les nouvelles listes des FDR thromboemboliques [1]. À côté du versant médicamenteux, le milieu psychiatrique lui-même se caractérise par un grand nombre de variables, lui conférant un rôle particulièrement favorisant et péjoratif quant à l’avènement et l’évolution de la MVTE. Patients et méthodes Population étudiée Il s’agit d’une étude rétrospective, descriptive et analytique, sur dossiers, réalisée auprès de 20 patients (12 hommes et huit femmes) atteints de pathologies psychiatriques diverses, ayant été pris en charge pour thrombose veineuse profonde (TVP). Ont été inclus les patients : • suivis et traités pour divers troubles psychiatriques et répondant au diagnostic de psychose ou de névrose, selon Traitements spécifiques au milieu psychiatrique et thrombogenèse Tableau 1 145 Principaux articles utilisés dans cette revue. Auteurs Année de parution Type d’étude Axelsson et al. [24] Borras et al. [10] Boullin et al. [25] Brendan et al. [30] Busch et al. [31] Drici et Priori [19] Hägg et al. [3] Hägg et al. [15] Hägg et Spigset [26] Hägg et al. [16] Hägg et al. [20] Hamanaka et al. [11] Jönsson et al. [12] Jönsson et al. [4] Kapur et Remington [29] Kamijo et al. [13] Knudson et al. [18] Liperoti et al. [22] Thomassen et al. [5] Thomassen et al. [6] Thorogood et al. [9] Waage et Gedde-Dahl [21] Zornberg et Jick [14] 2007 2008 1976 2008 2000 2007 2008 2009 2002 2000 2003 2004 2008 2009 2000 2003 2000 2005 2000 2001 1992 2003 2000 Essai clinique Cas clinique Essai clinique Cas clinique Revue de la littérature Revue de la littérature Analyse de base de données médico-administratives Revue de la littérature Revue de la littérature Série de cas Série de cas Analyse de base de données médico-administratives Analyse de base de données médico-administratives Étude cas-témoins Revue de la littérature Analyse de base de données médico-administratives Épidémiologie clinique Étude de cohorte rétrospective Épidémiologie clinique Étude cas-témoins Étude cas-témoins Cas clinique Étude cas-témoins les critères de la quatrième version révisée du Manuel de diagnostic et de statistique (DSM-IV TR) ; • traités ou non par neuroleptique (NLP) ; • qui ont présenté un ou plusieurs accidents thromboemboliques veineux confirmés. Revue de la littérature Nous avons cherché dans MEDLINE sur la base des données PubMed entre 1959 et 2009. Nous avons examiné les titres des articles et les résumés, puis le texte intégral des études sélectionnées. Nous avons identifié 31 articles étudiant l’association entre la pathologie psychiatrique et la MVTE (Tableau 1). Résultats L’âge moyen des malades est de 44,8 ans, avec un écart-type de 14,2 ans et des extrêmes de 25 et 79 ans. Le sex-ratio est de 1,5 (p = 0,37) (Tableau 2). Quatorze malades étaient sous NLP (classiques = typiques) au moment de l’accident thromboembolique et neuf en avaient reçu précédemment. Parmi ces patients, six étaient sous deux NLP (bithérapie). Le traitement hypnotique était prescrit chez 12 patients, dont cinq à fortes doses. L’association NLP + hypnotiques était observée chez six patients, le plus souvent à fortes doses pour l’une des molécules ou l’autre. Les traitements hypnotiques utilisés étaient les benzodiazépines (BZD) : lorazépam (Témesta® )/prazépam (Lysanxia® ) chez 11 patients, les anti-H1 : prométhazine (Phénergan® ) chez deux patients et le méprobamate (Equanil® ) chez un patient. D’autres traitements psychiatriques ont été associés chez dix patients sur 20 : les antidépresseurs imipraminiques chez sept patients, les IRS (venlafaxine : Effexor® ) chez un patient, les antiépileptiques thymorégulateurs antimaniaques (carbamazépine : Tégrétol® ) chez deux patients. Aucun des patients de notre série n’a nécessité de séances d’électro-convulsivothérapie (ECT) (Tableaux 3 et 4). La durée d’immobilisation pour seule cause psychiatrique est de 5,5 jours en moyenne (trois à sept jours), elle correspond à la contention au lit, aggravée dans un cas par la sédation pharmacologique. La durée d’immobilisation pour seule cause chirurgicale est de durée moyenne de 26 jours (15 à 45 jours). Une héparinothérapie prophylactique en postopératoire a été systématiquement prescrite dans les TVP post-chirurgicales. Tableau 2 Répartition des malades selon la nature et la durée d’évolution de l’affection psychiatrique. Diagnostic étiologique Nombre de patients Schizophrénie (SKZ) Trouble bipolaire (TB) Paranoïa Bouffée délirante aiguë (BDA) Troubles anxiodépressifs (TAD) Troubles psychotiques inclassables Débilité mentale Épisode dépressif majeur 4 4 1 1 12 7 1 5 Durée d’évolution : moyenne : 6,4 ans ; écart-type : 7,8 ans ; extrêmes : une semaine à 26 ans. 146 N. Khammassi et al. Tableau 3 Répartition des malades selon les caractéristiques du traitement neuroleptique (NLP). Caractéristiques des NLP Nombre de malades Type de NLP Antiproductifs Bipolaires Polyvalents Sédatifs Désinhibiteurs Antidéficitaires Anxiolytiques 13 3 8 11 8 2 8 Demi-vie des NLP Courte Longue 13 1 Dose Faible Forte Inhabituellea 3 11 8 Effet recherché du traitement global chez les 20 patients Anxiolytique Antidépresseur Sédatif Antihallucinatoire Thymorégulateur Déshinibiteur 17 8 19 12 1 2 Discussion Les facteurs médicamenteux impliqués dans la MVTE chez les patients psychiatriques sont essentiellement représentés par les NLP de première génération, les antipsychotiques atypiques [APA] (ou NLP de deuxième génération), les antidépresseurs et les hypnotiques. Traitement neuroleptique et thrombogenèse a La dose inhabituelle correspond soit à une introduction récente des neuroleptiques (NLP), soit à une augmentation de leur dose au cours de l’évolution. Tableau 4 Facteurs de risque (FDR) thromboemboliques temporaires. FDR Nombre de patients Immobilisation En milieu psychiatrique En milieu chirurgical Immobilisation pour cause mixte (psycho-chirurgicale) Causes psychiatriques Immobilisation en milieu psychiatrique par contention Immobilisation aggravée en milieu psychiatrique par le traitement Dépression au moment du diagnostic État psychotique aigu dans les deux mois précédents Limitation fonctionnelle légère 11 7 6 2 7 5 8 1 7 La majorité des études menées au sujet de la survenue de TVP chez les patients psychiatriques tendent à incriminer les NLP, du moins partiellement [2—6]. Une éventuelle association entre la MVTE et l’utilisation des antipsychotiques a été suggérée depuis les années 1950, après l’introduction des phénothiazines [7]. Depuis, plusieurs études de cas [8,9] ont soutenu l’idée d’une augmentation du risque de MVTE sous antipsychotiques classiques. La TVP étant souvent le résultat de l’association de plusieurs FDR, et le terrain des patients psychiatriques étant particulièrement favorable ; la mise en cause directe d’une action moléculaire des NLP a commencé après plusieurs publications illustrant des cas de TVP des membres inférieurs et des tableaux graves d’embolie pulmonaire (EP), survenant paradoxalement chez des patients jeunes indemnes de tout autre FDR [10—12] après la constatation, concordante dans plusieurs travaux, de l’augmentation de la mortalité cardiovasculaire et des morts subites d’origine cardiaque ou respiratoire mal étiquetées [13]. Zornberg et Jick [14] ont documenté un risque de MVTE idiopathique sept fois plus élevé chez les utilisateurs d’antipsychotiques conventionnels, âgés de moins de 60 ans et indemnes des principaux FDR thromboemboliques. Pour ce qui est des APA, leur risque thromboembolique a été historiquement toujours limité à la clozapine [5,15—18]. Cette association était principalement soutenue par les résultats d’une grande étude, dans laquelle, une multiplication par cinq du risque d’EP fatale a été retrouvée [19]. Des cas isolés de TVP ont été signalés chez des personnes âgées sous olanzapine [20] et des jeunes patients psychotiques [21]. Récemment, Liperoti et al. [22] ont mené une étude de cohorte rétrospective visant l’estimation de l’effet des antipsychotiques classiques et atypiques sur le risque d’hospitalisation pour TVP chez les patients âgés, vivant dans les maisons de soins infirmiers dans cinq états américains différents. Les auteurs ont identifié 539 hospitalisations pour MVTP. Après ajustement de tous les facteurs de confusion, le taux d’hospitalisation pour TVP a été accru pour les utilisateurs d’APA. Au contraire, il n’y avait pas d’augmentation du taux d’hospitalisation pour TVP sous la classe des phénotiazines ou les autres antipsychotiques classiques. Une étude de cohorte, encore plus intéressante [23] portant sur 8256 patients avec suspicion clinique de MVTE, a comparé par une analyse uni- et multivariée, le risque de MVTE sévère chez les patients de moins de 50 ans sous NLP (n = 45) vs les patients sans NLP (n = 1949). L’analyse univariée a conclu à une prévalence de TVP distale du même ordre avec ou sans NLP, alors que la prévalence de la MVTE sévère (EP et TVP proximale) était significativement supérieure (27 % vs 12 %, p = 0,01) avec, en analyse Traitements spécifiques au milieu psychiatrique et thrombogenèse multivariée, pour la MVTE sévère, un odds-ratio de 2,9 (IC 95 % = 1,4—6,1, p = 0,005). Soixante dix pour cent de nos patients sont sous NLP classiques de première génération, dont 40 % sont sous un seul NLP et 30 % sont sous deux NLP avec une durée moyenne de prise de 77,16 mois, soit 6,43 ans (écart-type : 93,24 mois ; extrêmes : 0,25—312 mois). Les molécules les plus fréquemment utilisées chez nos patients sont dans un ordre décroissant : l’halopéridol (Haldol® ), la lévomépromazine (Nozinan® ), la chlorpromazine (Largactil® ), le sulpiride (Dogmatil® ), la fluphénazine (Moditen® ) et la pipotiazine (Piportil® ). Le fait remarquable chez nos patients, c’est la prépondérance de l’utilisation chez eux de NLP à courte demi-vie (92,8 %), à de fortes doses (78,5 %). Cependant, parmi les 11 patients sous fortes doses de NLP, 57 % ont vu leurs posologies augmenter depuis peu de temps, suite à la survenue d’un épisode psychiatrique aigu. Les conditions optimales de survenue des TVP chez nos patients sont représentées par les épisodes d’activation (ou de réactivation) psychotique, que ce soit au début de l’évolution des symptômes ou au cours de l’évolution ultérieure. Cette période concorde avec l’utilisation des plus fortes doses de NLP à des fins, surtout à la fois, sédatives, antiproductives et anxiolytiques. C’est aussi certainement dans ces conditions là que la stase sanguine est à son maximum et les effets des différentes médications concourent avec la période de réactivation psychotique (caractérisée par une hyperadrénergie et associée à une hyperagrégabilité plaquettaire en cas d’association à un épisode dépressif concomitant) à renforcer l’état prothrombotique de l’organisme. Dans notre série, aucun patient n’a été sous antipsychotiques de deuxième génération. Les mécanismes biologiques, les plus importants et fréquemment rapportés dans la littérature, des TVP en cas de prise de NLP sont comme suit. La stase veineuse Son rôle a été suspecté par la survenue des symptômes de TVP et surtout d’EP le matin tôt [13], suggérant ainsi la formation du thrombus au cours du sommeil, moment où la stase est à son maximum. En effet, l’hypomobilité nocturne peut s’expliquer chez les patients psychiatriques par l’effet sédatif des antipsychotiques, aggravée par l’utilisation concomitante des molécules hypnotiques (BZD ou antihistaminiques), ou encore par d’autres thérapies spécifiques au milieu psychiatrique, fréquemment utilisées encore, telles que la contention au lit. Ce procédé est une formule de dernier recours, utilisée main forcée, en période d’agitation et de risque d’auto ou d’hétéroaggréssivité. Dans notre série, la fréquence de l’utilisation de NLP sédatifs et de l’association à des molécules hypnotiques est retrouvée et concorde parfaitement avec les données de la littérature. Un pourcentage de 78,5 de nos patients prennent des NLP sédatifs, dont 90,9 % cas à fortes doses. Quant aux hypnotiques, 60 % de nos patients en reçoivent ; à de fortes doses chez cinq patients (25 %). Cela rend compte de l’importance des associations factorielles chez nos patients dans la genèse des accidents thromboemboliques, non pas par potentialisation additionnelle, mais probablement multiplicatrice. 147 L’hyperagrégabilité plaquettaire Plusieurs travaux [15,24—26] ont démontré que l’agrégation plaquettaire est stimulée chez les patients traités par les antipsychotiques. Désordres métaboliques : glucidiques et lipidiques Les antipsychotiques ont été impliqués dans la survenue de troubles métaboliques, essentiellement représentés par l’obésité, les perturbations lipidiques et l’altération de l’homéostasie glucidique qui sont tous connus pour être des FDR cardiovasculaires de manière générale [2] et thromboemboliques de manière spécifique [1,26]. Quatre de nos patients sont obèses (IMC supérieur 30), deux diabétiques et quatre dyslipémiques. Antidépresseurs et thrombogenèse Les antidépresseurs, particulièrement les IRS, entraînent une déplétion du stockage de sérotonine et une diminution de ses taux plaquettaires et sanguins après administration prolongée et répétitive, ce qui donne à long terme une hypocoagulabilité et une tendance au saignement. Cependant, cette déplétion du stock de sérotonine se fait au dépend de son accumulation immédiate (à court terme) près des soustypes des récepteurs spécifiques sérotoninergiques dans les régions de l’organisme spécifiquement impliquées dans la régulation physiologique de ces phénomènes, ce qui donne dans l’immédiat et paradoxalement, au cours du traitement par IRS une augmentation du risque d’hypercoagulabilité et de thrombose [27,28]. Quarante pour cent de nos patients étaient sous antidépresseurs, dont sept sous imipraminiques et un sous IRS. À notre connaissance, seuls les antidépresseurs de type IRS ont été directement impliqués dans la genèse de TVP chez les patients psychiatriques. Pour les autres classes (particulièrement les imipraminiques), leur implication est surtout théorique [29]. Il est aussi intéressant de noter que dans notre série, ces molécules ont été associées aux NLP dans quatre cas et aux hypnotiques dans cinq cas. Cela rend difficile de leur attribuer une action concrète sur ces terrains particuliers. Hypnotiques et thrombogenèse À notre connaissance et selon les études récentes de la littérature, cette classe n’a pas été associée à un risque thromboembolique spécifique. C’est surtout par leur effet sédatif qu’ils contribuent au phénomène de thrombose. Leur rôle est plutôt potentialisateur des effets nocifs procoagulants des antipsychotiques, surtout qu’ils leurs sont souvent associés ainsi qu’aux antidépresseurs. Chez nos patients, les hypnotiques ont été fortement représentés (12 cas) et presque systématiquement associés aux NLP ou aux antidépresseurs. Autres traitements La contention ou l’immobilisation au lit Le rôle de cette méthode dans la survenue de TVP sévère (TVP proximales ou EP) n’est plus à démontrer [30,31]. 148 Cependant, le mécanisme physiopathologique, par lequel des accidents thromboemboliques aussi graves et létaux surviennent, reste toujours imprécis, et implique forcément bien plus que la simple immobilisation. Parmi nos 17 patients examinés en épisode aigu, sept ont été immobilisés en milieu psychiatrique pendant une durée moyenne de 5,5 jours. L’électro-convulsivothérapie (ECT) Plusieurs cas de TVP/EP ont été décrits après traitement par ECT, mais le lien de causalité n’a jamais été discuté. Conclusion À travers ce travail, on dégage une spécificité du milieu psychiatrique en matière de TVP ; en effet, la MVTE en milieu psychiatrique se caractérise par l’association de FDR thromboemboliques relatifs à la pathologie psychiatrique elle-même, relatifs aux traitements à la tête desquels figurent les NLP et les APA, ainsi qu’aux procédés thérapeutiques spécifiques représentés essentiellement par la contention au lit, l’hypomobilité due aux molécules sédatives et à l’ECT. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Le Jeune S, Pistorius MA, Planchon B, et al. Risque thromboembolique veineux au cours des affections médicales aiguës. Partie 1 : modèles pathogéniques fondamentaux et cliniques, épidémiologie descriptive et analytique. Rev Med Interne 2008;29:452—61. [2] Gianluca T, Spinaa E, Gambassic G. 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