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propre langue et liés à une identité nationale, linguistique, communautaire... On reconnaît là tout
l’argumentaire de la promotion de la diversité culturelle face à ce qui apparaît comme le risque
d’une production insuffisamment diversifiée.
Cependant, force est de constater que, globalement, la production accessible des industries
culturelles est tout sauf numériquement faible, mais bien plutôt abondante et multiple. Ceci signifie
qu’il faut donner, et de manière urgente, à la diversité un contenu précis sous peine de n’en faire
qu’un objet de célébration rhétorique d’autant plus séduisant qu’il est vague. Si la diversité ne se
réduit pas à la quantité, il faut la penser de manière plus complexe, en termes simultanément de
variété, de disparité et d’équilibre de l’ensemble de la production5.
Par ailleurs, il convient de raisonner en termes de diversités – au pluriel. En effet, le rôle des
industries culturelles est particulièrement interrogé en tant que réducteur de diversité alors qu’elles
peuvent s’avérer de formidables disséminateurs de contenus et démultiplicateurs de leur diversité. A
défaut d’apprécier une diversité qui serait « proposée » par les créateurs à ces industries, il faut
distinguer les diversités produites, promues, diffusées voire offertes et enfin consommées. Ce qu’il
convient donc de prendre en considération et d’examiner de plus près, ce sont les mécanismes qui
font des stades successifs des industries culturelles des « variateurs de diversité » et, dans certains
cas, de véritables « goulets d’étranglement ». Les exemples abondent : de la musique diffusée à la
radio à l’offre culturelle de la grande distribution en passant par les capacités promotionnelles très
limitées des médias de masse (presse, radio, télévision…).
On gardera cependant à l’esprit que la diversité ne doit pas se penser uniquement en termes de
diversité maximale, ce qui risquerait de ramener à une approche quantitative, mais en termes de
diversité optimale, car les filières d’industries culturelles possèdent leur propre cohérence interne
que leur fonctionnement doit respecter. Il convient de relativiser les propos et débats évoquant
d’éventuelles « surproductions » ou un trop grand nombre de petits producteurs, comme dans le cas
du livre actuellement, car le malthusianisme n’a pas sa place en matière de production culturelle,
mais il faut aussi comprendre que l’organisation d’une filière ne peut pas prendre en charge
efficacement n’importe quel volume de production.
4. Des menaces aux orientations d’action
Quelles sont les menaces pesant sur les diversités ? Elles se situent à la fois dans les structures et les
comportements des acteurs, ou plus exactement dans les logiques qui gouvernent ces
comportements.
Une première menace réside dans des structures insuffisamment diversifiées. Car la diversité des
producteurs et des éditeurs est potentiellement porteuse d’une diversité de la production ; dans le
même temps, la diversité des acteurs de la promotion et de la diffusion, dans les limites de ce que
permettent les contraintes de taille, s’avère de nature à desserrer les mécanismes de filtrage.
Une deuxième menace réside dans les contraintes trop fortes de rentabilisation qui peuvent venir de
la prégnance d’une logique financière conduisant par exemple à rechercher systématiquement la
rentabilité de chaque produit sans permettre d’étaler les risques dans une politique, somme toute
classique, de portefeuille, qui a nom ici : politique de catalogue, de péréquation, de vivier…
La diversité peut se trouver également menacée par l’ampleur même de la production. Il en va ainsi
de la multiplication des produits, lorsqu’elle s’inscrit dans une logique qui accorde plus de place à
l’imitation qu’à la vraie différentiation des contenus. Ou d’une production qui ne cherche qu’à
occuper le marché en limitant la place des concurrents dans des stratégies de « sur-offre » dans
lesquelles la grande majorité de la production est vouée à une durée de vie insuffisante et constitue
la simple litière des quelques succès ou produits « stars ».
5 Françoise Benhamou et Stéphanie Peltier, « Une méthode multicritère d’appréciation de la diversité culturelle », in
Xavier Greffe (coord.), Création et diversité au miroir des industries culturelles, La Documentation française, Paris, 2006.