128 Les cahiers du numérique – n° 2/2014
sanctionnée par l’État » alors que l’éthique est « concrète, plurielle,
évolutive et dépourvue de sanction extérieure » (Le Douarin et Puigelier,
2007). Ainsi, l’éthique « adapte » la morale en l’insérant dans des principes
communs et en prenant compte du contexte, alors que le droit génère des
règles générales concrétisées et contraignantes pour la population d’un
groupe donné.
Par ailleurs, l’éthique se situe en amont de la déontologie et du droit
dont elle a engendré certains principes fondamentaux. On peut également
avoir une conception plus large de l’éthique « selon que le but est
seulement de clarifier et d’expliciter ou fondamentalement de conduire ou
d’aider à la décision » (Sicard, 2006). L’intérêt de cette extension est qu’il
existe un certain nombre de cas où la loi, pour être correctement
appliquée, nécessite le recours de l’éthique qui se situe en aval. L’éthique
reste le seul guide disponible dans les situations où le droit et la
déontologie n’ont pas de réponse valable, comme en cas de conflit entre
règles de même niveau. Elle se joue des frontières, des cultures ou des
tribunaux, en faisant appel à l’adhésion des individus et à des valeurs plutôt
qu’à des devoirs. Elle désigne « l’amont et l’aval du royaume des normes »
(Ricœur, 1997) selon qu’elle joue le rôle d’inspiration de législation ou
d’objet de la loi. De l’éthique au droit et du droit à l’éthique s’établit un
mouvement dialectique permanent dont on peut envisager qu’il fasse
progresser la société vers plus d’humanité.
Enfin, il nous semble indispensable de bien distinguer les notions de
« normes » et de « valeurs » qui sont perpétuellement impliquées dans
l’analyse éthique d’un évènement. En éthique, on emploie le terme de
« valeur » (axios en grec) pour indiquer des idéaux à poursuivre, alors que
la notion de « norme » revêt généralement une signification « déontique »
(deon, le devoir) qui englobe la décision. La norme comprend toujours des
formules incitatives : « ceci est obligatoire », « cela est défendu ».
Normes et valeurs appartiennent au même monde éthique du fait de
leur complémentarité dans la réflexion intellectuelle. Les normes sont des
composantes normatives inhérentes aux valeurs. Elles se réfèrent donc aux
notions de règlements, de règles et de devoirs, mais avec la reconnaissance
d’un certain libre arbitre. L’assemblage des deux constitue l’identité et la
stabilité de la vie collective avec des valeurs plutôt orientées vers la
dimension culturelle des significations et des normes sur la régulation des
interactions sociales. La norme doit s’accommoder, d’une confrontation de