Rénover

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Vivre en Guyane
Rénover
Par Anne Bellanova
Entre la reconstruction
des bungalows, l'installation
d'une usine de dessalement
de l'eau de mer et le remplacement
des groupes électrogènes assurant
la fourniture en énergie de l'île,
les chantiers se multiplient sur l'île
Royale qui va ainsi bénéficier
d'un petit coup de neuf. Bientôt,
nous pourrons siroter un verre d'eau
pure et potable directement issue
de la baie des cocotiers sur le balcon
d'un bungalow parfaitement éclairé
et ventilé avant d'aller nous balader
dans les jardins en terrasse
réhabilités…
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Ce bâtiment à proximité du débarcadère abritera l'usine de dessalement.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout
se transforme. C'est sans doute en partant
de ce postulat plein de sagesse que
le CNES a décidé d'utiliser l'eau de la mer
pour résoudre le problème d'eau potable
sur l'île Royale. Le projet consiste en effet
à installer une usine de dessalement
de l'eau de mer dans un ancien bâtiment
du bagne situé en face du débarcadère.
“ Il s'agit en fait d'un osmoseur ” précise
Pascale Morel-Tinco, architecte au service
Gestion du Patrimoine du CNES. “ C'est
une station de traitement de l'eau de mer
pour désalinisation et potabilisation avec
une technique de filtrations multiples jusqu'à
l'obtention d'une eau parfaitement pure,
déminéralisée. Ce procédé est dit d'osmose
inverse.” Après avoir pompé l'eau de mer
dans la baie des cocotiers, celle-ci fait
l'objet d'une première filtration avec du
sable pour enlever les plus grosses
impuretés (vase, algues…). Ensuite, elle
subit une série de filtrations en passant
par des membranes avec des pores de plus
en plus petits (inférieurs au nanomètre
pour la dernière membrane d'osmose
inverse) jusqu'à filtrer même les sels
minéraux et ne laisser passer que
les molécules d'eau. “ On obtient alors
deux flux ” explique Julien Villard, ingénieur
au service Gestion du Patrimoine :
“ le « concentrat », chargé de tous les sels
minéraux et le « perméat », une eau pure
qui sera légèrement re-minéralisée pour
devenir potable. En amont et en aval
du système, nous avons deux cuves, l'une pour
l'eau brute, l'autre pour l'eau propre.
La dernière cuve de stockage du système sera
une ancienne cuve du bagne réhabilitée,
appelée la cuve Seznec, et qui permettra
un stock tampon d'eau potable à proximité de
l'auberge pour assurer ensuite la distribution
dans le réseau.”
“ Jusqu'à présent la distribution d'eau sur l'île
était assurée par un système de collecte et
de traitement des eaux pluviales, système
hérité de l'époque du bagne, mais dont
les capacités de stockage étaient arrivées
à saturation ” raconte Pascale Morel-Tinco.
“ Il a donc fallu faire un choix entre rénover
l'existant, remettre aux normes les cuves
Ile Royale :
la mer à boire ?
Ces 2 «cuves» sont les filtres à sable qui sont
actuellement utilisés pour filtrer l’eau avant
le réseau de distribution de l’Ile.
La motopompe de la BSPP a permis de pomper
l’eau de la fosse Seznec pour remplir la bâche
souple de 300 m3, afin de fournir un stockage
supplémentaire en eau pour la saison sèche.
et augmenter leur capacité ou changer “ Pour pomper l'eau, nous avons installé
radicalement de système.” L'avantage un petit ponton flottant équipé d'une jupe
de cette usine de dessalement,
qui empêchera l'eau de la zone
outre le fait qu'elle va permettre
De l'eau potable de pompage d'être polluée
de résoudre le problème de la
par d'éventuelles fuites
à la demande,
disponibilité d'eau potable sur
d'hydrocarbures ” explique
y compris en
l'île, y compris en saison sèche,
Pascale Morel-Tinco.
est qu'elle offre la possibilité
“ Avec ce seul point d'entrée
saison sèche
d'une production “ à la demande ”
de l'eau, dans la baie des
ce qui évite un stockage important. cocotiers, nous pourrons avoir un contrôle
La production sera optimisée par rapport complet sur la filière de traitement, depuis
au nombre de personnes présentes sur l'île. la collecte jusqu'à la distribution.”
Un ponton flottant a été installé dans la baie des cocotiers pour le pompage de l'eau de mer.
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La mise en route de cette usine est prévue pour la fin de l'année
et il s'agira là du premier osmoseur installé en Guyane.
En parallèle à ces travaux effectués sur le réseau d'eau,
la reconstruction des anciens bungalows de bois situés en
contrebas de l'auberge, représente également un important
chantier qui doit voir son terme au cours de l'été. “ Nous avons
reconstruit les 20 chambres « en dur », avec une exposition leur
permettant d'être bien ventilées, et nous les avons équipées de chauffeeau solaires ” précise Pascale Morel-Tinco. Avec leur petit balcon
avec vue sur la mer, ces nouvelles chambres seront entièrement
équipées de meubles en bois de Guyane. Pour minimiser l'impact
visuel, ces constructions ont été conçues de manière à «coller »
à la pente du terrain. “ Aujourd'hui nous sommes sur le point
d'effectuer la réception finale de ces chambres ” annonce Pascale.
“ Le chantier a démarré mi-2009 mais lors de la fermeture du pont
du Larivot, la barge ayant été réquisitionnée, nous avons dû faire face
à des soucis d'approvisionnement en matériaux ce qui a notablement
ralenti les travaux.”
Les anciens bungalows de bois ont été entièrement reconstruits
pour augmenter la capacité d'hébergement de l'auberge.
Autre chantier, et non des moindres, celui de la centrale de production
d'énergie, gérée par le service Infrastructure (SDO/IN) du CNES/CSG. “ Il faut
savoir que l'île Royale est alimentée par des groupes électrogènes car il n'y a pas
de câble d'alimentation la reliant au continent, ce serait beaucoup trop onéreux.
Il n'y a pas non plus d'unité de production d'énergie solaire ou éolienne sur place pour
des raisons de topographie du site ” explique en préambule Moïse Romero,
spécialiste en énergie au service Infrastructure. “ Jusqu'à présent, l'île était donc
alimentée par deux groupes de 130 KVA (kilo voltampère).” Les besoins en
électricité ne cessant d'augmenter, sans oublier les futurs besoins de l'usine
de dessalement et des nouvelles chambres, il a fallu envisager, dès 2006,
d'augmenter la capacité de production de cette centrale énergétique
par anticipation. “ Nous avons donc décidé de remplacer les deux groupes existants
par 3 nouveaux groupes de 250 KVA chacun qui permettront d'alimenter l'ensemble
des systèmes présents sur l'île (Auberge, bâtiments divers, cinéthéodolite, systèmes
de sécurité phare et balises, usine de dessalement…) ” poursuit Moïse. “ Et, autre
nouveauté, nous avons choisi d'installer des groupes «sheltérisés», c'est à dire protégés
par des containers respectant les normes réglementaires. Cela offre évidemment
un plus grand confort au niveau des nuisances sonores de ce type d'installation,
même si cela engendre quelques contraintes en terme d'interventions dans le cadre
de grosses maintenances.”
Mécénat
Mi-juin, l’association Agamis (Association pour la gestion,
l'aménagement et la mise en valeur des îles du Salut) a lancé,
par le biais de la fondation du Patrimoine, une souscription pour
la restauration des décors et mobiliers de la chapelle de l’Ile Royale.
Partenaires, particuliers, entreprises et autres institutions ont été
invités à apporter leurs dons visant à valoriser ce patrimoine
artistique et historique régional. Ces dons étant déductibles d’impôt
à hauteur de 66% pour les particuliers et 60% pour les entreprises,
l’association Agamis espère mobiliser le plus grand nombre.
A ce jour, la chapelle a déjà bénéficié d’une première tranche
de travaux de restauration et de protection. Celle-ci a notamment
concerné les décors peints sur bois et a permis de consolider
et assainir ce qui subsistait de la couche picturale de la chapelle.
Le coût de cette première tranche s’était élevé à 120 000 euros.
La seconde tranche aujourd’hui proposée concerne la restauration
de la couche précédemment stabilisée et le comblement des parties
manquantes. Le montant de ces travaux est estimé à 112 144 euros.
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Première tranche de la rénovation des tableaux de Francis Lagrange, début 2007.
Ces groupes étant alimentés par du gasoil qui est transporté
par barge sur l'île et stocké dans des cuves, une plate-forme pour
le dépotage de carburant est également en cours de réalisation
au niveau du débarcadère, dans un souci de protection
de l'environnement.
Dans un même temps, la distribution de l'énergie à partir de
la centrale de production fait aussi l'objet d'une rénovation. “ Nous
allons installer un nouveau câble entre la centrale de production
et le plateau de l'auberge pour renforcer l'alimentation électrique
existante ” précise Moïse Romero. “ C'est un énorme câble de 400 m
de long pour 4 tonnes, ce qui représente d'importants travaux pour
le déploiement et l'enfouissement de ce nouvel équipement. A noter
que ces travaux n’auront pas d’impact sur l’environnement.”
Concernant les énergies renouvelables, Moïse Romero se montre
plus dubitatif : “ En fait, par rapport à la topographie du site et aux
besoins en énergie, le photovoltaïque n'est pas une solution envisageable
dans l'état actuel de développement de cette technologie. En effet,
cette dernière est une énergie propre mais non permanente, ce qui
nécessitera la mise en place de moyens de stockage tampon (batteries)
ou d’autres sources pour continuer la production d’énergie lorsque
le soleil n’est plus présent. Aujourd’hui, la performance des batteries
est très limitée (autonomie, durée de vie) et le coût de ces dernières
est élevé. Par ailleurs, l’installation de panneaux solaires photovoltaïques
nécessite de la surface disponible au sol ou en toiture en fonction de
la puissance installée. La surface disponible en toiture des bâtiments
concernés n'est pas suffisante, ces panneaux solaires devraient être
installés au sol, ce qui dénaturerait l’aspect naturel du site car il faudrait
abattre des arbres.”
Autres travaux achevés ou en cours sur l'île Royale pour cet été :
les façades de l'auberge ont été ravalées tandis que les jardins
de l'ancienne maison du directeur, aujourd'hui Musée du bagne,
ont bénéficié d'un nettoyage permettant de mettre à jours
les murs de soutènement et autres constructions datant
de l'époque du bagne. Ces travaux de nettoyage ont été menés
avec l'association CHAM qui s'occupe de réinsertion de jeunes
en difficulté. Par la suite, les jardins seront progressivement
et durablement replantés.
Côté projets à plus long terme, notons que l'accès à la «piscine des
bagnards» – rare point de baignade de l'île – devrait être aménagé,
avec des escaliers, pour sécuriser ce lieu très prisé des baigneurs.
Enfin, le CNES a également décidé de se doter d'un moyen
nautique conséquent pour pouvoir apporter, de façon autonome,
marchandises et matériaux divers sur l'île. 4
Propriété du CNES depuis 1971, les Iles du Salut font régulièrement l'objet de travaux d'aménagement et de valorisation.
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