TOPIC Juin/Juillet 2010 www.hec.fr/eurasia La locomotive asiatique grince Tout l’alphabet de la reprise mondiale va bientôt avoir été sollicité, jusqu’au W par Les perspectives les temps qui courent! Même les perspectives de l’Asie, championne absolue de la de l’Asie croissance et de la reprise, commencent à tanguer. Il n’y a pas encore péril en la demeure, commencent à mais… tanguer. L’économie chinoise semblait bien partie pour 2010… …mais le climat des affaires se tend. L’économie chinoise semblait bien partie pour 2010, mais des signaux récents dévoilent un certain nombre d’incertitudes. D’ores et déjà, les observateurs revoient à la baisse son rythme de croissance pour 2010. Pour la première fois en quinze mois, la production du secteur manufacturier s’est un peu tassée au mois de juin et l’indice mondial de confiance des directeurs d’achats a fléchi de deux points (de 53,9 à 52,1). Selon le Bureau national chinois des statistiques, ces chiffres reflètent un durcissement de la politique du gouvernement central, qui cherche avant tout à freiner la croissance du crédit et à contenir les prix de l’immobilier, qui s’en étaient donnés à cœur joie grâce au gigantesque plan de relance de novembre 2008 (586 milliards de dollars sur deux ans, avec des crédits bancaires massifs). Alimentée par les investissements fixes (+26% sur un an) et la consommation intérieure (+18%), la Chine a affiché au premier trimestre 2010 un taux de croissance de 11,9%. Quoique bonne, cette nouvelle est à prendre avec réserve, car elle masque une dégradation de la qualité desdits investissements. Le climat des affaires se tend, comme le souligne une étude publiée à la fin du mois du juin par la Chambre de Commerce européenne en Chine, qui dessine un portrait mitigé de l’environnement économique. Si la majorité des entreprises étrangères installées en Chine (80% des sondés) ont confiance dans les perspectives de croissance du pays, leur optimisme se dégrade – seuls 34% des groupes interrogés considèrent que leur rentabilité va s’améliorer dans les années à venir, tandis que 39% craignent d’être victimes de discrimination. Nous avions déjà souligné la fin du tapis rouge pour les entreprises étrangères, secteur par secteur. Nous y sommes. A l’origine de la détérioration relative du climat économique, des prêts faramineux Des créances douteuses pèsent accordés par les banques chinoises aux collectivités locales pour mettre sur pied des projets d’infrastructures démesurés. Le plan de relance, en desserrant le carcan bancaire, a provoqué sur le secteur une explosion de créances plus que douteuses, quelque soient les artifices comptables bancaire… concoctés par les autorités pour masquer le problème. On s’interroge dès lors sur le timing de l’introduction actuelle de l’Agricultural Bank of China en bourse, différée depuis des années, où les autorités espèrent lever 23,2 milliards de dollars (un record mondial!), ainsi que sur le projet d'augmentation de six milliards de dollars de capital de la Bank of China. 1 …et la crise sociale s’amplifie. A cet environnement économique instable s’ajoute une importante crise sociale. Après trente années de croissance économique, les ouvriers chinois réclament aujourd’hui leur part de la richesse produite. Craignant que la situation se dégrade, le gouvernement a annoncé des hausses de salaires dans une trentaine de villes et de régions et appelle à une amélioration des conditions de travail. Aujourd’hui, la vague de contestations s’intensifie, mais les salaires n’atteignent toujours en moyenne que 1,50 dollars de l’heure. L’atelier du monde a donc encore des réserves sérieuses de compétitivité, mais le scénario d’une contamination de proche en proche des revendications – comme en Corée il y a vingt ans – n’est pas à exclure. L’accord de coopération économique avec Taïwan dote la Chine d’un glacis de libre-échange à ses frontières. La balance commerciale chinoise affiche à nouveau un excédent de 19,5 milliards de dollars au mois de mai 2010 – son plus haut niveau depuis sept mois. Suite à la levée des barrières douanières avec les pays de l’Association des nations du Sud-est (ASEAN), l’accord-cadre de coopération économique signé le 29 juin 2010 entre la Chine et Taïwan dote l’Empire du milieu d’un glacis de libre-échange à ses frontières. Les observateurs estiment à 100 milliards de dollars l’augmentation des flux entre les deux rives du détroit, mais chacun sait, sans le dire, que Taïwan est depuis longtemps une province économique du continent. La reprise des exportations reflète une hausse généralisée de la demande mondiale. En revanche, elles restent considérablement en deçà des niveaux enregistrés à la même époque l’année dernière, qui n’était pourtant pas une année faste. Le moteur du développement chinois est donc grippé. L’Inde enregistre une forte croissance, malgré un développement très inégal. Grâce à une forte consommation intérieure et une hausse des investissements fixes, l’économie indienne enregistre une croissance de 8,6 % au premier trimestre 2010 (en perspective annuelle). Pierre angulaire de la croissance indienne, la demande domestique devrait permettre au pays de maintenir son élan. Les performances de l’Inde restent toutefois très disparates. Tandis que l’industrie et les services affichent de bons résultats, l’agriculture stagne désespérément (0,7% de croissance au premier trimestre 2010). De plus, l’état des finances publiques laisse fortement à désirer. Les dépenses toujours trop élevées du gouvernement creusent la dette et freinent le développement. Certes l’Inde est le pays de toutes les promesses électorales (merci la démocratie!) et la nouvelle frontière de nos investisseurs, mais la persistance des questions de fond (extrême pauvreté pour trois quart de la population), le rattrapage plus que problématique des infrastructures malgré les efforts réels du gouvernement de Manmohan Singh, et la galère des partenariats locaux réservent l’Inde aux plus aguerris. L’économie indonésienne reste très performante, mais risque de souffrir du départ de Sri Mulyani. Avec une croissance de 5,8% au premier trimestre 2010, l’économie indonésienne reste l’une des plus performantes de la région. Après une année difficile, les investisseurs et entreprises étrangères semblent à nouveau séduits par l’Indonésie, dont la monnaie s’est montrée particulièrement stable en ces périodes troublées. En revanche, des infrastructures en déshérence et les chicaneries gouvernementales ont conduit la très talentueuse Sri Mulyani, ministre des Finances depuis 2005, à tirer sa révérence. En effet, le problème des acquisitions de terrain et celui d’une bureaucratie inepte transforme toute décision en parcours du combattant, avec des résultats indignes des besoins d’un aussi grand pays. Le départ de Sri Mulyani pour la Banque Mondiale n’est pas une bonne nouvelle. La Corée du sud se redresse… Le gouvernement sud-coréen a su réagir rapidement et de façon efficace à la crise. Grâce à un système bancaire solide et des finances publiques saines, l’économie du pays se redresse vivement avec des prévisions de croissance autour de 5%, une capacité de rebond qui n’a d’égale que sa performance stupéfiante à la sortie de la grande crise asiatique de 1998. Alimenté principalement par une forte demande chinoise, le commerce extérieur reprend à un rythme soutenu (+35% au premier trimestre 2010). La reprise des échanges sudcoréens pourrait également profiter aux industriels des secteurs high-tech et automobile. Le reste de l’industrie a aujourd’hui renoué avec sa trajectoire d’avant-crise et soutient à son tour le redressement de l’investissement, essentiel à la croissance du pays. premier La croissance se renforce au Vietnam, qui enregistre une hausse de 6,2% du PIB au trimestre 2010. Victime l’an dernier du pire ralentissement en des décennies 2 …tandis que les prévisions du Vietnam sont à prendre avec précaution. Le Japon connaît une reprise encourageante, mais son économie reste fragile. (3,9% de croissance seulement au premier trimestre 2009 dans un pays encore très pauvre), l’économie du Vietnam semble retrouver une certaine stabilité. Néanmoins, ces chiffres sont à prendre avec précaution: les prix ont augmenté de 8,7% au premier trimestre 2010 et le pays accumule les déficits. Au déficit budgétaire s’ajoutent un déficit commercial chronique et un déficit de la balance des paiements. En revanche, les entrées importantes de capitaux, et notamment des investissements directs à l’étranger, ont connu une nette progression (+6%). Avec le 11e Congrès du Parti communiste qui approche et le renouvellement d’une partie des dirigeants, l’agenda vietnamien de l’année est très politique. On peut penser que son impact sur l’économie sera faible, mais au moins peut-on espérer une amélioration de la prise de décision, toujours compliquée dans ce pays plein de promesses. Le Japon a été l’un des pays les plus durement touchés par la crise économique (-5% de récession en 2009), mais il connaît aujourd’hui une reprise encourageante, alimentée essentiellement par ses exportations vers la Chine et le reste du continent asiatique. Un sentiment positif règne au sein des entreprises qui prévoient d’ores et déjà d’augmenter de 4,4% leurs investissements pour l'année fiscale 2010-2011. La confiance des grands groupes japonais, mesurée par l’enquête trimestrielle Tankan de la Banque du Japon, est en hausse de 15 points par rapport à mars 2010. A l’image de ces bons résultats, l’industrie anticipe une croissance de 161% de bénéfice net lors de l’année budgétaire 2010/2011, du jamais vu depuis le début de la crise. Malgré cet environnement, certains chiffres pèsent toujours sur la croissance du pays. Le problème chronique de la dette publique faramineuse (200% du PIB) ne va pas évoluer de sitôt, mais cette dernière est détenue principalement par l’épargne des ménages japonais, ce qui en limite l’impact. Dans cette optique, les promesses du nouveau Premier ministre, Naoto Kan, sont à prendre avec précaution. Au moins peut-on lui souhaiter de durer plus que ses prédécesseurs ! L’économie du Japon est encore fragile et tout peut la déstabiliser. C’est encore une fois vers la Chine que tous les regards se tournent. La dynamo de l’Asie va-t-elle continuer à jouer son rôle d’entraînement ? Gageons que oui, mais les différentes composantes du Mix chinois sont désormais à suivre avec beaucoup d’attention. E.L. A NOTER SUR VOTRE AGENDA: Nos prochaines formations Travailler avec les Chinois 30 septembre & 21 octobre 2010 Consulter les programmes et formulaires d’inscription sur: www.hec.fr/Eurasia 3 Asie: taux de croissance du PIB (en %) Entre 1 et 3 Entre 3 et 5 Supérieur à 5 Source: FMI, juin 2010 Les principaux indicateurs régionaux (Asie du Sud-Est) 2008 Indicateurs PIB, en milliards USD Croissance du PIB réel, en % Inflation, en % Exportations, en milliards USD Importations, en milliards USD Balance commerciale, en milliards USD Balance courante, en milliards USD 2009 2010 2011 1.476,5 1.600,1 1.974,4 2.347,7 6,4 6,4 7,1 7,5 9,8 12,4 12,4 9,7 217,9 207,6 245,8 287,4 363,5 348 418,4 488,9 ‐145,6 140,4 ‐172,7 ‐201,5 ‐46,9 ‐30,6 ‐51 ‐62,8 Source: Asia Monitor, juillet 2010 Les moteurs de la croissance chinoise % g.a. consommation Consommation Investissement Source: Banque Mondiale, juin 2010 4