Jean-Pierre Crespel Se souvenir de l`oubli

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Jean-Pierre Crespel
Se souvenir de l'oubli
1
Ce que j'ai oublié
tressaille en récits invisibles
dans la prudence des braises assagies
L'île d'enfance sommeille si loin
dans un lieu si étrange
où les visages frôlent d'autres ombres
et ce qui a été perdu réapparaît malgré nous
Un empan de jour plaintif
s'insinue dans l'embrasure
et s'installe aux fenêtres
Souveraine
l'étrangeté de l'instant
étreint les mains
Gardiennes des solitudes
Les falaises dessinent leurs promontoires calcaires
et se penchent vers la mer
2
Le hasard répand son tumulte de voix
Un présage traverse le ciel
Flamboyances et lueurs
Je respire l'air des fontaines
perçoit le claquement des voiles
les saisons du retour
les grues relancent les embruns
en pluies de sable
Tous ces bruits sur le port
La voile, les cordes,
le gouvernail les rames
Se souvenir confusément
d'un jour semblable
quand et où
Tout est là
dans la permanence
3
Oublier
Se souvenir de l'oubli
De ce vide faire un plein
un geste de phrases
un geste d'écriture
Faire affleurer en surface
les signes les silhouettes
les parfums de plantes et d'écorce
A l’horizon
Le verbe oublié
cherche
l'aurore de la parole inaugurale
s’arrache aux entraves à rebours
Approcher
retrouver ce lieu des confins
dans une solitude qui rafraîchit
4
Nous sommes les gardiens
d'un brasier qui couve
et nous cherchons le soufflet de cheminée
en luttant contre le sommeil
Les torches d'eau abreuvent nos jardins
et l’exil à dire lancine
et lancine encore
Lieu des ouvertures
in fine des solitudes
En encerclement qui s’arrache
Nous sommes les frontières
des blancs et des pages
Qui se tournent
Les lieux du désert des déserts
Se feuillettent créant ou abolissant les métaphores
Passages des mélopées
sollicitées
5
fécondes sensations
d’espace avancé de liberté
aux longs regards des promesses faites à soi-même
Quand sur le vent, s’enchevêtrent
les grands hêtres de lumière
Nos talismans éphémères
sont des soleils de pierre
enfouis dans les paumes
Nos éclipses solitaires
comme des archipel de mâts
dans le cliquetis de nos oublis
Sont les souverains pourpres
et cuivrés
de nos songes hantés
Jean-Pierre Crespel
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