2002/1
Bulletin des
assureurs Vie destiné
aux médecins suisses
Expertises médicales
dans les cas juridiques
Schweizerischer Versicherungsverband
Association Suisse d’Assurances
Associazione Svizzera d’Assicurazioni
Supplément du Bulletin des médecins suisses
No 27 /3 juillet 2002
Sommaire
2
Expertises médicales dans le cas
juridiques 4
Pourquoi faut-il toujours
davantage d’expertises? 14
L’expert médicale en qualité
de juge 20
La réadaptation avant la rente 26
Le cas pratique 38
Editeur ASA Association Suisse
d’Assurances
19411998 édité par les assureurs Vie
La commission responsable de la parution
du «Bulletin» se compose comme suit:
Josef Kreienbühl, PAX, président
Karl Ehrenbaum, Zurich
Dr méd. Thomas Mall, Bâloise
Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re
Dr méd. Walter Sollberger, Bernoise
Peter Suter, Winterthur
Dr méd. André Weissen, PAX
Rédaction Dr Jörg Kistler
C.-F.-Meyer-Strasse 14
8022 Zurich, Téléphone 01-208 28 28
E-mail joerg.kistler@svv.ch
Imprimerie Dürrenmatt Druck AG
3074 Muri-Berne
Tirage 5500 exemplaires
3
Editorial
Chères lectrices, chers lecteurs
Toute expertise médicale joue de par nature un rôle déterminant dans
l’appréciation de l’incapacité de gain. Pas étonnant dès lors que ce genre
d’expertise ne cesse de susciter des controverses. Mais quoi qu’il en soit,
pour remplir son office, une expertise ne saurait concéder ni erreur, ni
contradiction.
Dans le présent numéro, Christine Grünig, juriste auprès du Tribunal des
assurances sociales du canton de Zurich, expose la fonction de l’exper-
tise médicale dans une procédure administrative ou devant les tribunaux
administratifs; elle décrit les exigences posées aux spécialistes mandatés
à cet effet et nous indique où résident les problèmes.
Quant au professeur Victor Meyer, il nous dresse un tableau des expé-
riences récoltées par le Bureau d’expertises extrajudiciaires de la FMH,
qui fournit des expertises neutres pour des patients persuadés avoir été
victimes d’une erreur médicale. Le Dr Atilay Ileri se met dans la peau de
l’avocat d’un patient et considère la position de l’expert médical comme
celle d’un juge. A l’appui de cas concrets, il nous explique comment com-
prendre cette assertion.
De son côté, Regina Wide, collaboratrice auprès de la Swiss Re, nous
montre quelles chances possède une personne frappée d’une incapacité
de gain d’opérer une réinsertion professionnelle. Elle relève l’importance
de faire glisser son angle de vision, du point où une personne incapable
de travailler examine ce qu’elle ne peut plus faire à celui où elle envisage
ce qu’elle peut encore réaliser. Plus tôt se fera le contact avec l’assuré,
plus grandes seront ses chances de réintégrer le processus du travail.
Au bénéfice de tous.
Les prestations servies au titre de l’incapacité de gain grèvent toujours
plus les assurances étatiques et sociales. Les expertises médicales jouent
un rôle essentiel dans l’appréciation des chances de réinsertion. Chères
lectrices, chers lecteurs, j’espère que ce numéro éveillera votre intérêt et
vous montrera plus concrètement ce qu’implique une expertise médicale.
Dr. Jörg Kistler
4
Christine Grünig,
juriste auprès du Tribunal
des assurances sociales
du canton de Zurich
toires ou quand l’autorité adminis-
trative considère nécessaire une ex-
pertise pluridisciplinaire ou établie
par un médecin-spécialiste qu’elle
mandate l’établissement d’un tel
rapport d’expertise.
La procédure judiciaire du droit des
assurances sociales est générale-
ment exclusivement écrite. Les rap-
ports et expertises médicaux requis
dans la procédure administrative
revêtent par conséquent une grande
importance aussi dans la procédure
judiciaire, puisque le tribunal doit
apprécier et vérifier objectivement si
ces pièces autorisent une apprécia-
tion fiable de la prétention litigieuse.
Le tribunal dépend donc, pour l’exé-
cution de la procédure, d’un établis-
sement soigneux de la situation sur
le plan médical par l’administration
d’abord, et de données médicales
explicites et compréhensibles. Si les
pièces médicales acquises par l’ad-
ministration ne permettent pas une
appréciation concluante du rapport
juridique litigieux, le tribunal a la
possibilité
de renvoyer la cause à l’adminis-
tration pour élucidation plus
complète,
de poser des questions aux
experts médicaux déjà interrogés
par l’administration ou
Limites de l’appréciation juridique
d’expertises médicales dans le
domaine du droit des assurances
sociales
1. L’expertise médicale dans
la procédure administrative
comme devant les tribunaux
administratifs
Dans la procédure administrative et
devant les tribunaux administratifs
portant sur les assurances sociales
s’applique notamment le principe de
l’instruction, selon lequel l’adminis-
tration et le tribunal doivent veiller
de leur propre chef à l’établissement
correct et complet des faits. Ils dé-
pendent à cet effet de documents
d’experts médicaux – et, le cas
échéant, d’autres experts. Les rap-
ports médicaux constituent donc,
avec les autres pièces, la base de la
décision qui dira si une
personne a
droit, et si oui dans quelle
mesure, à
des prestations en vertu du droit des
assurances sociales.
A l’échelon de l’administration, la
quête de renseignements médicaux a
le plus souvent lieu par voie de for-
mulaires contenant des questions
standard, et sont interrogés les
médecins traitants ainsi que d’autres
médecins. Ce n’est que lorsque les
rapports sont insuffisants, contradic-
Expertises médicales dans les cas
juridiques
5
ces techniques1, alors que l’expertise
requise dans la procédure adminis-
trative n’a pas, comparée aux autres
pièces médicales, de valeur proba-
toire accrue. Il reste enfin la possibi-
lité d’exiger une expertise à un autre
spécialiste quand l’expertise exis-
tante ne permet pas d’appréciation
concluante de la prétention litigieuse.
2. Exigences posées en matière
d’expertise médicale
a) Généralités
Selon la jurisprudence, il est détermi-
nant sous l’angle de la valeur proba-
toire d’une expertise médicale que
celle-ci traite entièrement les points
litigieux, qu’elle se fonde sur des
examens entrepris de toutes parts,
qu’elle tienne compte des plaintes
émises par le patient et qu’elle s’ex-
prime sur celles-ci comme au sujet
du comportement de la personne
examinée, qu’elle ait été remise en
connaissance des pièces antérieures
versées au dossier et, le cas échéant,
moyennant analyse desdites pièces,
qu’elle soit convaincante dans la
présentation des interrelations mé-
dicales et dans l’appréciation de la
situation médicale, que les conclu-
sions soient fondées d’une manière
compréhensible et, si besoin est,
qu’elle relève clairement les points
d’exiger de leur part un rapport
complémentaire,
d’ordonner lui-même une exper-
tise ou de requérir éventuellement
une seconde expertise.
Le renvoi de l’affaire à l’administra-
tion intervient avant tout lorsque le
tribunal considère que l’état des faits
n’est pas suffisamment établi. Des
questions complémentaires à des ex-
perts médicaux déjà impliqués dans
la procédure administrative ou la re-
quête d’un rapport supplémentaire
auprès de telles personnes sont indi-
quées quand de plus amples éclair-
cissements ne sont nécessaires que
sur certains points particuliers ou
lorsque certaines questions n’ont pas
reçu de réponses complètes ou suffi-
samment claires. Mais l’ordonnance
visant l’établissement d’une experti-
se judiciaire sera généralement prise
lorsque le tribunal estime que seule
un tel rapport est apte à établir les
faits. L’expertise ordonnée par le tri-
bunal se distingue essentiellement
des rapports et expertises demandés
dans la procédure administrative par
le fait que le tribunal ne s’écarte pas
sans motifs impérieux de l’apprécia-
tion de l’expert médical, dont la tâche
est précisément de mettre à disposi-
tion de la juridiction ses connaissan-
1ATF 125 V 352 cons. 3b/aa
avec renvois
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