Dimensions économiques de la politique de l`environnement

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CAHIER DE
L’ENVIRONNEMENT
N° 385
Économie
Dimensions
économiques
de la politique de
l’environnement
Office fédéral de
l’environnement,
des forêts et
du paysage
OFEFP
CAHIER DE
L’ENVIRONNEMENT
N° 385
Économie
Dimensions
économiques
de la politique de
l’environnement
Synthèse de projets de recherche
sur les interactions entre l’économie
et l’environnement
Publié par l’Office fédéral
de l’environnement, des forêts
et du paysage OFEFP
Berne, 2005
Éditeur
Office fédéral de l’environnement, des forêts et du
paysage (OFEFP)
L’OFEFP est un office du Département fédéral de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la
communication (DETEC)
Citation
OFEFP (Ed.) 2005 : Dimensions économiques de la
politique de l’environnement. Synthèse de projets de
recherche sur les interactions entre l’économie et
l’environnement. Cahier de l’environnement n° 385.
Office fédéral de l’environnement, des forêts et du
paysage, Berne. 9 pages.
Groupe d’accompagnement
OFEFP :
sous-directeur Bruno Oberle,
sous-directeur Gérard Poffet, Hans-Peter Fahrni,
Arthur Mohr, Franz-Sepp Stulz
Externes :
Prof. Beat Bürgenmeier (Université de Genève),
George Ganz (DTAP), Urs Näf (economiesuisse),
Marie-Thérèse Niggli (seco)
Traductions
Chantal Bonny, Herrliberg
Graphisme, mise en page
Ursula Nöthiger-Koch, 4813 Uerkheim
Photo de couverture
Emanuel Ammon/AURA
Commande
OFEFP
Documentation
CH-3003 Berne
Fax +41 (0) 31 324 02 16
[email protected]
www.buwalshop.ch
Numéro de commande et prix :
SRU-385-F / CHF 10.– (TVA comprise)
Cette publication est également disponible en allemand
(SRU-385-D).
© OFEFP 2005
2
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
Table des matières
1
2
3
4
5
Abstracts
5
Avant-propos
7
Résumé
9
Nécessité de travaux de recherche
sur l’environnement et l’économie
Terrains conflictuels
Délimitation thématique
Coût et utilité de la protection de
l’environne-ment pour l’économie nationale
La protection de l’environnement corrige un
dysfonctionnement du marché
Le PIB, un agrégat incomplet
La protection de l’environnement est un facteur
économique
Et si l’argent avait été dépensé autrement ?
Et si rien n’avait été fait dans le passé pour
protéger l’environnement ?
Les mesures de protection de l’environnement
encouragent l’innovation
6
11
13
13
7
14
14
14
15
16
8
16
17
… et pour les entreprises
La plupart du temps, les règles de la protection
de l’environnement ne sont pas le facteur décisif
dans le choix du lieu d’implantation
L’exemple de l’industrie chimique
Secteurs avantagés
Qualité de vie pour les collaborateurs qualifiés
Intérêts des entreprises
18
18
18
19
19
19
Mondialisation et politique nationale
de l’environnement
21
9
Découplage : la croissance économique
résout-elle ou aggrave-t-elle les problèmes
écologiques ?
Croissance zéro ou la croissance comme
solution ?
Le découplage n’est que partiel et aucun
renversement de tendance n’est en vue
Le découplage n’est pas automatique
Consommation : le rôle des préférences pour les
produits écologiques
Les marchés financiers peuvent-ils encourager la protection de l’environnement ?
Peuvent par exemple agir
Il existe certes des obstacles et des limites ...
… mais les possibilités d’influence s’accroissent
Éléments d’une politique de l’environnement
efficace
Respecter les principes fondamentaux
Découpler la croissance économique et la
pollution
Panoplie d’instruments : développer les
instruments d’économie de marché
Appliquer le principe de causalité
Politique technologique et de l’innovation
Utiliser l’effet de levier des marchés financiers
Examiner régulièrement les effets de manière
à les amplifier
27
27
27
29
30
32
32
33
34
35
35
35
35
36
37
37
38
Perspectives : l’écologie et l’économie
se conditionnent mutuellement
39
Bibliographie
41
Principe de causalité : des milliards
de coûts non couverts
22
Application systématique du principe de causalité 25
Table des matières
3
Abstracts
E
Keywords:
Costs,
benefits,
market economy,
resources,
environmental
economics,
polluter-pays principle
D
Stichwörter:
Kosten,
Nutzen,
Marktwirtschaft,
Ressourcen,
Umweltökonomie,
Verursacherprinzip
F
Mots-clés :
Coûts,
utilité,
économie de marché,
ressources,
économie de
l’environnement,
principe de causalité
I
Parole chiave:
costi,
benefici,
economia di mercato,
risorse,
economia ambientale,
principio
di causalità
Abstracts
The interdependencies between the environment and the economy were investigated in a research project comprising six different studies. The emphasis was
placed on the overall economic context and long-term aspects. In the present report,
the most important findings are summarized. The “Outlook” section considers how
economic and environmental policy can be framed in a coordinated and mutually
beneficial manner.
Die Interdependenzen zwischen Umwelt und Wirtschaft wurden im Rahmen eines
Forschungsprojekts mit sechs verschiedenen Teilstudien untersucht. Im Vordergrund standen die volkswirtschaftlichen Zusammenhänge und die langfristigen
Aspekte. Der vorliegende Synthesebericht fasst die wichtigsten Ergebnisse zusammen. Im Ausblick wird dargelegt, wie Wirtschafts- und Umweltpolitik partnerschaftlich und für beide nutzbringend auszugestalten sind.
Les interactions entre l’environnement et l’économie ont été examinées dans le
cadre d’un projet de recherche subdivisé en six études thématiques. L’étude a porté
en premier lieu sur les interactions économiques au niveau national et sur les perspectives à long terme. Le présent rapport de synthèse résume les résultats principaux. Le chapitre consacré aux perspectives indique comment la politique économique et la politique de l’environnement doivent être conçues dans un objectif de
bénéfice réciproque.
Nell’ambito di un progetto di ricerca suddiviso in sei studi parziali sono state esaminate le interazioni tra ambiente ed economia. L’analisi si è concentrata in primo
luogo sui nessi economici e sugli aspetti a lungo termine. Il presente rapporto di
sintesi riassume i risultati più importanti e, nel capitolo dedicato alle prospettive,
illustra in che modo la politica economica e quella ambientale debbano essere il
frutto di una collaborazione e condurre a benefici comuni.
5
Avant-propos
L’environnement et l’économie sont indissociables. Sans un environnement intact,
il n’y a pas de prospérité. Les ressources naturelles sont une base indispensable à
l’économie. En contrepartie, une économie saine est la condition sine qua non de
l’application effective des mesures de protection de l’environnement. Pourtant, les
impératifs économiques et les impératifs écologiques ne sont pas toujours faciles à
concilier. Des connaissances étendues sur leur mode d’interaction sont par conséquent indispensables. Depuis des années, l’Office fédéral de la protection de
l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) coopère avec l’économie dans
la mise en œuvre de la politique de l’environnement et, dès qu’il le peut, applique
les mécanismes de l’économie de marché, sachant que cette approche est la seule
qui permette de protéger l’environnement efficacement et à un coût avantageux.
Six études thématiques ont été menées par des instituts de recherche et des bureaux
d’experts indépendants sur les interactions entre l’environnement et l’économie. Il
convient à présent d’en exploiter les résultats pour développer une économie respectueuse de l’environnement et une politique de l’environnement efficace. Le
présent rapport établit une synthèse des principales conclusions des experts du point
de vue de l’OFEFP.
Office fédéral de l’environnement,
des forêts et du paysage
Bruno Oberle
Sous-directeur de l’OFEFP
Avant-propos
7
Résumé
La prospérité économique n’est possible à long terme que si elle est en accord
avec l’environnement. En ménageant les ressources naturelles, la politique de
l’environnement peut apporter une contribution importante au bien-être
économique. Différentes études réalisées sur mandat de l’OFEFP mettent en
lumière les interactions entre l’économie et l’environnement.
La politique de
l’environnement est importante économiquement
La prospérité économique n’est possible à long terme que si elle est en accord avec
l’environnement. En ménageant les ressources naturelles, la politique de l’environnement peut apporter une contribution importante au bien-être économique. Différentes études réalisées sur mandat de l’OFEFP mettent en lumière les interactions
entre l’économie et l’environnement.
L’utilité économique des mesures de protection de l’environnement s’exprime à
travers une amélioration de la qualité de vie et une diminution des coûts. Un exemple : entre 1970 et 2002, la lutte contre la pollution de l’air a permis d’économiser
environ 16 milliards de francs en frais de santé.
Le principe de causalité et, partant, la vérité des coûts sont certes mieux appliqués
que par le passé, mais ils ne le sont pas encore entièrement, tant s’en faut. Le défaut
de couverture total atteint au moins 9,7 milliards de francs. À eux seuls, les coûts
d’élimination et de prévention sont toujours financés pour moitié environ – à hauteur de plus de 2,2 milliards de francs – par les pouvoirs publics avec l’argent des
contribuables, en non par les pollueurs eux-mêmes. Les atteintes à l’environnement
continuent ainsi, de facto, à être subventionnées.
Dans l’idéal, l’économie devrait croître sans que la pollution augmente en même
temps. Si un tel découplage a été réalisé dans plusieurs secteurs de l’environnement, il tarde à se concrétiser dans d’autres, comme la consommation d’énergie ou
la surface bâtie. La littérature spécialisée montre que ce découplage ne se produit
pas par lui-même, mais qu’il est le fruit d’une politique de l’environnement active.
L’effet de levier des marchés financiers au profit de l’environnement n’a pas
encore été suffisamment exploité jusqu’à présent. Ainsi, la part des placements
durables en Europe se situe toujours dans des pourcentages à un chiffre. Par leur
politique de placement, les caisses de pensions, par exemple, peuvent contribuer à
ce que les risques environnementaux et les avantages écologiques soient correctement reflétés dans les cours des actions.
La protection de l’environnement est aussi un facteur économique qui crée des
emplois. Elle contribue pour quelque 6,7 milliards de francs au PIB, ce qui correspond à environ 61’000 emplois à plein temps. Si l’argent, au lieu d’être consacré à
la protection de l’environnement, était dépensé autrement, la création de valeur ne
serait pas plus élevée. Par contre, il y aurait 13’000 emplois à plein temps en moins.
Résumé
9
Asseoir la politique de
l’environnement sur des
principes économiques
La politique de l’environnement peut apporter sa pierre au développement économique. Pour cela, elle doit
• préserver les bases naturelles de la vie et ménager les ressources naturelles
importantes ;
• reposer sur des objectifs à long terme et des mesures prévisibles ;
• renforcer les mesures d’économie de marché (c’est-à-dire lancer des signaux
corrects concernant les prix et créer de bonnes incitations, mais laisser en même
temps aux entreprises et aux consommateurs la liberté dans le choix des
moyens) ;
• encourager le développement et la diffusion de technologies environnementales
innovantes et intégrer davantage les questions environnementales dans la politique technologique ;
• mieux coordonner la mise en œuvre au niveau des cantons pour éviter les doublons et les distorsions de concurrence entre les cantons ;
• soutenir les accords internationaux, en particulier quand les problèmes de pollution dépassent les frontières, et tenir compte des accords commerciaux multilatéraux dans la politique nationale de l’environnement ;
• favoriser la prise en compte des questions écologiques sur les marchés financiers
et, ainsi, instaurer une meilleure reconnaissance des risques, stimuler l’innovation et améliorer la réputation des marchés financiers ;
• contrôler systématiquement l’efficacité des mesures de protection de l’environnement et optimiser celles-ci, d’un point de vue économique également.
Le présent rapport de synthèse résume les principaux résultats et conclusions des
six études thématiques, qui ont volontairement été réalisées dans une optique à long
terme, en tenant compte de l’ensemble de l’économie. C’est pourquoi ces études ne
traitent pas des sujets actuels très controversés du point de vue politique, comme le
droit de recours des organisations, l’étude de l’impact sur l’environnement ou
l’application du droit environnemental.
10
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
1 Nécessité de travaux de recherche
sur l’environnement et l’économie
La politique de l’environnement se mesure de plus
en plus à ses répercussions économiques
Le développement économique et la protection de l’environnement sont-elles antinomiques, ou se conditionnent-elles l’une l’autre ? La question se retrouve toujours
au centre des débats politiques et scientifiques. Différentes raisons ont incité
l’OFEFP à lancer des travaux de recherche sur ce thème :
• La prise de conscience toujours plus grande de l’importance de la croissance
économique comme facteur de développement pour la Suisse.1
• La réalisation, récemment, de nombreux travaux de recherche sur les interactions entre l’économie et l’environnement : il manque encore pourtant un texte
succinct rendant leurs résultats accessibles à un plus large public et capable de
donner de nouvelles impulsions à la politique de l’environnement.
• L’acceptation, en mars 1999, d’un postulat du conseiller aux États Renzo Respini (PDC) : le Conseil fédéral y est invité à « procéder à une analyse de l’efficacité économique des politiques en faveur de l’environnement pratiquées dans notre pays et d’en informer de façon adéquate le Parlement et l’opinion publique ».
Environnement
État /
politique
Économie
Dépenses de
consommation
Pollution
Revenus de capitaux,
salaires, produits
Utilisation de matières
premières, sol, ressources environnementales
Entreprises
Rejet de substances
nocives ou résiduelles
(-> coûts externes)
Ménages
Figure 1 :
Principales interactions
Économie étrangère
entre l’environnement et
l’économie.
1
Voir p. ex. DEPARTEMENT FEDERAL DE L’ECONOMIE (2002).
1 Nécessité de travaux de recherche sur l’environnement et l’économie
11
Questions centrales des
études thématiques
Sur la base de ces considérations, l’OFEFP a lancé six travaux de recherche destinés à éclairer les interactions entre l’environnement et l’économie en répondant aux
questions suivantes.
1. Quelle est l’influence de la politique de l’environnement sur la croissance économique et l’emploi ?
2. Quels sont les effets de la croissance économique sur l’environnement : sont-ils
positifs, neutres, et donc révélateurs d’un découplage, ou au contraire la croissance aggrave-t-elle les pressions sur l’environnement ?
3. Qu’implique la mondialisation pour l’environnement et la politique de l’environnement ? Que peut faire la Suisse dans les forums internationaux (OMC p. ex.)
et jusqu’à quel point peut-elle suivre une politique de l’environnement autonome ?
4. Quelle est l’importance du secteur financier (marchés des actions, caisses de
pensions, fonds de placement, etc.) pour l’environnement ? Convient-il d’encourager les placements financiers durables ?
5. Dans quels secteurs le principe économique fondamental de causalité n’est-il pas
respecté ? Quelles sont les conséquences, les mesures nécessaires et les répercussions de celles-ci ?
6. Est-il possible d’évaluer la politique de l’environnement menée jusqu’à présent,
notamment le rapport coût-efficacité ?
Chaque étude éclaire ainsi une partie des relations complexes qui unissent l’environnement et l’économie. Les études thématiques sont placées sous la responsabilité de leurs auteurs respectifs et ne reflètent pas nécessairement la position de
l’OFEFP.
Le présent rapport de synthèse résume les résultats principaux et les conclusions
les plus importantes et met en lumière les relations et les renvois entre les études
thématiques.
Études thématiques (traduction, instituts de recherche/bureaux d’experts)
1. Auswirkungen des Umweltschutzes auf BIP, Beschäftigung und Unternehmen
(Conséquences de la protection de l’environnement sur le PIB, l’emploi et les entreprises, Infras/Fraunhofer Institut für Systemtechnik und Innovationsforschung)
2. Wachstum und Umweltbelastung : Findet eine Entkopplung statt? (Croissance et
pollution : le découplage est-il une réalité ? Fachhochschule Solothurn/Ernst Basler & Partner)
3. Wettbewerb und Umweltpolitik in einer globalisierten Wirtschaft (Compétitivité et
politique de l’environnement dans une économie mondialisée, B,S,S)
4. Finanzmärkte und Umwelt (Marchés financiers et environnement, BHP Brugger &
Partner/onValues)
5. Konsequente Umsetzung des Verursacherprinzips (Application systématique du
principe de causalité, Econcept/Infras)
6. Machbarkeitsstudie «Evaluation der bisherigen Umweltpolitik» (Étude de faisabilité « Évaluation de la politique de l’environnement menée jusqu’à présent », Interface Politikstudien)
12
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
Terrains conflictuels
Conflits d’intérêt
La thématique environnement et économie soulève actuellement des conflits passionnés. Ici, les besoins des exploitants d’aéroports et donc des voyageurs s’opposent au besoin de quiétude des habitants. Là, des investisseurs qui projettent d’investir dans un centre commercial doivent faire face aux oppositions d’associations
de protection de l’environnement qui demandent la prise de mesures relatives à la
circulation. La pose d’antennes de téléphonie mobile ou l’introduction de filtres à
particules donnent lieu à des débats tout aussi animés.
L’objet du présent rapport de synthèse n’est pas de répondre aux questions concrètes que soulèvent ces conflits. D’autres travaux spécifiques de l’OFEFP s’en chargent. L’étude se propose plutôt de présenter différents mécanismes fondamentaux
sous-jacents.
Délimitation thématique
Aucune prétention
à l’exhaustivité
Les études thématiques et, partant, le présent rapport de synthèse reposent volontairement sur une perspective macro-économique à long terme. Leur but est d’étudier
les conséquences macro-économiques de la protection de l’environnement, et non
pas des cas isolés, des effets à court terme ou des questions limitées à la gestion
d’entreprise. Pour cette raison, les thèmes suivants, tout aussi importants, ont été
écartés :
• Les questions politiques actuelles sujettes à controverses, comme le droit de
recours des associations, les études d’impact sur l’environnement ou l’application du droit de l’environnement, ont seulement été effleurées. Elles sont actuellement traitées au niveau fédéral et ne font pas l’objet du présent rapport.
• La dimension sociale de la politique de l’environnement n’a pas été examinée.
Pour analyser les effets redistributifs des mesures de protection de l’environnement, il faudrait examiner de quelle manière l’utilité d’un bien environnemental
est répartie entre les habitants, quels sont les coûts des mesures de protection de
l’environnement, qui les supporte et, dans le cas des instruments d’économie de
marché, qui profite de la redistribution du produit des taxes ou de l’allocation
initiale des certificats de droits d’émission.
• La question de la simplification et de la coordination des mesures d’exécution
n’a pas été analysée en détail. Elle fait actuellement l’objet de projets de recherche pour les secteurs du textile et de la construction.
1 Nécessité de travaux de recherche sur l’environnement et l’économie
13
2 Coût et utilité de la protection
de l’environnement
pour l’économie nationale
La protection de l’environnement corrige un dysfonctionnement du marché
Si la protection de l’environnement sert un objectif clairement défini dans la Constitution et dans la conscience collective, l’économie voit en elle, au prime abord, un
facteur de coût.
Les coûts externes
entraînent un dysfonctionnement du marché
L’économie de marché est un système économique qui possède certes de nombreux
avantages. Mais elle souffre de défaillances dans les domaines où les droits de la
propriété ne sont pas clairement attribués et où des coûts dits externes apparaissent.
Un exemple : l’air respirable ne peut être ni acheté ni vendu, contrairement à une
marchandise. Personne ne possède évidemment un droit d’usage exclusif sur l’air
frais. Ainsi, celui qui projette de polluer l’air frais – le demandeur – n’a pas besoin
de s’entendre sur le prix avec un offrant. Avec les conséquences suivantes : si
l’environnement et les ressources naturelles ne se voient pas attribuer un juste prix,
ils sont utilisés de manière immodérée. La protection de l’environnement est donc
nécessaire pour corriger un dysfonctionnement du marché que personne ne conteste
dans la doctrine économique traditionnelle.2
Le PIB, un agrégat incomplet
Tant qu’ils seront gratuits,
les biens environnementaux n’auront pas leur
place dans les comptes
nationaux
La comptabilité nationale et, partant, le produit intérieur brut (PIB) sont incomplets.
D’abord, parce qu’ils n’enregistrent pas la consommation de biens environnementaux. D’autre part, parce qu’ils enregistrent aussi les coûts des mesures prises pour
diminuer la pollution comme une prestation macro-économique.3 Plus les atteintes à
réparer sont nombreuses, plus le PIB d’une économie nationale paraît élevé. Depuis
longtemps, des organisations internationales, comme l’ONU, la Banque mondiale et
Eurostat, élaborent des modèles de « produit national écologique ». Jusqu’à présent,
toutefois, il n’a pas été possible, ni n’aurait été très utile, de définir un seul agrégat.
La tendance consiste plutôt à exprimer les interactions entre l’économie et l’environnement à l’aide de différentes informations complémentaires aux comptes nationaux (comptes satellites, indicateurs). Le projet UWEKO4 de l’Office fédéral de la
statistique repose largement sur cette approche.
2
L’une des méthodes pour attribuer un prix à l’environnement consiste à prélever des taxes
d’incitation. Ainsi, la taxe d’incitation sur les composés organiques volatils (COV) a pour effet de renchérir les substances qui participent à la formation d’ozone (« smog estival »).
14
3
Voir en détail section 2.3 dans: OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005).
4
http://www.statistik.admin.ch
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
La valeur de la nature peut-elle être calculée ?
Dans quelques domaines, les atteintes à l’environnement ont pu être exprimées en
valeur monétaire (p. ex. problèmes de santé dus à la pollution de l’air), de manière
certes très approximative. Mais il serait intéressant aussi de pouvoir chiffrer la valeur
de la nature comme matière première et base de production, car cette valeur n’est
actuellement pas indiquée dans les comptes nationaux.
Jusqu’à présent, il a été possible de calculer cette valeur de manière très rudimentaire, comme dans les comptes nationaux de l’environnement (UGR) en Allemagne.5
Le patrimoine naturel et l’utilisation de la nature n’ont toutefois pas pu être quantifiés en valeur monétaire.
La protection de l’environnement est un facteur économique
Importance des mesures
de protection de l’environnement pour l’économie
Malgré les réserves de principe exprimées plus haut, une question demeure : comment la protection de l’environnement se répercute-t-elle sur les chiffres de la
comptabilité nationale ? Dans une étude thématique6, un modèle input-output a
calculé pour la Suisse les chiffres suivants :
• La valeur économique7 des mesures de protection de l’environnement prises par
les particuliers et les entreprises atteint environ 6,7 milliards de francs (env.
1,6% du PIB). Elle correspond à 61’000 emplois à plein temps (env. 1,9% de
l’emploi total).
• Si l’on additionne les effets économiques secondaires, soit l’utilisation des
revenus du travail et du capital de l’écosecteur, l’importance économique de
l’écosecteur atteint, selon les estimations, 17,1 milliards de francs (4% du PIB).
• Enfin, la Suisse exporte des biens de protection de l’environnement pour une
valeur de 1,4 milliard de francs par an environ, ce qui correspond à quelque
12’500 emplois à plein temps (sans les effets secondaires).
Tableau 1 : Importance macro-économique des mesures de protection de l’environnement prises en
Suisse Chiffres pour 2002, sans prise en compte des conséquences économiquement positives des mesures de protection de l’environnement (par ex. sur la santé, la qualité du site,
8
etc.) .
Valeur ajoutée (PIB)
Francs (en milliards)
Mesures de protection de
l’environnement en Suisse
Mesures de protection de l’environnement et effets secondaires en Suisse
Exportation de biens environnementaux (sans effets secondaires)
% du PIB
Emploi (plein temps)
Nombre
% de l’emploi total
6.7
1.6%
61’000
1.9%
17.1
4.0%
145’000
4.5%
1.4
0.3%
12’500
0.4%
5
STATISTISCHES BUNDESAMT (2003), Umweltnutzung und Wirtschaft, p. ex. p. 9 s.
6
Source de toutes les thèses présentées dans ce chapitre: ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S.,
BLUM M. (2005).
7
Création de valeur en Suisse, y c. prestations préalables.
8
Source: ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005).
2 Coût et utilité de la protection de l’environnement pour l’économie nationale
15
De nombreuses études étrangères obtiennent des résultats comparables avec
d’autres pays, ce qui corrobore les modèles suisses.
Et si l’argent avait été dépensé autrement ?
Comparaison avec une
situation sans mesures de
protection de l’environnement
Si aucune prescription de protection de l’environnement n’avait été édictée, une
grande partie de l’argent aurait été dépensée autrement. Le PIB aurait-il été plus
élevé dans ce cas ? Les modélisations mathématiques montrent que la création de
valeur aurait été pratiquement identique, car des effets multiplicateurs semblables
auraient été déclenchés. Par contre, l’emploi aurait été inférieur de 0,4% environ
(13’000 emplois), car le secteur de la protection de l’environnement est à forte
composante de main-d’œuvre.9 L’argent consacré aux mesures de protection de
l’environnement crée ainsi, en termes nets, quelque 13’000 emplois à plein temps.
D’où la conclusion suivante : les mesures de protection de l’environnement ne
freinent pas la croissance, elles ont un effet neutre sur le PIB, augmentent légèrement l’emploi et améliorent, de manière certes minime, le solde de la balance
commerciale.
Et si rien n’avait été fait dans le passé pour protéger l’environnement ?
Exemples de l’utilité économique de la protection
de l’environnement
16
Les modèles mathématiques présentés plus haut ne reflètent, bien entendu, pas du
tout l’objectif même de la politique de l’environnement, qui est de nous protéger
contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et de conserver les ressources
naturelles.10 Cette protection a-t-elle une valeur sur le plan économique ? Plusieurs
études confirment que les mesures de protection de l’environnement exercent des
effets économiques positifs à long terme :
• De grands progrès ont pu être accomplis dans la protection de l’air. Si la pollution de l’air était restée au niveau de 1970, les coûts de la santé auraient été environ un milliard de francs plus élevés en 2002 (0,2% du PIB), selon des estimations d’Infras/ISI (2005). Entre 1970 et 2002, environ 16 milliards de francs ont
ainsi pu être économisés en frais de santé.11
• Les avantages économiques de la protection de l’environnement se manifestent
particulièrement dans l’exemple des décharges contaminées. L’assainissement
de quelque 4000 sites pollués coûtera près de cinq milliards de francs dans les
vingt-cinq prochaines années.12 Après sept ans d’exploitation, la décharge de
Kölliken a dû être refermée et, ultérieurement, assainie pour un coût de 100 millions de francs, auxquels s’ajouteront jusqu’en 2012 près de 450 millions de
francs pour la remise en état. Ce qui porte le coût de l’assainissement à quelque
1100 francs par tonne, soit bien davantage que si les déchets avaient été traités
correctement depuis le début.
9
Source: ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005).
10
LPE, art. 1.
11
ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005, section 7.3.2.).
12
OFEFP (2002).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
• Dans l’ensemble, il apparaît que la politique de l’environnement entraîne, dans
un premier temps, une hausse des dépenses à la charge des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics. Néanmoins, ces dépenses se révèlent le plus souvent payantes. Sans elles, les bases de la vie et les fondements économiques seraient largement détruits, ce qui renchérirait considérablement les mesures d’assainissement ultérieures.
Les mesures de protection de l’environnement encouragent l’innovation
Protection de l’environnement et innovation
Même si les interactions entre les mesures de protection de l’environnement et les
innovations sont particulièrement complexes et contestées, une chose au moins est
certaine : les mesures de protection de l’environnement encouragent les innovations
(nouvelles technologies, procédures et formes d’organisation). L’affirmation est
vraie notamment pour les instruments d’économie de marché (p.ex. taxes d’incitation) qui n’imposent aucune technologie particulière, mais qui créent des incitations
économiques propices à l’innovation. À l’inverse, les « mesures curatives » pures
(mesures end-of-pipe, comme les stations d’épuration) sont généralement peu productives et peuvent empêcher des investissements plus innovants et plus productifs.
Dans l’ensemble, les effets de l’innovation contribuent à la croissance économique.
À ce sujet, il est intéressant de se demander à quelles conditions les entreprises d’un
« pays progressiste » peuvent profiter d’un avantage technologique comparatif sur
les firmes concurrentes de pays étrangers moins en avance. Cet avantage est appelé
« first mover advantage » : quand un pays prend des mesures sévères de protection
de l’environnement, il peut en résulter des désavantages concurrentiels pour ses
entreprises. Si le pays progressiste est imité par d’autres, les entreprises du premier
pays peuvent faire fructifier leur expérience et exporter leurs technologies environnementales. Pour cela, il est impératif que l’économie soit capable d’innover dans le
secteur concerné et qu’elle puisse exporter ses biens ou ses services à des conditions
compétitives. Différentes études parviennent à la conclusion que le cadre en Suisse
est favorable. Il est toutefois difficile de savoir à l’avance si ces effets se produiront
dans la réalité.13
13
Voir ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005, section 4) ; KÄGI W., SIEGRIST S.,
SCHÄFLI M. (2005, section 3.2.2 s). Voir aussi JOCHIMSEN/KIRCHGÄSSNER (1995), et HÄBERLI R. et al.
(2002 S. 183) ainsi que WEDER R. (1999).
2 Coût et utilité de la protection de l’environnement pour l’économie nationale
17
3 … et pour les entreprises
Ce qui est bon pour l’économie nationale ne l’est pas nécessairement pour chaque
secteur et chaque entreprise. Comment se présentent les coûts et les avantages de la
protection de l’environnement pour les entreprises ?
La plupart du temps, les règles de la protection de l’environnement ne sont pas
le facteur décisif dans le choix du lieu d’implantation
Coûts de l’environnement
et choix du lieu
d’implantation
Les prescriptions et les taxes environnementales entraînent des coûts pour les
entreprises. Ces coûts influent sur le choix du lieu d’implantation des entreprises
étrangères et sur les prix à l’exportation des produits helvétiques. Dans quelle
mesure les coûts de la protection de l’environnement entrent-ils en ligne de compte
dans un contexte de concurrence internationale ?
De nombreuses études ont révélé que les mesures de protection de l’environnement
ne provoquent généralement qu’une très faible hausse des coûts de production en
comparaison d’autres catégories de coûts. Une quelconque influence des prescriptions environnementales sur les flux commerciaux n’a jamais pu être démontrée
jusqu’à présent.14 De même, une tendance à la délocalisation vers des pays où les
règles de protection de l’environnement sont moins strictes n’a pas pu être constatée
non plus. La raison tient au fait que la protection de l’environnement engendre des
coûts, certes, mais apporte aussi des avantages (innovations, nouveaux débouchés et
gain d’image comme l’ont prouvé les exemples de l’industrie alimentaire et de
l’industrie du tabac aux Pays-Bas15). Les conséquences des prescriptions environnementales sur la compétitivité des entreprises suisses ne doivent cependant jamais
être oubliées.
L’exemple de l’industrie chimique
Importance
de la comparaison avec
la concurrence directe
18
Le cas de l’industrie chimique a été examiné plus en détail, car elle est un exemple
de secteur où les coûts de la protection de l’environnement sont particulièrement
élevés (env. 2–3% des dépenses totales, voire env. 15% des investissements).16 Les
coûts ne sont toutefois intéressants que s’ils sont mis en regard avec les coûts des
entreprises concurrentes directes. En ce qui concerne la fabrication de produits
pharmaceutiques et de produits phytosanitaires, la plupart des firmes concurrentes
doivent respecter aujourd’hui des normes de protection de l’environnement similaires. La situation se présente différemment pour les fabricants de couleurs, où l’on
trouve également des entreprises concurrentes dans les pays émergents. Il apparaît
que les coûts salariaux et sociaux sont beaucoup plus importants que les coûts pour
la protection de l’environnement. Lors de décisions stratégiques, et notamment lors
du choix du lieu d’implantation, les coûts de l’environnement jouent tout au plus un
rôle secondaire. Enfin, il ne faut pas oublier que la pression sur les entreprises
n’émane pas seulement de l’État, mais aussi de groupes d’intérêt locaux (ou ayant
des ramifications avec des groupes d’intérêt internationaux). En conséquence, il
14
voir KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. (2005, section 4.3.3) et la bibliographie citée.
15
SANCHEZ T. (2000), cité dans KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. (2005, section 3.3.3).
16
KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. (2005, section 4.4.2).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
n’est pas rare que les multinationales adoptent des règles de protection de l’environnement plus sévères que les réglementations locales pour des questions d’image.
Secteurs avantagés
Le paysage, « matière
première » du tourisme
Potentiel d’économies
dans les entreprises
Le secteur de l’environnement au sens étroit (biens et services environnementaux,
voir chapitre 3) n’est pas le seul à profiter de la protection de l’environnement. Le
tourisme est un exemple de secteur où un environnement intact constitue la « matière première ». Dans l’ensemble, le tourisme profite indubitablement des mesures
progressistes de protection de l’environnement, même si, dans des cas isolés, des
restrictions locales à l’exploitation touristique nécessitent une pesée des intérêts.
Le constat est toujours le même : une meilleure gestion de l’énergie et de l’environnement dans une entreprise se traduit par une amélioration de l’exploitation. En
évitant de produire des déchets et de tourner à vide, les entreprises économisent des
coûts. On a calculé que le coût de mise en place d’un système de management
environnemental (ISO 14’000) est amorti après 2,2 ans en moyenne.17
Qualité de vie pour les collaborateurs qualifiés
La qualité de l’environnement accroît l’attrait de
la Suisse
Pour de nombreuses entreprises, notamment pour les sociétés de services dont les
activités sont à forte valeur ajoutée, la qualité de vie est un facteur important dans le
choix du lieu d’implantation. En effet, une qualité de vie élevée permet de trouver
plus facilement des collaborateurs qualifiés et motivés. La qualité de l’environnement en constitue un élément central, comme l’attestent plusieurs classements internationaux du niveau de vie.18
Intérêts des entreprises
Marge de manœuvre
et sécurité dans
la planification
des investissements
3 … et pour les entreprises
Les mesures de protection de l’environnement ne sont pas toutes jugées de la même
manière par les entreprises. Il est dans l’intérêt des entreprises que les mesures de
protection de l’environnement remplissent les conditions suivantes19 :
• Elles devraient laisser aux entreprises la liberté dans le choix des moyens : en
conséquence, les instruments d’économie de marché, comme les taxes d’incitation ou les certificats négociables, sont généralement préférables aux prescriptions et aux interdictions.
• Elles devraient être annoncées à l’avance et prévoir des périodes transitoires : il
est important que la politique de l’environnement soit prévisible et qu’elle
s’inscrive dans une perspective à long terme pour permettre aux entreprises
d’opérer les bons investissements et d’amortir les investissements déjà opérés.
• Elles devraient être élaborées en concertation avec les secteurs concernés : un
climat constructif permet souvent de dégager des solutions avantageuses tant
pour l’environnement que pour l’économie.
17
DYLLICK T., HAMSCHMIDT J.(2000, p. 79).
18
KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. (2005, section 4.4.2.).
19
Voir ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005, section 8.2).
19
• Le produit (p. ex. des taxes d’incitation) devrait être redistribué à l’économie
(comme dans le cas de la taxe sur le CO2 ; la charge fiscale ne doit pas s’accroître dans l’ensemble).
• Les mesures de protection de l’environnement ne devraient pas nuire à la compétitivité, ni créer des barrières commerciales.
• Elles devraient être coordonnées et harmonisées au niveau international.
• Les mesures d’exécution devraient être coordonnées pour éviter des distorsions
de concurrence entre cantons.
• La mise en œuvre devrait être organisée de manière efficace.
20
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
4 Mondialisation et politique
nationale de l’environnement
Aucune discrimination
commerciale sous
prétexte de la protection
de l’environnement
La politique nationale de l’environnement doit respecter les accords internationaux
auxquels la Suisse a adhéré. Entrent dans ce cadre en particulier les accords de
protection de l’environnement de l’ONU. Les solutions supranationales sont préférables quand les problèmes de pollution dépassent les frontières. Elles sont également accueillies favorablement par l’économie, dans la mesure où elles permettent
d’éviter des désavantages concurrentiels. Les solutions nationales sont possibles
notamment pour résoudre des problèmes environnementaux à l’échelon national
lorsqu’il n’en résulte aucun désavantage comparatif pour les producteurs nationaux,
ni aucun obstacle au commerce pour les exportateurs.20 S’agissant du commerce
extérieur, l’accord de l’OMC pose les limites suivantes :
• Les mesures de protection de l’environnement doivent être nécessaires et appropriées pour atteindre des objectifs importants de protection de l’environnement.
La mesure qui limite le moins les échanges doit être choisie.
• Les mesures ne doivent pas avoir pour but ou pour effet de favoriser, voire de
protéger les producteurs nationaux. Elles ne doivent pas non plus entraîner des
discriminations entre différents pays exportateurs.
• Les mesures qui servent à protéger l’environnement national et qui visent les
caractéristiques nocives d’un produit sont moins problématiques que les mesures
qui limitent les échanges indépendamment des propriétés du produit ou de son
mode de production et dont la portée dépasse par conséquent les frontières nationales.
• Le principe de la non-discrimination s’applique aussi aux subventions : les
entreprises étrangères doivent avoir les mêmes chances de percevoir des subventions que les entreprises nationales.
Il y a quelques années encore, la Suisse était considérée comme la championne
européenne de la protection de l’environnement, car les mesures de la protection de
l’environnement y étaient souvent prises plus tôt que dans les pays européens
voisins (exemples : pot catalytique, lessives sans phosphates). Aujourd’hui, l’UE est
réputée pour mener une politique de l’environnement progressiste. Il est de plus en
plus fréquent que la Suisse reprenne les réglementations en vigueur dans l’UE, ce
qui lui permet de profiter des premières expériences qui y ont été réalisées et de ne
pas instaurer inutilement un cadre juridique différent (p. ex. règles sur les gaz
d’échappement des automobiles). Vu la taille du marché intérieur de l’UE,
l’économie suisse tire profit de cette démarche.
20
Voir loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC).
4 Mondialisation et politique nationale de l’environnement
21
5 Principe de causalité :
des milliards de coûts
non couverts
Le principe de causalité est reconnu partout et il est inscrit dans la loi sur la protection de l’environnement.21 Dans une économie de marché, l’utilisation de l’environnement doit se voir attribuer un juste coût, car tout ce qui peut être obtenu à un
prix inférieur est utilisé au-delà du nécessaire.
Taxes
Coûts
Personnes concernées, impôts, générations futures
Taxes
Coûts
externes
Internalisation
(taxes, certificats, etc.)
Coûts de prévention/ d’assainissement
Taxe de
financement
Impôts
Frais
administratifs
Redevances ou
taxe de financement
Impôts
Subventions
Abolir, ou redevances, taxes
Élimination (État)
Redevances
Impôts
Taxes
Figure 2 :
Les trois niveaux du
Taxes
principe de causalité, ses
composantes de coûts et
Redevances
leur financement (sous
Impôts
une forme schématique,
Ménages,
entreprises
rapports de grandeur à
des fins illustratives
Financement selon
principe de causalité
Protection de l’environnement (particuliers)
Ménages,
entreprises
principe de causalité au sens large
Financement
aujourd’hui
au sens moyen
du principe de causalité
au sens étroit
Les trois niveaux
Le principe de causalité est défini en trois niveaux (voir aussi Figure 2) :
• Au sens étroit, le principe de causalité signifie que les coûts des mesures de
protection de l’environnement (p. ex. filtres, élimination des déchets) sont financés par les pollueurs et non par l’État et qu’ils ne bénéficient pas de subventions
directes.
• Dans un sens moyen, les coûts à la charge de l’État, en particulier les coûts destinés aux mesures de prévention, de contrôle, de réparation et d’assainissement
ainsi que les frais administratifs, sont également financés par les utilisateurs.
• Au sens large, le principe de causalité tient compte également des coûts indirects
des dommages à l’environnement, ou coûts externes.
seulement).
Un défaut de couverture
crée de fausses
incitations
22
• Les coûts non couverts révèlent l’étendue des dysfonctionnements du marché. Ils
se traduisent par des pertes de prospérité : tant que ces coûts ne sont pas financés
par les utilisateurs, les incitations pour les éviter ne sont pas efficaces, car ces
coûts sont pris en charge par les personnes touchées et la collectivité.
• Dans l’une des études thématiques22, les auteurs ont tenté, pour la première fois,
d’établir un bilan global pour la Suisse. Les bases de données disponibles étaient
toutefois encore en partie incomplètes (voir Tableau 2).
21
LPE, art. 2.
22
Voir OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
23
Tableau 2 : Vue d’ensemble des études disponibles sur les coûts externes en Suisse .
Domaines environnementaux/dommages
Industrie, artisanat, services
Infrastructures
xx
Embouteillages
xx
x
Autres domaines
Accidents
majeurs
Accidents
x
Bruit
x
Risques
Déchets
x
xx
Sol
xx
x
x
Énergie
Climat
Eau
x
Air
Nature et
paysage
x
Transports
Émissions
Eau
Matières
premières
Activités
Utilisateurs
Consommation de ressources
x
xx
xx
x
x
Ménages
Agriculture
x
x
x
xx : domaines bien couverts ; x : domaines couverts en partie ; champs tramés : lacunes dans la quantification des coûts externes ;
champs vides : domaines déjà pris en compte ailleurs (p. ex. la pollution de l’air par les ménages est contenue dans les domaines énergie
et transports).
État des connaissances
sur les coûts externes
Il ressort de l’évaluation des études disponibles que les coûts externes sont relativement bien quantifiés dans les deux domaines des transports et de l’énergie. Dans
le premier, les utilisateurs (transport de personnes/marchandises, route/rail) sont
connus et les coûts peuvent donc être attribués. Il n’en va pas de même dans le
second. Les données sont incomplètes dans les domaines des déchets, de la pollution des eaux et de la pollution du sol.
Tableau 3 : Évaluation des coûts environnementaux et taux de couverture en millions de francs
24
Données pour 2001 .
Dépenses
Ent./mén./agr.
(sans taxes)
Dépenses
Pouvoirs
pub.
Taxes
Financés
Par impôts
A
B
C
D=B–C
Protection des eaux
Coûts
externes
Min. E
Internalis
ation
Max. F
G
Défauts
de couverture
Min. H=D+E–G
Max. I=D+F–G
681
1’782
1’130
652
391
475
9
1’034
1’119
24
27
2
25
386
454
9
402
469
Déchets
530
1’500
1’081
418
0
0
0
418
418
Climat
460
117
9
107
2’495
6’769
413
2’189
6’463
1’361
117
14
103
3’260
7’230
519
2’844
6’814
41
536
23
512
998
1’568
138
1’372
1’942
335
443
128
315
1’323
3’526
221
1’417
3’620
0
63
11
52
0
0
0
52
52
3’432
4’583
2’400
2’184
8’853
20’022
1’308
9’729
20’898
Protection du sol
Protection de l’air
Protection contre le bruit
Nature et paysages
Recherche sur l’env.
Total
23
Source: OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005, tableau 1).
24
Source: OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005, tableau 2).
5 Principe de causalité : des milliards de coûts non couverts
23
Défaut de couverture
dans tous les secteurs
de l’environnement
24
Ces résultats peuvent être résumés comme suit :
• L’épuration des eaux et la gestion des déchets occasionnent les plus fortes dépenses à la charge des pouvoirs publics. Ces dépenses sont couvertes dans une
large mesure, quoique encore imparfaitement, par des taxes. Si les coûts externes
aujourd’hui connus (coûts indirects des atteintes à l’environnement) sont faibles,
ils n’ont pas encore été du tout étudiés dans de nombreux domaines (p. ex. nappe
phréatique).
• Près de la moitié des dépenses totales des entreprises, des ménages et de l’agriculture (à l’exclusion des taxes) est consacrée à la protection de l’air. Environ
40% des dépenses sont destinées à l’épuration des eaux et à la gestion des déchets.
• Dans les domaines du climat, de la protection de l’air, de la protection contre le
bruit et de la protection de la nature, des coûts externes importants subsistent
encore. Ils se présentent ainsi dans le détail :
– Pour le climat, les coûts externes proviennent notamment de la consommation
d’énergie.
– Dans la protection de l’air, les coûts externes comprennent surtout les coûts de
santé dus à la pollution de l’air occasionnée par le trafic et la consommation
d’énergie.
– Les coûts externes considérés dans la protection contre le bruit concernent
uniquement le trafic.
– Les coûts externes les plus importants dans la protection de la nature sont à
mettre sur le compte du trafic (atteinte à la beauté des paysages et réduction
des surfaces à disposition de la faune et de la flore) et de l’agriculture (destruction des ressources vitales : faune, flore, diversité des espèces).
– Le problème de la consommation croissante des ressources, celle du sol en
particulier, n’est examiné que ponctuellement dans les études sur les coûts externes.
• Les résultats révèlent que des défauts de couverture subsistent dans pratiquement tous les domaines
– Les pouvoirs publics dépensent environ 2,2 milliards de francs au titre de la
protection de l’environnement, sans aucune contribution en retour des utilisateurs.
– Selon les estimations actuelles, les coûts externes atteignent au moins 8,9 milliards de francs. De ce montant, seulement 1,3 milliard de francs sont internalisés, ce qui représente un défaut de couverture de 7,6 milliards de francs au
moins.
– Dans l’ensemble, les coûts environnementaux non couverts varient, selon
les estimations actuelles, entre 9,7 et 20,9 milliards de francs.
– Le principe de causalité n’est donc pas respecté. Les défauts de couverture les
plus importants sont enregistrés dans les domaines du climat, de la protection
de l’air et de la protection de la nature. Ce résultat s’explique par des coûts externes élevés dans ces domaines.
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
• Les coûts externes des risques majeurs (p. ex. centrales nucléaires, accidents
chimiques, biotechnologie) n’ont pas été pris en compte dans les estimations, car
les données disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions probantes. La
monétarisation de ces risques pose également des problèmes méthodologiques
encore non résolus.
Application systématique du principe de causalité
Progrès dans l’application
du principe de causalité
L’application systématique du principe de causalité pourrait passer par une attribution claire des droits de propriété ou par une nouvelle réglementation des régimes
institutionnels de ressources naturelles (voir encadré). L’approche classique repose
sur le prélèvement de taxes selon le principe de causalité. Il s’agit d’un domaine qui
a beaucoup progressé durant ces dernières années. Citons par exemple :25
• La redevance poids lourds liée aux prestations, prélevée depuis début 2001.
• La taxe d’incitation sur les COV (composés organiques volatils qui sont contenus p. ex. dans les couleurs et les vernis et qui participent au smog estival).
• La forte diminution des ressources fiscales utilisées pour l’épuration des eaux
(relèvement des taxes et application du principe de causalité ; plusieurs cantons
ont introduit également une redevance sur les eaux usées).
• La taxe poubelle.
• Les taxes d’élimination anticipée sur les piles et le verre.
Ces exemples nous enseignent deux choses. D’abord, que l’utilisation des instruments d’économie de marché a permis de résoudre des problèmes de financement.
Ensuite, que ces instruments ont créé des effets incitatifs perceptibles (p. ex. utilisation accrue de camions plus propres, hausse du taux de recyclage depuis
l’introduction de la taxe poubelle).
25
Voir également OFEFP (2002), MOHR A. (2004).
5 Principe de causalité : des milliards de coûts non couverts
25
Droits d’utilisation des ressources naturelles26
L’approche « attribution
des droits d’utilisation »
La protection de l’environnement ne se base pas que sur des taxes et des prescriptions.
Les conditions-cadre, l’attribution des droits de propriété attachés aux ressources naturelles et les institutions elles-mêmes (par ex. système juridique, régime politique) comptent
aussi. Ces réflexions ont donné naissance au concept des régimes institutionnels de ressources naturelles. Ce concept cherche, fondamentalement, à redéfinir les droits de propriété et d’utilisation attachés aux ressources naturelles et, par exemple, à fixer des
contingents maximaux d’utilisation. L’élément central de cette politique de ressources
naturelles repose ainsi sur des restrictions d’utilisation touchant les propriétaires dans le
but d’inciter ceux-ci à ne pas surexploiter les ressources naturelles.
Les possibilités de gestion écologique sur la base des régimes institutionnels de ressources naturelles ont encore été peu étudiées jusqu’à présent. Des possibilités d’application
sont concevables dans les domaines suivants :
Paysage : Introduction de titres de propriété expressément définis, mais actuellement
inexistants, sur le paysage (par ex. droits d’accès plus ou moins étroits à des sites naturels
pour les personnes en quête de détente, ne possédant aucun droit d’utilisation illimité sur
les parcelles de terres correspondantes). Ces titres de propriété réglementeraient les droits
et les devoirs découlant de l’utilisation et de la protection du paysage entre les différents
groupes. Étant donné qu’il manque encore un système réglementaire proprement dit, les
droits de disposition et d’utilisation conférés par la propriété tendent à l’emporter sur
l’intérêt public de la protection et du développement à long terme d’éléments du paysage
fractionnés entre plusieurs parcelles. La politique pourrait lancer un signal institutionnel
en modifiant les droits actuels de propriété et d’utilisation de manière à protéger les intérêts de la collectivité. Des instruments d’aménagement du territoire, des règles de gestion
et d’utilisation et des instruments d’économie de marché pourraient être mis en œuvre.
Eau : Octroi de concessions pour l’utilisation de l’eau contre le paiement d’une redevance
d’utilisation (taxe sur l’eau). Limitations de l’utilisation dans le sens d’un débit résiduel
minimal dans la production énergétique. Ces instruments sont courants depuis longtemps
et pourraient par conséquent éventuellement servir de modèles dans d’autres domaines.
Forêt : L’utilisation de la forêt est régie par des règles de droit public ou des règles de
droit privé. En Suisse, l’accès à la forêt est libre (open access). Par ailleurs, chacun a
également le droit d’y cueillir des baies et des champignons. La chasse est soumise à une
régale de l’État (propriété de l’État). L’utilisation du bois est directement liée à la propriété de la forêt et réservée au propriétaire. Les droits d’aliénation et de partage de la
forêt suisse ont été limités par des politiques publiques dans le but de permettre une exploitation et un entretien économiques de la forêt dans l’intérêt public.
Sol : Attribution claire de droits de la propriété, y compris limitations de l’utilisation du
sol dans l’intérêt général à l’encontre du propriétaire. Il est concevable de combiner cette
proposition avec une gestion des surfaces par le biais de certificats d’utilisation du sol.
Climat : Les mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto prévoient un système
d’échange des droits d’émission.
26
26
Sources: Vue d’ensemble chez OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005, section 5.1.4) Fondements chez KNOEPFEL P., KISSLING-NÄF I., VARONE F. (2001) ainsi que chez KISSLING-NÄF I., VARONE
F. (2000).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
6 Découplage : la croissance économique résout-elle ou aggrave-t-elle
les problèmes écologiques ?
Croissance zéro ou la croissance comme solution ?
Est-il possible de
concilier croissance
économique et diminution
de la pollution ?
• Pendant longtemps, on a cru que la croissance économique dégradait l’environnement, car à mesure que l’activité économique s’accélérait, les pressions sur
l’environnement augmentaient. C’est sur la base de cette conception qu’émergea, dans les années septante, l’exigence d’une « croissance zéro ». Plus tard apparut la thèse du « découplage » entre la croissance économique et la pollution
dans le but de parvenir à une croissance « qualitative » ou « durable ».
• L’argumentation contraire, qui consiste à admettre l’existence d’un découplage
automatique, suscite aussi de l’intérêt depuis les années nonante. Selon celle-ci,
la croissance économique aggraverait certes la pollution dans un premier temps,
mais à partir d’un certain seuil, l’accroissement de la prospérité permettrait de
disposer de plus d’argent et de savoir-faire pour réduire les atteintes à l’environnement.27 Une étude thématique a analysé ce qu’il en est exactement pour la
Suisse.28
Le découplage n’est que partiel –
et aucun renversement de tendance n’est en vue
Il ressort de la Tableau 4 que la pollution a effectivement diminué dans de nombreux domaines – diminution de polluants atmosphériques et amélioration de la
qualité de nombreux cours d’eau – malgré une progression du PIB (découplage
absolu). Dans d’autres, par contre, la pollution continue d’augmenter : à un rythme
légèrement inférieur à celui du PIB dans le cas des émissions de CO2 (découplage
relatif), à un rythme similaire pour la surface bâtie et même à un rythme supérieur
en ce qui concerne la consommation d’énergie brute et de matières plastiques.
Une analyse de la tendance dans l’étude thématique révèle que surtout dans les
domaines du climat, de la diversité des espèces et de la consommation de matériaux, aucun découplage automatique ne peut être attendu à l’avenir, alors que dans
d’autres (pollution de l’air), de nouveaux progrès sont en vue.
27
Cette hypothèse est également appelée « courbe environnementale de Kuznets », par analogie avec
la « courbe de Kuznets » qui affirme que la croissance économique favorise une répartition des revenus d’abord inégale, puis de plus en plus équitable.
28
BINSWANGER M., BELTRANI G., JOCHEM A., SCHELSKE O. (2005).
6 Découplage : la croissance économique résout-elle ou aggrave-t-elle les problèmes écologiques ?
27
29
Tableau 4 : Le découplage en Suisse (depuis 1970) .
Secteur de l’environnement
ou indicateur
Type*
Découplage relatif
(la pollution a moins augmenté que le PIB)
Découplage absolu
(la pollution a diminué depuis 1970)
P
P
P
Oui
Oui
Oui, sensiblement
Non
Non
Oui
P
P
P
P
S
S
S
S
Oui, sensiblement
Oui, sensiblement
Oui
Oui, sensiblement
Oui, sensiblement
Oui, sensiblement
Oui, mais les nuisances augmentent depuis 2001
Non
Oui
Oui
Moins fort qu’avec d’autres substances
Oui
Oui, sensiblement
Oui, sensiblement
Oui, mais les nuisances augmentent depuis 2001
Non
Consommation d’eau potable
D
Qualité de l’eau des lacs
S
Oui
Oui, sensible pour la plupart des lacs, moins
sensible pour d’autres (p. ex. lac de Sempach)
Oui
Oui, réductions mois fortes dans quelques lacs (p.
ex. lac de Sempach)
S
Oui, surtout si le PIB augmente
Faible
S
R
Oui
Oui
Oui
Oui
Secteur de l’environnement : climat
Émissions de CO2
Émissions de N2O
Émissions de CH4
Secteur de l’environnement : air
Émissions de CO
Émissions de SO2
Émissions de NOx
Émissions de COVNM
Nuisances par SO2
Nuisances par NO2
Nuisances par PM10
Nuisances par l’ozone
Secteur de l’environnement : eau
Qualité de l’eau des rivières
(exemplaire)
Émissions de DOB
Raccordement aux STEP
Secteur de l’environnement : consommation de matières, substances, déchets
Consommation de gravier
Consommation de ciment
Consommation de plastique
Taux de recyclage
D
D
D
R
Oui, pour cause de changement structurel
Oui, pour cause de changement structurel
Non
Oui
Réduction de consommation minime
Oui
Non
Oui
P
P
R
Non
Non
Oui
Non
Non
Oui
S
Sans intérêt
Aucun progrès entre 1980 et 1985
D
Non
Non
Secteur de l’environnement : énergie
Consommation d’énergie brute
Consommation d’énergie finale
Énergies renouvelables
Secteur de l’environnement : bruit
Pollution sonore due au trafic
routier
Nombre mouvements aériens
Secteur de l’environnement : sol, paysage, diversité biologique
Consommation de produits
phytosanitaires
D
Oui, mais l’efficacité des produits est plus forte et
non prouvée
Oui : phosphore et engrais potassiques
Non : consommation d’azote minéral
Oui, mais l’efficacité des produits est plus forte et
non prouvée
Oui : phosphore et engrais potassiques
Non : consommation d’azote minéral
Consommation d’engrais
D
Évolution de la surface bâtie
Modification des listes rouges
Surfaces protégées
S
Non
Non
I
Non
Non
R
(Oui), sans intérêt
Oui
* Type d’indicateur : Indicateur de poussée (D), de pression (P), d’état (S), d’impact (I) ou de réponse (R). Pour les indicateurs de réponse
« découplage : oui » signifie que l’indicateur de réponse a augmenté davantage que le PIB.
29
Source: adapté de: BINSWANGER M., BELTRANI G., JOCHEM A., SCHELSKE O. (2005, résumé, tableau
A).
28
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
Le découplage n’est pas automatique
Jeu de facteurs d’influenc
Une vaste étude de la littérature spécialisée30 montre clairement que le découplage
n’est pas automatique si les revenus augmentent, mais qu’il dépend plutôt de nombreux facteurs. Jouent par exemple un rôle :
• Le nombre d’habitants et l’évolution du mode de vie (demande de certains biens,
demande d’une amélioration de la qualité de l’environnement)
• L’existence de technologies et leur utilisation effective (progrès technique)
• La consommation d’énergie et de matériaux d’un secteur
• L’avènement d’une société de services (y compris le transfert de la production
agricole et de la production industrielle à l’étranger)
• L’évolution du niveau des prix (exemple : choc pétrolier)
Il apparaît ainsi que tant l’offre (production) que la demande (consommation) d’une
économie nationale sont importantes. Du côté de la production, la croissance n’entraîne pas nécessairement une utilisation plus intensive de l’environnement (c’est le
cas par exemple si la croissance est due à une hausse qualitative et non quantitative
des produits ou si la croissance concerne les services plutôt que les produits physiques). Du côté de la consommation, une augmentation des revenus tend à rendre les
consommateurs plus attentifs aux questions environnementales (demande de biens
environnementaux). Dans le même temps, pourtant, elle favorise aussi une consommation préjudiciable à l’environnement.
La Figure 3 montre, dans l’exemple de l’énergie, un modèle simplifié de décomposition des facteurs d’influence de la pollution.
Figure 3 :
Rejets de
polluants
Facteurs d’influence
de la pollution : exemple
=
Activités
x
Efficacité
énergétique
x
Facteurs
d’émission
de l’énergie.
L’augmentation des activités économiques, comme la construction, la production
industrielle ou le trafic, se traduit par un accroissement des émissions. Cet effet peut
être compensé, dans le meilleur des cas, par une amélioration de l’efficacité énergétique (p. ex. meilleure utilisation des capacités) et de l’efficacité technique.
Dans de nombreux domaines, la croissance économique a fait progresser la consommation ou la production à un point tel que le progrès technique n’a pas suffi
pour diminuer globalement la pollution (p. ex. émissions de CO2 du trafic individuel). En revanche, dans le domaine de la consommation d’énergie des ménages,
par exemple, il a été possible de réduire les émissions de CO2 bien que la surface
habitable ait augmenté. Dans certains secteurs, tant l’activité que les pressions
spécifiques sur l’environnement (p. ex. utilisation du sol par personne) ont augmenté (voir Figure 4).
30
Voir analyse littérature dans l’étude thématique citée ainsi que dans LIEB C. (2002) et LIEB C. (2005).
6 Découplage : la croissance économique résout-elle ou aggrave-t-elle les problèmes écologiques ?
29
Ménages
(1990-2000)
Émissions -3%
=
de CO2 en
baisse
Hausse de la
surface habix
table
+14%
Meilleurs
bâtiments
x
Amélioration
technique/combustibles -4%
Trafic
individuel
(1990-2000)
Émission +8%
=
de CO2 en
hausse
Hausse du
trafic
x
Route conx
serve part de
marché
+0%
Légère amélioration de la
technique -4%
Transport de
marchandises (route)
(1970-2000)
Émissions +21%
=
de NOX en
hausse
Hausse du
trafic
x
Route gagne
part de marché
x
Sensible amélioration de la
technique -73%
Utilisation
sol des
ménages
(1985-1997)
Utilisa- +28%
Hausse du nom= bre d’habitants
tion du sol
en hausse
+9%
x
Moins de
personnes par
ménage +8%
x
Hausse de la
surface par
ménage +8%
Consom- +21%
mation de maté- =
riaux en hausse
x sité construction x matériaux con-
Matériaux de
construction
(1985-2000)
Figure 4 :
Répartition des
+12%
+177%
Croissance
économique
+70%
-12%
+63%
Diminution inten-
Hausse intensité
économie -36%
struction
+12%
Des points de pourcentage positifs signifient une aggravation de la pollution, ou
une contribution du facteur considéré à l’aggravation de la pollution
facteurs de pollution
31
(exemples) .
Commentaire : Entre 1990 et 2000, les émissions de CO2 des ménages ont pu être abaissées de 3% (à 97%) par rapport à leur niveau de
1990, alors que la surface habitable a augmenté de 14% (à 114%) dans le même temps. L’effet de la croissance a pu être légèrement
surcompensé grâce à une amélioration des bâtiments (réduction de la consommation d’énergie spécifique de 12%, à 88%) et de la
32
technique (réduction des émissions de polluants par unité énergétique de 4%, à 96%). L’équation mathématique correcte est la
suivante : 97% = 114% x 88% x 96%.
L’étude thématique parvient à la conclusion que seule une politique de l’environnement ciblée, aussi favorable que possible à l’innovation, permet de réaliser un
découplage. Dans l’immense majorité des cas, le découplage ne se met ainsi pas en
place de lui-même, c’est-à-dire sans mesures de protection de l’environnement.
Consommation : le rôle des préférences pour les produits écologiques
Sur de nombreux marchés, les produits écologiques se taillent un succès de plus en
plus grand. La tendance est réjouissante par exemple sur le marché de l’électricité
(courant vert) ou sur celui des denrées alimentaires. En 2002, le chiffre d’affaires
des produits bio a dépassé la barre du milliard de francs, après une croissance de
13%.33
D’où la question suivante : la plus grande sensibilité des consommateurs aux problèmes écologiques peut-elle réaliser le découplage ?
31
Source: illustration propre ; exemples extraits de BINSWANGER M., BELTRANI G., JOCHEM A., SCHELSKE
O. (2005, chapitre 3).
32
Les signes de multiplication dans la figure doivent être compris de manière non pas « mathématique », mais symbolique.
33
30
Source: (Bio Suisse 2003).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
Parts de marché limitées
À en juger par les chiffres des ventes, le scepticisme est de mise. Après un démarrage spectaculaire, le courant vert ne représente que 4,6% de l’électricité consommée en Suisse34, tandis que la part de marché des produits bio atteint seulement 4%,
même si certains supposent qu’il existe encore un fort potentiel de croissance35. Sur
le marché automobile, la demande semble évoluer moins vers les économies de
carburant et la protection de l’air que vers davantage de confort, de sécurité et de
performance. Ainsi, depuis 1990, les véhicules automobiles pèsent toujours lourd et
les moteurs sont toujours plus puissants36.
Le bio ne profite pas
Pour la plupart des marchés, il paraît irréaliste de croire que les produits les plus
écologiques domineront un jour les marchés. Pourquoi ? Les consommateurs qui
achètent « écolo » le font certes pour de bonnes raisons, p.ex. pour manger plus
sainement, avoir meilleure conscience ou diminuer les coûts de carburant. Cependant les nombreux effets positifs d’une consommation écologiquement responsable
bénéficient aussi aux autres consommateurs. L’amélioration de la qualité de l’environnement – par exemple la diversité du paysage, un air pur ou la protection du
climat – profite aussi aux acheteurs de produits conventionnels. L’analyse coûtutilité à laquelle procèdent les consommateurs est par conséquent incomplète, car
ils n’incluent pas les effets bénéfiques extérieurs dans leur décision d’achat. Il est
par conséquent impératif d’internaliser les coûts externes de manière à ce qu’ils se
reflètent dans le prix des produits (voir chapitre « principe de causalité »). S’il est
important de sensibiliser les consommateurs, et les labels peuvent y apporter une
contribution précieuse, rien ne remplacera l’internalisation des coûts.
qu’aux consommateurs
de produits bio
34
Source: AEE (2004, p. 4).
35
Source: RICHTER, T. (2004, p. 19).
36
Source: NZZ ONLINE (13.12.2004).
6 Découplage : la croissance économique résout-elle ou aggrave-t-elle les problèmes écologiques ?
31
7 Les marchés financiers peuvent-ils
encourager la protection
de l’environnement ?
Une entreprise axe sa stratégie notamment sur les critères des marchés financiers et
des investisseurs dans le but de se procurer des capitaux et d’augmenter sa valeur en
Bourse. En étant actionnaires ou en intervenant sur les marchés financiers, les
investisseurs institutionnels (caisses de pensions p. ex.), les fonds de placement et
les conseillers en placement ont une influence sur les décisions des entreprises. La
Figure 5 présente une vue d’ensemble des jeux d’influence sur les marchés des
capitaux et des acteurs qui influent sur la politique des entreprises.
Environnement
Agences de
notation
Propriétaires / clients
Fiduciaires/ prestataires de services
Entreprises
(emprunteurs de crédits/capitaux)
Figure 5 :
Acteurs et leur influence
(=flèche) sur les marchés
Consultants
Gestionnaires de
fortune
Banques
Caisses de
pensions
(institutions de
prévoyance)
(Ré)assurances
Autorités de
surveillance
Médias
Fondations et autres investisseurs
institutionnels
Investisseurs
privés
Politique
Recherche
Assurés
Débat
public
Influence via placement de capitaux
Influence directe sur l‘environnement
Influence sur politique de l’entreprise
Influence via informations (sens large)
37
financiers .
Peuvent par exemple agir
Possibilités d’action dans
le secteur financier
• les compagnies d’assurance, en intégrant les risques écologiques dans la fixation
des primes des assurances choses et responsabilité civile ;
• les banques, en tenant compte des risques écologiques et de la durabilité des
projets et des entreprises auxquels elles octroient des crédits ;
• les banques, les compagnies d’assurance et les caisses de pensions, en réalisant
des placements écologiques et en exerçant leurs droits de vote aux assemblées
générales selon une stratégie comprenant également une dimension environnementale ;
37
Adapté de: BRUGGER E. A., GEELHAAR M., JABERG M., KNOEPFEL I., FURRER B. (2005, Figure dans
section 2.1.).
32
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
• les banques, en proposant activement des fonds de placement écologiquement
responsables (et en améliorant les systèmes d’information et de notation) ;
• les caisses de pensions et les fondations collectives, en proposant à leurs clients
des solutions de placement et de prévoyance écologiquement responsables et en
se profilant comme des partenaires soucieux de l’environnement.
Placements durables et rendements compétitifs38
Les entreprises qui adoptent un comportement particulièrement responsable du
point de vue écologique et social sont-elles récompensées à long terme ? Dans
l’affirmative, leurs actions devraient augmenter en Bourse plus fortement que la
moyenne à long terme. Ces réflexions ont donné naissance, durant ces dernières
années, à de nombreux fonds de placement qui investissent selon les critères du
développement durable. En d’autres termes, ils tiennent compte aussi des critères
environnementaux et sociaux à côté des perspectives de rendement économique.
Différentes études comparatives montrent que la performance enregistrée par ces
fonds durables (« sustainability funds »), au cours des dernières années, n’a été ni
significativement meilleure, ni significativement moins bonne que celle des fonds
traditionnels ; les cours d’actions des entreprises soucieuses d’environnement
tendent toutefois à moins fluctuer (risques), et les secteurs écologiquement plus
propres tendent dans l’ensemble à être plus rentables que d’autres.
La performance des fonds environnementaux s’explique peut-être par les coûts
liés à la mise à disposition de davantage d’informations et par les possibilités de
diversification restreintes. Si les dispositions environnementales et sociales devaient se durcir ou si la sensibilité écologique devait augmenter, les fonds environnementaux pourraient enregistrer de meilleures performances que les autres.
Il existe certes des obstacles et des limites
Les marchés financiers « pensent » à court terme. De bons résultats trimestriels
valent souvent encore plus que les améliorations, le plus souvent à long terme, dans
le domaine de l’environnement. Par ailleurs, il est très difficile d’évaluer l’engagement d’une entreprise en faveur de l’environnement, en particulier dans une perspective à long terme.
38
Source: BRUGGER E. A., GEELHAAR M., JABERG M., KNOEPFEL I., FURRER B. (2005, section 2.2)
7 Les marchés financiers peuvent-ils encourager la protection de l’environnement ?
33
Les prestataires de
services financiers
servent de trait d’union
entre les investisseurs et
les entreprises
D’une manière générale, il ne faut attendre aucun miracle écologique des marchés
financiers, car ils ne sont finalement que des courroies d’information entre les
investisseurs et les entreprises. Ces intermédiaires sont tributaires des conditionscadre économiques (perspectives de rendement). Les marchés financiers ne pourront jamais soutenir une entreprise non rentable à long terme, aussi respectueuse
soit-elle de l’environnement. Il appartient à la politique de l’environnement de
déterminer le niveau requis de protection de l’environnement. Les marchés financiers peuvent veiller, dans un cadre étroit mais néanmoins significatif et à condition
de disposer de bonnes informations, à ce que les avantages économiques à long
terme d’une stratégie d’entreprise écologique se reflètent également dans les cours
d’actions et dans les primes d’assurance.
… mais les possibilités d’influence s’accroissent
Plusieurs réalités, dont l’importance devrait aller croissant à l’avenir, jouent en
faveur d’une meilleure prise en compte de l’environnement par les marchés financiers :
Tendance à long terme
vers des marchés
financiers écologiquement
responsables
• Les entreprises sont obligées de mieux rendre compte de leurs activités.
• Les entreprises qui mettent en danger l’environnement risquent leur réputation
et, partant, leur valeur sur le marché.
• Les entreprises sont de plus en plus nombreuses dans le monde à appliquer les
principes de la gouvernance d’entreprise (corporate governance). Elles doivent, à
ce titre, s’occuper sérieusement des risques environnementaux et de leurs atteintes à l’environnement.
• Les entreprises sont obligées de se montrer innovantes sur des marchés concurrentiels. Dans de nombreux cas, les innovations contribuent aussi à améliorer la
protection de l’environnement.
• La société, mais aussi les compagnies d’assurance et les investisseurs institutionnels, prennent de plus en plus conscience des risques écologiques (climat,
sites contaminés).
Le fait que les banques, les compagnies d’assurance et les marchés boursiers s’intéressent aux risques écologiques n’est pas nouveau. L’influence que peuvent exercer
les actionnaires à travers leur droit de vote ne s’est guère manifestée jusqu’à présent. Dans tous les domaines d’influence, il existe encore des possibilités d’influence inexploitées.
34
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
8 Éléments d’une politique
de l’environnement efficace
Les différentes études thématiques présentent un certain nombre de pistes menant à
une politique de l’environnement efficace.
Respecter les principes fondamentaux
Objectifs à long terme,
mise en œuvre flexible
La politique de l’environnement doit s’inscrire dans la durée et ne doit pas varier
pour ne pas déstabiliser les entreprises. Elle devrait par conséquent reposer sur des
objectifs à long terme.
Les mesures de protection de l’environnement doivent être économiquement supportables. En d’autres termes, elles doivent accorder la plus grande marge de manœuvre possible aux entreprises dans le choix des moyens, être faciles à appliquer
pour les entreprises et leur laisser assez de temps pour amortir les investissements
déjà opérés ou planifier à temps les investissements nécessaires.
Les mesures d’exécution doivent être organisées et coordonnées de manière à
minimiser le plus possible les distorsions de concurrence entre les cantons. Enfin,
les mesures de protection de l’environnement doivent être en harmonie avec les
accords internationaux pour ne pas nuire aux entreprises exposées aux assauts de la
concurrence.
Découpler la croissance économique et la pollution
Viser à la fois la
croissance économique
et la diminution de la
pollution
La pollution ne doit pas seulement augmenter à un rythme plus lent que celui de la
croissance économique. Elle doit aussi reculer en chiffres absolus. Cet objectif de
découplage suppose que les émissions et la « consommation » d’environnement
diminuent durablement et que l’économie continue de croître sans être freinée.
Dans les secteurs de l’environnement influencés par la croissance, comme le climat,
la nature et le paysage et la consommation de matériaux, il faut adopter une politique de l’environnement efficace qui encourage le progrès technique et le changement structurel (y compris transfert modal dans les transports) de manière à surcompenser l’effet de la croissance. La consommation et la production ne doivent
pas être freinées, mais plutôt canalisées dans une direction respectueuse de l’environnement. Les mesures décrites ci-après, comme les instruments d’économie de
marché et l’encouragement de l’innovation, reposent entièrement sur ce principe.
Panoplie d’instruments : développer les instruments d’économie de marché
Rôle important des
incitations financières
En principe, la politique de l’environnement devrait accorder la plus grande marge
de manœuvre possible à l’économie. D’où la nécessité de continuer à appliquer une
panoplie d’instruments, dont les mesures d’économie de marché, qui devraient être
développées, car elles créent des incitations conformes aux principes de l’économie
de marché tout en protégeant efficacement l’environnement. Plusieurs exemples,
comme la redevance poids lourds liée aux prestations, la taxe sur les COV ou
diverses redevances cantonales sur les eaux usées, montrent que ces instruments
s’avèrent efficaces en pratique. Dans de nombreux domaines (produits toxiques p.
ex.), cependant, les prescriptions et les interdictions restent indispensables.
8 Éléments d’une politique de l’environnement efficace
35
Les mesures librement consenties, telles que les conventions sur les objectifs et les
accords sectoriels, peuvent se révéler judicieuses et efficaces dans des domaines
partiels à condition de prévoir aussi des sanctions. Elles nécessitent toutefois un
travail important de préparation (négociations) et leurs résultats laissent en partie à
désirer (exemple : abaissement de la consommation de carburant des voitures de
tourisme).
En particulier quand les problèmes de pollution dépassent les frontières, les accords
internationaux constituent le plus souvent un bon moyen d’arriver à une solution. Ils
empêchent de pénaliser économiquement des pays pionniers dans la protection de
l’environnement et peuvent favoriser les innovations en envoyant des signaux clairs
(exemple fameux : le Protocole de Montréal relatifs aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone a permis d’interdire les CFC39).
Tous les instruments doivent être conçus de la manière la plus simple et la plus
transparente possible. Ce principe se trouve souvent en contradiction avec le besoin
d’éviter des cas de rigueur au moyen de régimes d’exception et, ainsi, d’améliorer
l’acceptation de ces instruments.
Appliquer le principe de causalité
Réduire le défaut
de couverture
36
Le principe de causalité n’est pas encore respecté dans de nombreux domaines.
L’étude thématique qui lui est consacrée40 propose par conséquent une série de
mesures :
• Dans les domaines de la protection des eaux, de la protection du sol, de la gestion des déchets, de la protection de l’air et de la protection contre le bruit, les
mesures prises par l’État doivent être financées systématiquement selon le principe de causalité, par exemple par le prélèvement de taxes.
• Le coût accru des tâches de gestion, d’exécution, de contrôle et d’assainissement
pourrait également être financé par le prélèvement ou le relèvement de taxes (si
les coûts peuvent être attribués aux responsables) ou par des taxes de financement.
• Les coûts externes sont particulièrement élevés dans les domaines de la protection du climat, de la protection de l’air, de la protection contre le bruit et de la
nature et du paysage. Pour les internaliser, l’étude thématique propose
d’introduire les instruments suivants :
– Taxe sur le CO2 ou taxe sur les agents énergétiques non renouvelables
– Taxe sur le trafic individuel (péage routier)
– Certificats d’utilisation du sol
– S’il existe des projets concrets dans différents domaines (taxe sur le CO2),
dans d’autres, il faut préalablement examiner comment les instruments d’économie de marché pourraient être appliqués effectivement.
39
KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. (2005, section 4.2).
40
Voir OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. (2005).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
Politique technologique et de l’innovation
Instaurer un climat
propice à l’innovation
Le progrès technologique peut induire des améliorations aussi bien économiques
qu’écologiques. La course à l’innovation est toutefois parsemée d’obstacles, comme
la peur du risque ou le déficit d’information.41 L’État peut y remédier de plusieurs
façons :
• en encourageant les projets technologiques et les projets de recherche ;
• en fixant clairement les priorités pour favoriser la demande d’innovations écologiques (par exemple en annonçant longtemps à l’avance des objectifs environnementaux plus sévères) ;
• en encourageant le développement et la diffusion des innovations technologiques
(transfert de technologies, réseaux d’innovation, regroupement des compétences) ;
• en créant des marchés de pointe qui permettent de tester des produits innovants
(p. ex. appareils ménagers énergétiquement efficaces).
• La politique de l’innovation et la politique de l’environnement devraient par
conséquent davantage être définies l’une par rapport à l’autre de manière à pouvoir fixer des champs d’action, ce qui favoriserait les innovations à la fois économiques et écologiques.
Utiliser l’effet de levier des marchés financiers
Politique de placement,
transparence
et conditions-cadre
comme instruments
Selon l’étude thématique42, la Confédération peut utiliser l’effet de levier des marchés financiers en faveur de l’environnement de plusieurs façons :
• En tant qu’investisseur, elle peut s’engager pour une politique de placement
respectueuse de l’environnement.
• Elle peut également contribuer à améliorer la transparence des marchés financiers, par exemple en encourageant les entreprises à respecter des normes
d’information écologique et de rating écologique, en incitant les assurances à
instaurer des systèmes d’évaluation des risques ou en encourageant les caisses de
pensions à mieux rendre compte de leur politique de placement et de leur politique de droit de vote.
• En tant que législateur, elle peut enfin créer des incitations pour que le développement durable soit davantage pris en compte par les marchés financiers.
L’instauration de conditions-cadre permettant l’échange de droits d’émission de
CO2 fait également partie de cette politique.
41
Voir ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. (2005, section 8.2).
42
BRUGGER E. A., GEELHAAR M., JABERG M., KNOEPFEL I., FURRER B. (2005).
8 Éléments d’une politique de l’environnement efficace
37
Examiner régulièrement les effets de manière à les amplifier
Examiner le rapport
coût-efficacité
Dans quelques secteurs environnementaux, les effets des mesures de protection de
l’environnement sont bien documentés. D’autres secteurs (protection du paysage,
bruit, protection de la nature, diversité biologique) n’ont encore donné lieu à aucune
étude systématique d’efficacité. Il en va de même pour divers instruments (droit de
la responsabilité civile, conventions). Les effets, potentiellement nuisibles à
l’environnement, des nombreuses subventions ne sont pas analysés à fond. Les
études sur l’efficacité (des coûts) des mesures de protection de l’environnement
sont généralement inexistantes. Les auteurs de l’étude thématique43 proposent
d’évaluer systématiquement les principales mesures de protection de l’environnement. De telles évaluations sont prévues dans la Constitution fédérale (art. 170).
Elles ont fait leurs preuves pour accroître l’efficacité de la politique, par exemple
dans le domaine de l’énergie. Elles peuvent aussi servir à étudier et à optimiser les
conséquences économiques.
43
38
MAUCH C., BALTHASAR A. (2005).
Dimensions économiques de la politique de l’environnement
9 Perspectives :
l’écologie et l’économie
se conditionnent mutuellement
Préserver l’avantage de la
place économique Suisse
Contribution de la
politique économique
Contribution de la
politique de l’environnement
Toutes les études thématiques le montrent : l’environnement et l’économie sont
indissociables. Sans un environnement intact, la prospérité elle-même est menacée.
Dans une perspective à court terme, une pesée des intérêts intervient certes toujours,
et même à long terme, il n’est pas facile de déterminer le niveau optimal de protection de l’environnement. Il n’est pas possible non plus d’empêcher des coûts
d’adaptation dans certaines entreprises ou dans certains secteurs à la suite du changement structurel écologique. À long terme et dans une perspective macroéconomique, toutefois, personne ne conteste que l’avantage de la place économique
doit être préservé à un coût aussi minime que possible. Dans le domaine de la
protection de l’environnement, cela signifie qu’il faut prendre des mesures efficaces, de préférence préventives plutôt que curatives.
Autrement dit
• Une politique économique respectueuse de l’environnement implique
– de tenir compte davantage de l’environnement dans la politique technologique,
– de ne pas occulter les coûts environnementaux non couverts, mais de les imputer davantage à leurs responsables, ce qui diminue les coûts à la charge de la
collectivité et met les accents aux bons endroits,
– de créer, par la croissance économique, les moyens et les marges de manoeuvre nécessaires pour les ménages, les entreprises et les pouvoirs publiques
pour investir dans la protection de l’environnement.
• La politique de l’environnement peut contribuer à l’efficacité économique en
– préservant les bases naturelles de la vie et les ressources naturelles importantes,
– définissant des objectifs à long terme et des mesures prévisibles à l’avance,
– en développant les mesures d’économie de marché, en créant les incitations
nécessaires et en laissant aux consommateurs et aux entreprises la liberté des
moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs,
– en encourageant le développement et la diffusion des innovations de technologie environnementale,
– en privilégiant la conclusion d’accords internationaux quand les problèmes
écologiques dépassent les frontières et en tenant compte des accords commerciaux multilatéraux dans la politique nationale de l’environnement,
– en favorisant la prise en considération de l’environnement sur les marchés financiers et en contribuant ainsi à encourager l’innovation, à améliorer la réputation des marchés financiers et à mieux reconnaître les risques,
– en examinant systématiquement l’efficacité des mesures de protection de
l’environnement et en optimisant les mesures, sous un angle économique également.
9 Perspectives : l’écologie et l’économie se conditionnent mutuellement
39
Bibliographie
Études thématiques du projet « Environnement et économie »
BINSWANGER M., BELTRANI G., JOCHEM A., SCHELSKE O. 2005 : Wachstum und
Umweltbelastung: Findet eine Entkopplung statt? (Croissance et pollution: le
découplage est-il une réalité?). En allemand avec résumé en français. Étude
thématique 2 dans le cadre du projet « Environnement et économie » de l’OFEFP,
Berne.
BRUGGER E. A., GEELHAAR M., JABERG M., KNOEPFEL I., FURRER B. 2005 :
Finanzmärkte und Umwelt (Marchés financiers et environnement). En allemand
avec résumé en français. Étude thématique 4 dans le cadre du projet «
Environnement et économie » de l’OFEFP, Berne.
ITEN R., PETER M., WALZ R., MENEGALE S., BLUM M. 2005 : Auswirkungen des
Umweltschutzes auf BIP, Beschäftigung und Unternehmen (Conséquences de la
protection de l’environnement sur le PIB, l’emploi et les entreprises). En allemand
avec résumé en français. Étude thématique 1 dans le cadre du projet «
Environnement et économie » de l’OFEFP, Berne.
KÄGI W., SIEGRIST S., SCHÄFLI M. 2005 : Wettbewerb und Umweltpolitik in einer
globalisierten Wirtschaft (Compétitivité et politique de l’environnement dans une
économie mondialisée). En allemand avec résumé en français. Étude thématique 3
dans le cadre du projet « Environnement et économie » de l’OFEFP, Berne.
MAUCH C., BALTHASAR A. 2005 : Machbarkeitsstudie «Evaluation der bisherigen
Umweltpolitik» (Étude de faisabilité « Évaluation de la politique de
l’environnement menée jusqu’à présent »). En allemand avec résumé en français.
Étude thématique 6 dans le cadre du projet « Environnement et économie » de
l’OFEFP, Berne.
OTT W., BAUR M., ITEN R., VETTORI A. 2005 : Konsequente Umsetzung des
Verursacherprinzips (Application systématique du principe de causalité). En
allemand avec résumé en français. Étude thématique 5 dans le cadre du projet «
Environnement et économie » de l’OFEFP, Berne.
Bibliographie
41
Autres
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Energien in der Schweiz im Jahre 2003, Zürich.
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pour les médias, 25.3.2003, Frick.
DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’ÉCONOMIE 2002 : Le rapport sur la croissance.
Déterminants de la croissance économique de la Suisse et jalons pour une
politique économique axée sur la croissance. Grundlagen der Wirtschaftspolitik
Nr. 3D, Studienreihe des Staatsekretariats für Wirtschaft – Leistungsbereich
« Wirtschaftliche Grundlagen », Berne.
DYLLICK, T., HAMSCHMIDT J. 2000 : Wirksamkeit und Leistungen von
Umweltmanagementsystemen. Eine Untersuchung von ISO 14001-zertifizierten
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HÄBERLI R., GESSLER R., GROSSENBACHER-MANSUY W., LEHMANN POLLHEIMER D.
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