hitler, ce socialiste!

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http://www.quebecpresse.com/2010/06/hitler-ce-socialiste/
Évidemment que cela vous étonne, vu que l’on répète tous, sans vraiment y réfléchir, que régime nazi
(voire fasciste) ne peut être que d’extrême-droite ! Et je m’en confesse, j’ai eu aussi cette paresse
intellectuelle que d’associer Hitler avec la droite (aussi «
extrême » soit-elle)… alors que, vous
allez le voir, il n’y a pratiquement rien qui permette d’étayer cette thèse.
Laissons déjà effectivement, parler les principaux intéressés. Ainsi, en 1934, Adolf Hitler parlant à
Hermann Rauschning, soulignait bien les liens qui existaient entre le nazisme et le communisme :
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Ce n’est pas l’Allemagne qui va devenir bolchevique mais le bolchevisme qui se transformera en une
sorte de national-socialisme. En plus il y a plus de liens qui nous unissent au bolchevisme que
d’éléments qui nous en séparent. Il y a par-dessus tout, un vrai sentiment révolutionnaire, qui est
vivant partout en Russie sauf là où il y a des Juifs marxistes. J’ai toujours fait la part des choses, et
toujours enjoint que les anciens communistes soient admis dans le parti sans délai. Le petitbourgeois socialiste et le chef syndical ne feront jamais un national-socialiste, mais le militant
communiste, oui.
Dans « Mein Kampf » également, Hitler se déchaîna contre le capitalisme spéculatif et « la finance
internationale », influencé en cela par les cours de l’économiste allemand Gottfried Feder, qui
deviendra, un peu plus tard, membre influent du parti nazi :
A mes yeux, le mérite de Feder consistait en ceci, qu’avec une tranchante brutalité, il précisait le
double caractère du capital : spéculatif, et lié à l’économie populaire ; et qu’il mettait à nu sa
condition éternelle : l’intérêt. Ses déductions dans toutes les questions fondamentales, étaient
tellement justes que ceux qui, a priori, voulaient le critiquer, en contestaient moins l’exactitude
théorique qu’ils ne mettaient en doute la possibilité pratique de leur mise à exécution. Ainsi, ce qui,
aux yeux des autres, était un point faible dans l’enseignement de Feder, représentait à mes yeux sa
force.
Toujours dans « Mein Kampf », Hitler en ajoute une couche :
La lutte contre la finance internationale et le capital de prêt est devenu le point le plus important de la
lutte de la nation allemande pour son indépendance et sa liberté économique.
Joseph Goebbels, ministre de « l’éducation des peuples et de la propagande » du IIIe Reich, fidèle
parmi les fidèles d’Hitler, était également un anti-capitaliste convaincu, proche de l’aile communiste
du NSDAP incarnée par les frères Gregor et Otto Strasser. Goebbels, lui-même, parlait régulièrement
de « Bolchévisme National » lorsqu’il évoquait le positionnement du parti nazi.
Par contre, il est vrai qu’à partir de 1933, le NSDAP chercha à séduire les industriels et les milieux de
la droite-conservatrice. Mais en y regardant de plus près, cela correspond à un besoin vital d’argent
pour le parti d’Hitler, dont les caisses sont vides suite à l’élection législative de novembre 1932.
Cette élection fût également un cinglant échec pour le NSDAP, qui perdit deux millions de voix parrapport aux élections de juillet de la même année. Ceci obligera également le parti, à changer sa
stratégie afin de rassurer les milieux financiers et les grands patrons, qui avaient appelé pour les
élections à une union de toutes les forces nationalistes, excluant les nazis. Il faut dire qu’auparavant,
nazis et communistes s’étaient unis pour faire grève dans le service de tramway à Berlin et que les
thèmes martelés par le NSDAP durant les élections de l’automne, étaient anticapitalistes, populistes
et pro agrairiens… pas de quoi aller dans le sens du patronat.
Avec le recul, il apparaît clairement qu’il ne s’agissait que d’une autre manœuvre de séduction de la
part d'Hitler, puisque, une fois au pouvoir, il décida de nationaliser toutes les grandes entreprises et
les grandes industries allemandes.
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Entre 1908 et 1910, le jeune Adolf Hitler, fraîchement arrivé à Vienne, reste subjugué par les discours
de Karl Lueger, du Parti Chrétien-Social et maire de Vienne. Karl Lueger est un antisémite, mais
également un farouche adversaire du libéralisme économique. Hitler en fera, à plusieurs reprises, des
éloges dans son livre « Mein Kampf ».
Un autre homme politique autrichien, Georg Ritter von Schönerer, influença également Adolf Hitler.
Georg Ritter von Schönerer, autre antisémite notoire, faisait partie de cette mouvance pangermaniste,
très influente en Autriche au début du XXe siècle. La minorité autrichienne-allemande prenait
d’ailleurs, de plus en plus de place dans la société du pays, ce qui sera, un peu plus tard, l’un des
prétextes qu’utilisera Hitler pour annexer l’Autriche. Georg Ritter von Schönerer, démocrate-radical,
était également à l’origine de plusieurs importante réformes sociales dont : le droit de vote pour tous,
la réforme des salaires, la diminution du temps de travail et même le droit de grève ! (source : « Hitler
et la dictature allemande » par Karl Dietrich Bracher, 1969). Le genre de réformes défendues, dans
toute l’Europe, par les partis de gauche.
Durant l’été 1919, Adolf Hitler suivi un cours de l’économiste allemand Gottfried Feder. Son influence
fût telle, qu’il devint très vite son mentor et le théoricien économique du NSDAP. Gottfried Feder,
antisémite, est également un farouche opposant au capitalisme, vu que le but de celui-ci ne repose
que sur l’intérêt. En 1933, Feder publie « Kampf gegen die Hochfinanz » (« Combat contre la haute
finance »), que l’on peut difficilement classer dans un courant de droite ou d’économie libérale.
En octobre 1919, Adolf Hitler adhère au Parti des Travailleurs Allemands, Deutsche Arbeiterpartei
(DAP), séduit par Anton Drexler, l’un de ces fondateurs, qui lui avait remis une brochure dont il était
l’auteur, intitulé « Mon éveil politique ». Le DAP, créé la même année, était un parti d’influence
révolutionnaire antisémite, anti-occidental, anti-slave et… anti-capitaliste.
Du Parti des Travailleurs Allemands, le nom sera modifié en Parti National-Socialiste des
Travailleurs Allemands (NSDAP) suivant les recommandations d'Hitler lui-même en 1920. C’est un
peu plus tard, en avril 1921, qu’il prit la tête du NSDAP.
Il est à noter que le DAP/NSDAP fût fondé avec des socialistes révolutionnaires, principalement
Anton Drexler. Ce fait est rappelé par l’historien William Shirer dans « Le Troisième Reich, des
origines à la chute ».
Quelques mois avant le changement de nom du Parti des Travailleurs Allemands (DAP), Adolf Hitler
pésente lui-même un programme en 25 points, votés et approuvés devant une assemblée de 2,000
membres, le 24 février 1920 à Munich, dans la brasserie Hofbräuhaus.
Parmi ces 25 points, quelques intitulés que ne renieraient certainement pas, bien des partis de
gauche, encore aujourd’hui :
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7. Nous exigeons que l’État s’engage à procurer à tous les citoyens des moyens d’existence.
11. La suppression du revenu des oisifs et de ceux qui ont la vie facile, la suppression de
l’esclavage de l’intérêt.
13. Nous exigeons la nationalisation de toutes les entreprises appartenant aujourd’hui à des trusts.
14. Nous exigeons une participation aux bénéfices des grandes entreprises.
15. Nous exigeons une augmentation substantielle des pensions des retraités.
16. Nous exigeons la création et la protection d’une classe moyenne saine, la remise immédiate des
grands magasins à l’administration communale et leur location, à bas prix, aux petits commerçants.
La priorité doit être accordée aux petits commerçants et industriels pour toutes les livraisons à l’État,
aux Länder ou aux communes.
17. Nous exigeons une réforme agraire adaptée à nos besoins nationaux, la promulgation d’une loi
permettant l’expropriation, sans indemnité, de terrains à des fins d’utilité publique – la suppression
de l’imposition sur les terrains et l’arrêt de toute spéculation foncière.
20. L’extension de notre infrastructure scolaire doit permettre à tous les Allemands bien doués et
travailleurs l’accès à une éducation supérieure, et par là à des postes de direction. Les programmes de
tous les établissements d’enseignement doivent être adaptés aux exigences de la vie pratique.
L’esprit national doit être inculqué à l’école dès l’âge de raison (cours d’instruction civique). Nous
demandons que l’Etat couvre les frais de l’instruction supérieure des enfants particulièrement doués
de parents pauvres, quelle que soit la classe sociale ou la profession de ceux-ci.
21. L’État doit se préoccuper d’améliorer la santé publique par la protection de la mère et de l’enfant,
l’interdiction du travail de l’enfant, l’introduction de moyens propres à développer les aptitudes
physiques par l’obligation légale de pratiquer le sport et la gymnastique, et par un puissant soutien à
toutes les associations s’occupant de l’éducation physique de la jeunesse.
25. Pour mener tout cela à bien, nous demandons la création d’un pouvoir central puissant, l’autorité
absolue du parlement politique central sur l’ensemble du Reich et de ses organisations, ainsi que la
création de Chambres professionnelles et de bureaux municipaux chargés de la réalisation, dans les
différents Länder, des lois-cadre promulguées par le Reich.
Si vous trouvez encore, là-dedans, des idées de droite,
il est urgent pour vous de consulter !
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En 1928, afin de fédérer les travailleurs allemands autour du National-Socialisme, le syndicat NSBO
fût créé (Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation – NSBO ; Organisation des Cellules
d’Entreprises Nationales-Socialistes).
Évidemment, la NSBO était destinée à concurrencer les syndicats déjà présents dans les usines
allemandes et, en particulier, les syndicats chrétiens démocrates et marxistes. Cependant, bien des
sections du NSBO allaient au-delà du National-Socialisme en s’affichant National-Bolchéviques
(source : « La National-Bolchévisme en Allemagne 1919-1933″ par Louis Dupeux).
Parmi les « faits d’armes » du NSBO : l’utilisation de la violence armée pour protester contre les
réductions de salaire, le genre de « protestation » utilisée d’habitude par la gauche la plus radicale.
Mais je vous vois venir : « c’est bien beau de parler des nazis AVANT leur accession au pouvoir,
qu’en est-il de la situation une fois qu’ils mettent en place leurs politiques ? »
Il faut dire qu'Hitler et les Nationaux-Socialistes n’ont pas perdu de temps ! Sitôt arrivés au pouvoir,
les nazis déportèrent à Dachau des commerçants qui avaient osé augmenter leurs prix. Rien qu’à
Munich, 200 personnes furent arrêtées en 1933, tandis que leurs commerces furent scellés et barrés
d’un écriteau indiquant : « Magasin fermé sur ordre de la police pour cause d’augmentation des prix,
propriétaire en détention provisoire à Dachau ».
Les lois et les « recommandations » du pouvoir nazi, dissuada les entreprises allemandes à
rechercher le profit dans leurs activités. Aucune surprise jusque-là, puisqu’il s’agit, tout simplement,
de la base de la doctrine nazie inspirée par l’économiste Gottfried Feder.
Même la « libre entreprise » est un concept devenu désuet sous le IIIe Reich. Les entrepreneurs
allemands
sont
d’établissements »,
convertis
une
en
façon
Betriebsführer,
très
c’est-à-dire
bureaucratique
d’enlever
en
tout
vulgaires
esprit
« directeurs
d’initiative
et
d’entrepreneuriat. Ils ne pouvaient diriger leurs entreprises comme ils l’entendaient ; ils étaient tenus
d’obéir sans réserve aux ordres venus du Bureau Central d’Organisation de la Production, le
Reichswirtschaffsministerium, et des organismes qui lui étaient rattachés pour chaque branche et
pour chaque région. Même leurs salaires étaient fixés par l’état !
Ça ne vous fait pas penser au
mode de fonctionnement de la Russie soviétique, par hasard ?
Mais ce n’est pas tout ! L’état était chargé de fixer les prix, mais également les taux d’intérêt à verser,
ou à réclamer. Là aussi on reconnaît la « patte » de Feder.
Le gouvernement et la bureaucratie hitlérienne étaient également chargés de planifier la production
industrielle, mais aussi agricole et géraient jusqu’aux moyens et méthodes de production. En d’autres
termes, on est en pleine « planification » économique, tels que pratiqués dans les pays
collectivistes.
On est très loin du capitalisme et, encore plus, de l’économie de marché !
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En 1944, l’économiste autrichien Ludwig von Mises, écrivit dans son ouvrage « Omnipotent
Government, The Rise of the Total State and Total War », une réalité que les héritiers de Marx
n’assumeront jamais :
Huit des dix points (du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels) ont été exécutés par les
nazis avec un radicalisme qui aurait enchanté Marx. Seuls deux points n’ont pas encore été
complètement adoptés par les nazis, à savoir l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation
de la rente foncière aux dépenses de l’Etat (point n°1 du Manifeste) et l’abolition de l’héritage (point
n°3). Cependant, leurs méthodes de taxation, leur planisme agricole et leur politique concernant la
limitation des fermages VONT CHAQUE JOUR DANS LE SENS DU MARXISME.
Depuis la création du DAP, jusqu’à l’effondrement du IIIe Reich, le National-Socialisme trouva ses
racines dans un anti-capitalisme radical et systématique : nationalisations, étatisation de l’économie,
taxation imposante des produits financiers… Pour Ludwig von Mises, « Le marxisme et le national-
socialisme ont en commun leur opposition au libéralisme et le rejet de l’ordre social et du régime
capitaliste. LES DEUX VISENT UN REGIME SOCIALISTE ».
Voici bientôt quarante ans qu’un socialisme, qui s’affublait du préfixe décoratif de « national », a
mis un terme à la libre circulation en Europe. (Friedrich Hayek, prix Nobel d’économie en 1974)
Ces mêmes socialistes qui, aujourd’hui, lancent si facilement leurs reproches de fascisme feraient
bien d’être conscients qu’avec leur adoration de l’État universel, la référence permanente au collectif
et le mépris de la liberté individuelle, ils sont bien plus proches d’une vision fasciste du monde que
nous. Ce n’est pas un hasard si les hordes brunes se sont appelées les « nationaux-socialistes ».
(Christoph Blocher, homme politique suisse)
Je ne vais pas là, énoncer les causes de la montée du nazisme en Allemagne, le sujet est bien trop
vaste et même les historiens peinent à l’expliquer totalement. Mais la crise de 1929, l’inflation
galopante, la montée inexorable du chômage qui ont frappé l’Europe entière, se sont particulièrement
acharnés sur l’Allemagne, beaucoup plus que sur les autres pays du continent.
Ajoutez à cela, le paiement astronomique dû aux « dommages de guerre » (suites du Traité de
Versailles), que l’Allemagne est contrainte de payer et qui s’élèvent à 132 milliards de marks-or de
1921. Paiement que l’Allemagne est dans l’incapacité d’effectuer, ce qui conduira à des livraisons
« en nature » de produits et de marchandises, puis à l’occupation de la riche région industrielle de
la Ruhr en 1923 par les Français et les Belges, puis à un remboursement « rééchelonné » et diminué
suite au plan Young de 1929.
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Crise, humiliation suite au Traité de Versailles de 1919, économie allemande littéralement « à
terre »… facilite l’expression de tous les extrémismes. C’est alors la bataille de celui qui criera le plus
fort, de celui qui rassemblera le plus.
Mais c’est le petit peuple, le prolétariat, les ouvriers qu’il faut séduire. Car ce sont eux, d’abord, qui
sont touchés de plein fouet par la crise. Ce sont eux, qui se sont battus dans les tranchées entre 1914
et 1918 et qui subissent l’humiliation de la défaite. Alors trois courants collectivistes, étatistes et
démagogistes s’affrontent : les socialistes, les communistes et enfin, les nationaux-socialistes. Les
trois s’haïssent, il faut le dire… et même si l’on parle souvent des affrontements entre le NSDAP et les
communistes allemands, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi souvent des escarmouches entre
socialistes et communistes.
Oui, une certaine aristocratie sera séduite par le nazisme. Certains même auront des postes
importants dans le IIIe Reich, mais au-delà de politiques sociales dont ils ne se sentent pas concernés
au premier chef, c’est le nationalisme et surtout, le pangermanisme qui les attirent vers le NSDAP.
D’ailleurs, beaucoup d’entre-eux suivent plus un idéal de « Grande Allemagne » que le « petit
caporal » Hitler, dont ils finissent, tôt ou tard par se méfier. Sentiment qui sera d’ailleurs partagé.
Après, si vous trouvez encore que le régime nazi est plus proche de la droite que de la
gauche, il faudra maintenant apporter des arguments, et du solide !
Le Monde Diplomatique, mai 2005, texte de Götz Aly, "Ainsi Hitler acheta les Allemands". Götz Aly
est également l’auteur de «L’Etat du peuple de Hitler. Pillage, guerre raciale et socialisme
national» paru en 2005.
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