Le diagnostic sévère de la BAD sur les obstacles de la

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Le diagnostic sévère de la BAD sur les obstacles
de la croissance marocaine
Alors que le premier Millenium compact challenge prend fin cette année,
Abdelillah Benkirane lance avec le soutien de la BAD et du Millenium challenge
corporation un diagnostic de croissance du Maroc préalable aux travaux de
préparation du deuxième programme du MCC.
Ce rapport est le fruit d'une étude comparative des facteurs de production au Maroc
avec un panel de pays comparables (Tunisie, Chili, Indonésie, Roumanie, Malaisie et Turquie) sur une période longue allant de 1960 à 2012, fait en concertation avec
l'administration publique, les institutions bancaires, le secteur privé et des représentants
de la société civile.
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Le rapport ne ménage pas l'économie marocaine et identifie un déficit significatif de
productivité des facteurs et des risques microéconomiques liés à un environnement
réglementaire inefficace.
Ces deux contraintes majeures obèrent l'investissement et ainsi le développement.
Toutefois, les parties prenantes se sont toutes réjouies de la démarche positive
entreprise.
Mercredi en fin de journée, le chef du gouvernement a livré son propre diagnostic et les
priorités du gouvernement: corriger les déséquilibres macroéconomiques,
œuvrer à une amélioration du climat des affaires et établir une vraie justice sociale. I l n'a pas manqué de faire sourire l'audience en comparant le gouvernement au peintre
sur son escabeau, à la fois constamment dérangé par les passants, et à la fois requis de
terminer son travail. Mais grâce à Dieu, le peintre n'est pas encore tombé de son
perchoir. Des facteurs de production à faible rendement
La croissance marocaine qui repose sur une production concentrée sur quelques
secteurs fortement dépendants des marchés mondiaux- l'agriculture, les matières
premières et le tourisme - a été très volatile depuis 1960.
es secteurs à plus fort niveau de sophistication dans les branches des produits
L
industriels interchangeables ont relativement peu contribué à la croissance, ne
permettant pas de repousser les limites technologiques du pays.
La demande intérieure, tirée par l'abondance de liquidité bancaire, a été le moteur
de la croissance marocaine, et son expansion depuis le début des années 2000
explique les performances de l'économie.
La prépondérance des secteurs à faible valeur ajoutée tire sa cause de l'insuffisance
des rendements des facteurs de production.
epuis 2007, la productivité globale des facteurs de production est en baisse moyenne
D
de 0,26% par an. Par branche, les secteurs porteurs de l'économie comme l'industrie
extractives présentent une baisse constante de leur productivité depuis 10 ans. En
revanche, l'industrie mécanique, métallurgique et électrique à plus forte valeur ajoutée
présente une productivité en hausse.
La productivité du travail a augmenté à allure faible par rapport aux autres pays du
panel, malgré l'accumulation de capital humain au travers d'une plus forte scolarisation et
d'un taux en hausse de travailleurs diplômés.
Une croissance économique faible en emploi
Ces déficits structurels produisent une croissance peu génératrice d'emplois.
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Au cours de la période analysée (1996-2010), la relation entre la croissance et la
réduction du chômage n'est pas linéaire. Tout particulièrement, l'employabilité des jeunes
diplômés est relativement rigide à une croissance à la hausse. Cette rigidité est expliquée
par une prédominance des branches de l'agriculture (qui absorbe près de 40% des
emplois en 2011) et du commerce (13% des emplois), qui emploie pour l'essentiel une
main d'œuvre faiblement qualifiée.
elon les estimations du HCP reprise par le MCC, l'élasticité de l'emploi par rapport à la
S
croissance serait comprise entre 0,3 et 0,5 ce qui ne permet pas d'absorber le flux des
jeunes entrant sur le marché du travail. Conjuguée à la pression démographique et le
manque de qualification d'une partie des diplômés, cette caractéristique de l'offre de
travail constitue un obstacle majeur au développement.
Les limites du secteur privé
Les lacunes en terme de productivité contribuent également à une contraction du
secteur privé.
e rapport atteste d'un déclin de l'investissement privé qui, en 2012, représentait 44,6%
L
de l'investissement total comparé à 62,7 % en 2002.
L'investissement public représentait 22% en 2002. Aujourd'hui, la part du secteur public
dans la formation de capital est de 45%.
Le secteur privé ne joue donc pas suffisamment son rôle d'entraînement de
l'économie par accumulation de capital technologique.
a prépondérance des petites et moyennes entreprises - 95% du tissu productif, 50%
L
de l'investissement et de l'emploi - et celle du secteur informel, - 14,3% de la création de
richesse selon le HCP- sont les manifestations de la contraction du secteur privé. Ces
entités productives sont freinées dans leur développement et leur modernisation du fait
d'un accès difficile aux marchés des capitaux et d'une gestion archaïque de leurs
activités. Le rapport fait le constat que les petites entreprises ont tendance à rester
petites, et les grandes entreprises à demeurer grandes, entraînant l'absence des
entreprises de taille moyenne lesquelles sont porteuses d'innovation.
Les risques micro-économiques portés par l'insuffisance de la règle de droit
e système judiciaire marocain est considéré comme trop lourd et lent en matière
L
d'exécution des contrats, créant une incertitude juridique peu incitative pour le climat des
affaires. Le rapport salue la réforme apportée par la loi de 2008 sur la médiation,
toutefois le recours à l'arbitrage en matière commerciale n'a pas encore rencontré le
succès escompté. Il reconnaît que des réformes de modernisation des codes législatifs et
de l'appareil judiciaire ont été engagées, dont l'adoption de la charte de la réforme de la
justice en 2013 représente une avancée considérable.
Toutefois, si le rapport rappelle les bilans accablant établis par les organisations
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internationales en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption, cela ne
constituerait pas un frein majeur au développement de l'investissement au Maroc, car les
entreprises ne subiraient pas un surcoût important lié à ces distorsions de marché.
Le système fiscal est relativement incitatif à l'investissement. Toutefois, le poids de la
fiscalité ne pèse pas équitablement sur l'ensemble des agents économiques, créant de
fortes distorsions fiscales.
La forte pression fiscale qui s'abat sur une assiette trop réduite contribue à une
inefficience de l'impôt et à la stabilité du secteur informel.
nfin, l'accès au foncier est considéré comme une contrainte majeure à
E
l'investissement, surtout pour les grandes entreprises. L'offre de terrains dans les régions
attractives à l'investissement est insuffisante. La création des zones industrielles y a
remédié dans une certaine mesure mais des contraintes d'ordre urbanistique et
d'infrastructure demeurent. La complexité des régimes d'acquisition foncière est identifiée
comme un obstacle pour les agents qui expriment le besoin d'acquérir, la propriété
pouvant servir de garantie à un prêt bancaire.
L'insuffisance de foncier s'exprime également en zones agricoles, manifestée par un
grand morcellement des parcelles. La contrainte portée sur la taille des parcelles entraîne
un rendement des terres limité, surtout dans les cultures vivrières (céréales) dominées
par l'agriculture artisanale.
'insécurité foncière en milieu agricole - liée à la taille des parcelles, au régime
L
d'indivision, et l'absence d'immatriculation - freine l'accès au crédit et donc
l'investissement, à même d'augmenter les rendements agricoles.
L'accès au financement: une contrainte non majeure à la croissance
'accès au financement - évalué en fonction du taux d'intérêt réel, la durée du crédit et
L
les collatéraux exigés - devient une contrainte à la croissance lorsque son coût est
supérieur aux rendements attendus de l'investissement. Dans le cas du Maroc, le
diagnostic a révélé que l'accès au marché des capitaux n'était pas une contrainte
majeure pour le développement de l'économie. Le secteur bancaire s'est développé de
façon satisfaisante par rapport aux pays comparateurs, et se place même en tête du
panel sur le classement des libertés financières.
Toutefois si l'on suit le diagnostic du MCC, l'accès au financement est globalement
satisfaisant au Maroc, parce que les rendements espérés des capitaux sont encore trop
faibles, n'incitant pas à l'épargne et à l'investissement. Le diagnostic du marché des capitaux marocain relève :
- Entre 2011 et 2012, lle besoin de financement s'est accéléré et a atteint une moyenne
annuelle 6,6 % du PIB (2008-2012).
- L'épargne nationale est stable en proportion du PIB (24 %) mais insuffisante pour
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satisfaire les besoins de financement malgré les transferts de revenus des migrants qui
représentent en moyenne 7 % du PIB.
- L'endettement sur le marché domestique couvre la plus grande partie des besoins du
secteur public entre 2000 et 2012.
- Entre 2000 et 2012, la croissance spectaculaire du crédit bancaire a permis de
satisfaire les besoins du secteur privé. Si le marché classique des capitaux reste peu
développé, la microfinance a connu un développement spectaculaire au Maroc entre
2000 et 2012, et ses clients représentent 40% des clients du monde arabe.
- Le coût du financement des investissements du secteur privé demeure élevé. Le taux
d'intérêt réel débiteur a significativement diminué mais reste supérieur à ceux des pays
comparables. De plus, la valeur des garanties sur les prêts est parmi les plus élevées des
pays à revenu intermédiaire.
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