prise en charge «moderne» de l`arret cardiaque

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Urgences 637
PRISE EN CHARGE «MODERNE»
DE L’ARRET CARDIAQUE
P. Plaisance, C. Soleil, Département d’Anesthésie-Réanimation-S.M.U.R., Hôpital
Lariboisière, 2, rue Ambroise Paré, 75010 Paris.
INTRODUCTION
Le pronostic des arrêts cardiaques reste désastreux. L’American Heart Association
(AHA) et l’European Resuscitation Council (ERC) [1] ont donc récemment recommandé l’utilisation de nouvelles techniques et de nouvelles approches thérapeutiques
pour la réalisation de la réanimation cardiopulmonaire (RCP) afin d’en améliorer l’efficacité.
1. BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES DU MASSAGE CARDIAQUE EXTERNE
Le massage cardiaque externe, développé en 1960 par Kouwenhoven [2], reste peu
efficace. En effet, les débits sanguins myocardique et cérébral obtenus par la compression sternale ne dépassent pas respectivement 10 % et 30 % des valeurs normales [3]. Il
est important de comprendre le rôle du massage cardiaque externe dans l’induction
d’une circulation sanguine.
Lors d’une RCP classique, lorsque la cage thoracique est comprimée, la pression
positive intra-thoracique ainsi créée éjecte un volume de sang antérograde vers les
organes vitaux. Suivant la taille et la morphologie du thorax, la compression sternale
peut provoquer, chez certains patients, une compression cardiaque directe, produisant
ainsi un débit cardiaque. En revanche, l’augmentation identique des pressions auriculaire droite et aortique pendant cette phase s’oppose au maintien du débit coronaire qui
devient, chez l’animal, inférieur à 5 % des valeurs normales.
Pendant la phase de décompression (ou de relaxation) un certain volume sanguin
est alors aspiré vers le cœur pour être éjecté lors de la compression suivante. La perfusion myocardique se fait préférentiellement pendant cette décompression. Le gradient
de pression entre la pression diastolique de l’aorte ascendante et la pression auriculaire
droite (pression de perfusion coronaire) semble être un des paramètres critiques de la
réanimation. Lorsque ce gradient de pression est important, la pression de perfusion
coronarienne est élevée et le débit sanguin myocardique est augmenté.
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2. MODIFICATIONS RECENTES DE LA RCP DE BASE
La RCP de base réalise les gestes élémentaires de survie. Elle prend en compte une
série de séquences qui doivent s’enchaîner très rapidement. On considère en effet que
la survie des patients diminue chaque minute de 7 à 10 % [4]. L’AHA et l’ERC ont
donc modifié leurs recommandations dans ce sens.
2.1. MISE EN CAUSE DE LA RECHERCHE DU POULS CAROTIDIEN
La recherche du pouls carotidien par des témoins ou par du personnel paramédical
non entraîné n’est plus recommandée. La spécificité de ce geste n’est que de 90 %
(capacité de reconnaître l’absence de pouls carotidien chez des patients en arrêt cardiaque) et sa sensibilité de 55 % (capacité de percevoir un pouls carotidien chez des patients
qui ne sont pas en arrêt cardiaque). La fiabilité de ce geste n’est donc que de 65 % [5].
Un arrêt cardiaque doit donc être suspecté et sa réanimation débutée pour toute victime
retrouvée inconsciente et ne respirant plus.
2.2. LE MASSAGE CARDIAQUE EXTERNE PRIME SUR LA VENTILATION
Il est reconnu que la ventilation au bouche-à-bouche ou au ballon-masque est difficile à effectuer (fuites autour du masque, hypoventilation) et peut provoquer un certain
nombre de complications avant intubation (dilatation gastrique, inhalation). De plus, il
a été démontré chez l’animal que, selon la théorie de la pompe thoracique, le massage
cardiaque externe induisait certes une vidange et un remplissage des cavités cardiaques
mais également une ventilation qui maintenait l’oxygénation pendant les 5 premières
minutes. De plus, la survie des animaux est plus élevée quand l’animal est massé sans
ventilation associée que quand il est massé avec une ventilation mal effectuée. Le rapport du nombre de ventilations sur le nombre de compressions, est dorénavant de
2 ventilations pour 15 compressions avant intubation, que l’on soit un ou deux secouristes. Après intubation, le patient est massé et ventilé en mode asynchrone, le rapport
ventilation/compression étant d’1 ventilation pour 5 compressions.
2.3. NOUVELLES TECHNIQUES DE MASSAGE CARDIAQUE EXTERNE
2.3.1. COMPRESSION THORACO-ABDOMINALE ALTERNEE
La compression thoraco-abdominale alternée améliore les paramètres hémodynamiques aussi bien chez l’animal que chez l’homme en arrêt cardiaque. En alternant les
compressions thoraciques et abdominales, le retour veineux vers le cœur et son
remplissage sont augmentés lors de la phase de décompression thoracique et de
compression abdominale. Il est difficile de montrer que cette technique a un impact
important sur la survie des patients en arrêt cardiaque. Tandis que deux études intrahospitalières [6, 7] faites dans le même centre d’investigation montraient qu’il y avait
un bénéfice significatif sur la survie, une étude extra-hospitalière [8] montrait un taux
de survie inférieur à celui observé après massage cardiaque standard. De plus, la compression thoraco-abdominale alternée peut avoir un impact négatif sur la pression de
perfusion coronaire si les mouvements thoraciques et abdominaux ne sont pas synchrones. La contre-pression abdominale doit être réalisée en fin de compression, après
une pause, afin de permettre la relaxation complète de la paroi thoracique. Cette technique est recommandée seulement dans le contexte intra-hospitalier et avec des équipes
bien entraînées.
2.3.2. VESTE PNEUMATIQUE CIRCONFERENTIELLE
Cette veste pneumatique est rapidement disposée autour du thorax du patient en
arrêt cardiaque. Son emploi permet d’augmenter uniformément les pressions intrathoraciques pendant la réanimation d’un arrêt cardiaque [9]. La pression de perfusion
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cérébrale est alors améliorée pendant la compression. Des études hémodynamiques ont
montré que la pression de perfusion coronaire est également améliorée par cette méthode, comparée à une réanimation standard. Aucune étude sur la survie n’a été publiée.
De nouveaux modèles, plus légers et moins coûteux, permettent maintenant de ventiler
et de défibriller les patients. Cette technique est recommandée en alternative au massage cardiaque externe standard dans le seul contexte intra-hospitalier.
2.3.3. COMPRESSION-DECOMPRESSION ACTIVE
La réanimation de l’arrêt circulatoire par la compression-décompression active
(CDA) est réalisée au moyen d’une ventouse appliquée sur le sternum. Un dynamomètre et un métronome sont incorporés dans la poignée de l’appareil. Ils permettent de
surveiller l’amplitude des forces de compression et de décompression qui sont appliquées ainsi que la fréquence de massage. La CDA transforme la cage thoracique en un
véritable soufflet. Lorsque la paroi thoracique antérieure est activement soulevée par la
ventouse à chaque décompression, une dépression thoracique est créée et le retour
veineux comme l’entrée de gaz frais vers les poumons sont augmentés. Des études
faîtes chez l’animal ont montré que la CDA améliorait les pressions de perfusion cérébrale et myocardique ainsi que le volume d’air inspiré par minute de près de 50 % par
rapport à une réanimation cardiopulmonaire standard [10].
Une étude française a montré une amélioration de la survie à 1 an des patients ayant
bénéficié de la CDA, supérieure au double de la survie à 1 an des patients réanimés de
façon classique (5 % vs 2 %) [11]. La CDA est recommandée par l’AHA et l’ERC dans
la réanimation de l’arrêt cardiaque aussi bien en extra qu’en intrahospitalier.
2.3.3. VALVE D’IMPEDANCE INSPIRATOIRE
Cette petite valve à la dimension d’un filtre antibactérien, est un dispositif à usage
unique que l’on place entre la sonde d’intubation ou le masque facial et le ballon autoremplisseur. Elle empêche le mélange air-oxygène de pénétrer dans les poumons lorsque
la pression intra-thoracique devient inférieure à la pression atmosphérique, soit en fin
de décompression lorsque le patient n’est pas ventilé. Par contre, elle n’oppose aucune
résistance ni à l’insufflation active, ni à l’expiration passive. Cette valve, associée à la
CDA, permet de créer une dépression intra-thoracique supplémentaire et d’augmenter
nettement le retour veineux ainsi que le volume de sang éjecté lors des systoles suivantes [12]. Cette association est recommandée par l’AHA et l’ERC en alternative à la
réanimation cardio-pulmonaire standard.
3. DEVELOPPEMENT DE LA DEFIBRILLATION SEMI-AUTOMATIQUE
2 morts subites sur 3 sont dues, dans les pays industrialisés, à des troubles du
rythme d’origine ventriculaire. Une défibrillation précoce, c’est-à-dire dans les 5 premières minutes après l’alerte, doit être l’objectif recherché. Grâce à l’emploi de
défibrillateurs semi-automatiques, des taux de survie extraordinaires proches de 49 %
ont pu être atteints sur certains sites, soit deux fois supérieurs aux taux de survie obtenus par les systèmes d’aide médicale urgente les plus performants.
Les défibrillateurs semi-automatiques sont des appareils sophistiqués qui analysent
le tracé électrique du cœur et détectent une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie
ventriculaire. Ils conseillent alors l’administration d’un choc électrique externe et le
délivrent après validation par le secouriste. Ils se chargent automatiquement à une énergie pré-programmée puis choquent. Leur fiabilité est proche de 99 %. Ces appareils,
n’ayant pour la plupart pas d’écran, ne permettent pas l’analyse d’un rythme cardiaque.
Pouvant être utilisés par des personnes n’ayant pas reçu de formation médicale, la défi-
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brillation peut donc être délivrée beaucoup plus précocement, avant l’arrivée d’un
médecin. En France, le décret du 27 mars 1999 précise le cahier des charges des défibrillateurs, désigne les personnes habilitées à mettre en œuvre la défibrillation
semi-automatique (infirmier, kinésithérapeute…) et définit les conditions de formation
à cette technique et les modalités du contrôle médical.
4. PRISE EN CHARGE MEDICALISEE DE L’ARRET CARDIAQUE
4.1. TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX
4.1.1. MEDICAMENTS VASO-ACTIFS : ADRENALINE ET VASOPRESSINE
La recherche de nouvelles drogues efficaces dans l’arrêt cardiorespiratoire connaît
actuellement un regain d’intérêt.
La vasopressine a déjà été étudiée chez l’animal et chez l’homme. Cette une hormone peptidique anti-diurétique, qui possède, à des doses très élevées, une action
vasoconstrictrice périphérique de type non-adrénergique. Sa demi-vie est de l’ordre de
10 à 20 minutes, supérieure à celle de l’adrénaline. Ce médicament n’est pas actuellement disponible en France.
Plusieurs études animales et quelques études cliniques suggèrent que l’administration de vasopressine au cours de l’arrêt cardiaque permet une meilleure perfusion des
organes vitaux, notamment myocardique et cérébral que lors de l’administration d’adrénaline seule. De plus, la vasopressine a une durée d’action plus longue que l’adrénaline
et ses récepteurs sont plus résistants à l’acidose que les récepteurs adrénergiques. La
vasopressine aurait donc un intérêt particulier dans l’arrêt cardiaque réfractaire à l’adrénaline [13, 14]. L’AHA et l’ERC la recommandent actuellement dans cette indication,
à la posologie de 40 UI administrée en un bolus intra-veineux.
4.1.2. ANTI-ARYTHMIQUES
Une étude préhospitalière Nord-Américaine [15] a comparé l’efficacité de l’amiodarone en dose unique à un placebo sur les arrêts cardiaques en fibrillation ventriculaire,
réfractaires à 3 chocs électriques externes et a montré une augmentation significative
du nombre de patients admis vivants à l’hôpital (39 % des patients comparés à 34 %
des patients traités par un placebo). Pour des raisons historiques, des séries de cas cliniques montrant un bénéfice thérapeutique, la lidocaïne reste une alternative thérapeutique
dans cette indication. Contrairement à l’amiodarone, la lidocaïne, en l’absence d’abord
veineux, peut être administrée en intra-trachéal à la dose de 1,5 mg.kg-1.
Pour toutes ces raisons, l’AHA et l’ERC recommandent de traiter les fibrillations
ventriculaires ou les tachycardies ventriculaires réfractaires à 3 chocs électriques consécutifs et à l’adrénaline par l’amiodarone. Elle est administrée par voie intraveineuse
en bolus de 300 mg dilués dans 20 à 30 mL de sérum salé isotonique. Des doses de
150 mg peuvent être répétées, suivies d’une perfusion à la vitesse de 1mg.min-1 pendant 6 heures.
CONCLUSION
De nouvelles approches technologiques et médicamenteuses ont été développées
ces dix dernières années. Les récents succès de la défibrillation semi-automatique ont
redonné de l’intérêt à la prise en charge extra-hospitalière des arrêts cardiaques. La
priorité donnée à la défibrillation semi-automatique, le développement de nouvelles
techniques de réanimation et de nouvelles technologies maintenant recommandées par
l’AHA et l’ERC, l’utilisation de nouvelles thérapeutiques doivent pouvoir améliorer le
pronostic des centaines de milliers de cas de mort subite réanimés chaque année.
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