Les unités élémentaires des réseaux
Pratiquement et théoriquement, l’analyse des réseaux sociaux
nécessite une définition préalable des unités élémentaires
observées. Alexis Ferrand [1997] formule une hypothèse : les
propriétés structurales majeures d’un réseau existent à l’échelon
d’un sous-ensemble typique, dont la répétition forme la totalité
du réseau. Selon lui, « le réseau n’a pas d’autre échelon structural
pertinent que celui-ci » (p. 42). La question est alors de savoir à
quelle « échelle » ces relations doivent être observées, quelle est
la taille de « l’échelon structural pertinent ».
Michel Forsé [2002] rappelle que pour Georg Simmel, « la
forme sociologique la plus simple du point de vue méthodolo-
gique est la relation entre deux éléments » [Simmel, 1908b,
p. 116]. Cette relation entre deux éléments, appelée « dyade »,
est considérée par certains comme l’unité relationnelle élémen-
taire [Homans, 1961]. Pourtant, selon Michel Forsé, la dyade
présente un caractère spécifique, qui interdit d’en faire
l’« atome » de l’analyse des réseaux sociaux, dans la mesure où
«elle dépend de la pure individualité de chacun de ses
membres » : autrement dit, si l’un ou l’autre des individus qui
la composent disparaît, la relation entre eux disparaît, ce qui
signifie que cette relation reste fondamentalement marquée par
ce que Simmel appelle « le caractère intime des relations à
deux ». Par conséquent, la dyade ne saurait constituer une unité
logiquement et sociologiquement supérieure à ses éléments indi-
viduels : elle reste le lieu d’une relation dont aucune relation
n’est le témoin. On peut invoquer ici la définition que Siegfried
Nadel [1957], fortement inspiré par le travail de Barnes [1954],
donne de la notion de réseau : « Par le terme de réseau je ne veux
pas seulement indiquer les “liens” entre les personnes ; le terme
de relation suffit à cela. Je veux plutôt indiquer qu’il y a liaison
entre les liens eux-mêmes, ce qui a pour conséquence que ce
qui arrive, pour ainsi dire, entre une paire de “nœuds” ne peut
manquer d’affecter ce qui arrive entre une paire adjacente. » Or
la dyade constitue une échelle d’observation qui rend impos-
sible l’analyse des relations entre relations, de la façon dont une
relation entre deux individus influence la relation de ces indi-
vidus avec un troisième individu. Dès lors, la dyade, pas plus que
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